Le Xinjiang a longtemps été désigné en Chine du
terme de "Xiyu" (西域),
ou "territoires de l’Ouest" - terres lointaines
dont les liens avec la Chine remontent à la
dynastie des Han : c’est l’empereur Wudi (武帝)
qui, en expulsant les "barbares" Xiongnu du
désert de Gobi et des monts Qinglian au 2ème
siècle avant J.C., a ouvert la branche nord de
la Route de la soie ; la mort du dernier
souverain Xiongnuen 60 avant J.C. ayant entraîné
une guerre de succession s’achevant par la
soumission à l’empire chinois, cette date est
généralement considérée comme l’entrée des
"territoires de l’Ouest" dans l’orbite chinoise.
Mais le contrôle a subi bien des éclipses.
Ces territoires n’ont été baptisés "Xinjiang"
(新疆),
c’est-à-dire "nouvelle frontière", que
lorsqu’ils ont été reconquis, sous la dynastie
des Qing, par l’empereur Qianlong en 1759. C’est
alors que s’est développée toute une
littérature, sous la plume d’envoyés de
l’empereur, mais aussi de bannis, le Xinjiang
étant alors devenue destination d’exil. Il a
acquis dès lors une double image qu’il a
conservée jusqu’au 20ème siècle :
terre d’exil, mais fascinante.
Pendant longtemps, l’imaginaire chinois
concernant les lointaines terres de l’ouest n’a
guère évolué, et se résume fort bien à ce qu’il
était sous les Tang, avec ce mélange de
fascination et de frayeur que nous dépeint Li
Bai dans son poème « La lune sur la passe de la
montagne » (关山月)
:
明月出天山,苍茫云海间。
长风几万里,吹度玉门关。
汉下白登道,胡窥青海湾。
由来征战地,不见有人还。
La lune se lève sur les Tianshan, dans une mer
de nuages à l’infini.
Un vent violent soufflant sur dix mille
lis s’engouffre dans Yumen Guan.
Les Han descendent la route de Baideng, les
Barbares campent dans la baie du Qinghai.
De cet ancien champ de bataille, pas un
homme n’est revenu.
I. La ‘littérature des régions de l’ouest’sous
les Qing
Du Turkestan au Xinjiang
Les "territoires de l’Ouest" ont toujours été
une région d’une extrême diversité tant
culturelle que religieuse, un point de rencontre
de civilisations et de royaumes mis en contact
par les périples des caravanes. C’est le
bouddhisme hinayana qui a dominé la scène du 2ème
au 10ème siècle. Mais toute la région
a ensuite été islamisée, à partir de l’arrivée à
Kashgar d’unsunnite turc, Satoq Bughra, mort
vers 955. La ville est alors devenue un centre
religieux et artistique prestigieux, au
confluent d’influences chinoises, perses,
turques, indiennes et autres.
Le bouddhisme est resté plus longtemps présent
dans le nord. A l’est du bassin du Tarim, les
Ouïgours, arrivés là au 9ème siècle,
ont continué à le pratiquer jusqu’au 16ème
siècle.
La progression de l’islam ne s’est donc pas
faite sans heurts ni tension, et, à cet égard,
la brève période pendant laquelle la région a
été sous contrôle des Mongols, du 13ème
siècle jusqu’au milieu du 14ème
siècle, est considérée comme une ère de paix,
une "pax mongolica" ayant mis temporairement fin
aux conflits inter-ethniques et rivalités
religieuses. Mais l’islamisation a ensuite
repris de plus belle, avec des conflits
croissants, en particulier du 16ème
au 19ème siècle entre Kashgar et
Yarkand pour le contrôle du sud.
Ces
conflits n’ont cessé qu’avec la conquête du
territoire par l’empereur Qianlong, soucieux de
promouvoir à nouveau les échanges le long de la
Route de la Soie. Cette conquête de l’ouest
commence avec la première des dix grandes
campagnes de son règne : la « pacification de la
Dzoungarie » en 1755-57 (euphémisme qui recouvre
le massacre de la quasi-totalité de la
population)
.
Mais le contrôle chinois fut mis en cause un
siècle plus tard, par la révolte de Yakub Beg
qui établit un royaume ouïgour à Kashgar de 1866
à 1877, à un moment d’intenses luttes de pouvoir
entre Russes, Chinois et Britanniques pour le
contrôle des routes stratégiques de l’Asie
centrale. La province du Xinjiang fut établie en
1884 et le nom devint alors d’usage courant,
supplantant celui de « Turkestan chinois ».
