Traducteurs, interprètes et éditeurs

« La traduction, c’est la médiation entre la pluralité des cultures et l’unité de l’humanité. » Paul Ricœur

 
 
 
     

 

 

Chantal Chen-Andro

Présentation

par Brigitte Duzan, 11 octobre 2018

 

Maître de conférences à l’université Paris Diderot (Paris 7), Chantal Chen-Andro est l’une de nos grandes traductrices de chinois. Si l’on consulte les archives de la BnF, on trouve pas moins de 71 documents répertoriés à son nom, dont 64 traductions et 3 préfaces, outre nombre d’articles de fond sur ses deux principaux sujets d’étude, d’enseignement et de prédilection : la littérature chinoise du 20e siècle et la poésie.

 

Elle est particulièrement engagée dans la promotion de la poésie chinoise qui est l’une de ses premières passions, depuis le début des années 1970, ses recherches touchant à la fois 

 

Chantal Chen-Andro à la Fabrique

des traducteurs, en mars 2018

la poétique ancienne et, à partie des années 1980, la poésie contemporaine. Mais elle est aussi celle qui a traduit, entre autres, la majeure partie des romans de Mo Yan traduits en français, et l’une de celles, en France, qui connaît le mieux son œuvre. L’importance de son travail a été dûment honorée par le grade de Chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres.  

 

L’étude du chinois a pourtant commencé pour elle comme un parcours du combattant où rien n’était gagné d’avance. Un parcours finalement très chinois, selon le bon vieux principe « travailler dur et s’améliorer chaque jour » (好好学习,天天向上).

 

L’étude du chinois comme parcours du combattant

 

De la Bretagne aux Langues O

 

Comme bien souvent, c’est d’abord le hasard qui amena Chantal Chen-Andro à s’intéresser au chinois.

La professeure de philosophie qu’elle eut en terminale avait participé à la création d’un Club de chinois qui se réunissait une fois par semaine, le samedi ; elle incitait donc vivement ses élèves à y assister, entre deux cours sur Valéry et Alain, et c’est ce que fit Chantal.

 

Elle suivit ensuite les cours de philo de Jean-François Lyotard à la Sorbonne, tout en gardant le désir de creuser ce que recélaient les caractères mystérieux entrevus lors des séances du club de chinois. Après la propédeutique, elle poursuivit l’étude du chinois en deuxième année à « Langues’O », comme on disait alors, non sans avoir bataillé pour en arriver là : sa mère trouvait que le brevet aurait déjà bien suffi et qu’elle aurait dû alors devenir coiffeuse…  

 

Collège des Traducteurs, Arles mars-avril 2018, avec Zhang Yinde, Caroline Roussel et les six participants à la session, photo ATLAS

 

Bataille gagnée, certes, mais encore lui fallait-il financer ses études. Elle entre aux Galeries Lafayette comme vendeuse au rayon cuisine, mourant de peur de s’y faire remarquer par quelqu’un qui la connaissait. Elle en garde quand même quelques souvenirs inoubliables, comme celui d’avoir vendu des casseroles à Jean Marais. Mais, pendant ce temps à l’Inalco, elle assiste aux cours de François Cheng sur la poésie ancienne (en 1966-67), et d’André Levy sur le conte chinois en langue parlée, sujet de la thèse de doctorat qu’il a soutenue en 1974 [1]. En 1972, elle remplace le sinologue Robert Ruhlmann pour ses cours de chinois classique.

 

En 1972 toujours, elle soutient une thèse de troisième cycle sur « Les poèmes à chanter ci de Li Qingzhao » sous la direction du professeur Yves Hervouet. Puis elle s’inscrit à un doctorat d’État : « La notion d’espace poétique (jingjie) chez Wang Guowei (1877-1927) », thèse qu’elle ne soutiendra pas, mais dont le sujet n’a cessé de la travailler.  

 

A la fin des années 1970, elle participe à l’équipe dirigée par André Levy travaillant sur l’Inventaire  analytique et critique du conte chinois en langue vulgaire, mais aussi à la  Concordance des œuvres complètes de Cao Zhi par Jean-Pierre Diény [2], dont elle a suivi les cours à l’École pratique des Hautes Études pendant de nombreuses années, cours qui, souligne-t-elle, lui ont appris la rigueur mieux que tout autre cursus.

 

En 1982, elle publie un essai dans la revue Extrême-Orient, Extrême-Occident : « Rapports d'influence : la conceptualisation d'une valeur de l'esthétique chinoise ancienne par référence aux conceptions de l'Occident » [3].

