La très courte nouvelle pose d’abord un problème
de terminologie, car, si le terme de xiao
xiaoshuo
(小小说)
est le plus répandu, on trouve de plus en plus
de termes concurrents, comme le remarque Lu Ling
(卢翎) dans
sa préface au recueil qu’elle a édité en 2015,
« Sélection des meilleures très courtes
nouvelles de l’année 2015 » (《2015年小小说选粹》)
:
翻阅2015刊载小小说作品的文学期刊,我发现不少文学期刊不再按照惯常方式使用“微型小说”或“小小说”等约定俗成的称谓。而是别出心裁地重新“命名”,并力求做出期刊的自我定位与阐释。像《人民文学》的“微篇小说”,编者强调:相信读者朋友仔细看过就会知道,这些作品在名称上应该,在质地上更是区别于通常意义的“小小说”和“微型小说”的,那么顺着纯文学的名称序列:长篇小说、中篇小说、短篇小说,直到微篇小说,还是可以的吧...。
En parcourant les très courtes nouvelles parues
en 2015 dans les revues littéraires, j’ai
remarqué |
|
Sélection des meilleures très
courtes nouvelles de l’année 2015 |
qu’un
nombre non négligeable de ces revues n’utilisent plus
les termes habituels de très courte nouvelle
xiǎo xiǎoshuō
(“小小说”)
ou de micro-nouvelle
wēixíng
xiǎoshuō
(“微型小说”),
mais adoptent des appellations nouvelles dans le but de
souligner et expliciter la position originale de la
revue. Par exemple, le rédacteur de Littérature du
peuple explique ainsi son choix du terme mini-nouvelle
wēipiān
xiǎoshuō
(“微篇小说”) :
« Je suis sûr que, en considérant leurs détails, le
lecteur peut comprendre la différence formelle qu’il y a
entre ce terme de mini-nouvelle et les termes habituels :
la mini-nouvelle wēipiān
xiǎoshuō
se place dans la suite logique des trois catégories de
fiction - roman [en tant que forme longue] / nouvelle
moyenne / nouvelle courte (长篇小说、中篇小说、短篇小说) ;
en ce sens le terme de wēixíng
xiǎoshuō
est aussi possible…
La multiplicité des termes traduit tout simplement
l’effervescence d’un genre qui est en plein essor depuis
une trentaine d’années.
Un genre en plein essor
La revue Sélection de très
courtes
nouvelles 《小小说选刊》, n° 4 |
|
La très courte nouvelle a en effet connu en
Chine un essor rapide à partir du début des
années 1980, parallèlement au développement de
la nouvelle courte (短篇小说)
et de la nouvelle
moyenne (中篇小说).
Le mouvement a été en s’amplifiant à partir de
la création, en 1984 à Zhengzhou (郑州)
dans le Henan, d’une revue bimensuelle dédiée à
ce genre de nouvelles : « Sélection de très
courtes nouvelles » (《小小说选刊》).
Son succès a entraîné l’apparition de nombreux
journaux concurrents : « Sélection de
mini-nouvelles » (《微型小说选刊》),
créé en 1990, puis « Sélection des meilleures
mini-nouvelles » (《微型小说精品》),
« Le vaste monde des très courtes nouvelles » (《小小说大世界》)
ou encore le « Mensuel de la très courte
nouvelle » (《微型小说月报》).
Cette multiplication des journaux a en retour
entraîné celle des lecteurs, surtout jeunes, et
répondant à un phénomène de mode, et
l’apparition de nouveaux |
auteurs spécialisés dans ce genre,
répondant à un besoin de lecture rapide dans un monde où
le roman est en crise
.