C’est dans ce contexte qu’apparaissent, à partir
du 18ème siècle, les premiers écrits
chinois sur ces régions de l’ouest ; ce sont
d’abord des chroniques, des notes de voyage,
mais, étant de la plume de lettrés, prennent
parfois la forme de poèmes. Ils forment
la"littérature des régions de l’ouest" ou
Xibu wenxue (西部文学).
La littérature des régions de l’ouest : notes de
voyage
C’est une littérature imprégnée du sentiment des
marges frontalières, avec ce que cela comporte
d’étrange, de fascinant et d’exotique, mais de
façon superficielle, car ces voyageurs du bout
du monde restent des observateurs curieux mais
extérieurs, sans contact avec la population et
l’œil tourné vers la mère patrie. Les traditions
sont rapportées coupées de leurs racines,
historiques et culturelles, et les récits
colportent des légendes qui contribuent à former
l’image d’un monde en marge.
L’une des premières chroniques sur la région, et
l’une des plus connues, est la « Chronique des
choses vues et entendues dans les régions de
l’Ouest » ou Xiyù wénjiàn lù (《西域闻见录》),
datant de 1777 ou 42ème année de
Qianlong (乾隆四十二年),
soit près de vingt après la campagne de
« pacification » de la Dzoungarie.
L’une des premières chroniques sur la région, et l’une
des plus connues, est la « Chronique des choses vues et
entendues dans les régions de l’Ouest » ou Xiyù
wénjiàn lù (《西域闻见录》),
datant de 1777 ou 42ème année de Qianlong (乾隆四十二年),
soit près de vingt après la campagne de « pacification »
de la Dzoungarie.
L’auteur est un certain Qi Shiyi (七十一),
nom de plume d’un petit fonctionnaire mandchou du
Circuit de Zhendi (镇迪道)
qui est resté une dizaine d’années au Xinjiang, avant de
revenir à Pékin vers la 50ème année de
Qianlong |
|
Le Xiyuwenjian lu |
(乾隆五十年),
c’est-à-dire vers 1785. Si ses écrits sont connus, c’est parce
qu’ils sont cités dans des ouvrages ultérieurs, en particulier
le « Traité illustré des royaumes maritimes » ou Haiguo tuzhi
(《海国图志》)
de Wei Yuan(魏源),
écrit un demi-siècle plus tard d’après des notes et documents
initialement compilés par Lin Zexu (林则徐)
.
Wei Yuan décrit la géographie, les ressources
naturelles, les produits locaux, les coutumes et
tout ce qui frappe le regard (“列史所载证以目之所见”),
mais aussi la désolation du nord du Xinjiang
après le massacre des dzoungars : une immense
plaine sans trace humaine sur des centaines de
kilomètres… C’est lui, aussi, qui a créé un
groupe de recherche sur le Xinjiang qui exerça
une profonde influence sur l’évolution de
mentalités.
Un grand nombre des écrits de l’époque sur le
Xinjiang sont des poèmes,genre par
excellence des lettrés chinois, le thème courant
étant la glorification des exploits réalisés par
les Chinois dans la région et la célébration de
l’empereur. Comme les anciens poèmes classiques,
ils visent à saisir une scène ou capter une
émotion. Il s’agit de fondre l’expérience intime
du poète dans la réalité extérieure décrite par
le poème. Pour le compléter, il était usage
d’ajouter des commentaires; parfois publiés
séparément sous forme de recueils d’essais « au
fil de la plume » (biji笔记),
ce sont des notes de voyage.
Mais il y a aussi de vraiscarnets de voyage,
sortes de guide des régions traversées où sont
notés les détails des voyages et des haltes
faites en chemin, avec des développements sur la
nourriture, le climat, les paysages, mais très
peu sur les aspects sociaux et culturels, sauf
les descriptions physiques, les coiffures, les
coutumes vestimentaires, tout ce qui saute aux
yeux, et qui est inhabituel.
Le Xinmao shixing ji
|
|
L’un des plus
célèbres, au début du 19ème siècle, est la « Description
concise des nouvelles marges frontalières – approuvée
par l’empereur » ((Qinding) Xinjiang
shilüe 《(钦定)新疆识略》),
écrite par Xu Song (徐松).
