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Mo Yan 莫言
Présentation
par Brigitte Duzan, 06 juin 2010,
actualisé 16 mai 2024
Celui qui était
encore Guan Moye (管谟业)
est né en février 1955
à Gaomi (高密),
à l’est de la province du Shandong, en bordure de la
presqu’île de Jiaodong (胶东半岛).
Il se trouve
que, par le plus grand des hasards, Gaomi se trouve à
quelques kilomètres de Zichuan (淄川),
aujourd’hui partie de Zibo, où, en 1640, naquit
Pu Songling (蒲松龄),
auteur des “Contes étranges du studio du bavard”
Liaozhai Zhiyi《聊斋志异》,
dont le style n’est pas étranger à celui de son voisin
et confrère.
Ceci est
cependant presque anecdotique. Ce qui l’est beaucoup
moins, c’est l’importance qu’ont gardée pour Mo Yan ses
années d’enfance, et la place primordiale dans son œuvre
de son Gaomi natal, devenu
aussi emblématique que Macondo |
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Mo Yan |
pour Gabriel García Márquez, sauf que
Macondo était une pure création.
Ce petit paysan de
Gaomi est ensuite devenu un grand écrivain,
couronné du prix Nobel de littérature
le 11 octobre 2012.
Faim et solitude pour muses
Le petit Guan Moye est
né dans une famille de paysans pauvres, mais pas suffisamment
pauvres : au moment de la réforme agraire, ils furent classés
« paysans riches », parce que le grand père avait un petit lopin
de terre ; quant à son père, il était considéré comme un paysan
cultivé car il lisait et savait se servir d’un boulier. Etre
classé « paysans riches » vous donnait une très mauvaise
« origine de classe », juste après « propriétaires terriens »,
si bien que l’enfant Guan Moye, à l’école, fut soumis à des
discriminations constantes.
Dans la préface à la
traduction anglaise d’un recueil de ses nouvelles,
Mo Yan revient longuement sur cette période qui l’a marqué comme
au fer rouge, et constitue une source inépuisable de son
inspiration. « Chacun a ses raisons pour devenir écrivain,
dit-il pour commencer, je ne suis pas une exception. Mais la
raison pour laquelle je suis devenu l’écrivain que je suis, et
non un autre Hemingway ou un autre Faulkner, est directement
liée à ce que j’ai vécu étant enfant. » Et ce qu’il a vécu
alors, c’est surtout la faim et la solitude, dont il parle comme
de ses deux muses.
La faim
Sa petite enfance s’est
passée pendant les années du Grand Bond en avant, et la famine
qu’il entraîna ; il s’en souvient comme d’une période de
fanatisme sans précédent et de passions politiques au nom
desquelles le peuple était appelé à supporter les pires
privations au nom de l’intérêt supérieur de la nation. A
l’époque, les enfants de son âge – cinq ou six ans - étaient à
moitié nus les trois quarts de l’année ; il se rappelle leurs
ventres enflés, et leurs cous si minces qu’il semblait
miraculeux qu’ils fussent capables de supporter leurs têtes.
Ils ressemblaient à des
hordes de chiens affamés, dit-il, constamment sur la brèche pour
tenter de trouver quelque chose à manger. Après avoir terminé
les feuilles des arbres, ils s’attaquèrent à l’écorce,
directement, et, à ce régime, leurs dents devinrent acérées
comme des lames de couteaux ; l’un de ses amis d’alors,
ajoute-t-il, devint plus tard électricien : il était capable de
couper avec les dents les câbles électriques les plus
résistants.
Il se souvient encore
que, au printemps 1961, on livra du charbon à l’école. Comme ils
ne savaient pas ce que c’était, ils le soumirent au même
traitement que l’écorce des arbres ; les adultes les imitèrent
bientôt. Il a oublié le goût exact que cela avait, mais ce qu’il
n’a pas oublié, c’est le plaisir intense que procurait la
découverte de nouvelles choses dont on n’aurait jamais pensé
qu’elles pussent être comestibles. La faim, la nourriture, et
l’alcool qui lui est lié, sont des thèmes qui parcourent toute
son œuvre.
Il a déclaré à
plusieurs reprises que, s’il était devenu écrivain, c’est parce
que les écrivains, officiels donc payés par l’Etat, étaient
réputés manger des raviolis trois fois par jour. C’est une chose
qui le rapproche de
Yu
Hua, mais c’est beaucoup plus dramatique dans
son cas parce que Yu Hua, né en 1960, n’a pas de souvenirs de la
famine et voulait simplement accéder à une vie plus facile.
