« La traduction, c’est la
médiation entre la pluralité des cultures et l’unité de
l’humanité. » Paul Ricœur
Chantal Chen-Andro
Présentation
par
Brigitte Duzan, 11 octobre 2018
Maître de
conférences à l’université Paris Diderot (Paris 7),Chantal
Chen-Andro est l’une de nos grandes traductrices de
chinois. Si l’on consulte les archives de la BnF, on
trouve pas moins de 71 documents répertoriés à son
nom, dont 64 traductions et 3 préfaces, outre nombre
d’articles de fond sur ses deux principaux sujets
d’étude, d’enseignement et de prédilection : la
littérature chinoise du 20e siècle et la
poésie.
Elle est
particulièrement engagée dans la promotion de la
poésie chinoise qui est l’une de ses premières
passions, depuis le début des années 1970, ses
recherches touchant à la fois
Chantal Chen-Andro à la Fabrique
des traducteurs, en mars 2018
la poétique ancienne
et, à partie des années 1980, la poésie contemporaine. Mais
elle est aussi celle qui a traduit, entre autres, la majeure
partie des romans de Mo
Yantraduits en français, et l’une de celles, en France,
qui connaît le mieux son œuvre. L’importance de son travail
a été dûment honorée par le grade de Chevalier dans l’ordre
des Arts et des Lettres.
L’étude du chinois a
pourtant commencé pour elle comme un parcours du combattant où
rien n’était gagné d’avance. Un parcours finalement très
chinois, selon le bon vieux principe « travailler dur et
s’améliorer chaque jour » (好好学习,天天向上).
L’étude du
chinois comme parcours du combattant
De la Bretagne aux
Langues O
Comme bien souvent,
c’est d’abord le hasard qui amena Chantal Chen-Andro à
s’intéresser au chinois.
La professeure de
philosophie qu’elle eut en terminale avait participé à la
création d’un Club de chinois qui se réunissait une fois par
semaine, le samedi ; elle incitait donc vivement ses élèves à y
assister, entre deux cours sur Valéry et Alain, et c’est ce que
fit Chantal.
Elle suivit ensuite les cours de philo de Jean-François Lyotard
à la Sorbonne, tout en gardant le désir de creuser ce que
recélaient les caractères mystérieux entrevus lors des séances
du club de chinois. Après la propédeutique, elle poursuivit
l’étude du chinois en deuxième année à « Langues’O », comme on
disait alors, non sans avoir bataillé pour en arriver là : sa
mère trouvait que le brevet aurait déjà bien suffi et qu’elle
aurait dû alors devenir coiffeuse…
Collège des Traducteurs, Arles
mars-avril 2018, avec Zhang Yinde, Caroline Roussel
et les six participants à la session, photo ATLAS
Bataille
gagnée, certes, mais encore lui fallait-il financer
ses études. Elle entre aux Galeries Lafayette comme
vendeuse au rayon cuisine, mourant de peur de s’y
faire remarquer par quelqu’un qui la connaissait.
Elle en garde quand même quelques souvenirs
inoubliables, comme celui d’avoir vendu des
casseroles à Jean Marais. Mais, pendant ce temps à
l’Inalco, elle assiste aux cours de François Cheng
sur la poésie ancienne (en 1966-67), et d’André Levy
sur le conte chinois en langue parlée, sujet de la
thèse de doctorat qu’il a soutenue en 1974
[1].
En 1972, elle remplace le sinologue Robert Ruhlmann
pour ses cours de chinois classique.
En 1972 toujours, elle
soutient une thèse de troisième cycle sur « Les poèmes à chanter
ci de Li Qingzhao » sous la direction du professeur Yves
Hervouet. Puis elle s’inscrit à un doctorat d’État : « La notion
d’espace poétique (jingjie) chez Wang Guowei
(1877-1927) », thèse qu’elle ne soutiendra pas, mais dont le
sujet n’a cessé de la travailler.