Cependant, plus profondément, tout au long de l’histoire
de la littérature chinoise, la très courte nouvelle
apparaît comme un genre d’avant-garde, dont la forme
même permet et favorise les expérimentations, sur la
langue en particulier. Tout en étant l’une des formes
les plus raffinées de la littérature en langue
classique, elle a également accompagné le développement
de celle en langue vernaculaire, jusqu’à être adoptée
aujourd’hui par les meilleurs auteurs qui en font un
genre en pleine évolution, dans des styles très divers,
à la croisée du conte, de la poésie et de l’essai.
Flash-back : De la langue classique au baihua
Des mythes de création …
La très courte
nouvelle est en fait aux origines de la nouvelle
elle-même, elle en est la forme la plus ancienne. Dans
son essai “Old Wine in New Bottles?”
,
Qi Shouhua (祁寿华)
la fait même remonter aux premiers récits de la
mythologie chinoise : les mythes de création de Nüwa,
Fuxi et Pangu.
Ainsi l’histoire de Pangu (盘古),
le géant légendaire issu du chaos originel qui a
séparé le ciel de la terre et fait de son corps
l’univers vivant, a été notée pour la première
fois par Xu Zheng (徐整),
ministre des cérémonies (太常)
de l’Etat de Wu oriental (东吴),
pendant la période des Trois Royaumes, au 3ème
siècle de notre ère ; l’histoire était inconnue
auparavant, ce qui tendrait à indiquer des
sources étrangères. Elle apparaît dans deux
textes différents qui ont été |
|
Chronique des Trois (Augustes) et
des Cinq (Empereurs) 《三五历记》 |
conservés dans des ouvrages ultérieurs : la « Chronique
des trois [Augustes] et des cinq [Empereurs] » (《三五历记》)
et les « Annales des cinq éléments » (《五运历年纪》).
“天地浑沌,盘古生其中,一日九变,神于天,圣于地,主于天地。天日高一丈,地日厚一丈,盘古亦长一丈,如此万八千年,然后天地开辟。盘古龙身人首,……开目成昼,合目成夜,呼为暑,吸为寒,吹气成风云,叱声为雷霆。盘古死,……目为日月,髭为星辰,眉为斗枢,九窍为九州,乳为昆仑,膝为南岳,股为太山,尻为鱼鳖,手为飞鸟,爪为龟龙,骨为金银,发为草木,毫毛为凫鸭,齿为玉石。汗为雨水,大肠为江海,小肠为淮泗,膀胱为百川,面轮为洞庭。”
Ciel et terre étaient confusément mêlés, Pangu est né
là, mutant neuf fois par jour, le divin allant vers le
ciel, le sacré vers la terre, le maître vers le
ciel-terre. Le ciel s’élevait chaque jour d’un pouce, la
terre s’épaississait chaque jour d’autant, et Pangu
grandissait d’un pouce aussi ; ainsi, au bout de
dix-huit mille ans, le ciel et la terre se séparèrent.
Pangu avait un corps de dragon et une tête d’homme, … il
ouvrit les yeux et ce fut le jour, il les ferma et ce
fut la nuit, il expira et ce fut l’été, il inspira et ce
fut l’hiver, il souffla et créa le vent et les nuages,
il se fâcha et créa le tonnerre. Quand il mourut, … ses
yeux devinrent le soleil et la lune, sa moustache forma
les étoiles, ses sourcils donnèrent la Grande Ourse, les
neuf orifices de son corps les neuf préfectures, sa
poitrine le mont Kunlun, ses genoux le mont Heng, ses
cuisses le mont Tai [etc…].
… aux contes et anecdotes
On a là, déjà, l’essence de la mini-nouvelle : une
narration pleine d’imagination, mais dans une forme à la
fois concise et poétique. On retrouve ces caractères
dans les anecdotes des Han relatant des « rumeurs de
rues et de ruelles » (街谈巷语),
développées ensuite sous forme de contes et fabliaux
pleins d’humour
.
Les histoires de fantômes se développeront en contes
extraordinaires dont on trouve une série dès le Livre
des Sui et évolueront vers le chuanqi sous les
Tang.