La solitude
En 1966, au début de la
Révolution culturelle, classé parmi les « mauvais éléments »
parce qu’un oncle avait été propriétaire foncier, il est renvoyé
de l’école. Ce furent alors des années de solitude passées à
garder des animaux dans les prés. Les buffles et les oiseaux
devinrent ses compagnons. Il se mit à leur parler, et, comme ils
ne semblaient guère lui prêter attention, à se raconter des
histoires ; il parlait tout seul, au point que sa mère s’en
inquiéta, mais ce n’était que le début d’une logorrhée qu’il a
ensuite transcrite sur papier. Son processus d’écriture ne
semble guère avoir changé : il dit concevoir ses écrits dans sa
tête, pendant de longues périodes ; ensuite il écrit très vite,
en quelques semaines le plus souvent.
On conçoit que ces
années lui aient laissé un sentiment profond d’empathie pour les
souffrances humaines, de sympathie pour les opprimés, et de
colère contre les injustices. Il apprit par la suite que manger
des raviolis trois fois par jour n’empêche pas la souffrance, en
particulier celle née de la solitude et de l’incommunicabilité,
et que cette souffrance peut être beaucoup plus terrible que
celle purement physique. Mais, au fond de lui-même, il garde la
sensation irréductible que rien n’est pire que la faim.
L’armée comme libération et voie vers l’écriture
Pour sortir de la
misère et de sa condition de paysan, il n’avait guère, comme
Yan Lianke, qu’une
possibilité : entrer dans l’armée. Malheureusement, il fallait
avoir une bonne ‘origine de classe’ pour cela. Il réussit donc,
en 1973, à se faire embaucher comme ouvrier dans une usine de
coton, avec un peu de piston, dit-il, et de là dans l’armée, en
1976, l’année de la mort du président Mao. Il y passa par divers
postes, simple planton, services de sécurité, bibliothèque,
enseignement, et, en même temps, commença à écrire, dans sa
chambrée, sans formation spéciale ni connaissances théoriques.
Tout cela fut largement
compensé par son imagination et ses dons personnels ; il avait
appris dès l’enfance, en écoutant son grand père, comment on
peut raconter des histoires propres à captiver son auditoire ;
il y avait là toute une tradition orale qui venait de l’aube des
temps. Le cadre de ses histoires est Gaomi, et le sujet, d’une
manière ou une autre, est toujours lui-même :
“一个作家一辈子可能写出几十本书,可能塑造出几百个人物,但几十本书只不过是一本书的种种翻版,几百个人物只不过是一个人物的种种化身。这几十本书合成的一本书就是作家的自传,这几百个人物合成的一个人物就是作家的自我。”
« Au cours de son existence, un écrivain peut écrire plusieurs dizaines
de livres, créer des centaines de personnages, mais ces dizaines
de livres ne sont finalement que différentes versions du même
ouvrage, et les centaines de personnages l’incarnation d’un seul
et même personnage. Le livre en lequel se résument les centaines
d’autres, c’est l’autobiographie de l’auteur, et le personnage
qui est la somme des centaines d’autres, c’est l’auteur
lui-même. »
Ses premières
œuvres sont courtes, la première nouvelle étant publiée
en 1981 : c’est « pluie torrentielle de nuit
printanière » (《春夜雨霏霏》).
C’est alors qu’il prend pour nom de plume Mo Yan (莫言),
soit ‘pas un mot’ : simplement pour se rappeler qu’il
est toujours dangereux de trop parler en Chine, mais
injonction, il faut bien le dire, à laquelle qu’il ne
s’est guère tenu.
En 1984, il
entre à l’académie des beaux-arts de l’armée de
libération, dans le département de littérature, où il
passe deux ans. C’est alors qu’il publie, outre
« Explosion » (《爆炸》),
toujours dans le registre court, sa première nouvelle
« de taille moyenne, intitulée « Radis de cristal »
(《透明的红萝卜》),
dont le personnage principal, l’enfant sans nom,
‘l’enfant noir’ (黑孩),
est tiré directement de
ses souvenirs d’enfance :
petit et
malingre, survivant improbable d’une vie de chien, mais
à la recherche de la beauté cachée sous la surface de
l’eau et dans l’infime des choses. Mo Yan est né. |
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« Radis de cristal »
(《透明的红萝卜》) |
La
trilogie des titres culinaires : sorgho, ail et
alcool
Après un
premier pavé en 1988, « Les treize pas » (《十三步》),
salué comme œuvre d’avant-garde, mais sur laquelle je
passerai rapidement car je n’ai, honnêtement, jamais
réussi à le terminer, viennent ses grands romans, ceux
qui ont fait de leur auteur un phénomène d’édition
internationale, mais surtout après l’adaptation du
premier au cinéma par Zhang Yimou (张艺谋 ).