A la fin des années
1970, elle participe à l’équipe dirigée par André Levy
travaillant sur l’Inventaireanalytique et critique
du conte chinois en langue vulgaire, mais aussi à la
Concordance des œuvres complètes de Cao Zhi par Jean-Pierre
Diény
[2],
dont elle a suivi les cours à l’École pratique des Hautes Études
pendant de nombreuses années, cours qui, souligne-t-elle, lui
ont appris la rigueur mieux que tout autre cursus.
En 1982, elle publie
un essai dans la revue Extrême-Orient, Extrême-Occident :
« Rapports d'influence : la conceptualisation d'une valeur de
l'esthétique chinoise ancienne par référence aux conceptions de
l'Occident »
[3].
Le pied à l’étrier
C’est en ce début des
années 1980, alors qu’elle est assistante à Paris 8-Vincennes,
qu’émerge son intérêt pour la littérature chinoise
contemporaine, et la poésie en particulier. En 1982, avec Wang
Zaiyuan, elle traduit et publie deux essais d’Ai Qing: « De la
poésie », « Du poète ». Puis, en 1983, Alain Roux – alors
spécialiste du monde ouvrier chinois - lui demande de préparer
un cahier spécial "nouvelle littérature chinoise" pour un numéro
de 1985 de la revue « Europe », en la chargeant en outre d’y
faire participer les collègues de la section de chinois.
Pour mener à bien
cette mission, elle passe deux ans à rechercher des textes,
autant de prose que de poésie, à les lire et à en traduire
certains, dont des poèmes. Finalement, le numéro spécial sort
en avril 1985, sous le titre « Chine, une nouvelle littérature »
(n° 672, 224 p).
Trois ans
plus tard, lors de la préparation des « Belles
étrangères Chine »
[4],
le responsable de l'opération au ministère de la
Culture, qui avait vu le numéro Chine de la revue
« Europe », lui demande de coopérer avec lui. Dans
ce but, Chantal Chen-Andro crée un groupe de travail
avec des sinologues spécialistes tant de littérature
que de sciences économiques et sociales. Les
rencontres ont lieu en mai-juin 1988, avec treize
écrivains et poètes invités : Liu Binyan,
A Cheng, Bei
Dao,Bai
Hua,
A la suite de l’opération est éditée une anthologie « La
remontée vers le jour. Nouvelles de Chine (1978-1988) », avec,
entre autres, une nouvelle deMo
Yan
qui ne figurait pourtant pas parmi les invités : « La rivière
tarie » (《凅河》
trad. Danièle Turc-Crisa). Cette même année, le 8 juin 1988,
Chantal
Chen-Andro
intervient sur « Le Sorgho rouge de Mo Yan » au colloque
organisé par Noël Dutrait à l’université d’Aix-en-Provence
[5].
C’est le début de l’intérêt pour Mo Yan en France.
A partir de là,
dit-elle, « je me suis trouvée embarquée dans un vrai
tourbillon ».
Entre prose et
poésie : un tourbillon
A partir du début des
années 1990, elle a sans cesse une traduction en cours, passant
des poèmes aux romans et nouvelles, participant à des
anthologies et ouvrages collectifs, mais parvenant en même temps
à enseigner et publier des études et analyses, sur la poésie en
particulier.
Printemps des poètes 2015, avec Xu
Shuang et les poètes Ouyang Jianghe, Yu Jian, Mang
Ke, photo Institut Confucius Paris 7
La seule recension des
titres traduits est impressionnante. Et de tous ces auteurs
émerge Mo
Yan,
dont elle a traduit six romans et une multitude de nouvelles,
ainsi que des essais, et dont elle est l’une des
« spécialistes » incontestée.
Et c’est
une pièce de Mo
Yandont, en cet
automne 2018, Chantal Chen-Andro termine la traduction, une
pièce originale d’après l’une des Biographies d’assassins des
« Mémoires historiques » (Shiji《史记》)
de Sima Qian (司马迁)
[6] :
« Jing Ke, Assassin » (《我们的荆轲》soit,
littéralement, Jingke, le nôtre). La pièce sera donnée à la
Criée de Marseille en mai 2019 dans une mise en scène du Théâtre
des arts du peuple de Pékin.