 

Le pied à l’étrier

 

C’est en ce début des années 1980, alors qu’elle est assistante à Paris 8-Vincennes, qu’émerge son intérêt pour la littérature chinoise contemporaine, et la poésie en particulier. En 1982, avec Wang Zaiyuan, elle traduit et publie deux essais d’Ai Qing: « De la poésie », « Du poète ». Puis, en 1983, Alain Roux – alors spécialiste du monde ouvrier chinois - lui demande de préparer un cahier spécial "nouvelle littérature chinoise" pour un numéro de 1985 de la revue « Europe », en la chargeant en outre d’y faire participer les collègues de la section de chinois.

 

Pour mener à bien cette mission, elle passe deux ans à rechercher des textes, autant de prose que de poésie, à les lire et à en traduire certains, dont des poèmes.  Finalement, le numéro spécial sort en avril 1985, sous le titre « Chine, une nouvelle littérature » (n° 672, 224 p).

 

Trois ans plus tard, lors de la préparation des « Belles étrangères Chine » [4], le responsable de l'opération au ministère de la Culture, qui avait vu le numéro Chine de la revue « Europe », lui demande de coopérer avec lui. Dans ce but, Chantal Chen-Andro crée un groupe de travail avec des sinologues spécialistes tant de littérature que de sciences économiques et sociales. Les rencontres ont lieu en mai-juin 1988, avec treize écrivains et poètes invités :  Liu Binyan, A ChengBei Dao, Bai Hua

 

Chantal Chen-Andro avec Noël Dutrait

Zhang Kangkang, Mang Ke, Han ShaogongLu WenfuZhang XianlianGao XinjiangLiu Xinwu, Zhang Xinxin, Liu Zaifu…

 

A la suite de l’opération est éditée une anthologie « La remontée vers le jour. Nouvelles de Chine (1978-1988) », avec, entre autres, une nouvelle de Mo Yan qui ne figurait pourtant pas parmi les invités : « La rivière tarie » (凅河 trad. Danièle Turc-Crisa). Cette même année, le 8 juin 1988, Chantal Chen-Andro intervient sur « Le Sorgho rouge de Mo Yan » au colloque organisé par Noël Dutrait à l’université d’Aix-en-Provence [5]. C’est le début de l’intérêt pour Mo Yan en France.

 

A partir de là, dit-elle, « je me suis trouvée embarquée dans un vrai tourbillon ».

 

Entre prose et poésie : un tourbillon

 

A partir du début des années 1990, elle a sans cesse une traduction en cours, passant des poèmes aux romans et nouvelles, participant à des anthologies et ouvrages collectifs, mais parvenant en même temps à enseigner et publier des études et analyses, sur la poésie en particulier.

 

Printemps des poètes 2015, avec Xu Shuang et les poètes Ouyang Jianghe, Yu Jian, Mang Ke, photo Institut Confucius Paris 7

 

La seule recension des titres traduits est impressionnante. Et de tous ces auteurs émerge Mo Yan, dont elle a traduit six romans et une multitude de nouvelles, ainsi que des essais, et dont elle est l’une des « spécialistes » incontestée.

 

Et c’est une pièce de Mo Yan dont, en cet automne 2018, Chantal Chen-Andro termine la traduction, une pièce originale d’après l’une des Biographies d’assassins des « Mémoires historiques » (Shiji《史记》) de Sima Qian (司马迁) [6] : « Jing Ke, Assassin » (《我们的荆轲soit,

littéralement, Jingke, le nôtre). La pièce sera donnée à la Criée de Marseille en mai 2019 dans une mise en scène du Théâtre des arts du peuple de Pékin.

 

Mo Yan a écrit l’histoire du point de vue d’une favorite du prince héritier de l’Etat de Yan,  qui est le personnage central de la pièce aux côtés de Jingke – personnage féminin qui est un exemple supplémentaire des portrait originaux de femmes dans l’univers de l’écrivain.

 

Entre-temps, en 2016, Chantal Chen-Andro a repris son travail sur Wang Guowei… Et elle continue son engagement aux côtés des poètes. Ainsi, le 19 mars 2018, dans le cadre du Printemps des poètes, elle a participé à la conférence-lecture animée par Xu Shuang sur le thème de l’Ardeur à l’UFR Langues et Civilisations de l’Asie orientale de l’université Paris Diderot-Paris 7, avec la poétesse-peintre Xiao Xiao (潇潇) et la poétesse-ouvrière Zheng Xiaoqiong (郑小琼). Cette conférence-lecture a ensuite été redonnée à la Maison de la poésie de Rennes [7] ainsi qu’à celle de Montpellier. Ce sont deux nouveaux noms à ajouter à son palmarès.

