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				Wang Meng
				王蒙 
				
				Vie et œuvre
				par Brigitte Duzan, actualisé 25 juin 2019   
					
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						Wang Meng (王蒙) 
						est né à Pékin en 1934, de parents professeurs 
						universitaires. Il a donc grandi pendant ce qu’on 
						appelle en Chine la guerre de résistance contre le Japon 
						(抗日战争), 
						officiellement déclarée en 1937, mais qui avait en fait 
						commencé dès septembre 1931 avec l’invasion de la 
						Mandchourie. 
						
						  
						
						Communiste dès son plus jeune âge, malgré sa 
						condamnation comme droitier en 1958, son exil au 
						Xinjiang pendant la Révolution culturelle, et ses 
						démêlés avec le Parti en 1989, il est toujours resté 
						fidèle aux idéaux de sa jeunesse. A plus de 80 ans, il 
						continue d’écrire, et, depuis 2000, n’en finit pas de 
						revisiter ses souvenirs de ses seize années au Xinjiang 
						qui ont nourri une grande partie de son œuvre et qu’il 
						considère a posteriori comme des années riches et 
						heureuses. C’est un regard rétrospectif plein de 
						nostalgie et d’un inaltérable optimisme. |  | 
						
						 
						
						Wang Meng |  
				
				  
				
				En 2015, après romans, essais philosophiques et autobiographie 
				en plusieurs volumes, il est revenu vers la forme de la nouvelle 
				qui lui a valu ses premiers succès. Wang Meng est d’une 
				incroyable vitalité, « un tout jeune octogénaire » (一个八十岁的高龄少年), 
				comme a dit 
				Tie Ning (铁凝). 
				Au-delà des controverses qu’il peut susciter sur son engagement 
				politique, c’est un géant littéraire. 
				
				  
				
				Communiste dès 
				la première heure
				
				
				  
				
				Son enfance est ainsi
				marquée par le nationalisme qui est la réaction normale 
				de tout pays envahi, et influencée par l’idéologie communiste 
				qui se répand alors en Chine. En 1947, il a à peine treize ans 
				lorsqu’il adhère à la Ligue de la jeunesse socialiste de Chine, 
				rebaptisée en avril 1949 Ligue de la jeunesse de la Démocratie 
				Nouvelle (新民主主义青年团), avant de devenir la Ligue de la jeunesse 
				communiste. Il devient très vite secrétaire de quartier. 
				
				  
				
				Il commence à écrire dès 
				1953, à dix neuf ans ; cette première nouvelle, intitulée « Vive 
				la jeunesse » (《青春万岁》), 
				qui ne sera publiée qu’en 1979, reflète la fougue et 
				l’enthousiasme qui étaient alors les siens (1). Dans un 
				autoportrait (2), il décrit ainsi ses premiers pas d’écrivain : 
				
				« Un soir d’automne 
				1953, dans un petit immeuble de deux étages près de Beixinqiao (北新桥), 
				un jeune cadre de dix neuf ans de la Ligue de la jeunesse 
				communiste ferma la porte de la petite pièce qui lui servait de 
				bureau et d’habitation, et commença à écrire sur un bloc de 
				papier blanc non réglé, avec le sentiment d’accomplir quelque 
				chose de sacré, de solennel… » 
				
				  
				
				Il raconte un peu plus 
				loin dans le même texte que son premier professeur de 
				littérature fut la sœur de sa mère, quand il avait sept ans ; en 
				corrigeant l’une de ses rédactions qui avait pour sujet « le 
				vent du printemps », elle avait rajouté à la fin la phrase 
				suivante, sans trop se préoccuper de savoir si cela pouvait 
				venir de la plume d’un enfant de cet âge : « Oh vent, puisses-tu 
				disperser l’obscurité de la terre ! » C’est exactement, dit-il, 
				ce qu’il pensait que la littérature devait se fixer comme 
				mission. 
				
				  
				
				Marqué par les grands 
				écrivains chinois comme 
				Lu Xun ou
				Ba Jin, 
				mais aussi russes, comme Ostrovski (l’auteur de « Comment 
				l’acier fut trempé »), il pensait que littérature et révolution 
				étaient inséparables, que la littérature était le flux vital de 
				la révolution, et vice versa. 
				
				  
				
				Premières désillusions
				 
				
				  
				
				Or, justement, l’époque 
				est marquée par une attaque du Parti communiste contre la 
				liberté de l’écrivain… au nom de la révolution. N’est plus 
				admise que la littérature codifiée, celle répondant aux règles 
				du réalisme dit révolutionnaire : Wang Meng dit en avoir 
				ressenti une crise de conscience, un déchirement intérieur, et 
				avoir souvent pleuré sur son oreiller. Ses écrits traduisent sa 
				désillusion. 
				