1986 : « Le clan du sorgho » (《红高粱家族》)
Ce premier
grand roman se passe en 1939, pendant la guerre de
résistance contre le Japon. La grand-mère du narrateur
participe, avec son petit-fils, à la résistance dans un
village du Shandong, pays du sorgho dont le rouge des
fleurs est évidemment symbolique. Mal préparés au
combat, les paysans se joignent à un ancien brigand pour
attaquer un convoi japonais. C’est le récit de cette
attaque qui forme le cœur du roman, mais ce n’est pas un
récit de plus sur la
guerre
contre les
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« Le clan du sorgho »
(《红高粱家族》) |
Japonais. Mo Yan y apporte des bouleversements
chronologiques qui cassent la narration en
affiche du film « Le sorgho
rouge »
(《红高粱》) |
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introduisant
des épisodes de la vie des principaux personnages, avec
une forte imagerie érotique sous-jacente : rencontre des
parents, débuts de la résistance, etc.. Cependant, ces
flash-backs sont très bien intégrés au récit principal,
si bien que jamais le lecteur n’en perd le fil.
Il y a donc là
un début de travail sur la forme qui, outre celui sur le
style, fit du livre, lors de sa parution, une œuvre
remarquée dans le monde littéraire chinois. Il n’aurait
cependant probablement jamais été le succès de librairie
qu’il est ensuite devenu si Zhang Yimou ne l’avait peu
après adapté au cinéma sous le titre « Le sorgho rouge »
(《红高粱》),
Ours d’or au festival de Berlin en 1988, film culte et
film phare de la ‘cinquième génération’ des réalisateurs
chinois qui consacra à la fois et Mo Yan et Zhang Yimou,
dont c’était le premier long métrage en tant que
réalisateur. |
1989 : « La mélopée de
l'ail paradisiaque »
(《天堂蒜薹之歌》)
Cette ballade
autant que mélopée (genre « Ballade des pendus ») est
une première œuvre de satire politique sur fond de
sympathie pour la misère paysanne, dans le district de
Tiantang (天堂),
au Shandong, ce ‘paradis’ annoncé par le titre. C’est un
coin tranquille, apparemment, où tout le monde cultive
de l’ail, mais la corruption de cadres, réservant les
silos à leur propre production et entraînant la mévente
de celle des petits paysans après les avoir accablés de
taxes diverses et fantaisistes, pousse ceux-ci à la
révolte, et au saccage des bureaux de l’administration
locale. Ceux soupçonnés d’être les meneurs du mouvement
sont arrêtés, battus et emprisonnés en attendant un
hypothétique procès.
Doublé d’une
histoire d’amours contrariées, le texte se lit comme un
réquisitoire contre le féodalisme tenace qui régit
encore le monde paysan, et la perpétuation du pouvoir
des mandarins sous l’uniforme du Parti. On s’est
demandé, et on se demande encore, comment le livre a
échappé à la censure, surtout dans le climat tendu de
1989. La seule raison que l’on peut avancer est son ton
tragi-comique et
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« La mélopée de l'ail
paradisiaque »
(《天堂蒜薹之歌》) |
son aspect de farce
paysanne anarchique, avec chapelets d’insultes, chansons
populaires et bagarres épiques, qui en masque le caractère
dénonciateur. Avec ce premier long roman, Mo Yan a trouvé son
style. Ce qu’il va constamment modifier ensuite, ce sont ses
constructions narratives.
1993 : « Le pays de
l'alcool »
(《酒国》)
On retrouve ici
la dénonciation de la bureaucratie, mais dans une
construction complexe, juxtaposant deux fils narratifs
qui se répondent en miroir. Le premier est une fiction
de forme traditionnelle qui met en scène un détective
envoyé au « pays de l’alcool » pour enquêter sur de
prétendues pratiques cannibales, impliquant un trafic
d’enfants utilisés pour préparer des plats raffinés pour
les cadres. Le second fil de la narration est un échange
de lettres entre un aspirant écrivain et un auteur
confirmé du nom de Mo Yan, le premier portant
successivement à la connaissance du second trois
nouvelles de sa plume que l’autre commente ensuite.
L’équilibre
entre les deux formes du récit évolue peu à peu pour
donner plus d’importance à la fiction secondaire,
certains personnages apparaissant dans les deux, ce qui
brouille les pistes. Le thème du cannibalisme renvoie à
Lu Xun et à sa
célèbre nouvelle « Le journal d’un fou » |
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«
Le pays de l'alcool » (《酒国》) |
(《狂人日记》),
où le cannibalisme est
la métaphore des anciennes traditions, et en
particulier du népotisme et de la bureaucratie, autant de
pratiques « mangeuses d’hommes », où l’individu est sacrifié
.