Toutes ces histoires alimentent un fond de récits
caractérisés par leur brièveté. Mais le chuanqi
tel qu’il se développe à partir du 8ème
siècle constitue un nouveau courant qui se dégage des
anecdotes de la vie courante pour devenir récit de
fiction. Ces récits empreints de merveilleux sont
amenés, dès lors, à se développer, sous l’effet de
l’imagination, et d’abord des conteurs.
… et aux récits de Pu Songling et Feng Menglong
San Yan Er Pai, le recueil
des récits de
Feng Menglong et Ling Mengchu |
|
C’est à la fin des Ming que l’on retrouve des
récits concis, où le style est aussi important
que la narration, sous la plume de deux auteurs
qui sont véritablement les précurseurs auxquels
se réfèrent les auteurs de min-nouvelles
d’aujourd’hui :
Pu Songling (蒲松龄)
et
Feng Menglong (冯梦龙),
l’un écrivant en langue classique, l’autre en
langue vernaculaire.
Feng Menglong est un modèle auquel on songe en
lisant les mini-nouvelles actuelles, surtout
pour la teneur de ses récits : des tableaux
satiriques de la vie de l’époque, avec de très
beaux portraits féminins, et une propension à
flatter le goût de son temps pour le non
conventionnel. Sa langue est colorée, avec
l’utilisation de dialogues qui rendent ses
récits encore plus vivants. Mais il conserve des
traits de conteur, avec des introductions sur le
contexte historique, des développements
descriptifs et des poèmes pour introduire
l’action. |
Les « Chroniques de l’étrange » (《聊斋志异》)
de Pu Songling sont remarquables pour la
concision du style et de la construction ;
certaines font à peine une page. Elles ont été
écrites par un lettré pour ses amis lettrés, son
souci principal étant, selon son traducteur
André Lévy, « d’échapper à la banalité ». On
retrouve donc la fascination pour l’insolite qui
caractérise la période Ming, mais c’est un
insolite tiré du quotidien, la part insondable
du quotidien. C’est ce trait, lié au raffinement
de la langue, qui fait de Pu Songling le
véritable maître du xiao xiaoshuo dans sa
forme moderne. |
|
|
Pourtant,
celui-ci a véritablement pris son essor à partir de la
fin des années 1910, en lien avec le développement de la
littérature moderne en
baihua
.
… jusqu’aux premières mini-nouvelles du 20ème
siècle
Les premiers numéros du Mensuel
de la fiction Xiaoshuo Yuebao |
|
C’est dans l’effervescence culturelle et
littéraire des années 1910 que s’est développée
une « nouvelle vague de littérature de fiction »
(小说新潮),
nom donné à la rubrique confiée à
Mao Dun (茅盾)
quand, en 1920, il fut nommé rédacteur en chef
du « Mensuel de la fiction » (Xiaoshuo Yuebao《小说月报》)
édité par la Commercial Press à Shanghai.
Parallèlement était créée, à Pékin en janvier
1921, l’Association de recherche littéraire » (文学研究会)
dont le mot d’ordre était la défense du réalisme
en littérature, un réalisme à dimension humaine
et sociale débouchant sur des thèmes satiriques
et critiques, dont la nouvelle courte fut
d’emblée le mode d’expression idéal, contre la
poésie et sous |
l’influence des nouvelles de la littérature russe et
française.
Mais la langue elle-même en était encore au stade
expérimental. La très courte nouvelle devint donc, au
début, le format idéal pour les jeunes auteurs, avec
pour modèle la nouvelle de 1918 de
Lu Xun (魯迅)
« Le Journal d’un fou » (《狂人日记》)
qui est considérée comme le texte fondateur de la
nouvelle littérature, celui qui donne ses lettres de
noblesse au baihua.