En douze parties plus un appendice, le livre a été
achevé en 1820 et soumis en 1821 à l’empereur Qianlong
qui a ajouté une courte histoire de la conquête de la
Dzoungarie, ou Zhungar quanbu jilüe (准噶尔全部记略),
ainsi qu’un récit de la soumission des Mongols Torghut,
ou Turhute quanbu guishun ji (土尔扈特全部归顺记).
Le texte de Xu Song débute par une description
géographique générale, puis des descriptions plus
détaillées avec une carte de la région. Il continue avec
des précisions sur les garnisons et colonies militaires,
les postes frontières, les réserves de céréales, les
taxes, et même des observations sur la population
locale.
C’est à partir des dernières années du 19ème
siècle que se multiplient ces journaux et carnets de
voyage, parfois en vers ou au moins avec des passages en
vers, comme le « Journal
de voyage en vers de l’année
xinmao
»
|
(Xinmao
shixing ji 《辛卯侍行记》)
de
Tao Baolian
(陶保廉)
achevé en 1897, ou encore le « Voyage de la Chine du sud
aux monts Kunlun » (Hehai Kunlun lu《河海昆仑录》),
de Pei Jingfu (裴景福),
daté de 1906. C’est un carnet de voyage de plus de
11 720 lis, dans lequel il a noté, comme Qi Shiyi, ce
qu’il a vu et entendu au fil des 370 jours de son
escapade :
“道途之所经历,耳目之所遭逢,心思之所接斗,逐日为记,悉纳之囊中。”
Ce que j’ai vécu en chemin et observé au hasard et qui
m’a touché, je l’ai noté jour après jour et ajouté à mon
pécule.
En 1920, le « Voyage au Xinjiang » (Xinjiang youji《新疆游记》)
de Xie Bin (谢彬)
estencore plus long : un voyage de plus de neuf mois
pendant lequel Xie Bin a parcouru près de dix mille
kilomètres, et visité 38 des 43 districts que comportait
le Xinjiang à l’époque. Et le livre a encore la
particularité d’avoir été préfacé par … Sun Yat-sen.
|
|
Le Hehai Kunlun lu, réédition
2016, tome 3 |
Toutes ces œuvres offrent des descriptions des
coutumes et pratiques sociales très
détaillées,mais reflètent malgré tout une
observation superficielle. Cela vaut cependant
aussi bien pour les voyageurs occidentaux qui
ont visité la région à l’époque. Mais il est
intéressant de voir que ces voyageurs étaient
souvent des exilés, et qu’ils transmettaient une
vision du Xinjiang qui n’était pas forcément
celle que cherchait à promouvoir l’empereur
Qianlong.
Une littérature d’exilés
Il y avait en effet de fortes réticences dans
l’entourage de l’empereur et des doutes quant au
bien-fondé de la conquête du Xinjiang qui
paraissait trop lointain, trop différent, trop
difficile à administrer. Aussi, après la
conquête, l’empereur a-t-il tenu à souligner que
le Xinjiang faisait maintenant partie de « l’intérieur »
(nèidì 内地).
La forteresse de Jiayuguan en 1875
(photo d’Adolf Erazmovich Boiarskii,
prise
lors d’une mission commerciale et de
recherche
organisée par le gouvernement russe en
1874-75) |
|
En même temps, cependant, la province était dans les
esprits un lieu d’exil. A l’extrémité de la
Grande Muraille, dans le nord-ouest du Gansu, la passe
de Jiayuguan (嘉峪关)
a longtemps symbolisé la frontière entre le monde
chinois et celui des barbares ; mais c’était la
frontière Ming
.
Au-delà de la passe était un monde considéré autre par
les esprits d’alors, un monde en marge de la
civilisation (声教不通)
et la controverse a longtemps fait rage. Même l’écriture
semblait barbare, « comme des traces d’oiseau ou comme
des têtards » (如鸟跡,如蝌蚪)
selon Qi Shiyi.
Pourtant, la région a sa place dans la |
mythologie chinoise. La chaîne des monts Kunlun (昆仑山脉)
qui sépare le sud du Xinjiang (et le Taklamakan) du Tibet était
le séjour de divinités, considéré comme un endroit paradisiaque
aux sources de la civilisation chinoise. Au moment de partir,
l’exilé se raccrochait à ces mythes. Du voyage de l’archer Yi (羿)
au palais dela reine mère de l’Ouest Xiwangmu, sur le
mont Kunlun, en quête de l’élixir de l’immortalité, au
pèlerinage du moine Xuanzang pour collecter les textes
bouddhistes, le voyage au Nord-Ouest a toujours été associé à un
difficile périple et à une quête spirituelle. Les dangereuses
montagnes et les vastes étendues de désert à leurs pieds,
ponctuées de riches oasis, suggéraient une image des tourments
de la vie terrestre opposés aux joies du paradis céleste.