C’est une des
narrations les plus complexes de Mo Yan, et celle où il inaugure
l’utilisation de son propre personnage au sein du récit, comme
contrepoint narratif, procédé qu’il reprendra par la suite sous
diverses formes.
Censure et rupture avec l’armée
Il est
remarquable que Mo Yan n’ait jusque là jamais eu de
problèmes avec la censure. La première, et seule,
friction qu’il ait connue dans ce domaine fut à
l’occasion de son roman suivant, sorti en 1996 : « Beaux
seins, belles fesses » (《丰乳肥臀》).
Le personnage principal s’appelle Jintong (金童),
c’est-à-dire « l’enfant d’or », car il est le dernier-né
d’une famille de sept filles, toutes dotées de prénoms
signifiant l’attente de la naissance d’un garçon :
来弟,
que vienne le petit frère,
招弟,
appelle le petit frère,
领弟,
amène le petit frère,
想弟,
pense au petit frère, etc… Et quand il arrive enfin, cet
enfant tant désiré, il est blond (car son père est un
missionnaire suédois), égoïste et gâté, nourri au sein
jusqu’à l’adolescence, image d’une société
phallocratique et bureaucratique où les ressources et
les énergies paysannes sont asséchées par les politiques
du Parti.
Le roman débute
à la naissance de Jintong, en 1938, pour s’achever en
1995, parcourant ainsi une bonne partie de l’histoire
récente de la Chine. C’est, sous forme |
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« Beaux seins, belles
fesses »
(《丰乳肥臀》) |
de saga familiale pleine « de
bruit et de fureur », un témoignage sur l’évolution de la
société paysanne chinoise de l'occupation japonaise à l'économie
socialiste de marché.
Cependant, là encore,
Mo Yan ne nous livre rien de traditionnel : dans les cinquante
dernières pages, il nous raconte des faits qui constituent le
miroir des événements relatés au début, et qui viennent jeter un
jour nouveau sur la narration initiale ; la construction
narrative adoptée imite donc ce qui se passe dans la réalité, où
l’on ignore souvent les antécédents des gens que l’on rencontre,
et le passé qui pourrait expliquer ce qu’ils sont et pourquoi
ils sont ainsi.
On se demande
pourquoi ce livre-là a brusquement subi l’ire des
autorités de censure. Ce qu’on pourrait lui reprocher,
c’est d’avoir été tellement anarchique qu’il a incité le
traducteur anglais de Mo Yan, Howard Goldblatt, à
demander des coupes et des modifications à l’auteur.
Mais il reste l’un des romans favoris de Mo Yan ; il a
déclaré que, si l’on devait lire un seul de ses livres,
c’est celui-ci qu’il faudrait lire, car « il y a tout,
dedans : l’histoire, la guerre, la politique, la famine,
la religion, l’amour et le sexe. » Juste ce qu’il
fallait pour affoler les censeurs, autant pour le
contenu politique que sexuel, surtout après le prix
prestigieux qui lui fut attribué (大家文学奖)et
qui contribua à attirer encore plus l’attention sur le
livre.
Il fut retiré
de la vente, et Mo Yan forcé de faire son autocritique.
Le livre paraîtra à nouveau en 2003, et entre temps les
éditions piratées auront encore plus contribué à sa
notoriété, mais l’incident incita Mo Yan à démissionner
de l’armée l’année suivante, en 1997. Désormais libre de
son temps autant que de ses mouvements, il se remit à
écrire avec frénésie.
Santal, karma et autres histoires
En 2001, dans
« Le supplice du santal » (《檀香刑》),
Mo Yan donne la parole à toutes les voix de l’agonie,
celles qui vocifèrent et celles qui se taisent, pour
paraphraser la critique du Monde parue lors de la sortie
de la traduction française. C’est un livre dont la forme
est encore originale, calquée sur celle d’un opéra du
Shandong, dont le personnage soumis au supplice a la
« voix de chat » traditionnelle, mais dans un style aux
aspects grotesques et fantastiques qui en font un texte
dissonant.
Il fut suivi en
2003 d’un pavé de 350 000 caractères, les « 41 coups
de canon » (《四十一炮》),
dont la diffusion fut retardée par l’épidémie de SARS.
C’est l’histoire d’un fils de boucher, avec pour cadre
un abattoir de village aux confins d’une grande ville.
Les thèmes sont modernes : le chômage, l’écart croissant
entre zones urbaines et rurales, et les changements dans
les valeurs morales quand les paysans commencent à
gagner de l’argent. Le style est ici encore en pleine
évolution, plus foisonnant et anarchique que jamais,
plein d’allusions de tous genres et de couleur locale.