Ce sont ces caractéristiques que l’on retrouve, par
exemple, dans la première nouvelle de
Lao She (老舍),
publiée en mai 1921 ; c’est justement un texte à
caractère expérimental, sous forme de
mini-nouvelle offrant un très beau portrait féminin :
« L’échec
d’une femme » (《她的失败》).
Lao She publiera d’autres très courtes nouvelles par la
suite, avec un caractère satirique marqué et beaucoup
d’humour, comme
« Acheter
un billet de loterie » (《买彩票》).
La mini-nouvelle finit par devenir à la mode, comme un
exercice de style. Témoin le petit texte ironique écrit
à l’époque par Guo Moruo (郭沫若) :
« Lui »
(《他》).
Evoluant vers des formes hybrides, entre nouvelle et
essai, sous la plume de
Bing Xin (冰心),
par exemple, la mini-nouvelle se retrouve naturellement
à la pointe du développement littéraire dans une autre
période d’intense créativité littéraire : les années
1980.
La mini-nouvelle aujourd’hui
Avant-gardiste et populaire
Après son nouvel essor dans le contexte des années 1980,
la mini-nouvelle connaît depuis le début des années 2000
un regain de faveur tant auprès des écrivains que du
public, grâce à la multiplication des revues
spécialisées, mais aussi des supports numériques.
Cependant, si certaines sont populaires auprès du grand
public pour leur caractère humoristique, la
mini-nouvelle reste fondamentalement un genre
d’avant-garde, reflétant les recherches des meilleurs
auteurs au niveau du style et de la forme.
Littérature grand public d’un niveau supérieur : c’est
ainsi que la définit Lu Ling (卢翎) dans
sa préface à sa sélection des meilleures très courtes
nouvelles de l’année 2015 déjà citée :
小小说短小、凝练、精致与灵动,它深受广大文学爱好者喜爱,越来越多的人写小小说,为“寻找一种精神慰藉”,或者,圆自己的文学梦。它是一种“较高品位的大众文化”。同时,作为小说的一个品类,它是长篇小说等宏大形式的尖兵和后卫,……作为尖兵,它表现新的生活方式的预兆、萌芽、序幕;作为后卫,它表现业已逝去的历史时期中最具光采的碎片、插曲、尾声。[(卢卡契)在2015年的小小说中,我看到了小小说在这一方向上的努力,不拘文体界限、自由表达的尝试与努力,回望历史时,最为闪光的片断与最为深厚内涵的捕捉传达。]
La mini-nouvelle est brève, concise, raffinée et vive ;
elle est profondément appréciée d’un vaste cercle
d’amoureux de la littérature, et de plus en plus
d’auteurs en écrivent, pour y chercher un réconfort
spirituel ou pour concrétiser leur rêve littéraire. Elle
représente une sorte de « littérature grand public d’un
niveau supérieur ». En même temps, en tant que partie
intégrante du domaine de la fiction, elle est le soldat
d’élite et l’arrière garde de la grande forme
romanesque. … En tant que soldat d’élite, elle constitue
le signe précurseur, le bourgeonnement et le prologue du
mode de vie moderne ; en tant qu’arrière-garde, elle
représente le fragment le plus éclatant, à la fois
intermède et épilogue, d’une période historique déjà
révolue.
L’écrivain Lin Jinlan (林斤澜)
insistait pour sa part sur le caractère avant-gardiste :
“短小的生成灵活,灵活便于超前,做实验、当先锋”。
Le
récit très court donne quelque chose de vif et léger, en
avance sur son temps, c’est expérimental, et en tant que
tel avant-gardiste.
Des bribes de quotidien prises sur le vif
C’est l’homme
d’aujourd’hui, la société moderne, et la nature
humaine en général, qui est le sujet principal
de la mini-nouvelle d’aujourd’hui. Mais
ce sont des récits d’une forme inhabituelle, où,
contrairement à la nouvelle proprement dite,
l’histoire (en tant
qu’intrigue) a disparu, remplacée par une
situation, un contexte, une atmosphère, toutes
sortes d’impressions fugaces, d’instants
succincts, qu’il est parfois difficile de
cerner, comme dans la poésie.