Les
poésies de l’époque abondent d’évocation de
villes où le voyageur peut refaire ses forces
spirituelles et physiques
.
Malgré les difficultés du voyage, une fois
installés dans les villes, les exilés donnent du
pays une image d’abondance, véritable ou
potentielle. Le Xinjiang est finalement comme le
paradis sur terre : pour les marchands, les
affaires étaient florissantes, pour les lettrés
la vie était agréable.
L’exilé partait avec pour viatique ces idées
mythiques sur le nord-ouest lointain. C’étaient
des « prisonniers »
(qiúfàn
“囚犯”),
comme
il est dit de Pei Jingfu qui fut, justement,
l’un des derniers fonctionnaires Qing à avoir
été exilé au Xinjiang
.
Après Jiayuguan commençait pour eux l’inconnu,
digne d’être répertorié. Et s’ils soulignaient
les liens de la Chine avec la région, c’était
pour établir une continuité avec le passé, dans
un souci de légitimation, comme toujours.
L’une des références historiques récurrentes est le
voyage de Zhang Qian (张骞),
au 2ème siècle avant JC, pour chercher de
l’aide contre les Xiongnu. Il joua un rôle de pionnier
dans la conquête de ce qui est aujourd’hui le Xinjiang,
et ses voyages sont consignés dans les
« Mémoires
historiques » (《史记》)
de Sima Qian (司马迁).
Ils sont aussi racontés dans le Livre des Han, le
Hanshu.
On y apprend que les Xiongnu |
|
Zhang Qian prenant congé de l’empereur
Wudi en 139 avt JC,
peinture murale des grottes de Mogao |
(匈奴),
venus du nord, menaçaient de s’allier aux Qiang du Tibet, et que
l’empereur Wudi voulait donc coloniser le couloir du Gansu en
s’alliant avec les tribus locales. C’est Zhang Qian qui fut
envoyé vers l’ouest
pour conclure une
alliance avec les Yuezhi (月氏)
qui avaient été chassés de leur territoire par les Xiongnu en
177 avant JC. Après avoir été fait prisonnier, et être revenu
les mains vides, il lui faudra repartir pour une seconde
mission, mais le protectorat sur les territoires de l’ouest ne
sera établi qu’après sa mort, en 60 après JC.
Ces textes fournissent la référence de base qui
légitime la conquête ultime au 19ème
siècle. Les exploits militaires des deux
dynasties des Han et des Tang sont là pour
glorifier le pouvoir des Qing qui ne les a pas
seulement émulées, mais surpassées… Après la
conquête, les noms turco-mongols ont été
remplacés par les noms chinois antérieurs.
Ces fonctionnaires et voyageurs aimaient aussi
noter les contes, mythes et légendes, nés et
transmis par tradition orale. Ainsi Pei Jingfu
rapporte aussi dans son ouvrage un certain
nombre de légendes locales, en s’efforçant, de
manière caractéristique, de les rattacher à des
légendes ou mythes chinois similaires.
Il raconte par exemple l’histoire d’un lieu,
dans les montagnes au sud de Turfan, nommé
Halifen, c’est-à-dire selon lui loup en turc.
Dans ces montagnes vivent des familles
musulmanes, et on raconte, dit-il, qu’elles
descendent d’un loup devenu homme. C’est comme,
ajoute-t-il, la légende de Panhu épousant la
fille de l’empereur jaune et donnant naissance
aux peuplades du sud-ouest …
Les exilés vont même jusqu’à adapter les contes
et légendes, et par exemple des histoires de
fantômes. Il y a ainsi un recueil de contes de
Ji Yun (纪昀)
qui comporte un certain nombre de récits se
passant au Xinjiang, dans lesquels des marchands
ou des exilés chinois font des rencontres
surnaturelles… tout comme en Chine. Pour Ji Yun,
il n’y rien de fondamentalement différent d’un
endroit à l’autre.
En 1768, pour avoir trempé dans une affaire de
pots de vin, Ji Yun fut exilé à Dihua (迪化),
au Xinjiang
.