Le roman récent
le plus réussi de Mo Yan est, cependant, certainement « La
dure loi du karma » (《生死疲劳》),
publié en mai 2006. C’est encore une construction
foisonnante, « cinquante
ans d’histoire chinoise racontée en
six réincarnations », comme titrait Claire Devarrieux
dans ‘Libération’ à la sortie de la traduction du livre
en France :
« Il s’agit
encore …d’un livre très long, titanesque. Mais ... il
suscite un enthousiasme enfantin. |
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« Le supplice du santal »
(《檀香刑》)
« 41 coups de canon »
(《四十一炮》)
« La dure loi du karma »
(《生死疲劳》) |
Certaines scènes
sont si épiques, ou si émouvantes, qu’elles restent en mémoire
comme des morceaux de lectures d’avant, de quand on était
petits. Cela tient, bien sûr, à l’argument, qui donne le rôle
principal aux animaux : un homme mort en 1950 se réincarne
successivement en âne, en bœuf, en cochon, en chien, en singe
et, pour finir, en bébé baptisé « Grosse Tête » né avec le
siècle. »
Le mort est un riche
notable de 30 ans, propriétaire terrien exécuté en prélude à la
réforme agraire, et l’histoire débute le 1er janvier
1950, en enfer, quand Yama, lassé par les dénégations
successives du mort refusant de reconnaître ses fautes, le
renvoie sur terre réincarné en âne ; celui-ci retrouve sur terre
l’ancien valet de la ferme qui a épousé la concubine du défunt,
et s’accroche contre vents et marées à sa condition de paysan
indépendant. Pendant la grande famine, l’âne est la proie des
villageois et se réincarne en bœuf, etc….
Ce valet, « au visage
bleuté », fait partie des souvenirs de Mo Yan : c’est un
personnage surgi de son enfance dont le visage singulier l’a
hanté pendant près de quarante ans, jusqu’à ce qu’il se décide à
en faire le personnage central de son roman. Il lui manquait la
structure adéquate pour construire sa narration ; il l’a trouvée
un jour qu’il visitait un temple dans la banlieue de Pékin : il
y avait au mur des fresques représentant les différentes étapes
animales de la métempsychose. Il a eu brusquement la révélation
de la forme qu’allait prendre son livre, et l’a ensuite terminé
en quarante trois jours : comme Mozart écrivant ses partitions,
il écrit lorsque tout est bien en place dans sa tête.
Le livre apparaît ainsi
comme le « roman de la transformation », comme il l’a lui-même
expliqué : transformation du personnage principal et du regard
que les autres portent sur lui (le valet devenant positif à la
fin, lorsque, à partir de 1980, les paysans retrouvent peu à peu
leurs terres décollectivisées), transformation de l’idéologie,
de la société, et in fine de la littérature, transformation
aussi de la narration qui semble également se réincarner au fil
de l’histoire. Mais la narration n’est pas une suite de
vignettes habilement composées, c’est un cycle, comme celui du
temps et de la vie, dont la boucle se referme lorsque naît la
dernière réincarnation du propriétaire initial, le petit garçon
qui reprend alors les premières phrases du livre.
Comme dans « Le pays de
l’alcool », il y a dans « La dure loi du karma » un personnage
du nom de ‘Mo Yan’ qui vient, de temps à autre, terminer ou
compléter un passage. Mo Yan a expliqué qu’il en avait fait
l’emblème de l’écrivain dans la société, dont l’une des missions
est de compléter ce que disent journalistes et historiens.
« Grenouilles » (《蛙》) |
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Il a mis trois
ans à se remettre de ce travail, trois ans à chercher
une autre idée, et surtout une autre structure pour sa
narration. Ce dernier roman,
« Frog » (《蛙》),
a été publié en décembre 2009 à grands renforts de
publicité. Il s’agit encore d’une saga familiale, cette
fois déployée autour du personnage d’une de ses propres
tantes (姑姑
gūgu
la sœur de
son père). Sage-femme réputée, elle fut obligée d’œuvrer
à l’application des nouvelles lois de planning familial,
et devint ainsi un personnage démonisé et détesté.
L’histoire est
contée sous la forme de quatre lettres et une pièce de
théâtre, dans un style direct qui rompt avec la prose
baroque et luxuriante des livres précédents. On ne peut
pas reprocher à Mo Yan de vouloir se renouveler, mais il
manque à ce livre une dose d’émotion. La pièce finale,
en neuf tableaux, qui cherche à rendre compte des
sentiments conflictuels de la tante, s’intègre
difficilement à ce qui précède et laisse une impression
décousue. |
Peut-être aussi la narration
est-elle bridée par le sujet évoqué, celui de la politique de
l’enfant unique, qui reste encore un sujet sensible en Chine.
