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Feng Jicai « Li la
Brosse »
冯骥才《刷子李》
par Brigitte Duzan, 3 avril 2010
码头上的人,全是硬碰硬1。手艺人靠的是手,手上就必得有绝活2。有绝活的,吃荤,亮堂3,站在大街中央;没能耐的2,吃素,发蔫4,靠边呆着。这一套可不是谁家定的,它地地道道5是码头上的一种活法。自来唱大戏的,都讲究6闯天津码头。天津人迷戏也懂戏,眼刁耳尖,褒贬分明7。戏唱得好,下边叫好捧场8,像见到皇上,不少名角便打天津唱红唱紫9、大红大紫;可要是稀松平常10,要哪儿没哪儿,戏唱砸了11,下边一准起哄喝倒彩12,弄不好茶碗扔上去,茶叶末子沾满戏袍和胡须上13。天下看戏,哪儿也没天津倒好叫得厉害。您别说不好,这一来也就练出不少能人来。各行各业,全有几个本领齐天14的活神仙。刻砖刘、泥人张、风筝魏、机器王、刷子李等等15。天津人好把这种人的姓,和他们拿手擅长16的行当连在一起称呼。叫长了,名字反没人知道。只有这一个绰号,在码头上响当当和当当响17。
刷子李是河北大街一家营造厂的师傅18,专干粉刷一行19,别的不干。他要是给您刷好一间屋子,屋里任嘛甭放20,单坐着,就赛升天一般美21。最叫人叫绝的是,他刷浆时19必穿一身黑,干完活,身上绝没有一个白点。别不信!他还给自己立下一个规矩,只要身上有白点,白刷不要钱。倘若没这本事,他不早饿成干儿了?
但这是传说,人信也不会全信。行外的没见过的不信,行内的生气愣说22不信。
一年的一天,刷子李收个徒弟叫曹小三23。当徒弟的开头都是端杀24、点烟,跟在屁股后边提东西。曹小三当然早就听说过师傅那手绝活25,一直半信半疑,这回非要亲眼瞧瞧26。
那天,头一次跟师傅出去干活,到英租界27镇南道给李善人新造的洋房刷浆。到了那儿,看刷子李跟管事的人一谈,才知道师傅派头斗足28。照他的规矩一天只刷一间屋子。这洋楼大小九间屋,得刷九天。干活前,他把随身带的一个四四方方的小包袱29打开,果然一身黑衣黑裤,一双黑布鞋。穿上这身黑,就赛跟地上一桶白浆较上了劲。
一间屋子,一个屋顶四面墙,先刷屋顶后刷墙。顶子尤其难刷,蘸了稀溜溜粉浆30的板刷往上一举,谁能一滴不掉?一掉准掉在身上。可刷子李一举刷子,就赛没有蘸浆。但刷子划过屋顶,立时匀匀实实31一道白,自得透亮,白得清爽32。有人说这蘸浆的手法有高招33,有人说这调浆的配料34有秘方。曹小三哪里看得出来?只见师傅的手臂悠然摆来,悠然摆去35,好赛伴着鼓点,和着琴音36,每一摆刷,那长长的带浆的毛刷便在墙面“啪”的清脆一响37,极是好听。啪啪声里,一道道浆,衔接得天衣无缝38,刷过去的墙面,真好比平平整整打开一面雪白的屏障39。可是曹小三最关心的还是刷子李身上到底有没有白点。
刷子李干活还有个规矩,每刷完一面墙,必得在凳子上坐一大会儿,抽一袋烟40,喝一碗茶,再刷下一面墙。此刻,曹小三借着给师傅倒水点烟的机会,拿目光仔细搜索41刷子李的全身。每一面墙刷完,他都搜索一遍,居然连一个芝麻大小42的粉点也没发现。他真觉得这身黑色的衣服有种神圣不可侵犯的威严43。
司是,当刷子李刷完最后一面墙,坐下来,曹小三给他点烟时,竟然瞧见刷子李裤子上出现一个白点,黄豆大小42,黑中白比白中黑更扎眼。完了!师傅露馅了44,他不是神仙,往日传说中那如山般的形象轰然倒去45。但他怕师父难堪46,不敢说,也不敢看,可忍不住还要扫一眼。
这时候,刷子李忽然朝他说话:
“小三,你瞧见我裤子上的白点了吧。你以为师傅的能耐有假,名气有诈47是吧,傻小子,你再细瞧瞧吧——”
说着,刷子李手指捏着裤子轻轻往上一提,那白点即刻没了,再一松手,白点又出现了。奇了!他凑上脸48用神再瞧,那白点原是一个小洞,刚才抽烟时不小心烧的。里边的白衬裤打小洞透出来,看上去就跟粉浆落上去的白点一模一样!