En 1771, sur le chemin du retour après avoir été
gracié, il a écrit une série de 160 poèmes, le
Xinjiang zalu (《新疆杂录》),
qui reste l’un des documents les plus
intéressants en chinois sur la vie au Xinjiang à
la fin du 18ème siècle.
Le Yuewei caotang biji |
|
C’est à la fin de sa vie qu’il a écrit ses contes
fantastiques inspirés par les « Contes du Liaozhai » (《聊斋志异》)
de Pu Songling (蒲松龄),
et publiés en cinq volumes entre 1789 et 1798. Puis, en
1800, les cinq volumes ont été édités ensemble, sous le
titre« Notes de la chaumière sur des trivialités » ou
Yuewei caotang biji (《阅微草堂笔记》),
comme une sorte de Liaozhai du Xinjiang.
Il y a donc une grande continuité et dans l’histoire du
Xinjiang et dans les formes des récits. L’histoire de la
Chine est un immense palimpseste, le Xinjiang n’est pas
une |
exception. Et tous ces voyageurs, fonctionnaires exilés ou non,
font figure de pionniers, de précurseurs des autres voyageurs
qui vont venir dans la région à partir de 1949, par vagues
successives, pour une raison ou une autre, mais tous,
finalement, traduisent leur fascination en des termes
semblables.
Bibliographie en anglais
- The Chinese Literary Conquest of Xinjiang,
L. J. Newby,
Modern China,
Vol. 25 No. 4, Oct. 1999
- Whose Xinjiang? The Transition in Chinese
intellectuals’ imagination of the “New Dominion”
during the Qing dynasty, Jia Jianfei (Chinese
Academy of Social Sciences), Harvard-Yenching
Institute Working Paper 2011.
A consulter en ligne :
http://www.harvard-yenching.org/sites/harvard-yenching.org/files/featurefiles/Jia%20Jianfei_Whose%20Xinjiang.pdf
______
II. La littérature du Xinjiang au vingtième
siècle : une littérature han
Au vingtième siècle, la littérature des
« régions de l’ouest » évolue. C’est dans la
deuxième moitié du siècle que prend forme tout
un corps de textes qui inscrivent une nouvelle
page dans la littérature chinoise, et peuvent
être définis comme « littérature du Xinjiang ».
Cependant, elle reste encore une littérature
d’écrivains han, écrivant en chinois.
II.a Tournant des années 1980 :
retourdes migrants et des exilés
Contexte historique
A la fin de la dynastie des Qing, beaucoup
continuent de penser que le Xinjiang est un
fardeau inutile pour le pays, comme Tan Sitong (谭嗣同),
l’un des chefs de file de la Réforme des Cent
Jours, en 1898, qui préconisait de vendre le
Tibet à la Grande-Bretagne et le Xinjiang à la
Russie ce qui aurait permis de payer les
indemnités dues aux puissances occidentales.
Après la chute de l’Empire chinois, des années 1910 aux
années 1940, le Xinjiang traverse une période chaotique
pendant laquelle sa situation géopolitique en fait un
enjeu stratégique, convoité par l’Union soviétique et la
Grande Bretagne. Mais la région est toujours considérée
peu ou prou comme terre d’exil un peu effrayante, et la
passe de Jiayu Guan comme le passage vers l’inconnu.
Un journaliste connu de la période républicaine,
Fan Changjiang (范长江),
y est passé dans les années 1930 et a trouvé
dans le fort des poèmes laissés par des
visiteurs de passage ; il a noté que neuf sur
dix exprimaient leur mal du pays et le sentiment
d’être à la frontière d’une région infernale,
aux portes du royaume des morts (situé
traditionnellement à l’ouest dans la tradition
chinoise), tel celui-ci :
|
|
Fan Changjiang |
一出嘉峪关,两眼泪不干,
往前看,戈壁滩,往后看,鬼门关
Au sortir deJiayu Guan, impossible
de sécher ses pleurs
En voyant devant soi le désert de Gobi,
et derrière la porte de l’Enfer
.
Pendant la guerre, dans les années 1940, le
Xinjiang a été un lieu de refuge, mais la passe
de Jiayu Guan a conservé aux yeux des fugitifs
la même image de dernière porte vers un au-delà
angoissant.
Après la « libération pacifique » de la province
en 1949, le Xinjiang a été constitué en région
autonome le 1er octobre 1955, la
« Région autonome ouïgoure » (新疆维吾尔自治区),
les Ouïgours représentant 73 % de ses cinq
millions d’habitants selon le recensement de
1953. Mais la région englobe aussi des districts
autonomes habités majoritairement par treize
groupes d’ethnies différentes.