Mo Yan a
écrit l’histoire du point de vue d’une favorite du
prince héritier de l’Etat de Yan, qui
est le personnage central de la pièce aux côtés de
Jingke – personnage féminin qui est un exemple
supplémentaire des portrait originaux de femmes dans
l’univers de l’écrivain.
Entre-temps, en 2016, Chantal Chen-Andro a repris
son travail sur Wang Guowei… Et elle continue son
engagement aux côtés des poètes. Ainsi, le 19 mars
2018, dans le cadre du Printemps des poètes, elle a
participé à la conférence-lecture animée par
Xu Shuang sur le thème de l’Ardeur à l’UFR
Langues et Civilisations de l’Asie orientale de
l’université Paris Diderot-Paris 7, avec la
poétesse-peintre Xiao Xiao (潇潇)
et la poétesse-ouvrière
Zheng Xiaoqiong (郑小琼).
Cette conférence-lecture a ensuite été redonnée à la
Maison de la poésie de Rennes
[7]
ainsi qu’à celle de Montpellier. Ce sont deux
nouveaux noms à ajouter à son palmarès.
Au Printemps des poètes 2018,
entourée des poétesses Xiao Xiao et Zheng Xiaoqiong
Principales
traductions et publications
Poésie
- Editions Rumeur
des âges
Fumée bleue, poèmes de
Zhu Zhu 朱朱,
2004
- Editions
Caractères
Visite à Gao Xingjian
et Yang Lian – Conversation, 2004
Notes manuscrites d’un
diable heureux, poèmes de Yang Lian
杨炼,
2010
En édition bilingue
Là où s’arrête la mer,
poèmes de Yang Lian 杨炼,
2004
Murailles et
couchants, poèmes de Song Lin
宋琳,
2007
Rose évoquée, poèmes
de Yu Jian 于坚,
2014
Euphémismes, poèmes de
Zhai Yongming 翟永明,
préface de Jin Siyan, 2014
Le temps sans le
temps, poèmes de Mang Ke
芒克,
2014
Ville de silence,
poèmes de Wang Yin 王寅,
2014
Un mot de trop est
menace, poèmes de Wang Yin
王寅,
2015
Qui part, qui reste,
poèmes de Ouyang Jianghe 欧阳江河,
2015
- Editions Meet
(Maison des écrivains étrangers et des traducteurs), édition
bilingue
La maison sur l’estuaire de Yang Lian 杨炼, 2004
Les bonheurs de Babel, collectif, actes du colloque éponyme,
2004
Fragments et chants d’adieu, poèmes de Song Lin 宋琳, 2006
Avoir Vingt ans, collectif, actes du colloque éponyme, 2007
Poèmes de Saint-Nazaire de Duo Duo 多多, 2008
Parce que, de Wang Yin 王寅, 2016
- Anthologie
Le ciel en fuite -
Anthologie de la nouvelle poésie chinoise (poètes de Taiwan et
de Chine continentale), avec Martine Vallette Hémery, éditions
Circé, 2004
Anthologie de la
poésie chinoise, pour la partie « les époques modernes et
contemporaines », bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2015
- De la poésie, Du
poète, de Ai Qing 艾青
(notes
et présentation de Chantal Chen Andro, cotraduction avec Wang
Zaiyuan), Centre de recherche de l'Université Paris VIII, 1982
- « L’effet de
flou », introduction au recueil Quatre poètes chinois,
Ulysse fin de siècle, 1991, p. 9-14.
- « L’exil
intérieur », préface à Au bord du ciel, Circé, 1994,
p. 129-131.
- « Auprès de mon
arbre », préface au recueil de nouvelles de Zhang Wei :
Partance, Bleu de Chine, 2000, p.7-9.