 

Au Printemps des poètes 2018, entourée des poétesses Xiao Xiao et Zheng Xiaoqiong

 


 

Principales traductions et publications

 

Poésie

 

- Editions Rumeur des âges

Fumée bleue, poèmes de Zhu Zhu 朱朱, 2004

 

- Editions Caractères

Visite à Gao Xingjian et Yang Lian – Conversation, 2004

Notes manuscrites d’un diable heureux, poèmes de Yang Lian 杨炼, 2010

En édition bilingue

Là où s’arrête la mer, poèmes de Yang Lian 杨炼, 2004

Murailles et couchants, poèmes de Song Lin 宋琳, 2007

Rose évoquée, poèmes de Yu Jian 于坚, 2014

Euphémismes, poèmes de Zhai Yongming 翟永明, préface de Jin Siyan, 2014

Le temps sans le temps, poèmes de Mang Ke 芒克, 2014

Ville de silence, poèmes de Wang Yin 王寅, 2014

Un mot de trop est menace, poèmes de Wang Yin 王寅, 2015

Qui part, qui reste, poèmes de Ouyang Jianghe 欧阳江河, 2015

Questionnement, poèmes de Duo Duo 多多, 2015

Sous les Qing, poèmes de Bai Hua 柏桦, 2016

Le monstre, poèmes de Xi Chuan 西川, 2016

D’autres choses, poèmes de Yu Xiang 宇向, 2016

Soleil noir, poèmes de Han Dong 韩东, 2016

L’œil de la grue, poèmes de Zhang Zao 张枣, 2016

 

- Editions Meet (Maison des écrivains étrangers et des traducteurs), édition bilingue

La maison sur l’estuaire de Yang Lian 杨炼, 2004
Les bonheurs de Babel, collectif, actes du colloque éponyme, 2004
Fragments et chants d’adieu, poèmes de Song Lin 宋琳, 2006
Avoir Vingt ans, collectif,  actes du colloque éponyme, 2007
Poèmes de Saint-Nazaire de Duo Duo 多多,  2008
Parce que, de Wang Yin 王寅, 2016


- Anthologie

Le ciel en fuite - Anthologie de la nouvelle poésie chinoise (poètes de Taiwan et de Chine continentale), avec Martine Vallette Hémery, éditions Circé, 2004

Anthologie de la poésie chinoise, pour la partie « les époques modernes et contemporaines », bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2015

 

Romans, nouvelles et essais

 

- de Mo Yan

L’enfant de fer, nouvelles mettant en scène le personnage d’un enfant, Seuil 2004, Points 2013

La mélopée de l’ail paradisiaque, Seuil 2005 (1ère édition : Messidor, 1990)

Le chantier, Seuil 2007, Points 2011 (1ère édition : Scandéditions 1993)

Le supplice du santal, Seuil 2006, Points 2009

La dure loi du karma, Seuil 2009, Points 2010

Grenouilles, Seuil 2011, Points 2012

Le grand chambard, court récit autobiographique, Seuil 2013, Points 2014

Au pays des conteurs, discours de réception du prix Novel de littérature 2012, Seuil 2013

Dépasser le pays natal, quatre essais sur un parcours littéraire, Seuil 2015

Professeur Singe (1992, tr. François Sastourné), suivi de Le bébé aux cheveux d’or (1985, tr. Ch. Chen-Andro), deux nouvelles, Seuil 2015

Le clan des chiqueurs de paille, Seuil 2016, Points 2017

Chien blanc et balançoire (nouvelles), Seuil 2018

 

- de Yan Geling

Fleurs de guerre, Flammarion 2013

 

- de Ge Fei

Nuée d’oiseaux bruns, Philippe Picquier 1996

 

- de Lu Wenfu

Nid d’hommes, Seuil 2004

 

- de Zhang Wei

Partance (nouvelles), Bleu de Chine, 2000

Les demeures de l’enfance, Desclée de Brouwer, 2012

 

- de Wang Meng

Le salut bolchevique (nouvelle), préface d’Alain Roux, Messidor 1989

 

- de Lao She

Survivre à tout prix, Mercure de France, 1998

La famine, Mercure de France 2000

Quatre générations sous un même toit, tomes 2 (La famine) et 3 (Survivre à tout prix), Gallimard Folio 2000/2001

 

- de Bei Dao

Au bord du ciel, Circé 1995

13 rue du Bonheur, Circé 1999

Vagues, Philippe Picquier 1998

Paysage au-dessus de zéro, Circé 2004

 

Préfaces

 

- De la poésie, Du poète, de Ai Qing 艾青 (notes et présentation de Chantal Chen Andro, cotraduction avec Wang Zaiyuan), Centre de recherche de l'Université Paris VIII, 1982

- « L’effet de flou », introduction au recueil Quatre poètes chinois, Ulysse fin de siècle, 1991, p. 9-14.