Le roman a été couronné
du
prix Mao Dun
en 2011. La traduction en français, par
Chantal Chen-Andro, est
sortie le 18 août 2011, au Seuil.
Une préférence pour les nouvelles
Il est indéniable que
Mo Yan a créé un style particulier, proche du réalisme
fantastique de la littérature sud-américaine, mais aussi de la
littérature fantastique chinoise, et de Pu Songling en
particulier ; mais il a également reconnu l’influence de
Faulkner et de Flaubert, ainsi que de James Joyce. Il n’en reste
pas moins que son style est unique, empreint de couleur locale
et d’un humour noir typiquement chinois.
Si l’on peut admirer
les superbes constructions de certains de ses romans, ils sont
cependant, pour la plupart, noyés dans un constant délire verbal
dont on n’a pas l’impression qu’il est vraiment maîtrisé. C’est
une des raisons pour lesquelles on peut préférer ses nouvelles,
comme lui-même d’ailleurs : il a dit, rejoignant en cela
Lao She, qu’il accordait
beaucoup plus d’importance, dans son œuvre, à ce qu’il avait
accompli dans le domaine de la forme courte, de la nouvelle.
Contrairement à Lao
She, en revanche, c’est par là qu’il a commencé, pour y revenir
constamment, entre deux romans-fleuves. Souvent, d’ailleurs,
c’est à partir d’un épisode non développé d’un roman que ses
nouvelles sont élaborées. Il en a écrit près de quatre-vingts,
et il y en a peu qui sont traduites, une vingtaine au total,
mais ce sont parmi les meilleures.
La plus connue est
certainement « Le
maître a de plus en plus d'humour » (《师傅愈来愈幽默》),
nouvelle ‘de
taille moyenne’ qui semble traiter des problèmes auxquels
doivent faire face les ouvriers brutalement mis à la retraite,
ou se retrouvant au chômage quand leur usine périclite, comme
c’est le cas du ‘Shifu’ de cette nouvelle. En réalité, elle
évoque aussi les problèmes que rencontrent les jeunes couples
non mariés dans la recherche d’un toit où pouvoir partager
tranquillement leur amour. Pour survivre, notre Shifu, chômeur
malgré lui, récupère un vieux bus abandonné qu’il retape pour en
faire un lieu de rendez-vous. Et ça marche…
Là encore, la
nouvelle a été adaptée au cinéma par Zhang Yimou,
donnant un film certes secondaire dans la filmographie
du réalisateur, mais attachant et d’un humour légèrement
amer, avec le célèbre Zhao Benshan dans le rôle
principal : c’est « Happy Times »
(《幸福时光》
).
Seize autres
nouvelles de styles très divers, écrites entre 1984 et
2000, ont été publiées en traduction française en 2004,
sous le titre de l’une d’elles, « Enfant de fer » (《铁孩》).
Ce sont des sortes de contes qui mettent aux prises des
enfants avec la méchanceté humaine et la cruauté des
adultes. L’ ‘enfant de fer’ du titre du recueil est une
superbe création aux limites du fantastique, un pur
produit de l’imagination de Mo Yan : un enfant des temps
de famine qui s’est mis a grignoter du fer pour survivre
et en a acquis un aspect de métal rouillé. Mais il y a
aussi des histoires d’amour enfantines, comme « Histoire
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affiche du film « Happy Times »
(《幸福时光》) |
d’amour » (《爱情故事》),
une histoire horrible sortie tout droit du « Clan du sorgho » (《人与兽》),
l’évocation du traitement inhumain réservé aux petites filles
(« Enfant abandonné »
《弃婴》),
ou encore un texte de pure poésie, mais traité sur le mode
réaliste : l’histoire d’une jeune mariée qui s’envole comme le
papillon de la légende, mais qui est ici brutalement ramenée sur
terre.
En février 2018, c’est
un autre recueil, de sept nouvelles cette fois, qui a été
traduit en français, par
Chantal Chen-Andro, et
publié au Seuil : « Le
chien blanc et la balançoire » (《白狗秋千架》).
Retour à
l’écriture après le Nobel
En mai 2018, Mo Yan a
annoncé
rompre la
« malédiction du Nobel » et revenir résolument
à l’écriture, après cinq années passées à diverses missions
officielles liées au prix Nobel.
Nouvelles
Il a commencé dès 2017
à réviser certaines de ses nouvelles écrites avant 2012, mais en
a aussi écrit de nouvelles. Il en a publié une trilogie dans le
numéro de mai 2017 de la revue Shouhuo (《收获》) :
« Le regard du
propriétaire foncier » (《地主的眼神》),
« Le combattant » (《斗士》) et « La faucille de gauche » (《左镰》)
.