L’un
des deux grands écrivains contemporains
spécialistes de la mini-nouvelle, avec
Feng Jicai (冯骥才),
est
Wang Zengqi (汪曾祺),
et il a écrit un essai pour
définir ce qu’est la mini-nouvelle dans sa forme
actuelle : « Wang Zengqi discute de l’écriture
de la mini-nouvelle » (汪曾祺谈小小说写作)
:
小小说不就是小的小说、不只是它的外部特征。小小说仍然可 |
|
Wang Zengqi parle du xiao
xiaoshuo |
以看作是短篇小说的一个分支,但它又是短篇小说的边缘。短篇小说的一般素质,小小说是应该具备的。小小说和短篇小说在本质上既相近,又有所区别。大体上说,短篇小说散文的成份更多一些,而小小说则应有更多的诗的成份。小小说是短篇小说和诗杂交出来的一个新的品种。它不能有叙事诗那样的恢宏,也不如抒情诗有那样强的音乐性。它可以说是用散文写的比叙事诗更为空灵,较抒情诗更具情节性的那么一种东西。它又不是散文诗,因为它毕竟还是小说。因此它才有意思,才好玩,才叫人喜欢。
Le xiao xiaoshuo n’est pas seulement une nouvelle brève,
qui possèderait les caractéristiques extérieures de la
nouvelle. On peut, il est vrai, considérer la
mini-nouvelle comme une branche de la nouvelle courte,
mais elle en en constitue en fait la limite extrême. La
mini-nouvelle possède forcément les propriétés
essentielles de la nouvelle courte, mais, tout en en
étant très proche, elle s’en distingue cependant. De
manière générale, ce sont les caractères de la prose
courte (sanwen
散文)
que l’on trouve dans la nouvelle courte, tandis que la
mini-nouvelle a bien plus d’affinités avec la poésie. La
mini-nouvelle est un hybride de la nouvelle courte et du
poème. Elle ne peut pas être aussi développée qu’un
poème narratif, et elle n’a pas non plus la musicalité
du poème lyrique. Elle a une prose d’un style bien plus
libre et naturel que le poème narratif, et elle comporte
une intrigue que n’a pas le poème lyrique. Et ce n’est
pas un poème en prose car elle raconte une histoire.
C’est de là que vient tout son intérêt …
小小说是小的小说。小的就是小的。从里到外都是小的。“小中见大”,是评论家随便说说的。有一点小小说创作经验的人都知道这在事实上是办不到的。谁也没有真的从一滴水里看见过大海。大形势、大问题、大题材,都是小小说所不能容纳的。要求小小说有广阔厚重的历史感,概括一个时代,这等于强迫一头毛驴去拉一列火车。
Pour définir le sujet de la mini-nouvelle, les critiques
disent généralement que c’est « voir le grand dans le
petit » (“小中见大”).
Mais ceux qui en écrivent savent que c’est impossible.
On ne verra jamais un océan dans une goutte d’eau. Les
grands sujets, les grands problèmes, les grands
événements, cela n’est pas du ressort de la
mini-nouvelle. Vouloir donner dans une mini-nouvelle le
sentiment d’une vaste période historique, c’est comme
vouloir remorquer un train avec un âne.