				  
				
				Après une courte 
				nouvelle, Xiao Dou’r (《小豆儿》), 
				en 1955, il publie l’année suivante « La fête du printemps » 
				(《春节》, puis « Le nouveau venu au département de l’organisation » 
				(《组织部新来的青年人》) 
				qui a tout de suite un grand retentissement car la nouvelle est 
				une attaque des dérives bureaucratiques de la Ligue de la 
				jeunesse, et du Parti en général. En 1958, au cours de la 
				campagne anti-droitière qui suit la brève campagne des Cent 
				Fleurs, l’ouvrage lui vaut d’être condamné comme droitier et 
				envoyé dans un camp de ‘réforme par le travail’ près de Pékin. 
				 
				
				  
				
				En 1961, il est 
				partiellement réhabilité et chargé d’un poste d’enseignant à 
				l’université normale de Pékin (北京师范学校). 
				Il écrit « La pluie d’hiver » (《冬雨》). 
				 
				
				  
				
				Le répit est de courte 
				durée : en 1963, il est à nouveau condamné, et cette fois à la 
				déportation au nord du Xinjiang, dans la préfecture autonome 
				kazakh d’Yili (伊犁哈萨克自治州 , dans le district de Yining (伊宁)(2). 
				Il va y rester seize ans, jusqu’en juin 1979. 
				
				  
				
				Seize ans chez les 
				Ouïghours 
				
				  
					
						| 
						
						 
						
						Wonderful 
						Xinjiang |  | 
						
						Il travaille 
						d’abord dans l’une des brigades de production de la 
						commune de Bayandai  (巴彦岱公社), 
						avant d’être affecté au département de la culture du 
						Xinjiang, en 1973 ; en même temps, il apprend le 
						ouïghour et fait des traductions. Il dit dans son 
						autobiographie que la littérature chinoise était devenue 
						l’apanage de talents médiocres, qu’elle s’était enfoncée 
						au-delà du méprisable. Il ne peut qu’attendre, en marge. 
						C’est pour lui, cependant, l’occasion de partager les 
						joies et les souffrances des gens autour de lui, de 
						découvrir la grandeur et la dignité des couches les plus 
						modestes de la société, et la beauté des lieux les plus 
						éloignés du pays.  
						
						  
						
						La mort de Mao, 
						puis la chute de la Bande des Quatre est pour lui la 
						« deuxième libération ». En 1978, il revient à Pékin, 
						et, en 1979, obtient sa complète réhabilitation. 
						   
						
						Toute 
						l’expérience alors accumulée va brusquement se déverser 
						en un flot de récits puisque « le Parti lui rend sa
						 |  
				
				plume » ; il 
				dit : « Révolution et littérature était à nouveau unis, comme 
				l’étaient mon âme et le tréfonds de mon être. » Il lui reste à 
				se retrouver, et ce n’est pas facile : il a plus de quarante 
				ans, et, relisant ses premières œuvres, elles lui semblent à un 
				univers de distance. La littérature a changé. Dans sa jeunesse, 
				elle lui semblait une jeune fille innocente ; maintenant, elle 
				était devenue « une mère bienveillante dont les rides sur le 
				front étaient témoins des tempêtes subies ; [..] son sein vaste 
				et chaud était cependant toujours doux, regorgeant du lait de la 
				vie et d’un amour universel. »  
				
				  
				
				Retour à l’écriture 
				
				  
				
				Wang Meng inaugure alors 
				un style totalement nouveau, et résolument avant-gardiste : il 
				adopte les procédés du courant littéraire occidental « du flot 
				de conscience », caractérisé par des récits cherchant à rendre 
				le processus de pensée des personnages en introduisant des 
				monologues intérieurs, avec une syntaxe et une ponctuation 
				spécifiques, ainsi que des sauts qui rompent la progression 
				logique de l’histoire.  
				