- « Traduire, ou
les transferts de sens », postface au recueil Masques et
crocodiles, Ulysse fin de siècle, janvier 2002, p. 75-78.
- « Une langue
nouvelle pour une poésie nouvelle », préface à Le ciel en
fuite, anthologie de la nouvelle poésie chinoise, Circé,
2004, p. 9-31.
新诗歌,新语言
Cet article présente
la poésie chinoise apparue à la fin des années 1970 sur le
continent. Il montre comment la naissance d’une langue parlée au
début du 20e siècle, la découverte du vers libre et
de l’image personnelle ont révolutionné la création poétique. Il
rappelle les similitudes qui existent entre la poésie de cette
époque et la poésie contemporaine : la valorisation de la
subjectivité, le sentiment, chez les poètes de ces deux
périodes, d’appartenir à une génération, il souligne le même
parti pris existant chez les critiques qui reprochent à ces deux
poésies leur « obscurité ». Puis il brosse l’historique du
mouvement dans les années 1970, de sa naissance à son évolution.
Il conclut sur la constatation de l’existence d’une poésie qui
est désormais à l’écoute de la création poétique mondiale.
- Préface au roman
Explosion de Mo Yan, tr. Camille Loivier, éditions
Caractères, février 2004, p 7-11.
- « En marge »,
préface à Que nous a apporté l’exil , conversation entre
Gao Xingjian et Yang Lian, éditions Caractères, février
2004, p. 7-13.
- « Le voyage en
Turquie », introduction à la partie Chine du numéro
Pékin- Istambul, de la revue Meet, 2004, p. 13-14.
- « Rencontres, ou
l’efficience du Yuan»,
préface de Aux confins du miroir de Xin Ye, avec postface
de Stéphane Feuillas, Caractères, 2004
- « Une poésie
ouverte à tous les vents », préface au livre de Song Lin
Murailles et couchants, éditions Caractères, 2007, 95p.
- « En guise de
préface », préface au livre de Yang Lian, Notes
manuscrites d’un diable heureux, Editions Caractères, 2010,
99p.
- « L‘instant
poétique stabilisé », préface au recueil de Mang Ke, Le
temps sans le temps, Caractères, 2014.
- « La fabrique du
romancier », préface aux essais de Mo Yan, Dépasser le
pays natal, Seuil, 2015.
- « Entre les mots
et les choses », préface au recueil de Ouyang Jianghe,
Qui part qui reste, éditions Caractères, 2015.
- « Garder au poème
sa part de mystère », préface au recueil de Wang Yin, Un
mot de trop est menace, éditions Caractères, 2015.
- « Quelques
remarques du traducteur sur les choix de traduction »,
préface au livre de Duo Duo, Questionnement, Caractères,
2015.
- « Par-delà les
contraires », préface au recueil de Yu Xiang, D’autres
choses, Caractères 2016.
- « Ce qui
s’échappe des choses », préface au recueil de Han Dong,
Soleil noir, Caractères, 2016.
Ouvrages collectifs
- Littératures
d’Extrême-Orient au XXe siècle, sous la direction de
Chantal Chen-Andro, Annie Curien et Cécile Sakai, Philippe
Picquier, 1993.
- Tours et détours :
écritures autobiographiques dans les littératures chinoise et
japonaise du 20ème siècle, sous la direction de
Chantal Chen-Andro, Annie Curien et Cécile Sakai, Publications
universitaires Denis-Diderot, 1998.
Contient les textes du
séminaire "Écritures autobiographiques dans les littératures
extrême-orientales au XXe siècle", avril 1993-octobre 1995,
Université Paris 7-Denis Diderot.
- Imaginaires de
l’exil dans les littératures contemporaines de Chine et du
Japon, ouvrage collectif sous la direction de Chantal
Chen-Andro, Cécile Sakai et Xu Shuang, Philippe Picquier, 2012.
- « Les grands
problèmes du roman au XXe siècle », Littérature
d’Extrême-Orient au XXe siècle, Philippe Picquier, 1992, p.
73-94.