- « L’exil intérieur », préface à Au bord du ciel, Circé, 1994, p. 129-131.

- « Auprès de mon arbre », préface au recueil de nouvelles de Zhang Wei : Partance, Bleu de Chine, 2000, p.7-9.

- « Traduire, ou les transferts de sens », postface au recueil Masques et crocodiles, Ulysse fin de siècle, janvier 2002, p. 75-78.

- « Une langue nouvelle pour une poésie nouvelle », préface à Le ciel en fuite, anthologie de la nouvelle poésie chinoise, Circé, 2004, p. 9-31.

新诗歌,新语言

Cet article présente la poésie chinoise apparue à la fin des années 1970 sur le continent. Il montre comment la naissance d’une langue parlée au début du 20e siècle, la découverte du vers libre et de l’image personnelle ont révolutionné la création poétique. Il rappelle les similitudes qui existent entre la poésie de cette époque et la poésie contemporaine : la valorisation de la subjectivité, le sentiment, chez les poètes de ces deux périodes, d’appartenir à une génération, il souligne le même parti pris existant chez les critiques qui reprochent à ces deux poésies leur « obscurité ». Puis il brosse l’historique du mouvement dans les années 1970, de sa naissance à son évolution. Il conclut sur la constatation de l’existence d’une poésie qui est désormais à l’écoute de la création poétique mondiale.

- Préface au roman Explosion de Mo Yan, tr. Camille Loivier, éditions Caractères, février 2004, p 7-11.

- « En marge », préface à Que nous a apporté l’exil , conversation entre Gao Xingjian et Yang Lian, éditions Caractères, février 2004, p. 7-13.

- « Le voyage en Turquie », introduction à la partie Chine du numéro Pékin- Istambul, de la revue Meet, 2004, p. 13-14.

- « Rencontres, ou l’efficience du Yuan », préface de Aux confins du miroir de Xin Ye, avec postface de Stéphane Feuillas, Caractères, 2004

- « Une poésie ouverte à tous les vents », préface au livre de  Song Lin Murailles et couchants, éditions Caractères, 2007, 95p.

- « En guise de préface », préface au livre de Yang Lian, Notes manuscrites d’un diable heureux, Editions Caractères, 2010,  99p.

- « L‘instant poétique stabilisé », préface au recueil de Mang Ke, Le temps sans le temps, Caractères, 2014.

- « La fabrique du romancier », préface aux essais de Mo Yan, Dépasser le pays natal, Seuil, 2015.

- « Entre les mots et les choses », préface au recueil de Ouyang Jianghe, Qui part qui reste, éditions Caractères, 2015.

- « Garder au poème sa part de mystère », préface au recueil de Wang Yin, Un mot de trop est menace, éditions Caractères, 2015.

- « Quelques remarques du traducteur sur les choix de traduction », préface au livre de Duo Duo, Questionnement, Caractères, 2015.

- « Par-delà les contraires », préface au recueil de Yu Xiang, D’autres choses, Caractères 2016.

- « Ce qui s’échappe des choses », préface au recueil de Han Dong, Soleil noir, Caractères, 2016.

 

Ouvrages collectifs

 

- Littératures d’Extrême-Orient au XXe siècle, sous la direction de Chantal Chen-Andro, Annie Curien et Cécile Sakai, Philippe Picquier, 1993.

- Tours et détours : écritures autobiographiques dans les littératures chinoise et japonaise du 20ème siècle, sous la direction de Chantal Chen-Andro, Annie Curien et Cécile Sakai, Publications universitaires Denis-Diderot, 1998.

Contient les textes du séminaire "Écritures autobiographiques dans les littératures extrême-orientales au XXe siècle", avril 1993-octobre 1995, Université Paris 7-Denis Diderot.

- Imaginaires de l’exil dans les littératures contemporaines de Chine et du Japon, ouvrage collectif sous la direction de Chantal Chen-Andro, Cécile Sakai et Xu Shuang, Philippe Picquier, 2012.