刷子李看着曹小三发怔发傻49的模样,笑道:
“你以为人家的名气全是虚的?那你是在骗自己。好好学本事吧!”
曹小三学徒头一天,见到听到学到的,恐怕别人一辈子也未准明白呢!
Vocabulaire :
刷子李
Shuāzi Lǐ Li le badigeonneur (voir ci-dessous n.15)
01
硬碰硬
yìngpèngyìng
faire un travail dur,
pénible, travailler d’arrache-pied
02
绝活
juéhuó
technique/capacité spéciale //
没能耐的
méinéngnàide
qui n’a aucun don
spécial
03吃荤
chīhūn
manger de
la viande
亮堂liàngtáng
être lumineux, éclairé
04吃素
chīsù
ne manger
que des légumes
发蔫fāniān
être terne,
sans éclat
05
地地道道
dìdidàodào
totalement, à cent pour cent
06
讲究
jiǎngjiu
mourir de faire quelque chose / être très difficile, avoir des
goût recherchés
07褒贬分明
bāobiǎn fēnmíng
avoir un jugement sûr,
tranché
08
捧场
pěngchǎng
applaudir, chanter les louanges de.
09
名角
míngjué
acteur célèbre
唱红唱紫chànghóng
chàngzǐ
devenir populaire (chanteur)
10
稀松平常
xīsōng píngcháng
ordinaire, banal
11
砸
zá
casser/se
briser, d’où échouer, rater
12
哄喝倒彩
hǒnghē
dàocǎi
siffler et huer
弄不好nòngbúhǎo
pas terminé
(ici : pas bu en entier)
13
茶叶末子
cháyè
mòzi
débris de feuilles de thé
沾满zhānmǎn
être maculé de
14
本领齐天
běnlǐng
qítiān
dons, capacités illimités
15
刻砖刘、泥人张、风筝魏、机器王,
刷子李 :
personnages désignés par un sobriquet représentant la spécialité
dans laquelle ils excellent et qui fait leur réputation :
Kèzhuān Liú
Liu le graveur de briques, Nírén Zhāng Zhang le maître des
statuettes d’argile, Fēngzhēng Wèi Wei le maître des
cerfs-volants, Jīqì Wáng Wang le roi de la mécanique et
le personnage du titre,
刷子李Shuāzi
Lǐ, Li le
badigeonneur.
Note :
泥人张Nírén
Zhāng fait
lui-même l’objet d’un récit du même recueil.
16
拿手擅长
náshǒu
shàncháng
avoir un don spécial pour/être expert en
行当 hángdang
métier, spécialité
17
响当当
xiǎngdāngdāng
résonner comme les
sons répétés d’un gong, ou d’une cloche, d’où s’applique à la
notoriété d’un personnage célèbre et populaire.
18
营造厂
yíngzàochǎng entreprise de construction
师傅
shīfu
maître (ici artisan), titre et expression de respect
19
粉刷
fěnshuā
badigeonner, blanchir à la chaux =
刷浆shuājiāng
20
任嘛
甭放
rènma béngfàng
je vous conseille de
rester là
任rèn
prendre un poste,
se poster
嘛ma
(en fin de phrase)
indique une nuance de conseil
甭béng
négation de
l’impératif
放fàng
idée de laisser de côté
21升天
shēngtiān
tomber en extase (en français on tombe, en chinois on monte au
ciel)
22
愣说
lèngshuō
dire avec aplomb, avancer sans preuve
23
徒弟叫曹小三
túdì jiào Cáo Xiǎosān
un apprenti
du nom de Cao Xiaosan (le petit troisième)
24
端杀
duānshā
homme de main,
exécutant
25
绝活
juéhuó
technique sans égale, art unique
26非要[不可]
fēiyào [búkě]
il ne faut (absolument) pas manquer de, ne pas avoir l’intention
de rater..