Comme sous l’empire, le gouvernement chinois a
alors encouragé l’émigration depuis
« l’intérieur », en favorisant d’abord le
repeuplement du bassin Dzoungar au nord, alors
que, à l’époque, 75 % de la population de la
région était encore centrée dans le bassin du
Tarim. Le nord du Xinjiang a reçu un afflux de
deux millions de Han (et Hui) entre 1957 et
1967, accentuant la coupure avec le sud ouïgour.
Les habitants d’Aksu (sur la
branche nord de la Route de la Soie) accueillent
des jeunes instruits de Shanghai, 1964 |
|
Mais les mouvements de population des années
1950 et du début des années 1960 ont été en
majeure partie spontanés et individuels.
Certains répondaient à des motivations
économiques, d’autres, aussi, à des fins de pure
survie, au moment de la Grande Famine, tandis
que, vers le milieu des années 1960, des jeunes
ont répondu à l’appel au départ lancé par les
autorités chinoises. Pendant la Révolution
culturelle, ensuite, le mouvement des « jeunes
instruits » a fourni son lot de jeunes au
Xinjiang, mais dans une moindre mesure
|
que dans d’autres
régions frontalières peu amènes : la
région était toujours aussi lointaine et difficile
d’accès.
Mouvements spontanés, certes, mais bénéficiant
quand même, sur place, d’une organisation
centrale de type militaire avec le Corps de
production et de construction du Xinjiang ou
Bingtuan (新疆生产建设兵团),
fondé en octobre 1954 avec une mission de
développement économique mais aussi de défense,
pour juguler les mouvements indépendantistes du
Turkestan oriental orchestrés par l’Union
soviétique. Au milieu des années 1990, 13,6 % de
la population du Xinjiang était employée par le
Bingtuan, près de 90 % des employés étant
Han… |
|
Zhou Enlai et Chen Yi arrivant au
Xinjiang en 1965 |
Dans le même temps, la région a aussi été terre d’exil,
conformément à sa longue tradition, mais, là aussi,
moins que dans d’autres provinces de Chine.
Zhou Enlai rencontrant des jeunes
instruits de Shanghai à la ferme de Shihezi, au
pied des monts Tianshan, en 1965 |
|
Les mouvements de population se sont accentués à
partir de 1980 : retour « en ville » des jeunes
instruits et des déportés, d’abord, puis
immigration croissante de Han d’autres
provinces. Le Xinjiang a acquis une importance
stratégique accrue après l’invasion de
l’Afghanistan par l’Union soviétique en 1979, et
les migrants sont devenus des pions dans la
défense du Xinjiang.
Ces mouvements de population ont inspiré une
riche littérature qui est, comme sous les Qing,
littérature de témoignage |
personnel,
sur une région qui a cependant cessé d’effrayer,
même si l’on retrouve encore, de ci de là, dans
la littérature chinoise moderne, des évocations
d’un « autre » lointain, inhospitalier et
vaguement menaçant. C’est le cas, par exemple,
dans la nouvelle de 1985 de
Tashi Dawa (扎西达娃)
« Tibet, l’âme attachée à une corde de cuit » (《西藏,系在皮绳结上的魂》):
un vieillard tibétain y raconte un souvenir de
jeunesse, quand il avait été obligé d’aller
jusqu’au Taklamakan tenter de reprendre son
troupeau de moutons à une Kazakhe, chef d’une
bande de brigands réputée, qui le lui avait volé
et l’avait ramené chez elle, en toute impunité.
Image de femme libre et indomptée qui est celle
que l’on trouve aussi dans le roman de wuxia
de
Wang Dulu (王度庐)
dont a été adapté le film « Tigre et dragon » (《卧虎藏龙》)
:
dans le roman, l’héroïne Yu Jiaolong (玉娇龙)
a été élevée … au Xinjiang, où son père,
officier mandchou, était en poste à la fin de la
dynastie des Qing, ce qui explique en partie son
caractère de sauvageonne.
L’histoire du vieillard de
Tashi Dawa
perpétue cette image dans les années 1940.
Quarante ans plus tard, au-delà de l’effroi, le
Xinjiang reste terre de liberté, même si cette
liberté est liée à l’exil. En témoigne la
littérature postérieure à la Révolution
culturelle.Ce sont surtout des nouvelles,
écrites par des auteurs qui ne les ont publiées,
en général, qu’à partir du début des années
1980, une grande partie étant constituée de
récits de « jeunes instruits ».