				  
				
				Les années 1979-1980 
				voient éclore toute une série de nouvelles écrites dans ce 
				nouveau style :《说客盈门》 
				(shuìkè 
				yíngmén, 
				toute une famille de beaux parleurs), « Le papillon » (《蝴蝶》), 
				« Les yeux de la nuit » (《夜的眼》),
				
				
				 « La 
				corde du cerf-volant » (《风筝飘带》), 
				« Voix printanières » (《春之声》), 
				« Le rêve de la mer » (《海的梦》) 
				… 
				
				  
				
				De 1979 date en outre « Le salut bolchévique » (《布礼》)
				
				
				(3), une réflexion sur son expérience de jeune révolutionnaire 
				idéaliste et naïf, croyant aveuglément en Mao et en sa 
				révolution, jusqu’à ce qu’il voie tous ses espoirs trahis : 
				l’histoire de sa génération, en quelque sorte. Dans le préambule 
				écrit pour la traduction anglaise, il explique :  
				
				« La révolution était 
				inspirée par des croyances sacrées… Le peuple se sentit porté 
				par elle, et la vénéra. Mais ceux qui lui ont sacrifié leurs 
				existences, les jeunes en particulier, n’ont reçu en échange que 
				persécutions et vengeances incompréhensibles, mises en œuvre à 
				leur encontre au nom de la révolution. … 
				
				Quel que soit le regard 
				que nous portions sur l’histoire, nous ne pouvons effacer les 
				expériences qui sont restées gravées dans nos os et inscrites 
				dans nos cœurs. Peut-être que nous n’arriverons jamais à les 
				comprendre, mais elles devraient au moins inspirer quelques 
				réflexions, voire un bref soupir… » 
				
				  
				
				Le livre, et son auteur, 
				se retrouvent au centre d’un débat houleux : en 1980 commence en 
				effet une campagne contre le « libéralisme bourgeois », suivie, 
				trois ans plus tard, de la campagne « contre la pollution 
				spirituelle ». Wang Meng est le fer de lance de la littérature 
				moderniste controversée et blâmée pour ses implications 
				politiques et ses influences étrangères. Les critiques officiels 
				tentent de réconcilier sa stature ambiguë d’écrivain 
				patriotique, communiste de la première heure, et en même temps 
				chantre du modernisme littéraire, fustigé alors comme 
				importation décadente.  
				
				  
				
				Certains s’en tirent en 
				classant ses œuvres dans une catégorie spéciale de réalisme, 
				utilisant certes des techniques modernes, mais conservant comme 
				thèmes de réflexion les grands problèmes politiques et sociaux 
				caractéristiques du réalisme. Le problème est que Wang Meng est 
				inclassable, ce qui est bien la pire des choses au pays de 
				Confucius, et de Mao. 
				
				  
				
				Bref passage au 
				ministère de la culture 
				
				  
				
				Ces contradictions ne l’empêchent pas de poursuivre une 
				brillante carrière officielle : admis au sein du Conseil de la 
				Fédération des écrivains chinois en 1981, il devient 
				vice-président du Pen club chinois en 1982 et membre du Comité 
				central du Parti communiste. En 1983, il prend la direction de 
				la rédaction du magazine Littérature du Peuple (人民文学, 
				lancé le 25 octobre 1949). 
				
				
				  
				
				
				Enfin, au printemps de 1986, il est nommé ministre de la 
				culture. C’est une nomination significative. Hu Qili (胡启立), 
				qui était alors membre du Bureau politique en charge de 
				l’idéologie et de la culture, venait de donner publiquement son 
				soutien à la liberté de création. Ces années-là sont marquées 
				par une grande effervescence culturelle, qu’on a appelée 
				« fièvre culturelle » (文热). 
				C’est dans ce contexte que le premier ministre Zhao Ziyang fait 
				appel à Wang Meng, en tant que représentant du courant 
				moderniste de la littérature chinoise.  
				
				  
				
				Il accepte avec réticence. Ses fonctions officielles ne lui 
				laissent plus le temps d’écrire, il est submergé sous la routine 
				administrative, et, qui plus est, se retrouve en porte-à-faux 
				vis-à-vis de beaucoup de ses amis qui le considèrent avec une 
				certaine suspicion. Les événements de Tian’anmen, en juin 1989, 
				mettent fin à ses dilemmes. Pour éviter d’avoir à faire la 
				déclaration demandée à tous les cadres du Parti, une prise de 
				position en faveur du régime et de la répression (ce qu’on 
				appelle 
				
				表态 
				
				biǎotài), 
				il se fait porter malade et hospitaliser.  
				
				  
				
				Après avoir vainement demandé à être relevé de ses fonctions, il 
				est limogé. Son remplaçant, en août 1989, est le dramaturge et 
				poète He Jingzhi (贺敬之), 
				un vétéran du Parti né en 1924, dont le seul titre de gloire est 
				d’être 
				
				le co-auteur de l’opéra révolutionnaire « La fille aux cheveux 
				blancs ». Cette nomination marquait la reprise en main du 
				pouvoir par les conservateurs du Parti. 
				