亲眼瞧瞧
qīnyǎnqiáoqiáo
voir de ses propres
yeux
27 (外国)租界
(wàiguó)zūjiè
concession
(étrangère) : ces concessions ont été accordées à diverses
puissances occidentales et au Japon à partir de 1860 ; il y en
avait autant à Tianjin qu’à Shanghai, ce qui a valu à la ville
le surnom de « Shanghai du Nord ». La concession anglaise (英租界)était
l’une des plus importantes à l’époque de la nouvelle, après
avoir absorbé celle des Etats-Unis, en 1902.
28
派头斗足
pàitóu
dòuzú
avoir grand air, une allure de vainqueur, s’imposer comme
supérieur
29
包袱
bāofu
balluchon (un paquet enveloppé dans un tissu
袱fú
)
30
蘸
zhàn
tremper dans
稀溜溜xīliūliū
très dilué,
très liquide
31
匀实
yúnshi
uniforme,
égal
32自得透亮
zìde tòuliàng
(d’un
naturel) lumineux, translucide
白得清爽
báide
qīngshuǎng d’un blanc pur et frais, détendant
33
高招
gāozhāo
coup de maître
34
调浆
tiáojiāng
doser un mélange
配料pèiliào
ingrédients
du mélange
35
悠然
yōurán
à loisir, sans
se presser
摆来,
摆去bǎilái,
bǎiqù
faire un mouvement de va et vient
36
伴鼓点
bàn
gǔdiǎn suivre le rythme de percussions, en particulier de claquettes
(comme à l’opéra)
和琴音
hè
qínyīn
accompagner la musique d’un instrument (琴qín :
terme
générique pour plusieurs familles d’instruments, essentiellement
à cordes)
37啪
pā
(onomatopée)
paf ! =
清脆一响qīngcuì
yīxiǎng un
son clair et mélodieux (chant…)
38
衔接
xiánjiē
joindre/ mettre bout à bout
天衣无缝tiānyīwúfèng
sans couture
/ici : sans pause
39
平整
píngzhěng
net et régulier
屏障píngzhàng
écran protecteur, paravent
40抽一袋烟
chōu
yī dàiyān
fumer une pipe de tabac
41
仔细搜索
zǐxì
sōusuǒ faire une recherche détaillée, minutieuse
42
芝麻
zhīma
grain de
sésame
黄豆huángdòu
grain de
soja
43
不可侵犯
bùkěqīnfàn
inviolable, intouchable 威严wēiyán
prestige,
dignité, puissance
44
露馅
lòuxiàn
découvrir son jeu, se trahir (= laisser voir la farce馅
xiàn)
45
轰然倒去
hōngrán dàoqù
s’effondrer dans un
immense fracas
46
难堪
nánkān
embarrassé, gêné
47
诈
zhà
tromper,
escroquer
48
凑
còu
approcher
49
发怔发傻
fāzhēng
fāshǎ
rester interloqué et l’air idiot
Traduction :
Les gens qui vivent sur
les quais, à Tianjin, sont des gens durs à la tâche. Les
artisans dépendent de leurs mains, c’est dans leurs mains que
réside forcément leur savoir-faire. Ceux qui en ont mangent
bien, ont une brillante réputation et tiennent le haut du pavé ;
ceux, en revanche, qui n’ont aucun don spécial font maigre, et
sont relégués dans l’ombre, sur le bas-côté. Ces
classifications, cependant, personne ne les détermine, elles
tiennent entièrement au genre de vie qui caractérise les quais.