 

Articles

  

- Dans l’Encyclopaedia Universalis :

Ci, genre littéraire chinois :

https://www.universalis.fr/encyclopedie/ci-ts-eu-genre-litteraire-chinois/#i_0

Li Qingzhao 李清照 ou Li Yi’an

https://www.universalis.fr/encyclopedie/li-qingzhao-li-ts-ing-tchao-ou-li-yi-an-li-yi-ngan-

1081-apr-1151/

Li Yu 李煜, dernier empereur des Tang du sud et poète lyrique https://www.universalis.fr/encyclopedie/li-yu/

Liu Yong 柳永, poète du 11ème siècle https://www.universalis.fr/encyclopedie/liu-yong-lieou-yong/#i_0

Lu You 陸游, poète de la dynastie des Song https://www.universalis.fr/encyclopedie/lu-you-lou-yeou/

Nalan Xingde 纳兰性德, auteur des Poèmes d’un buveur d’eau

https://www.universalis.fr/encyclopedie/nalan-xingde-na-lan-sing-to/#i_0

Zhou Bangyan 周邦彥, souvent associé à Liu Yong

https://www.universalis.fr/encyclopedie/zhou-bangyan-tcheou-pang-yen/#i_0

 

Et par ailleurs (avec notices de l’auteur) :

 

- « Les grands problèmes du roman au XXe siècle », Littérature d’Extrême-Orient au XXe siècle, Philippe Picquier, 1992, p. 73-94.

Cet article étudie la problématique du roman chinois au 20e siècle autour de quatre grands axes principaux : le problème du rapport à l’Occident, celui de la création d’une langue  « parlée » (baihua) plus compréhensible que la langue lettrée (wenyan), de la popularisation, enfin la question de l’absence de définition du romanesque et de ses subdivisions. En dernière partie, il survole l’évolution des techniques narratives après 1976, montrant comment l’apparition de nouveaux courants finit par entamer la prépondérance de l’école dite du « réalisme » et pose la question de la survie d’un genre, dont la définition, celle que lui a donnée la critique occidentale, est peut-être hétérogène à la sensibilité littéraire

 

- « En Chine, comment renaît la littérature », Etudes, décembre 1993, p. 675-685

Cet article présente quatre écrivains chinois contemporains : Wang Meng, Wang Zengqi, Han Shaogong et Mo Yan. Quatre auteurs qui illustrent le renouveau de la littérature chinoise. Il montre comment chacun d’eux, dit la valeur de la  personne, s’attache à la « quête de racines » pour répondre à l’horreur de la perte d’identité culturelle, comment l’innovation réside aussi dans l’art du récit, dans les manières de conter.

 

A lire en ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k442108n/f104.image.r=j%C3%A9sus.langFR

 

- « La valorisation de l’enfance dans l’œuvre de Mo Yan », Tours et détour, écritures autobiographiques dans les littératures chinoise et japonaise, Presses Universitaires de Paris 7, 1998, p. 191-229.

Cet article montre comment le renouveau littéraire amorcé à la fin des années soixante-dix, en promouvant un retour à des tendances plus subjectives dans l’écriture romanesque, a permis l’apparition du personnage de l’enfant comme protagoniste principal d’un récit. Si Mo Yan n’est pas le seul auteur chinois à avoir valorisé ce personnage, il n’en reste pas moins vrai que chez lui l’enfance est omniprésente. L’article, sans accréditer complètement la thèse autobiographique, analyse avec prudence, récits d’enfance, romans familiaux chez cet auteur, ainsi que les souvenirs d’enfance attestés, les souvenirs du narrateur des différents récits et les images récurrentes parsemés dans cette œuvre colossale. Dans un second temps, l’article essaie de brosser l’image de l’enfant telle qu’elle se dessine au travers de l’œuvre. Cette analyse s’appuie sur les travaux de Piaget, sur les études de Lejeune, Francine Dugas-Portes, Vincent de Gauléjac, Denise Escarpit, sur des textes de Freud, Sartre, Sarraute et autres auteurs, sur des articles et des documents en chinois concernant Mo Yan  ainsi que sur des interviews de cet auteur.

 

- « La poésie de Duoduo ou la mise en tension de l’écriture », Neige d’août, n° 6, automne 2002, p. 48-54.

多多的诗歌:写作的张力

Bilan d’une analyse serrée d’une vingtaine de poèmes de Duoduo qui avait porté sur le vocabulaire, la syntaxe, les thèmes, les rythmes, repérant contrastes, oppositions et tensions, cet article s’attache à leur étude au niveau de l’articulation phonétique. Il montre comment la tension combinatoire entre les différents phonèmes crée une forme porteuse de sens, comment elle fonctionne comme subversion de l’accrochage de la pensée, comment, dans un tel système, la syllabe écrite est l’émotion brute ressentie face à la chose.