				  
				
				Nouvelle 
				métamorphose
				
				  
					
						| 
						
						Wang Meng se remet à écrire. De ces années datent nombre 
						de nouvelles très connues, dont « Dur, dure le brouet » 
						(《坚硬的稀粥》), 
						satire pleine d’humour du mouvement pour la démocratie 
						et des modes inspirées de l’Occident, vus à travers une 
						tentative de réforme du petit déjeuner dans une famille 
						chinoise ; la nouvelle déclenche en septembre 1991 une 
						autre controverse, qui dure plusieurs mois. Wang Meng 
						revient aussi sur ses souvenirs du Xinjiang et, en 2006, 
						publie le premier volume d’une autobiographie (《王蒙自传》)
						
						
						(4) qui soulève encore un vif débat, cette fois sur la 
						personne de son père. 
						
						  
						
						Si ses déclarations continuent à faire la une de la 
						presse, il a un regard beaucoup plus pacifié sur les 
						événements et la vie en Chine. Lui qui a été à la pointe 
						de l’avant-garde littéraire défend aujourd’hui une 
						littérature non élitiste, accessible au plus grand 
						nombre, ou plutôt une fusion de la culture d’élite
						 |  | 
						
						 
						Autobiographie, 1ème volume |  
				
				et de la culture populaire qui est tout à fait dans l’air du 
				temps. Dans une interview diffusée sur le site china.org, 
				déclarant que la culture devait quitter sa tour d’ivoire, il a 
				encouragé des émissions télévisées du type « la Tribune des cent 
				écoles », dont l’objectif est de mettre les grandes œuvres 
				classiques à la portée du grand public, en transposant le 
				contenu de ces œuvres dans un style populaire. Si la culture 
				doit assurer l’harmonie entre l’homme et le ciel, dit-il, elle 
				ne peut pas rester figée. 
				
				  
				
				C’est un nouveau visage de l’écrivain qui apparaît ainsi. Un 
				sinologue allemand, Martin Woelser, l’a qualifié de « caméléon 
				chinois » : Wang Meng est en perpétuelle mutation, pour 
				s’adapter, ne pas rester figé, justement. Dans une autre 
				interview à china.org, en décembre 2008, il a déclaré : « Ce 
				dont le pays a besoin, c’est de réforme et d’améliorations, pas 
				de révolution violente et de division […] Nous avons critiqué la 
				société, aspiré à la reconstruction du pays. Aujourd’hui, les 
				intellectuels ont l’occasion de prendre part à cette 
				reconstruction, en recherchant dans la stabilité une société 
				meilleure. »  
				
				  
				
				Il dit pourtant qu’il n’a pas changé, qu’il reste passionnément 
				loyal à sa foi dans la vie, dans les idéaux de sa jeunesse ; 
				simplement, il est devenu plus réaliste, après une existence 
				pleine de tribulations : « J’en suis venu à réaliser que toute 
				bonne chose doit mûrir et se perfectionner. […] J’en suis venu à 
				penser que les hommes doivent avoir des idéaux, mais que ces 
				idéaux ne peuvent être réalisés d’un coup… » 
				
				  
				
				
				Un jeune écrivain de 80 ans 
				
				  
				
				Rétrospectivement, c’est le tournant du millénaire qui apparaît 
				comme un tournant dans sa vie, sa pensée et son œuvre, avec une 
				série de livres à la fois réflexifs et autobiographiques. 
				
				  
				
				
				Ouvrages de réflexion 
				
				  
					
						| 
						
						 
						4ème saison, la saison de la fête |  | 
						
						Le nouveau millénaire s’ouvre en effet, dans l’œuvre de 
						Wang Meng, avec un quatrième volet de sa série des 
						« Saisons » commencée en 1993(6) : « La 
						saison de la fête » 
						(Kuanghuan de jijie 
						
						《狂欢的季节》).
						 
						
						  
						
						Cette série est l’histoire des relations entre les 
						intellectuels et la révolution communiste, de la 
						fondation de la République populaire à la fin de la 
						Révolution culturelle. C’est évidemment 
						autobiographique, et conçu comme l’histoire spirituelle 
						de la génération de l’auteur. Il y examine en 
						particulier le prix à payer pour les décisions prises à 
						chaque étape cruciale de l’histoire de la période.
						   