Les chanteurs d’opéra, de tout temps, ont rêvé de venir se
produire là. Les gens de Tianjin, en effet, sont des amateurs
d’opéra et s’y connaissent, ils ont l’œil exercé, l’oreille
fine, le jugement sûr. Si la performance est bonne, ils
applaudissent en criant leur enthousiasme, comme s’ils avaient
aperçu l’empereur en personne, et plus d’un acteur célèbre a
ainsi acquis une immense et incroyable popularité en chantant à
Tianjin ; en revanche, si la performance est médiocre, ou
ordinaire, et déçoit les attentes, bref est ratée, le public,
immanquablement, se met à faire du tapage, à siffler et huer, à
jeter sur les chanteurs leurs tasses de thé encore à moitié
pleines, les débris de feuilles allant maculer costumes et
barbes. Il n’y a pas d’endroit au monde plus terrible que
Tianjin pour huer un spectacle d’opéra. Et ne dites pas que
c’est horrible, cela a permis à pas mal de gens talentueux
d’acquérir de l’expérience. Chaque corps de métier a ainsi son
personnage légendaire aux dons quasi surnaturels : Liu le
graveur de briques, Zhang le maître des statuettes
d’argile, Wei le maître des cerfs-volants, Wang le
roi de la mécanique, Li le badigeonneur, etc, etc… Les habitants
de Tianjin aiment fabriquer ce genre de noms en joignant au
patronyme de ces personnage le nom de la spécialité dans
laquelle ils sont les maîtres. Si vous dites Zhang tout court,
personne ne connaît ce nom. Sur les quais, seuls résonnent les
sobriquets, tels les battements d’un gong les martelant à
l’envi.
Li le
badigeonneur était un maître artisan d’une entreprise de
construction de la rue du Hebei ; sa spécialité était le
badigeonnage, il ne faisait rien d’autre. A ceux qui lui
confiaient le badigeonnage d’une pièce, chez eux, il
était conseillé de ne pas quitter les lieux, mais d’y
rester assis, à l’écart, car c’était un spectacle d’une
beauté à tomber en extase. Ce qui frappait tout le monde
comme étant vraiment unique, c’est que, au moment de se
mettre à travailler, il s’habillait entièrement de noir,
et que, quand il avait terminé, il n’avait pas la
moindre tache blanche sur lui. Vous pouvez me croire !
Il s’était fixé une règle : s’il se tachait, son travail
serait gratuit, il ne se ferait pas payer. Dans ce cas,
il serait mort de faim depuis longtemps, non ?
Mais,
comme tout cela était fondé sur des rumeurs, même parmi
les gens qui y croyaient, il y en avait qui gardaient un
doute. Ceux qui n’étaient pas du métier et ne l’avaient
pas vu n’y croyaient pas, et ceux du métier, que cela
mettait en colère, assuraient fermement ne pas y croire.
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vue de la concession anglaise
Astor House |
Or, un jour, Li le
badigeonneur prit en charge un apprenti du nom de Cao Xiaosan.
Lorsqu’il débute, un apprenti n’est qu’un exécutant, bon à
allumer les cigarettes et suivre en portant les affaires. Bien
que Cao Xiaosan eût, bien sûr, entendu parler depuis longtemps
de la fantastique dextérité de son maître, il n’y croyait qu’à
moitié, et il comptait bien le voir de ses propres yeux. Pour
son premier jour de travail, il accompagna son maître qui allait
travailler dans la concession anglaise, rue Zhennan, dans une
maison occidentale récemment construite dont le badigeonnage
avait été confié à maître Li. A leur arrivée, ayant vu ce
dernier discuter avec le responsable du chantier, l’autorité
qu’il exerçait lui sauta aux yeux. Selon ses règles
personnelles, dit-il, il ne badigeonnait qu’une pièce par jour.
Comme la maison en avait neuf, il lui fallait donc neuf jours.
Puis, avant de se mettre au travail, il ouvrit un petit baluchon
plié en un carré impeccable qu’il avait lui-même apporté, et
enfila blouse noire, pantalon noir et chaussures de toile noire.