Cet article étudie la
problématique du roman chinois au 20e siècle autour
de quatre grands axes principaux : le problème du rapport à
l’Occident, celui de la création d’une langue « parlée » (baihua)
plus compréhensible que la langue lettrée (wenyan), de la
popularisation, enfin la question de l’absence de définition du
romanesque et de ses subdivisions. En dernière partie, il
survole l’évolution des techniques narratives après 1976,
montrant comment l’apparition de nouveaux courants finit par
entamer la prépondérance de l’école dite du « réalisme » et pose
la question de la survie d’un genre, dont la définition, celle
que lui a donnée la critique occidentale,
est
peut-être hétérogène à la sensibilité littéraire
- « En Chine,
comment renaît la littérature », Etudes, décembre
1993, p. 675-685
Cet article présente
quatre écrivains chinois contemporains : Wang Meng, Wang Zengqi,
Han Shaogong et Mo Yan. Quatre auteurs qui illustrent le
renouveau de la littérature chinoise. Il montre comment chacun
d’eux, dit la valeur de la personne, s’attache à la « quête de
racines » pour répondre à l’horreur de la perte d’identité
culturelle, comment l’innovation réside aussi dans l’art du
récit, dans les manières de conter.
- « La valorisation
de l’enfance dans l’œuvre de Mo Yan », Tours et détour,
écritures autobiographiques dans les littératures chinoise et
japonaise, Presses Universitaires de Paris 7, 1998, p.
191-229.
Cet article montre
comment le renouveau littéraire amorcé à la fin des années
soixante-dix, en promouvant un retour à des tendances plus
subjectives dans l’écriture romanesque, a permis l’apparition du
personnage de l’enfant comme protagoniste principal d’un récit.
Si Mo Yan n’est pas le seul auteur chinois à avoir valorisé ce
personnage, il n’en reste pas moins vrai que chez lui l’enfance
est omniprésente. L’article, sans accréditer complètement la
thèse autobiographique, analyse avec prudence, récits d’enfance,
romans familiaux chez cet auteur, ainsi que les souvenirs
d’enfance attestés, les souvenirs du narrateur des différents
récits et les images récurrentes parsemés dans cette œuvre
colossale. Dans un second temps, l’article essaie de brosser
l’image de l’enfant telle qu’elle se dessine au travers de
l’œuvre. Cette analyse s’appuie sur les travaux de Piaget, sur
les études de Lejeune, Francine Dugas-Portes, Vincent de
Gauléjac, Denise Escarpit, sur des textes de Freud, Sartre,
Sarraute et autres auteurs, sur des articles et des documents en
chinois concernant Mo Yan ainsi que sur des interviews de cet
auteur.
- « La poésie de
Duoduo ou la mise en tension de l’écriture », Neige
d’août, n° 6, automne 2002, p. 48-54.
多多的诗歌:写作的张力
Bilan d’une analyse
serrée d’une vingtaine de poèmes de Duoduo qui avait porté sur
le vocabulaire, la syntaxe, les thèmes, les rythmes, repérant
contrastes, oppositions et tensions, cet article s’attache à
leur étude au niveau de l’articulation phonétique. Il montre
comment la tension combinatoire entre les différents phonèmes
crée une forme porteuse de sens, comment elle fonctionne comme
subversion de l’accrochage de la pensée, comment, dans un tel
système, la syllabe écrite est l’émotion brute ressentie face à
la chose.
- « La poésie de
Beidao ou le doute revendiqué », Europe, nov.-déc.
2002, p. 274-279.
北岛的诗歌:被承担的怀疑
Cet article montre
comment la poésie de Beidao est orientée autour d’une
dialectique du refus et de l’affirmation, comment le réel y est
absent et présent, tour à tout nié et affirmé, comment le poète
instaure des distances : par rapport au réel, par rapport à
lui-même, par rapport à la langue, comment ces fractures font de
sa poésie tout entière une métaphore de l’absence, une métaphore
en absence.
