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Mo Yan annonce « rompre la malédiction du Nobel » et recommencer à écrire !

par Brigitte Duzan, 22 mai 2018

 

Mo Yan a annoncé publiquement qu’il se retirait des divers engagements officiels qui ont été son lot quotidien depuis que le prix Nobel de littérature lui a été décerné, en octobre 2012. Cela fait cinq ans qu’il se consacrait presque exclusivement à diverses missions officielles et caritatives, sans pouvoir écrire.

 

L’annonce a été faite à Hong Kong, le 5 mai dernier (2018) ; puis, le 15 mai, dans une interview publiée sur le site chinawriter, il a déclaré vouloir briser

 

Mo Yan recevant le prix Nobel en 2012 avec son épouse Du Qinian

la « malédiction du Nobel » (打破“诺贝尔魔咒”) qui condamne les écrivains couronnés à ne plus écrire ni publier pendant longtemps, et être bien décidé à revenir résolument à l’écriture (新作强势归来) [1].  

 

Cinq ans sous les projecteurs

 

Fin des mandats officiels

 

En mars dernier (2018), il a été l’une des personnalités en vue dont n’a pas été renouvelé le mandat de délégué à la Conférence politique consultative du Peuple chinois (中国人民政治协商会议 ou Rénmín Zhèngxié  人民政协).

 

Il y avait été nommé en 2013, et considérait cette fonction comme une responsabilité. Pendant ses cinq ans, il a présenté diverses propositions, pour améliorer l’enseignement préscolaire dans les zones rurales ou accroître les subventions allouées aux familles ayant perdu leur unique enfant. Il a ainsi passé de longues heures en réunion, ou à faire des recherches et rédiger des documents. Il a demandé à ce que son mandat ne soit pas renouvelé.

 

En outre, il était depuis 2011 président adjoint de l’Association des écrivains chinois, ce qui, avec le Nobel, entraînait de multiples occasions et obligations d’interviews. 

 

Juré du prix Lui Che Woo

 

Mo Yan est aussi membre du jury du prix Lui Che Woo (呂志和), créé en 2015 par un magnat de Hong Kong qui a bâti la seconde fortune de Hong Kong sur le jeu et le divertissement, mais qui mène aussi toute une série d’activités à caractère philanthropique. Les prix décernés vont récompenser des individus ou des groupes qui ont contribué à améliorer notre monde, dans le domaine du développement durable, du développement rural ou celui de « l’énergie positive » [2].

 

Mo Yan est particulièrement intéressé par le prix dans la troisième catégorie, qui devrait en 2018 récompenser des individus ou des groupes apportant leur contribution à la lutte contre l’illettrisme. Il a déclaré que ce prix le touche de près car cela lui rappelle les Chinois de la génération de ses parents qui ne savaient ni lire ni écrire, mais évoque aussi en lui des souvenirs de sa jeunesse, quand, encore écolier, il avait été mobilisé pour apprendre à lire à des paysans illettrés.

 

Mo Yan, cependant, va réduire ces activités, et reprendre sa vie d’écrivain. En mai 2013, déjà, critiqué pour son refus de discuter de politique, il a déclaré que les personnalités du monde de la culture n’ont pas forcément la responsabilité de devenir des dissidents, lui en tout cas voulait qu’on le laisse écrire tranquille :

 

« Je déteste la politique partisane, et la manière dont on se déchaîne contre vous pour des raisons idéologiques. […] Je n’ai ni les aptitudes ni l’intérêt nécessaires pour devenir un politicien. Je veux juste pouvoir écrire tranquillement et m’adonner en secret à quelques activités caritatives. » [3]

 

Retour à l’écriture

 

2018 marque le 40ème anniversaire du lancement de la politique de réforme et d’ouverture, et il est significatif de voir Mo Yan reprendre le chemin de sa table de travail en cette année qui rappelle ses débuts d’écrivain, fortement influencés par la découverte de la littérature occidentale. Aujourd’hui, les choses ont changé et son style a évolué.

 

Reprise des publications dès 2017

  

En fait, il a recommencé en 2017 à écrire et publier des poèmes, des nouvelles et des pièces de théâtre dans diverses revues. Mais ce ne sont pas vraiment de nouveaux écrits. Ces publications sont de deux sortes :

 

-    d’une part, des adaptations au théâtre de certains de ses romans les plus populaires, mais aussi un livret d’opéra, « Vêtements de brocard » (jǐnyī 《锦衣》) ;

 

-   d’autre part, des nouvelles écrites avant 2012, qu’il a révisées pour publication.

 

C’est ainsi que le numéro de mai 2017 de la revue Harvest (ou Shouhuo《收获》) comportait un ensemble de textes de Mo Yan intitulé « Affaires humaines au village » (《故乡人事》), constitué d’une trilogie de nouvelles courtes, illustrée qui plus est : « Le regard du propriétaire foncier » (《地主的眼神》), « Le combattant » (《斗士》) et : « La faucille de gauche » (《左镰》) [4].

 

Lors d’un séminaire organisé le 13 mai dernier à l’université normale de Pékin, sur ses nouvelles œuvres, justement, le critique Li Jingze (李敬泽) qui présidait le séminaire s’est félicité d’avoir retrouvé le Mo Yan qu’il connaissait en citant comme exemple deux des nouvelles publiées récemment : « La faucille de gauche » (《左镰》) et « Paix sur la terre » (《天下太平》). Il a souligné que l’on

 

Affaires humaines au village, calligraphie de Mo Yan pour Shouhuo

pouvait parler à la fois de changement et de continuité (“变”与“不变”). La nouvelle  

 

La revue octobre de janvier 2018

 

« En attendant Moïse » (《等待摩西》), par exemple, publiée dans la revue Octobre (《十月》) en janvier 2018, fait partie de nouvelles histoires du canton nord-est de Gaomi, contées par un enfant [5].

 

Li Jingze a noté également que sont apparus dans ces nouvelles de nouveaux thèmes, comme la réconciliation (和解) ou la tolérance (宽容), qui participent d’un renouveau thématique tandis que la langue est toujours très vivante.

 

Un nouveau roman ?

 

En avril dernier, lors d’un autre passage à Hong Kong, Mo Yan a également annoncé qu’il travaillait sur un nouveau roman qui serait un roman anti-corruption (反腐小说), inspiré de la série télévisée chinoise « Au nom du peuple » (《人民的名义》) dont il est un fan. Adaptée en 2017 d’un roman éponyme de Zhou Meisen (周梅森), cette série télévisée relate des épisodes semblables à ceux de la campagne gouvernementale contre la corruption, mais dans une ville de fiction.

 

 


[2] C’est le cas des lauréats des deux premières années : Xie Zhenhua (解振华), chef de la délégation chinoise à la Conférence sur le changement climatique des Nations Unies, Yuan Longping (袁隆平), père du riz hybride, le Comité paralympique, l’ONG Landesa pour son action dans le développement rural ou encore le groupe Médecin sans frontières pour son engagement dans la médecine humanitaire.

[3] Déclaration faite lors d’une interview accordée au journal The Atlantic le 10 mai 2013 :

https://www.theatlantic.com/china/archive/2013/05/mo-yan-i-just-want-to-write-leave-

me-alone/275751/

[4] Voir la présentation des textes avec les illustrations : http://cul.qq.com/a/20171114/017166.htm

 

 

 

     

   

 

 

 

 

     

 

 

 

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