						
						Ce dernier volet de la série apparaît comme une œuvre 
						charnière, qui semble clore une période d’écriture, en 
						conjurant les fantômes du passé, pour en ouvrir une 
						autre, de réflexion apaisée. Elle se traduit en 2003 par 
						la publication d’un manifeste d’optimisme devant la 
						vie :  |  
					
						| 
						
						« Ma philosophie de l’existence » (Wode 
						rensheng zhexue《我的人生哲学》). 
						Il commence par ses débuts de jeune communiste - à 14 
						ans je suis devenu membre du Parti (十四岁加入中国共产党), 
						poursuit avec son exil au Xinjiang, qui entraîne le 
						chapitre : pourquoi je ne me suis pas suicidé (我为什么没有自杀)…
						   
						
						Comme beaucoup de Chinois de sa génération, l’exil aux 
						marges de la Chine s’est traduit par la découverte d’une 
						culture et d’une population dont la chaleur et la 
						richesse lui ont permis de surmonter le désespoir. « A 
						Bayandai, dit-il, des centaines de paysans pauvres ont 
						été mes amis, et, grâce à eux, dans mes moments les plus 
						difficiles et chaotiques, je n’ai pas perdu mon 
						optimisme, ma joie de vivre ni ma foi dans la vie ». 
						Wang Meng est l’un des rares écrivains han à s’être 
						réellement immergé dans la culture locale, jusqu’à en 
						apprendre la langue, langue ouïghoure qu’il parle 
						couramment. |  | 
						  
						
						 
						
						Les sourires du sage |  
				
				   
					
						| 
						
						 
						Eloge funèbre de l’Union soviétique |  | 
						
						Cette réflexion rétrospective, qui est aussi une 
						explication de ses convictions intimes, le conduit à 
						revenir aussi sur sa longue histoire d’amour contrarié 
						avec l’Union soviétique : c’est le sujet de son livre de 
						2006, « Eloge funèbre de l’Union soviétique » (《苏联祭》). 
						Il présente sa relation avec la défunte Union soviétique 
						comme une « aventure spirituelle » (一次灵魂的冒险). 
						Là aussi, il s’agit d’un attachement nostalgique qui 
						remonte à ses premiers pas en littérature. 
						
						  
						
						En effet, il raconte que, quand il a écrit son premier 
						récit, « Vivre la jeunesse » (《青春万岁》), 
						c’était dans l’espoir qu’il le rendrait suffisamment 
						célèbre pour pouvoir être nommé délégué au Festival 
						mondial de la jeunesse qui devait se tenir en août 1953 
						à Moscou – espoir sans lendemain, constamment annihilé 
						par les événements politiques, jusqu’aux lendemains de 
						la Révolution culturelle. Ce n’est finalement que trente 
						ans plus tard, en 1984, qu’il  |  
					
						| 
						
						aura l’occasion de réaliser son rêve, et, de manière 
						ironique, ce sera grâce à l’adaptation cinématographique 
						de « Vive la jeunesse », par la réalisatrice Huang 
						Shuqin (黄蜀芹), 
						le film ayant été sélectionné par le festival de 
						Tachkent (7) !   
						
						Ce rêve d’une Union soviétique idéalisée sera conforté 
						par ses années au Xinjiang, en y ajoutant une dimension 
						supplémentaire à travers les affinités culturelles de la 
						région où il était avec les républiques soviétiques 
						voisines (8). La présence soviétique était ressentie 
						directement, ne serait-ce que par la radio. Mais cet 
						attachement est culturel et personnel, la dimension 
						politique n’étant que secondaire. C’est une constante 
						chez Wang Meng, qui fait toute la richesse de sa 
						personnalité, mais qui est souvent mal comprise, ou mal 
						interprétée.   
						
						Dans les années suivantes, de 2006 à 2008, il complète 
						ces écrits par une autobiographie en trois volumes, le 
						dernier volume concernant 1989 et les années suivantes ; 
						il  |  |   
						
						 
						Autobiographie, 3ème volume |  
					
						| 
						
						 
						Le pays d’ici |  | 
						
						commence par un chapitre significatif, pour lui comme 
						pour le pays : A la croisée des chemins (十字架上). 
						Cette autobiographie a été complétée en 2013 par un 
						livre complémentaire sur le Xinjiang des années 
						1960-1970 : « Le paysage d’ici » (《这边风景》) 
						publié aux éditions Huacheng (花城出版社). 
						C’est un roman écrit en 1978 mais encore inédit, que 
						Wang Meng a retrouvé par hasard et apparaît comme un 
						dialogue entre l’écrivain d’aujourd’hui et celui d’il y 
						a quarante ans. Il a été l’un des lauréats du
						
						9ème 
						prix Mao Dun 
						(第九届茅盾文学奖).   
						
						Parallèlement, de 2008 à 2010, Wang Meng a publié trois 
						ouvrages qui ouvrent une lucarne inattendue sur un 
						aspect méconnu de sa personnalité : le premier sur 
						Laozi, le troisième sur Zhuangzi, les deux étant liés 
						par un second sur … les dix-sept passages du Zhuangzi 
						traitant de Laozi. 
						 