- « La grammaire du
rythme dans la poésie de Beidao », Neige d’août, n°7,
hiver 2002, p. 105-114.
北岛诗歌的节奏语法
Cet article part d’un
thème central à l’œuvre de Beidao, celui de l’Histoire. Par une
étude statistique des occurrences des noms et des verbes dans
les différents recueils de ce poète, il indique quelques pistes
pour essayer de comprendre l’écriture d’un poète qui ne se livre
pas aisément. Les repères ainsi trouvés laissent entendre que,
même quand le thème n’apparaît pas nommément dans le poème,
l’inflation de la classe nominale désigne peut-être, in
absentia, l’insoutenable pesanteur de l’Histoire.
« Traduire un
rythme », Le coin de table, n° 13, 2003, p. 19- 25.
翻译一种节奏,论北岛的诗歌
La poésie de Beidao
est marquée par l’emprise du nom, que celui-ci soit employé seul
ou assorti de déterminants (possessif, adjectif, construction
relative). En chinois, la structure de détermination est
signalée par la particule « de » (avec pour variante « zhi »),
le déterminant précédant le déterminé. Bei Dao en fait un large
emploi. Comment traduire en français ce rythme qui fait sens ?
- « Modernisme ou
modernité ? Regards d’encyclopédistes et de critiques
littéraires chinois dans les années 80. » in Ecrire au
présent, MSH, 2004, p.261-275.
Cet article, dans un
premier temps, part des définitions données dans les
dictionnaires chinois des mots « nouveau », « moderne »,
modernisme » (en l’absence du mot « modernité »). Il suit
l’évolution du mot « modernisme » de 1969 à 1999. Dans un second
temps, il étudie l’emploie de ces mêmes vocables dans trois
articles qui ont marqué le débat (dès 1980) autour de la
« poésie obscure ». Il souligne une concordance entre les deux
types de textes— même si les critiques littéraires sont plus
nuancés dans leurs affirmations— avec une tendance commune à
ancrer le débat autour de clivages, de points de rupture, comme
l’opposition du nouveau à l’ancien, de l’individu à la société,
de l’irrationnel à la rationalité. Il conclut, devant l’absence
du mot « modernité », que ce soit parmi les définitions savantes
ou dans les articles étudiés, au profit du mot « modernisme »
(puis « post-modernisme »), à une influence probable de la
tradition anglo-saxonne, dans laquelle le mot « modernity »,
à l’inverse de la française, est déprécié par rapport au mot « modernism ».
– « Tissage et
métissage, les références culturelles dans la poésie de Song
Ling »
制造与杂交,宋琳诗歌中的文化参考paru sur le site
internet du « Réseau-Asie » 2005, douze feuillets
Cet article montre à
partir d’un poème de Song Lin comment ce poète, nourri d’une
solide et fine culture classique chinoise et ouvert sur les
traditions poétiques et philosophiques de l’Occident, tisse et
« métisse » les références culturelles au gré des vers.
L’article pose la question de la difficulté, pour le traducteur,
de transmettre dans les mots de sa propre langue un peu de la
polysémie du texte original sans recourir à la note.
– « Peut-on
restituer toute la richesse d’une ‘crête de sens’ du poème
original ? Quelques remarques sur la traduction en français d’un
poème de Bei Dao» in « Trois langues pour un poème »,
in Comparatisme en traduction poétique,
Réseau-Asie, Anagrammes 2007, p. 33-38
是否能翻译出来原诗的“意义脊线”(论北岛的诗歌)
Il faut entendre sous
cette formulation le lieu où convergent les éléments propres à
dynamiser le poème et qui sont en lutte contre les éléments
statiques de la syntaxe du nom. Il s’agit, dans le poème de Bei
Dao étudié ici, du verbe actif, de l’impertinence sémantique du
complément d’objet et de l’utilisation du rejet. (7 feuillets)
- Traquer un
rythme, à propos d’un rythme quaternaire dans la poésie de
Bei Dao, 3ème Congrès du Réseau Asie – IMASIE (septembre 2007)
- « Le
traitement de la métaphore dans la critique poétique chinoise de
la première moitié du 20e siècle »
Regards sur la
métaphore entre Orient et Occident,
Philippe Picquier, 2008, pp. 131-153.