小小说作者所发现、所思索、所表现的只能是生活的一个小小的片段,这个片段是别人没有表现过、没有思索过、没有发现过的。最重新的是发现。发现,必然就伴随着思索,同时也就比较容易地自然地找到合适的表现形式。文学本来都是发现。但是小小说的作者需要更有“慧眼”,因为引起小小说作者注意的,往往是平常人易于忽略的小事。这仵小事得是天生的一块小小说的材料。这样的材料并非俯拾皆是:随手抓就能抓得到的。
L’histoire d’une mini-nouvelle ne peut être qu’un bref
pan de vie, une expérience vécue par l’auteur, et
unique : quelque chose que personne d’autre n’a vécu,
ressenti, observé. Et le plus important est
l’observation, et une observation qui va de pair avec la
réflexion et qui doit en même temps pouvoir être
exprimée de façon aisée, naturelle et appropriée. Un
texte littéraire est d’abord observation, mais, dans le
cas d’une mini-nouvelle, c’est avant tout une perception
mentale (“慧眼”)
car, dans le cas d’un auteur de mini-nouvelles, ce qui
attire son attention, ce sont des gens ordinaires et des
faits infimes. Le sujet idéal est ce qui se trouve à
portée de main.
小小说的材料的获得往往带有偶然性,邂逅相逢,不期而遇。并且,往往要储存一段时间,作者才能大致弄清楚这件小事的意义。写小小说确实需要一点“禅机”。小小说不大可能有十分深刻的思想,也不宜于有很深刻的思想,小小说可以有一点哲理,但不能在里面进行严肃的哲学的思辨(中篇小说、长篇小说可以)。小小说的特点是思想清晰,半亩方塘,一湾溪水,浅而不露。小小说应当有一定程度的朦胧性。朦胧手法,而是作者的思想本来就不是十分清楚。有那么点意思,但是并不透彻。“此中有真意,欲辩已忘言”。
Le sujet de la mini-nouvelle a donc un caractère
occasionnel, voir accidentel : on le rencontre par
hasard et il faut souvent le garder en réserve un moment
avant de lui trouver un sens. Ecrire dans ces conditions
relève un peu des visions allégoriques du bouddhisme
chan (“禅机”).
La pensée en est très profonde, et relève de la
philosophie, mais on n’a pas le temps de développer un
argument de ce genre (comme dans une nouvelle moyenne ou
un roman) … En un certain sens, il y a une part
d’obscurité dans ces récits, comme dans la poésie dite
« obscure » (朦胧性),
le sens n’est pas totalement clair. Il y a « sens vrai,
désir de l’exprimer mais défaut de parole »
小小说不需要过多的热情,甚至不要热情。大喊大叫,指手画脚,是会叫读者厌烦的。小小说的作者对于他所发现的生活片段,最好超然一些,保持一个旁观者的态度,尽可能地不动声色。小小说总是有个态度的,但是要尽量收敛。可以对一个人表示欣赏,但不能夸成一朵花;可以对一件事加以讽刺,但不辛辣。小小说作者需要的是:聪明、安静、亲切。
La mini-nouvelle n’a pas besoin de passion, et même il
ne lui en faut pas.
Les cris et les gesticulations ne peuvent que fatiguer
le lecteur. Pour raconter un fait qu’il a observé,
l’auteur doit le transcender, garder une certaine
distance, une attitude neutre, la plus grande retenue.
Il peut manifester son appréciation d’une personne, mais
ne pas la louer excessivement, critiquer un fait, mais
le faire modérément. L’auteur de mii-nouvelles doit
répondre à trois exigences : être intelligent, calme, et
bienveillant.
小小说是一串鲜樱桃,一枝带露的白兰花,本色天然,充盈完美。小小说不是压缩饼干、脱水蔬菜。不能把一个短篇小说拧干了水分,紧压在一个小小的篇幅里,变成一篇小小说。当然也没有人干这种划不来的傻事。小小说不能写得很干涩很紧张很局促。越是篇幅有限,越要从容不迫。
Une mini-nouvelle est un bouquet de cerises fraîches,
une fleur de lotus blanche couverte de rosée, aux
couleurs naturelles et d’une exquise beauté ; ce n’est
pas comme des biscuits de mer ou des légumes secs.
On ne peut pas essorer un nouvelle pour en faire une
mini-nouvelle… On ne peut pas écrire une mini-nouvelle
dans la précipitation. Plus le texte est court, plus il
demande de force tranquille.