Le Xinjiang comme refuge
On peut rattacher à cette littérature une
nouvelle qui n’est pas à proprement parler d’un
auteur « du Xinjiang », mais qui dresse le
portrait d’un jeune Chinois parti au Xinjiang en
1960 pour fuir la Grande Famine qui sévissait
chez lui, au Henan. Elle est de
Zhang Xianliang (张贤亮)
qui, à la mort de son père en 1954, est parti
enseigner dans une école de cadres dans le
Ningxia où, après 1957, il a ensuite passé
vingt-deux ans dans des camps et des fermes
d’Etat.
Parue en 1983, « XorBulak » (《肖尔布拉克》)
est la deuxième des nouvelles qu’il a publiées
après sa réhabilitation. Elle est
particulièrement intéressante car le routier
dont elle raconte l’histoire est un cas typique
de Han immigré au Xinjiang à la fin des années
1950 et elle reflète l’évolution de l’imaginaire
lié à la région
.
L’histoire est contée par le routier lui-même, à
un journaliste qu’il a pris dans son camion et
auquel il parle pour éviter de s’endormir car
ils traversent l’immensité rocailleuse du désert
de Gobi. Il explique d’abord qu’il est parti au
Xinjiang tout jeune, parce que la famine
sévissait au Henan
et qu’une connaissance leur a écrit pour les
inciter à y aller, en leur décrivant un pays de
cocagne :
新疆好,新疆不但能找上工作,还能吃上饱饭。
Le Xinjiang, c’est vraiment bien, on peut y
trouver
du travail, et même manger à sa faim.
Après un voyage en train, il arrive à ce qui
était alors le terminus : Weiya (尾亚),
près de Hami, au nord-est de la région. Et là,
il décrit un spectacle d’exode : trois cercles
de tentes autour d’une dizaine de maisons
délabrées, et une foule de plusieurs milliers
d’hommes et de femmes récemment arrivés, comme
lui ; certains sont mutés là ou |
|
Zhang Xianliang
Xor Bulak |
suivent la délocalisation de leur usine, mais la plupart
sont des « fuyards » (“流窜犯”)
,
plus tard appelés « migrants » (“盲流”),
et « employés volontaires pour aider au développement
des régions frontalières » (“自愿支边人员”) :
réhabilités et déjà intégrés.
Les tentes servaient en effet de centres de
recrutement pour les diverses divisions du
Bingtuan, ou pour les usines délocalisées.
Weiyaétait un marché de l’emploi à ciel ouvert,
où tout le monde pouvait être embauché, même
sans papiers. Le Xinjiang, c’était vraiment le
Far West ! Mais c’est justement cette politique
libérale qui a permis un développement rapide,
commente le routier…
Finalement, le jeune garçon est recruté pour
aller travailler à Hami, comme aide-comptable.
Pour y aller, il se fait prendre par un
chauffeur, venu lui aussi du Henan, mais lui en
1949 alors qu’il s’était engagé dans l’armée :
autre époque et autre génération de migrants.
Il restera finalement chauffeur toute sa vie,
les changements survenus pendant les vingt
années écoulées se mesurant à l’aune des
différents camions conduits : soviétique,
chinois marque « Libération », tchèque, roumain,
et finalement… coréen. Mais sa vie est marquée
par une solitude croissante, la Révolution
culturelle l’ayant encore accentuée, en
enfermant chacun dans la méfiance et le silence.
En contrepoint, ses deux mariages fournissent
deux portraits féminins tout aussi typiques : la
première femmea été contrainte à se marier pour
enlever une charge à sa famille après la mort de
son père, alors qu’elleétait amoureuse d’un
autre « migrant » ; la seconde était une
ancienne « jeune instruite » de Shanghai restée
seule avec un enfant, ce qui nous vaut une
description terrible du sort des « jeunes
instruites » comme elle.