 

- « La poésie de Beidao ou le doute revendiqué », Europe, nov.-déc. 2002,  p. 274-279.

北岛的诗歌:被承担的怀疑

Cet article montre comment la poésie de Beidao est orientée autour d’une dialectique du refus et de l’affirmation, comment le réel y est absent et présent, tour à tout nié et affirmé, comment le poète instaure des distances : par rapport au réel, par rapport à lui-même, par rapport à la langue, comment ces fractures font de sa poésie tout entière une métaphore de l’absence, une métaphore en absence.

 

- « La grammaire du rythme dans la poésie de Beidao », Neige d’août, n°7, hiver 2002, p. 105-114.

北岛诗歌的节奏语法

Cet article part d’un thème central à l’œuvre de Beidao, celui de l’Histoire. Par une étude statistique des occurrences des noms et des verbes dans les différents recueils de ce poète, il indique quelques pistes pour essayer de comprendre l’écriture d’un poète qui ne se livre pas aisément. Les repères ainsi trouvés laissent entendre que, même quand le thème n’apparaît pas nommément dans le poème, l’inflation de la classe nominale désigne peut-être, in absentia, l’insoutenable pesanteur de l’Histoire.

 

« Traduire un rythme », Le coin de table, n° 13, 2003, p. 19- 25.

 翻译一种节奏,论北岛的诗歌

  La poésie de Beidao est marquée par l’emprise du nom, que celui-ci soit employé seul ou assorti de déterminants (possessif, adjectif, construction relative). En chinois, la structure de détermination est signalée par la particule « de » (avec pour variante « zhi »), le déterminant précédant le déterminé. Bei Dao en fait un large emploi. Comment traduire en français ce rythme qui fait sens ?

 

- « Modernisme ou modernité ? Regards d’encyclopédistes et de critiques littéraires chinois dans les années 80. » in Ecrire au présent, MSH, 2004, p.261-275.

Cet article, dans un premier temps, part des définitions données dans les dictionnaires chinois des mots « nouveau », « moderne », modernisme » (en l’absence du mot « modernité »). Il suit l’évolution du mot « modernisme » de 1969 à 1999. Dans un second temps, il étudie l’emploie de ces mêmes vocables dans trois articles qui ont marqué le débat (dès 1980) autour de la « poésie obscure ». Il souligne une concordance entre les deux types de textes— même si les critiques littéraires sont plus nuancés dans leurs affirmations— avec une tendance commune à ancrer le débat autour de clivages, de points de rupture, comme l’opposition du nouveau à l’ancien, de l’individu à la société, de l’irrationnel à la rationalité. Il conclut, devant l’absence du mot « modernité », que ce soit parmi les définitions savantes ou dans les articles étudiés, au profit du mot « modernisme » (puis « post-modernisme »), à une influence probable de la tradition anglo-saxonne, dans laquelle le mot « modernity », à l’inverse de la française, est déprécié par rapport au mot « modernism ».

 

 – « Tissage et métissage, les références culturelles dans la poésie de Song Ling »

制造与杂交,宋琳诗歌中的文化参考 paru sur le site internet du « Réseau-Asie » 2005, douze feuillets

Cet article montre à partir d’un poème de Song Lin comment ce poète, nourri d’une solide et fine culture classique chinoise et ouvert sur les traditions poétiques et philosophiques de l’Occident, tisse et « métisse » les références culturelles au gré des vers. L’article pose la question de la difficulté, pour le traducteur, de transmettre dans les mots de sa propre langue un peu de la polysémie du texte original sans recourir à la note.

 

– « Peut-on restituer toute la richesse d’une ‘crête de sens’ du poème original ? Quelques remarques sur la traduction en français d’un poème de Bei Dao» in « Trois langues pour un poème », in  Comparatisme en traduction poétique, Réseau-Asie, Anagrammes  2007, p. 33-38

是否能翻译出来原诗的意义脊线(论北岛的诗歌)

Il faut entendre sous cette formulation le lieu où convergent les éléments propres à dynamiser le poème et qui sont en lutte contre les éléments statiques de la syntaxe du nom. Il s’agit, dans le poème de Bei Dao étudié ici, du verbe actif, de l’impertinence sémantique du complément d’objet et de l’utilisation du rejet. (7 feuillets)

 

- Traquer un rythme, à propos d’un rythme quaternaire dans la poésie de Bei Dao, 3ème Congrès du Réseau Asie – IMASIE (septembre 2007)

A lire en ligne : http://www.gis-reseau-asie.org/uploaded_files/congress/a44chenandro_chantal.pdf


- « Le traitement de la métaphore dans la critique poétique chinoise de la première moitié du 20e siècle »

Regards sur la métaphore entre Orient et Occident, Philippe Picquier, 2008, pp. 131-153.