Ainsi vêtu de noir de la tête aux pieds, il tranchait avec le
blanc du seau de badigeon posé par terre.
vue de la concession anglaise
Russo-chinese bank |
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Une
pièce, c’est un plafond et quatre murs ; on badigeonne
d’abord le plafond, puis les murs. Le plafond est un
travail particulièrement difficile, quand vous levez la
brosse trempée dans la chaux bien diluée, sur qui
va-t-elle dégouliner ? sur vous, bien sûr. Mais maître
Li, lui, quand il levait sa brosse, on aurait dit qu’il
ne l’avait pas trempée dans le badigeon. Et pourtant,
quand il la passait sur le plafond, elle laissait une
trace d’une parfaite régularité, d’une luminosité
translucide, d’un blanc reposant. D’aucuns disaient que
cette manière de tremper sa brosse était un coup de
maître, d’autres que c’était dans le dosage des
ingrédients du mélange que résidait son secret. Et Cao
Xiaosan, qu’en disait-il ? Il voyait seulement le bras
du maître passer et repasser, dans un sens puis dans
l’autre, comme s’il suivait le rythme de claquettes, ou
d’un air de violon, et, chaque coup de brosse laissant
sur le mur une longue bande de badigeon faisait un son
clair et net, ‘pan !’, extrêmement agréable à entendre.
De ‘pan’ en ‘pan’ et de bande en bande, au bout du
compte, l’enduit |
était d’une
perfection sans faille, et, quand on regardait les murs une fois
terminés, ils étaient si réguliers, on aurait dit qu’on avait
déplié un paravent d’un blanc immaculé. Mais ce qui intéressait
le plus Cao Xiaosan, c’était de voir si, oui ou non, maître Li
s’était fait une tache blanche.
Dans son travail, Li le
badigeonneur avait une règle : chaque fois qu’il avait terminé
un mur, il lui fallait rester un bon moment assis sur un
tabouret à griller une cigarette et boire une tasse de thé avant
de se remettre à travailler. Comme Cao Xiaosan devait alors lui
verser de l’eau et lui donner du feu, il en profitait pour
inspecter soigneusement son maître de pied en cap. Chaque fois
qu’un mur était terminé, il le passait ainsi en revue, mais
jusque là, contrairement à son attente, n’avait pas trouvé la
moindre tache, même pas de la taille d’un grain de sésame. Il en
arrivait à penser que le noir de ces vêtements détenait une
sorte de puissance occulte qui les rendait intachables.
Mais, alors que, un mur terminé, Li
le badigeonneur s’était assis et que Cao Xiaosan lui
allumait une cigarette, il remarqua soudain une tache
blanche sur son pantalon, une tache de la taille d’une
graine de soja, mais le blanc se remarque bien mieux sur
du noir que du noir sur du blanc. Fini ! Maître Li était
démasqué, il n’avait rien de surnaturel, l’imposante
image véhiculée par la légende venait de s’effondrer
dans un immense fracas. Il n’osa cependant rien dire, de
peur
d’embarrasser son maître, il
n’osait même
plus le regarder, mais il ne put s’empêcher de lui jeter un coup
d’œil.
A ce moment-là, Li le
badigeonneur se tourna soudain vers lui et lui dit :
« Xiaosan, tu as vu la
tache blanche sur mon pantalon, n’est-ce pas ? Et tu penses que
les capacités de ton maître sont illusoires, que sa réputation
est surfaite ; petit nigaud, regarde donc de plus près… »
Sur quoi, saisissant
entre deux doigts le tissu de son pantalon, maître Li le souleva
légèrement, et la tache blanche disparut instantanément ; dès
qu’il lâcha à nouveau le tissu, la tache réapparut. Etrange !
Xiaosan s’approcha pour mieux voir : en fait, la tache blanche
était un petit trou que son maître avait fait en fumant, il
avait brûlé l’étoffe sans faire attention. Le trou laissait voir
le caleçon blanc qui était en dessous, exactement comme si de la
chaux était tombée là en y laissant un minuscule point blanc !
Voyant la mine
interloquée et ahurie de Cao Xiaosan, Li le badigeonneur lui dit
en riant :
« Tu penses qu’une
réputation peut être totalement infondée ? C’est là que tu te
trompes. L’important est de bien apprendre son métier. »
Ce premier jour de son
apprentissage, Cao Xiaosan avait beaucoup vu, beaucoup entendu
et beaucoup appris, et en avait tiré plus d’enseignement que
bien des gens, j’en ai peur, n’arrivent à saisir en toute une
existence.
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