二十世纪前半叶中国诗歌批评关于隐语的处理
La critique chinoise
moderne et la fonction métaphorisante— terminologie désignant
cette fonction dans els études datées de la première moitié du
XXE
siècle en Chien et portant sur la nouvelle poésie chinoise
Cet article montre
comment les critiques chinois au début du 20e siècle,
au contact de la philosophie et de l’esthétique occidentales,
ont ajusté certains vocables qui existaient dans la tradition de
la critique littéraire chinoise pour traduire les concepts
occidentaux comme ceux d’imagination, d’image, de symbole. On
remarque souvent des amalgames liés à une compréhension vague de
leur emploi dans la critique traditionnelle chinoise, mais aussi
dans l’esthétique occidentale, ainsi qu’une résistance des
valeurs traditionnelles : celles de l’implicite, de l’allusif,
du caché.
- « Yang Lian ou
l’aliénation du sujet par l’écriture », Imaginaires de l’exil
dans les littératures contemporaines de Chine et du Japon,
Philippe Picquier, 2012, p.87-96.
- « Mo Yan,
‘l’écrivain paysan’ », Revue des Questions
Scientifiques,
Les prix Nobel 2012, tome 184, 2013 n°3, p. 291-306.
- « Comment
restituer traduction, la polysémie d’images que les poètes
chinois contemporains empruntent à la poésie classique : le cas
de Song Lin », Les tiges de mil et les pattes du héron,
Lire et traduire les poésies orientales— 1, sous la
direction de Julie Brock, CNRS Éditions, 2013, p. 77-85.
- « L’expression de
la douleur face à l’absence de l’être aimé chez la poétesse Li
Qingzhao (1084-après 1151) : entre poncifs et originalité »,Les tiges de
mil et les pattes du héron, Lire et traduire les poésies
orientales— 2, sous la direction
de Julie Brock, CNRS Éditions, 2013, p. 135-145.
- Restituer le
parfum du santal, Le Nouveau Magazine Littéraire, 2013/8 (n°
534), p. 48.
Sur la traduction du
« Supplice du santal » de Mo
Yan.
« J'avais parcouru
rapidement « Le Supplice du santal » avant d'entreprendre sa
traduction. Je redoutais le réalisme barbare de certains
passages, fort longs par ailleurs, mais je pensais que les
problèmes techniques inhérents à l'écriture me permettraient de
passer outre. Ce ne fut pas le cas, le temps de la traduction
était tellement plus lent que celui de la lecture, il semblait
même suspendu à cette barbarie. Le temps de la lecture ne permet
pas non plus au traducteur de mesurer l'importance des écueils
qu'il devra surmonter. Pour ce roman, ils étaient
particulièrement nombreux. Et d'abord le rythme. Ou plutôt les
rythmes, ceux des voix et des bruits qui tissent le récit (« Ce
que j'avais écrit là était des voix et des bruits », dit Mo Yan
dans la postface). Cinq personnages principaux, cinq voix dont
il fallait restituer la tessiture et la charge émotionnelle.
Autant de rythmes faisant avancer celui du récit lui-même :
ainsi, les quatre premiers chapitres, correspondant chacun, dans
l'ordre de leur entrée en scène - car la structure est théâtrale
-, à un personnage. Ceux concernant la jeune femme et son bêta
de mari sont marqués, dans la traduction, par une alternance du
présent avec les temps du passé (les flash-back), tandis que le
passé simple est employé pour le récit du bourreau, le passé
composé pour celui du sous-préfet. En chinois, le verbe ne se
conjugue pas1 le français, avec sa panoplie de temps, permet de
rythmer le récit en une sorte de transfert des procédés
signifiants du texte orignal. La partie centrale (chapitres V à
XIII) est rendue entièrement au passé en français1 il s'agit
d'autant de récits qui semblent relatés, comme le souligne
l'auteur lui-même, « du point de vue d'un narrateur [d'un
conteur ?] objectif et omniscient ». La dernière partie (les
cinq derniers chapitres) est traduite au présent avec le retour
sur la scène des cinq personnages, qui prennent le relais du
narrateur. »
- « L’œuvre de Mo Yan en dialogue avec celle d’autres auteurs »,
in
Mo Yan, au croisement du local et de l’universel,
Actes du colloque international Paris/ Aix-en Provence, sous la
direction de Zhang Yinde, Xu Shuang, Noël Dutrait, Seuil,
février 2016.