二十世纪前半叶中国诗歌批评关于隐语的处理

La critique chinoise moderne et la fonction métaphorisante— terminologie désignant cette fonction dans els études datées de la première moitié du XXE siècle en Chien et portant sur la nouvelle poésie chinoise

Cet article montre comment les critiques chinois au début du 20e siècle, au contact de la philosophie et de l’esthétique occidentales, ont ajusté certains vocables qui existaient dans la tradition de la critique littéraire chinoise pour traduire les concepts occidentaux comme ceux d’imagination, d’image, de symbole.  On remarque souvent des amalgames liés à une compréhension vague de leur emploi dans la critique traditionnelle chinoise, mais aussi dans l’esthétique occidentale, ainsi qu’une résistance des valeurs traditionnelles : celles de l’implicite, de l’allusif, du caché.

 

- « Yang Lian ou l’aliénation du sujet par l’écriture », Imaginaires de l’exil dans les littératures contemporaines de Chine et du Japon, Philippe Picquier, 2012, p.87-96.

 

- « Mo Yan, ‘l’écrivain paysan’ », Revue des Questions Scientifiques, Les prix Nobel 2012, tome 184, 2013 n°3, p. 291-306.

 

- « Comment restituer traduction, la polysémie d’images que les poètes chinois contemporains empruntent à la poésie classique : le cas de Song Lin », Les tiges de mil et les pattes du héron, Lire et traduire les poésies orientales— 1, sous la direction de Julie Brock, CNRS Éditions, 2013, p. 77-85.

 

- « L’expression de la douleur face à l’absence de l’être aimé chez  la poétesse Li Qingzhao (1084-après 1151) : entre poncifs et originalité », Les tiges de mil et les pattes du héron, Lire et traduire les poésies orientales— 2, sous la direction de Julie Brock, CNRS Éditions, 2013, p. 135-145.

 

- Restituer le parfum du santal, Le Nouveau Magazine Littéraire, 2013/8 (n° 534), p. 48.

Sur la traduction du « Supplice du santal » de Mo Yan.

« J'avais parcouru rapidement « Le Supplice du santal » avant d'entreprendre sa traduction. Je redoutais le réalisme barbare de certains passages, fort longs par ailleurs, mais je pensais que les problèmes techniques inhérents à l'écriture me permettraient de passer outre. Ce ne fut pas le cas, le temps de la traduction était tellement plus lent que celui de la lecture, il semblait même suspendu à cette barbarie. Le temps de la lecture ne permet pas non plus au traducteur de mesurer l'importance des écueils qu'il devra surmonter. Pour ce roman, ils étaient particulièrement nombreux. Et d'abord le rythme. Ou plutôt les rythmes, ceux des voix et des bruits qui tissent le récit (« Ce que j'avais écrit là était des voix et des bruits », dit Mo Yan dans la postface). Cinq personnages principaux, cinq voix dont il fallait restituer la tessiture et la charge émotionnelle. Autant de rythmes faisant avancer celui du récit lui-même : ainsi, les quatre premiers chapitres, correspondant chacun, dans l'ordre de leur entrée en scène - car la structure est théâtrale -, à un personnage. Ceux concernant la jeune femme et son bêta de mari sont marqués, dans la traduction, par une alternance du présent avec les temps du passé (les flash-back), tandis que le passé simple est employé pour le récit du bourreau, le passé composé pour celui du sous-préfet. En chinois, le verbe ne se conjugue pas1 le français, avec sa panoplie de temps, permet de rythmer le récit en une sorte de transfert des procédés signifiants du texte orignal. La partie centrale (chapitres V à XIII) est rendue entièrement au passé en français1 il s'agit d'autant de récits qui semblent relatés, comme le souligne l'auteur lui-même, « du point de vue d'un narrateur [d'un conteur ?] objectif et omniscient ». La dernière partie (les cinq derniers chapitres) est traduite au présent avec le retour sur la scène des cinq personnages, qui prennent le relais du narrateur. »

 

- « L’œuvre de Mo Yan en dialogue avec celle d’autres auteurs », in Mo Yan, au croisement du local et de l’universel, Actes du colloque international Paris/ Aix-en Provence, sous la direction de Zhang Yinde, Xu Shuang, Noël Dutrait, Seuil, février 2016.