						  
				
						En mars 2017, il les a complétés par un ouvrage sur  |  
				
				Mencius dont 
				le titre est l’un de ses préceptes fondamentaux de 
				gouvernement : gagne le cœur du peuple, tu gagneras le monde 
				entier《得民心,得天下》. 
				Xinhua a salué le livre à sa sortie en disant :  
				
				         
				
				王蒙七旬写老庄八旬写孟子
				 
				
				à 70 ans Wang Meng a écrit un livre sur Zhuangzi, 
				à 80 ans il en écrit un sur Mencius 
				
				  
				
				
				Œuvres de fiction   
					
						| 
						
						En 2004, au milieu de ses écrits autobiographiques, Wang 
						Meng a publié un roman : « Renard vert » ou Qing Hu 
						(《青狐》), 
						où il fait le portrait d’une femme écrivain, partagée 
						entre ses succès dans le domaine littéraire et ses 
						échecs dans sa vie sentimentale. C’est la première fois 
						que l’écrivain aborde dans ses écrits le thème du désir 
						et du sexe, mais c’est la période qui le veut : les 
						années 1980, quand la Chine écoutait les chansons de 
						Teresa Teng et que la télévision commençait à diffuser 
						des films étrangers, années d’éveil de l’individualisme 
						et des sentiments.  
						
						  
						
						Qing Hu est tourmentée par le désir de trouver l’amour 
						idéal, et ne s’en cache pas, ce qui l’ostracise. Le ton 
						est satirique, ironique dans l’hyperbole, le style étant 
						calqué sur le personnage, et le roman une autre manière 
						de traduire les souvenirs des années 1980. |  | 
						
						 
						Qing Hu, Renard vert (2004) |  
				
				  
					
						| 
						
						 
						Men yu Kuang (2014) |  | 
						
						Wang Meng n’est revenu ensuite à la fiction que dix ans 
						plus tard, en 2014, avec un roman proustien qui a 
						rencontré un vif succès et dont le titre pourrait se 
						traduire par « Suffocation et frénésie » (Men yu 
						kuang 
						《闷与狂》). 
						Ecrit avec poésie et profondeur, le roman relate en 
						flashback toute la vie du personnage principal, de la 
						petite enfance à la vieillesse. Il commence par les 
						souvenirs familiaux de ses premières années, les 
						émerveillements de l’enfance, mais aussi la faim et la 
						maladie, puis les réminiscences de sa jeunesse, comme 
						chef d’une brigade de production de pointe, l’agitation 
						et les espoirs, les lectures jusqu’à minuit, ses 
						premiers émois aussi…     |  
				
				  
					
						| 
						
						Cette fois-ci, Wang Meng opère un retour caractérisé aux 
						années de sa jeunesse, dans un style qui a la frénésie 
						du titre : une écriture très jeune, très verte (写法太年轻了,太青春了), 
						une écriture un peu folle. C’est ce qu’a souligné
						
						
						Liu Zhenyun (刘震云) 
						qui participait, avec 
						
						Mai Jia (麦家) 
						et 
						
						Sheng Keyi (盛可以), 
						à la conférence de presse donnée à la sortie du livre : 
						ce roman, a-t-il dit, est celui d’un Wang Meng de 81 ans 
						revenu à ses dix-huit ans, le Wang Meng de « Vive la 
						jeunesse » (青春万岁的王蒙). |  | 
						
						 
						Avec Mai Jia (à g.) et Liu Zhenyun (à 
						dr.)  
						lors de la sortie de Men yu Kuang |  
				
				  
				
				
				Et retour aux nouvelles 
				
				  
					
						| 
						
						 
						
						Etrange, étrange, et partout désolation |  | 
						
						Et comme pour revenir aux sources, Wang Meng a ensuite 
						publié, en juillet 2015, un recueil de quatre nouvelles, 
						trois courtes et une moyenne dont le titre énigmatique 
						est celui du recueil : Qipa qipa chuchu ai (《奇葩奇葩处处哀》) 
						qui pourrait se traduire, littéralement, « Etrange, 
						étrange, et partout désolation ». 
						
						  
						
						C’est en fait l’histoire d’un éminent bureaucrate et de 
						ses rencontres, après la mort de son épouse, avec six 
						femmes « étranges », ou Qipa… (qi comme 
						étrange, et pa comme une fleur rare) … On peut y 
						voir un nouvel avatar de la figure féminine chez Wang 
						Meng, figure moderne sans être vraiment libérée. 
						
