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Les jurés du prix littéraire Mao Dun
récompensent « la dévotion et la persévérance »
par Brigitte Duzan, 30 août 2011
Les lauréats du
huitième prix littéraire
Mao Dun (第八届茅盾文学奖)
ont été annoncés. Ils sont cinq et n’ont guère provoqué
de surprise.
Le livre qui a
obtenu le plus de voix est un roman-fleuve que son
auteur,
Zhang Wei (张炜),
a mis vingt-deux ans à écrire et dont la principale
caractéristique est de faire quelque quatre millions et
demi de caractères et dix volumes : « You are on the
Highland » (《你在高原》).
Mais ce n’est pourtant pas la seule chose que Zhang Wei
ait écrite ; il a aussi à son actif 18 romans et quelque
150 nouvelles, sans parler d’essais et de poèmes. On
finit par ne plus parler que chiffres, avec lui, c’est
tout juste si l’on arrive à savoir que son livre raconte
l’histoire de quatre familles emportées par les
soubresauts de l’histoire et les aléas de la politique.
Peut-être
qu’aucun des jurés n’a réussi à le lire jusqu’à la fin.
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« You
are on the Highland » (《你在高原》) |
Le deuxième
livre récompensé est « Skywalker »
(《天行者》)
de
Liu Xinglong
(刘醒龙).
Reflétant
l’expérience
personnelle de l’auteur, le roman raconte les
difficultés rencontrées par l’un des quelque quatre
millions
d’instituteurs
qui, sous Mao, furent chargés d’enseigner, dans le plus
extrême dénuement, dans les petites écoles perdues dans
les montagnes aux quatre coins du pays.
De ce même
auteur, porte-drapeau du néoréalisme en
Chine, on
connaissait en traduction française « Du thé
d’hiver pour
Pékin » (《挑担茶叶上北京》),
un roman
sur les
absurdités de la vie dans les campagnes chinoises,
et le caractère
ubuesque de certaines décisions prises
par les cadres
locaux pour se faire bien voir de la
hiérarchie (1).
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« Skywalker »
(《天行者》 |
Le troisième
livre primé est « Grenouilles » (《蛙》)
de
Mo Yan (莫言),
qui traite, sous la forme originale de quatre lettres et
une pièce de théâtre finale en neuf tableaux, de la
politique de l’enfant unique à travers l’expérience
personnelle d’une
redoutable sage-femme en son temps obligée de faire
appliquer les lois du planning familial. La traduction
en français, par Chantal Chen-Andro, vient de paraître,
le 18 août, au Seuil.
« Grenouilles » (《蛙》) |
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« Grenouilles » (《蛙》) |
Le suivant sur la liste est le quatrième
roman de
Bi Feiyu
(毕飞宇),
« Massage » (《推拿》),
qui raconte la vie d’un groupe d’aveugles, spécialistes
de cette pratique de la médecine traditionnelle chinoise
visant à traiter la douleur par le massage évoquée par
le titre : 推拿
tuīná. C’est le prétexte d’une réflexion sur l’histoire,
sur le pouvoir et les normes sociales, sur les relations
humaines et leurs difficultés dans le monde actuel, bref
une méditation sur la vie.
Le dernier
roman récompensé est celui de
Liu Zhenyun (刘震云) : « Un mot en vaut
dix mille » (《一句顶一万句》),
qui
avait déjà été couronnée du prix Dangdai en 2009. C’est
une
vaste fresque sur le thème de la solitude comme fléau
incontournable de la société chinoise,
loué (à juste titre) par la critique
comme étant « les mille ans de la solitude » des Chinois
(中国人的“千年孤独”)
par
référence à García Marquez. |
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« Massage » (《推拿》) |
Le prix Mao Dun
est décerné, tous les quatre ans maintenant, sous
l’égide de l’Association nationale des écrivains
chinois. C’est le huitième décerné cette année, depuis
1982. Il confirme son ancrage sur des valeurs établies.
La légère ouverture vers la littérature internet
n’aura été
qu’une timide tentative de se donner des airs
progressistes. Il a bien fallu reconnaître qu’aucun des
titres retenus dans la sélection finale n’étaient à la
hauteur des critères du prix (2).
En revanche,
les juges (dont le nombre avait triplé cette année) sont
restés dans la tradition en exprimant l’espoir de voir
les œuvres primées être adaptées au cinéma pour toucher
un lectorat plus vaste. Les trois derniers auteurs cités
sont déjà des habitués du grand écran et il est vrai que
le cinéma a été pour beaucoup dans leur notoriété auprès
du grand public. |
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« Un mot en vaut dix
mille »
(《一句顶一万句》) |
Notes
(1) Traduction de
Françoise Naour, Bleu de Chine, 2004. Le même éditeur avait déjà
publié plusieurs autres traductions de livres de Liu Xinglong :
« La Déesse de
la modernité » (《凤凰琴》)
(1994), recueil
de trois nouvelles, « Croquants de Chine » (《冒牌城市》),
« Instituteurs de la montagne »
(《白菜萝卜》)
(1999), nouvelle ‘de taille moyenne’ qui préfigurait le roman
récemment primé, et, plus récemment, en 2006, « La guérite » (《冒牌城市》), recueil de trois nouvelles pleines d’humour liées par le même sujet.
(2)
Critères assez étonnants si l’on en croit l’un des jurés
interviewé par le China Daily à la suite de la remise des prix :
« Les résultats,
a-t-il déclaré, reflètent notre respect pour la littérature, et
récompensent la dévotion et la persévérance des
écrivains. » (mes italiques)
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