 

 - « La saga familiale entre le réel et l’imaginaire : Le Clan du sorgho rouge et Le Clan des chiqueurs de paille », in ibid.

 

- « Latitude d'interprétation et de transposition en français des données d'un poème en langue chinoise : quelques exemples », in Traduire entre les langues chinoise et française, un exercice d'interprétation, actes du colloque, du 12 juin 2012 à la BnF, sous la direction d’Annie Curien, MSH. 2018

 


 

A lire en complément

 

Chantal Chen Andro à la BnF le 5 janvier 2013 pour sa traduction de « Grenouilles » de Mo Yan

 


 

A écouter en complément

 

- Conférence du 19 juin 2018 à la médiathèque Emile Zola, à Montpellier :

« Romans et romanciers en Chine au 20e siècle : contextes et œuvres »

 

 

- Intervention avec Mo Yan dans le cadre d’ALIBI (Atelier littéraire bipolaire) à la BNF / Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH) : Lettres chinoises / Lettres françaises sur le thème de « l’enfance », 22 mars 2004.

Introduction : https://www.canal-u.tv/video/fmsh/introduction.28003

Interventions des traducteurs https://www.canal-u.tv/video/fmsh/interventions_des_traducteurs.28007

Chantal Chen-Andro intervient sur la traduction de la nouvelle « Grande bouche » (大嘴) de Mo Yan[8], qu’elle rapproche de deux autres nouvelles de l’auteur où l’on trouve des descriptions semblables, qu’elle assimile donc à des souvenirs d’enfance : « La Rivière tarie » (凅河) et « La Fille du boucher » (屠师女儿). Elle donne deux exemples typiques de difficultés de traduction : 1/ difficulté de trouver le temps adéquat, et dans ce cas non un temps pour la totalité du texte, mais des temps différents pour les trois parties du récit, « pour l’animer », et 2/ difficulté de trouver des traductions appropriées des termes désignant les parents proches, en tenant compte des particularités dialectales de la région natale de Mo Yan.

 

- Intervention avec Ge Fei dans le cadre d’ALIBI sur le thème de « la citation », 15 novembre 2002.

https://www.canal-u.tv/video/fmsh/creation_litteraire.27155

 

 

[Tous mes remerciements pour l’entretien du lundi 10 septembre 2018 ainsi que pour les corrections et les précisions complémentaires données par la suite, en particulier bibliographiques]

 

 


[1] Il a publié dès 1971 des Etudes sur le conte et le roman chinois (EFEO 1971). Sa thèse est publiée dix ans plus tard : Le conte en langue vulgaire du xviie siècle (vogue et déclin d'un genre narratif de la littérature chinoise), Paris, Institut des hautes études chinoises, [Prix Giles 1976].

[2]  Concordance des œuvres complètes de Cao Zhi 曹植文集通檢》Jean-Pierre Dieny ; Chantal Chen-Andro ... et al, Paris, Institut des hautes études chinoises, diffusion Adrien Maisonneuve, 1977. 

[3] Essai traitant de la notion d’élégance antique dans la tradition de la Chine ancienne que l’on peut lire en ligne : http://www.persee.fr/doc/oroc_0754-5010_1982_num_1_1_882

[4] Les Belles Etrangères : festival littéraire qui a été organisé chaque année de 1987 à 2010 par le Centre national du livre (CNL) sous l’égide du Ministère français de la Culture. Le CNL invitait des écrivains d’un même pays à participer à des rencontres au mois de novembre, dans toute la France. La manifestation était accompagnée de l’édition d’une anthologie.

[5] Voir les actes du colloque :  La littérature chinoise contemporaine, tradition et modernité, Publications de l’université de Provence, 1989, p. 11-13.

[6] Sur Sima Qian, le Shiji et ses Biographies d’assassins (刺客), dont la cinquième, celle de Jingke (荆轲), voir :

http://www.chinese-shortstories.com/Reperes_historiques_Wuxia_Breve_histoire_du_wuxia_

xiaoshuo_I_2.htm

Sur la pièce programmée à La Criée :

http://www.theatre-lacriee.com/programmation/2018/jing-ke-assassin.html

[8] La nouvelle figure dans le recueil « Chien blanc et balançoire », Seuil, 2018.

 

 

 

     

 

 

 

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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