Le critique
Li Jingze a noté une
continuité thématique dans ces nouveaux textes, mais aussi
l’apparition de nouveau thèmes comme la réconciliation (和解)
ou la tolérance (宽容).
La langue, quant à elle, reste toujours aussi vivante.
Mais Mo Yan a surtout
travaillé pour le théâtre.
Théâtre
2012
Alors
qu’il parlait d’adapter à la scène certains de ses
romans et même d’écrire un opéra, il a en fait
d’abord repris une pièce de théâtre adaptée des
Mémoires historiques (《史记》)
de Sima Qian (司马迁),
et plus spécialement d’un épisode des biographies
de xia, ou chevaliers errants (游侠列传)
et d’assassins (刺客列传).
Il s’agit du
cinquième des « assassins », Jing Ke (荆轲),
figure tragique que le roi de la principauté de Yan
(燕)
avait chargé d’assassiner le roi de Qin, mais qui
échoua dans sa mission, et le paya de sa vie.
La pièce –
« Notre Jing Ke » (《我们的荆轲》)
- a été initialement créée fin 2012 par le metteur
en scène Ren Ming (任鸣)
au Théâtre de l’art du peuple de Pékin (北京人民艺术剧院)
dont il est l’actuel directeur
.
Les répétitions ont eu lieu discrètement après la
nouvelle de l’obtention du prix Nobel. Ren Ming a
déclaré que c’était la pièce la
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Le metteur en scène Ren Ming |
plus difficile de toutes celles
qu’il a mises en scène au cours de sa carrière.
La défaite de l’assassin |
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Mo Yan a
fait une adaptation critique de cette histoire
légendaire : il joue sur les dialogues pour évoquer
les multiples possibilités de récits historiques, et
donc dénoncer la relativité de la vérité, ou des
vérités historiques. « Dans
cette pièce, aucun des personnages ne doit être
considéré comme mauvais. Ils sont comme chacun
d’entre nous… » a expliqué Mo Yan. Comme toujours en
Chine, se tourner vers les anciens permet de
réfléchir sur le présent. En ce sens, « tout drame
historique devient un drame contemporain » a dit le
metteur en scène.
Traduite et
surtitrée en chinois par
Chantal Chen Andro,
la pièce va être donnée, dans cette même mise en
scène et avec la même troupe pékinoise, à la Criée,
le Théâtre national de Marseille, les 23, 24 et 25
mai 2019
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2024
Après 2012, Mo
Yan s’est consacré tout particulièrement à l’écriture pour le
théâtre. Le 3 mai 2024 a été créée au Grand Théâtre de Suzhou
une nouvelle pièce intitulée « Crocodile »
(《鳄鱼》)
- pièce en quatre actes et neuf scènes dont le texte avait été
publié l’année précédente.
Le personnage
principal, Shan Wudan (单无惮),
est l’ancien maire d’une ville côtière, un fonctionnaire
corrompu qui a détourné des fonds publics et, après s’être
enrichi, est parti vivre aux États-Unis. Pourtant, Mo Yan s’est
défendu d’avoir cédé à l’humeur du temps et écrit une pièce
« anti-corruption ». Il a insisté sur le fait que « Crocodile »
est en fait sur le thème du désir et de ses excès, dans le même
esprit que beaucoup de ses romans antérieurs.
Traductions en
français
(toutes les
traductions s’entendent du chinois)
Aux éditions Actes
Sud :
Le clan du sorgho (《红高粱家族》)
traduit par
Pascale Guinot et
Sylvie Gentil, 1993
Aux éditions du
Seuil :
Les treize pas (《十三步》)
roman traduit par
Sylvie Gentil, 1995
Le pays de l'alcool (《酒国》)
roman traduit par traduit par Noël et
Liliane Dutrait, 2000
Beaux seins, belles
fesses (《丰乳肥臀》)
roman traduit par Noël et
Liliane Dutrait, 2004
Enfant de fer (《铁孩》)
recueil de seize nouvelles, traduites par
Chantal Chen-Andro,
2004
La mélopée de l'ail
paradisiaque (《天堂蒜薹之歌》)
traduit par
Chantal Chen-Andro, 2005 *
Le maître a de plus en
plus d'humour (《师傅愈来愈幽默》)
nouvelle traduite par Noël Dutrait, 2005
Le supplice du santal
(《檀香刑》)
roman traduit par
Chantal Chen-Andro, 2006
Le chantier (《筑路》)
roman traduit par
Chantal Chen-Andro, 2007
Quarante et un coups
de canon (《四十一炮》)
roman traduit par Noël et
Liliane Dutrait, 2008
La dure loi du karma (《生死疲劳》)
roman traduit par
Chantal Chen-Andro, août 2009.