						    
						
						Des trois autres nouvelles, la première, « Zhang Zhang » 
						(《仉仉》), 
						est la plus connue : elle 
						figure en tête de la 
						sélection des « meilleures nouvelles courtes de l’année 
						2015 » (《2015中国短篇小说排行榜》) 
						publiée par les éditions  |  
				
				
				Baihua (百花洲文艺出版社) 
				- sélection du rédacteur en chef du journal Fiction Digest (《小说选刊》) 
				dans lequel la nouvelle a été initialement publiée, en juin 
				2015. Placé dès l’abord sous l’égide de Romain Rolland, disciple 
				de Tagore et fasciné, lui aussi, par l’Union soviétique, le 
				récit est un feu d’artifice stylistique qui fourmille de 
				références littéraires. 
				
				  
					
						| 
						
						
						Les deux autres sont tout aussi complexes, dans des 
						styles volontairement différents : « J’aimerais 
						chevaucher le vent jusqu’à la lune bleue » (《我愿乘风登上蓝色的月亮》) 
						et « Parole d’abricot (《杏语》). 
						
						  
						
						En écrivant ces nouvelles, écrit Wang Meng dans la 
						postface, j’ai constamment navigué entre fiction et 
						réalité, comme dans une danse littéraire à la manière de 
						celle de mon roman précédent (Men 
						yu kuang
						
						《闷与狂》).
						 
						
						  
						
						Wang Meng est bien l’un des auteurs les plus étonnants 
						de la littérature chinoise aujourd’hui : capable de se 
						réinventer tout en restant fidèle à ses origines, en 
						revenant vers la forme spécifique de la nouvelle qui 
						offre le meilleur de la littérature chinoise 
						d’aujourd’hui. Il en revient à l’écriture comme source 
						de pur plaisir (guòyǐn
						
						
						过瘾) 
						qui est celle des écrivains d’avant-garde (写小说太过瘾了 !
						
						
						dit-il). |  | 
						
						 
						Zhang Zhang, dans le n° de 
						 juin 2015 de Fiction Digest. |  
				
				
				  
				
				    
				
				Notes 
				
				(1) La nouvelle a été 
				adaptée au cinéma par la réalisatrice Huang Shuqin (黄蜀芹) 
				en 1983. Voir :http://www.chinesemovies.com.fr/cineastes_Huang_Shuqin.htm
 
				
				(2) Qui figure dans 
				« Modern Chinese writers: self-portrayals » de 
				
				
				Helmut Martin , Jeffrey 
				C. Kinkley  (1992)
				 
				
				(3) Localisation 
				géographique : 
				
				
				http://zh.wikipedia.org/wiki/File:Location_of_Ili_Kazakh.PNG 
				
				(4) Le titre est 
				constitué du premier caractère de 
				
				布尔什维克
				
				bù'ěrshíwéikè, 
				bolchévique, et du dernier caractère de 
				
				敬礼 
				
				jìnglǐ 
				salut (militaire). 
				
				(5) La première partie (de l’enfance à l’exil au Xinjiang 
				
				半生多事), 
				est diffusée en 31 chapitres sur le portail sina.com :
				
				
				
				http://vip.book.sina.com.cn/book/index_40343.html 
				
				1993 La saison de l’amour Lian’ai de jijie 
				
				《恋爱的季节》 
				
				1994 La saison des chagrins d’amour Shilian de jijie
				
				《失恋的季节》 
				
				1995 La saison des hésitations Chouchu de jijie 
				
				《踌躇的季节》 
				
				(7) Voir :
				
				http://www.chinesemovies.com.fr/cineastes_Huang_Shuqin.htm 
				
				(8) Le village de Bayandai (巴彦岱村) 
				dépend de la ville de Yining (伊宁市), 
				ou 
				
				Ghulja, dans la préfecture autonome kazakh de l’Ili, au 
				nord-ouest du Xinjiang, proche de la frontière avec le 
				Kazakhstan, mais non loin aussi du Kirghizistan. 
				  
   
				
				Principales publications après 2000 
				
				  
				
				2000 La saison de la fête Kuanghuan de jijie 
				
				《狂欢的季节》 
				
				2003 Ma philosophie de l’existence Wode rensheng zhexue 
				
				《我的人生哲学》 
				
				2004 Roman : Renard vert Qing Hu 
				
				《青狐》 
				
				2006 Eloge funèbre de l’Union soviétique 
				
				《苏联祭》 
				
				2006-2008 Autobiographie en trois volumes   
				
				(《半生多事》、《大块文章》、《九命七羊》) 
				