……………….
小小说不是删削而成的。删得太狠的小说是可以看得出来的,往往不顺,不和谐,不圆满。应该在写的时候就控制住自己的笔,每琢磨一句,都要想一想:这一句是不是可以不写?
...
Une mini-nouvelle ne s’obtient pas en effaçant ou en
élaguant... Il faut maîtriser sa plume quand on écrit,
polir chaque phrase, réfléchir sans cesse en se
demandant à chaque phrase si elle est nécessaire…
……………….
空白,是小小说的特点。可以说,小小说是空白的艺术,中国画讲究计白当黑,以为应使字之上下左右皆有字,因为注意留白,小小说的天地便很宽余了。所谓“留白”,简单直截地说,就是少写。
Le vide est une caractéristique de la mini-nouvelle. On
peut même dire que c’est l’essence de l’art de la
mini-nouvelle, de même que la peinture chinoise lui
accorde une attention particulière …
[Il faut] « laisser du blanc », c’est-à-dire tout
simplement écrire modérément.
Personnages peu communs du monde
ordinaire (avec les illustrations de l’auteur) |
|
L’auteur de mini-nouvelles, ainsi, utilise au
mieux la forme poétique, avec la plus grande
liberté, mais il puise aussi à la fois dans les
genres de la nouvelle, de l’essai et de la
fable, et utilise les éléments d’origines les
plus diverses : le texte est ainsi inclassable,
nécessairement. La mini-nouvelle est devenu un
genre raffiné, où se lit la personnalité de
chacun des auteurs.
Celles de Lao Ma (劳马)
séduisent un large public par leur humour ;
celles de
Feng Jicai
et de
Weng Zengqi
sont des galeries de portraits de petites
gens qui ont un côté de fine satire sociale ;
les récits de
Da Jie (大解)
relèvent de l’absurde au quotidien poussé
jusqu’au bout de sa logique, jusqu’à définir
tout un univers mental… Ce sont des exemples
parmi les centaines d’auteurs dont on ne connaît
souvent qu’un ou deux récits. |
C’est aussi un genre qui grignote sur les genres
voisins, en particulier la nouvelle courte ou moyenne.
Il est caractéristique, par exemple, de voir
Cao Kou (曹寇)
être passé de la nouvelle moyenne à la mini-nouvelle
dans l’un de ses deux recueils publiés fin 2016,
« Crise » (《风波》),
l’autre étant un recueil de « notes au fil de la
plume », donc un autre genre de prose très courte. La
littérature d’avant-garde est bien là.
A lire en complément
Feng Jicai : extraits du recueil
« Personnages
peu communs du monde ordinaire »
《俗世奇人》
La vieille pocharde
《酒婆》
Li la Brosse
《刷子李》
et
Su Sept Yuans
《苏七块》
Wang Zengqi : La
Queue
《尾巴》
Jia Pingwa :
Wu Song tue sa belle-sœur
《武松杀嫂》
Da Jie : Fables
de l’Idiot
《傻子寓言》
(cinq
extraits)
Chroniques de l’Idiot
《老傻记》
(trois
extraits)
Cao Kou : Peng
Fei et Wang Aishu 《彭飞和王爱书》
(extrait du recueil « Crise »)
Traduction en français
- Lao Ma, Tout va changer, recueil de mini-nouvelles
traduites par Lucie Modde, éditions Philippe Picquier,
avril 2015.
Traductions en anglais
- Lao Ma, Individuals, 55 récits tr.
Li Qisheng et Li Ping, Fortysix, mars 2015.
- Pearl
Jacket and other stories, 120 short short stories edited
and translated by Qi Shouhua, Stonebridge Press,
November 2008.
- Loud Sparrows-
Contemporary Chinese Short-Shorts, selected and
translated by Aili Mu, Julie Chiu et Howard Goldblatt,
Columbia University Press mars 2008.