Grenouilles (《蛙》),
roman traduit par
Chantal Chen-Andro, 2011.
Le veau, suivi de Le
coureur de fond, deux nouvelles traduites par François
Sastourné, 2012.
Le Grand Chambard,
traduit par
Chantal Chen-Andro, 2013
Le Clan du sorgho
rouge, roman traduit par
Sylvie Gentil, 2014 (traduction
intégrale)
Dépasser le pays
natal, quatre essais sur un parcours littéraire, traduits par
Chantal Chen-Andro, 2015
Professeur Singe,
suivi de Le bébé aux cheveux d’or,
deux nouvelles
traduites par François Sastourné et
Chantal Chen-Andro, 2013
Le clan des chiqueurs
de paille, roman traduit par
Chantal Chen-Andro, 2016.
Les retrouvailles des
compagnons d’armes, roman traduit par Noël Dutrait, 2017
Le chien
blanc et la balançoire,
recueil de sept nouvelles traduites par
Chantal Chen-Andro,
2018.
Lèvres rouges, Langue verte, recueil de onze nouvelles, trad.
Chantal Chen-Andro et François Sastourné, 2024.
* Pour la petite
histoire, l’édition originale de cette traduction fut publiée
aux éditions Messidor en 1990. Cette maison d’édition faisait
partie du groupe La Farandole, créé en 1955 au sein du
groupe éditorial du Parti communiste français pour diffuser la
littérature pour la jeunesse d’Union soviétique et des pays
communistes, et mis en liquidation en 1995.
Aux éditions
Philippe Picquier :
Le radis de cristal (《透明的红萝卜》)
traduit
par
Pascale Wei-Guinot et Wei Xiaoping, 1998
La Carte au Trésor (《藏宝图》)
traduit
par Antoine Ferragne, 2004
La joie (《欢乐》)
traduit par
Marie Laureillard,
2007
La Belle à dos d'âne
dans l'avenue de Chang'an, quatre nouvelles
traduites par
Marie Laureillard (avec
Combat dans la peupleraie, Menottes de pouces, La femme au
bouquet de fleurs),
2011
Aux éditions
Caractères
Explosion (《爆炸》)
nouvelle traduite par Camille Loivier,
2004
Aux éditions Hongfei
La Bourrasque, trad.
Yeh Chun-liang, ill.
Zhu Chengliang
朱成梁,
Hongfei, coll.
“Vents
d’Asie“, 2022.
Adaptations
cinématographiques
1988
Le sorgho rouge (《红高粱》),
film de Zhang Yimou adapté du « Clan du sorgho rouge » (《红高粱家族》)
2000 Happy Times (《幸福时光》),
film de Zhang Yimou adapté de la nouvelle
« Le maître a de plus en plus d'humour » (《师傅愈来愈幽默》)
2003 Nuan (《暖》)
film de Huo Jianqi (霍建起)
adapté de la nouvelle « Le chien blanc et la balançoire » (《白狗秋千架》).
Bibliographie
Mo Yan, le lieu de
la fiction,
de Zhang Yinde, éditions du Seuil, 2014
Compte rendu de lecture par Fanny Fontaine,
Perspectives chinoises n° 2015/4
http://www.cefc.com.hk/fr/article/yinde-zhang-mo-yan-le-lieu-de-la-fiction/
A lire en complément :
Club de lecture du
Centre culturel de Chine
Compte rendu séance 1 - octobre 2018 – Mo Yan (莫言)
- Les romans
II. Roman : Le
supplice du santal
III. Roman :
Grenouilles
- Une nouvelle :
« Le vieil homme et le château bleu »《蓝色城堡》
- Dans les actualités :
Mo Yan annonce « rompre la malédiction du
Nobel » et recommencer à écrire !
Un nouveau recueil de nouvelles de Mo Yan
traduites en français : « Chien blanc et balançoire »
Premier ouvrage en français sur Mo Yan et
traduction intégrale du « Clan du sorgho »
Chantal Chen Andro à la BnF
le 5 janvier pour sa traduction de « Grenouilles » de Mo Yan
« Les conteurs » : superbe
discours de Mo Yan à Stockholm, pour la réception du prix Nobel
Mo Yan
couronné du prix Nobel de Littérature,
le 11 octobre 2012
« L’homme et
l’animal dans l’oeuvre de Mo Yan » : décryptage de Zhang Yinde à
lire dans China Perspectives
Mo Yan honoré
aux Etat-Unis, par la Modern Language Association
Théâtre fondé en juin 1952 et consacré au « théâtre
parlé » ou huaju (话剧).
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