				2008-2010 Essais philosophiques 
				
				2008 L’aide de Laozi 
				《老子的帮助》 
				
				2009 Les dix-huit mentions de Laozi [dans le Zhuangzi] 
				《老子十八讲》  
				
				2010 Les jouissances de Zhuangzi 
				《庄子的享受》 
				Juin 2012 
				Zhongguo Tianji 
				《中国天机》 
				[God 
				Knows China] 
				Juin 2014 Roman : 
				Suffocation et frénésie Men yu kuang 
				《闷与狂》 
				Juillet 2015 Recueil 
				de nouvelles : Qipa qipa chuchu ai 
				《奇葩奇葩处处哀》 
				Octobre 2017 
				Zhonghua Xuanji
				《中华玄机》   
 
				
				  
				
				Ouvrage en anglais sur le Xinjiang : 
				  
				
				- 
				
				Wonderful Xinjiang 
				: Through the Pen of Wang Meng and the Lens of a Camera, A 
				Photographic Journey of China's Largest Province, Reader's 
				Digest Association, novembre 2004.   
   
				Traductions en 
				français 
				  
				Nouvelles 
				  
				- Le Salut 
				bolchevique 《布礼》, 
				tr. Chantal Chen-Andro, préface Alain Roux, Messidor 1989 
				- Le Papillon 
				《蝴蝶》, 
				recueil de six nouvelles, préface de l’auteur (janvier 1980) et 
				note introductive sur Wang Meng par Qin Zhaoyuang, éditions en 
				Langues étrangères, Littérature chinoise, 1979, rééd. 2004 
				[Le papillon / 
				Cerf-volant / Les soucis d’un cœur simple / Tant de médiateurs 
				en quelques jours / L’œil de la nuit / La voix du printemps] 
				  
				Chez Bleu de Chine, 
				traduction et notes de
				
				Françoise Naour : 
				  
				- Contes et 
				libelles : 
				neuf nouvelles satiriques et pleines d’humour - 1994 : 
				Ma le sixième 
				/Dialectique (extraits des « contes merveilleux du pavillon de 
				lecture), Paroles, parlottes, parleries, Poétique, Nec plus 
				ultra, Celle qui dansait, J’ai tant rêvé de toi, Vieille cour du 
				dedans, Dur, dure le brouet. 
				- Celle qui dansait : 
				neuf nouvelles écrites entre 1987 et 1991, dont une bonne partie 
				figure dans le recueil précédent - 2004 
				- Contes de l’ouest 
				lointain : trois nouvelles du Xinjiang (Oh Mohammed Ahmed !, 
				Le génie du vin et La petite maison de pisé, qui reprend le 
				couple de personnages de la nouvelle précédente) – 2002 
				- Des yeux gris 
				clair : une 
				nouvelle, sur un menuisier ouïghour spécialiste de la langue de 
				bois, un complément du précédent recueil – 2002, prix Mot d’or 
				de la traduction 2003 
				- Les sourires du 
				sage : 
				anecdotes de sa vie privée contées, comme toujours, sur le mode 
				humoristique - 2003 
				  
 
				    
				Textes présentés
 Les textes de Wang Meng proposés ici sont différents de ceux que 
				l’on a coutume de lire dans les traductions françaises publiées.
 - 《无言的树》est une nouvelle poétique, où la satire socio-politique 
				est en arrière-plan, et n’apparaît qu’à travers quelques 
				allusions voilées. C’est un texte intriguant, que Wang Meng a 
				commencé à écrire en 1979 pour le terminer en 1985. On a 
				l’impression qu’il l’a alors repris pour lui donner une fin 
				moins triste que celle qu’il avait imaginée au départ : l’arbre 
				ne meurt finalement pas victime de sa notoriété – ce qui laisse 
				songeur quant aux intentions de l’auteur dans le contexte 
				historique (voir biographie).
 - Les autres textes sont des chengyu dont Wang Meng a donné une 
				version personnelle ; il en a (ré)écrit douze, dans un style 
				totalement différent, plus proche de la langue classique, chacun 
				formant un petit conte imagé.
 
 
     
				A lire en complément : 
				   
				 
				Textes (originaux, explications et 
				traductions) 
				  
						
                      
						《成语新编7 : 老鼠过街,人人喊打》
						« Chengyu 7 : Quand un rat sort de son trou, tout le 
						monde crie haro sur lui » 
						   
				  
				
				
				《成语新编11 : 坐井观天》
				« Chengyu 11 : regarder le ciel du fond d’un puits »  
				   
				  
						
                      
						《无言的树》
						« L’arbre silencieux » 
						 
				   
				  
				Compte rendu de lectures   
				   
				Club de lecture du Centre culturel de Chine :
				
				séance du 18 juin 2019    
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