- « La saga
familiale entre le réel et l’imaginaire : Le Clan du sorgho
rouge et Le Clan des chiqueurs de paille »,
in ibid.
- « Latitude d'interprétation et de transposition en français
des données d'un poème en langue chinoise : quelques exemples »,in
Traduire entre les langues chinoise et française, un exercice
d'interprétation,
actes du colloque, du 12 juin 2012 à la BnF, sous la direction
d’Annie Curien, MSH. 2018
- Conférence du 19
juin 2018 à la médiathèque Emile Zola, à Montpellier :
« Romans et romanciers
en Chine au 20e siècle : contextes et œuvres »
- Intervention avec
Mo Yandans le cadre d’ALIBI (Atelier littéraire bipolaire) à la
BNF / Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH) :
Lettres chinoises / Lettres françaises sur le thème de
« l’enfance », 22 mars 2004.
Chantal Chen-Andro
intervient sur la traduction de la nouvelle « Grande bouche » (《大嘴》) de
Mo Yan[8],
qu’elle rapproche de deux autres nouvelles de l’auteur où l’on
trouve des descriptions semblables, qu’elle assimile donc à des
souvenirs d’enfance : « La Rivière tarie » (《凅河》)
et « La Fille du boucher » (《屠师女儿》).
Elle donne deux exemples typiques de difficultés de traduction :
1/ difficulté de trouver le temps adéquat, et dans ce cas non un
temps pour la totalité du texte, mais des temps différents pour
les trois parties du récit, « pour l’animer », et 2/ difficulté
de trouver des traductions appropriées des termes désignant les
parents proches, en tenant compte des particularités dialectales
de la région natale de Mo Yan.
- Intervention avec
Ge Feidans le cadre d’ALIBI sur le thème de « la citation », 15
novembre 2002.
[Tous mes
remerciements pour l’entretien du lundi 10 septembre 2018 ainsi
que pour les corrections et les précisions complémentaires
données par la suite, en particulier bibliographiques]
[1] Il
a publié dès 1971 des Etudes sur le conte et le roman
chinois (EFEO 1971). Sa thèse est publiée dix ans
plus tard :
Le conte en langue vulgaire du xviie siècle
(vogue et déclin d'un genre narratif de la littérature
chinoise),
Paris, Institut des hautes études chinoises, [Prix Giles
1976].
[2]
Concordance des œuvres complètes de Cao Zhi
《曹植文集通檢》Jean-Pierre
Dieny ; Chantal Chen-Andro ... et al, Paris, Institut des
hautes études chinoises, diffusion Adrien Maisonneuve,
1977.
[4] Les
Belles Etrangères : festival littéraire qui a été
organisé chaque année de 1987 à 2010 par le Centre
national du livre (CNL) sous l’égide du Ministère
français de la Culture. Le CNL invitait des écrivains
d’un même pays à participer à des rencontres au mois de
novembre, dans toute la France. La manifestation était
accompagnée de l’édition d’une anthologie.
[5]
Voir les actes du colloque : La littérature chinoise
contemporaine, tradition et modernité, Publications de
l’université de Provence, 1989, p. 11-13.
[6] Sur
Sima Qian, le Shiji et ses Biographies
d’assassins (刺客),
dont la cinquième, celle de Jingke (荆轲),
voir :