上海“知青”的生活我清楚。头一批来新疆的上海“知青”就是我们车队拉的,全是十七、八的姑娘小伙子。他们在车上举着红旗,唱呀笑呀,见了硝碱地说夏天也下雪,见了毛驴也高兴得不得了。第二年,他们有回家探亲的,坐在我的车上就哭开了。后来,搞了七、八年,“知青”都不年轻了,像她这样的,在人眼里已经成了“羊杠子”,但是住的还是地窝子,吃的还是老咸菜,喝的还是涝坝里的积水……
La vie des “jeunes instruits” de Shanghai, je
connais bien. Le premier groupe de ces jeunes
arrivés au Xinjiang, c’est notre équipe qui les
a transportés. C’étaient des filles et des
garçons de 17 ou 18 ans qui, dans le camion, ont
déployé des drapeaux rouges et chanté en riant ;
en voyant du salpêtre par terre, ils ont dit
qu’il neigeait aussi en plein été, dans le
coin ; et en voyant des ânes, ils ne se tenaient
plus de joie. L’année suivante, j’ai emmené ceux
qui rentraient chez eux voir leur famille ; ils
ont fondu en larmes dans le camion. Au bout de
sept ou huit ans de labeur, les « jeunes
instruites » ont perdu leur jeunesse, comme
elle ; aux yeux des gens d’ici, elles sont
devenues sèches comme des vieilles triques,
elles vivent toujours dans des huttes de terre,
ont pour toute nourriture de vieux légumes
salés, et pour toute boisson l’eau stagnante des
réservoirs d’irrigation…
D’un réalisme typique de
Zhang Xianliang,
froid en surface mais recélant beaucoup de
chaleur humaine, cette nouvelle estune parfaite
introduction à la littérature du Xinjiang et aux
différents types de personnes « de l’intérieur »
venues y vivre au tournant des années 1960.
Elle évoque aussi un autre portrait, un autre
cas : celui du
« Grand-père
du Xinjiang » (《新疆爷》)
d’une nouvelle de
Xue Mo (雪漠),
qui lui, parce qu’il avait été enrôlé de force
dans l’armée quand il avait vingt ans, s’est
enfui à pied au Xinjiang…
L’image qui en ressort est celle d’une région
pleine de potentiel, mais difficile à vivre
(surtout pour les femmes), où seul un travail
acharné et une endurance à toute épreuve
permettent de survivre.
Mais c’est une région, aussi, qui a laissé des
souvenirs impérissables, teintés de nostalgie, à
ceux qui y sont restés suffisamment longtemps
pour en apprécier les richesses. Cela donne deux
types d’auteurs, arrivés au Xinjiang à partir du
début des années 1960 : ceux qui sont partis
volontairement, non poussés par la famine, mais
portés par l’enthousiasme de l’époque, comme
Lu Tianming (陆天明),
et ceux qui y ont été déportés, envoyés en exil
comme sous la dynastie des Qing, et l’exemple le
plus célèbre est celui de
Wang Meng (王蒙).
Le Xinjiang comme pays de cocagne
Lu Tianming
est un cas extrême de l’enthousiasme collectif,
une sorte de ferveur gidienne, soigneusement
entretenue par les mots d’ordre du Parti, qui a
poussé des hordes de jeunes à abandonner leur
famille et leur école pour aller vivre dans des
villages reculés de l’intérieur.
Cas extrême, d’abord, parce qu’il est parti très
jeune, à quatorze ans, dans le cadre d’une
première campagne, lancée en 1957, appelant les
jeunes ayant terminé leurs études secondaires à
partir poursuivre leur |
|
Lu Tianming au Xinjiang |
formation
auprès des paysans pauvres. Sa première destination a
été l’Anhui. Ce n’est qu’en 1964 qu’il est ensuite parti
au Xinjiang, cette fois dans le cadre d’une campagne de
recrutement menée par le cadre alors responsable du
bureau de mise en valeur de la région, Wang Zhen (王震).
Il rejoint alors une ferme militaire du Bingtuan
pour travailler au sein d’une équipe de défrichage,
selon le principe de base du Bingtuan :
« construire la région frontalière, et la défendre » (“建设边疆,保卫边疆”).
La vie est difficile, car la nourriture est
encore à base de farine de maïs, et les journées
de travail sont longues et laborieuses. Pour
animer un peu les quelques soirées qu’ils ont de
libre, il raconte à ses camarades des histoires
qui forment le matériau de diverses nouvelles
écrites par la suite. Mais leur expérience de
« jeunes instruits » partis avec enthousiasme
est le sujet de la pièce de théâtre qui l’a fait
connaître, publiée en 1973 et représentée à
Xi’an puis en tournée en 1974-1975 : « Mettre
les voiles sur dix mille lis » (《扬帆万里》).
Elle reflète sa conviction d’alors que ce qu’il
y avait de mieux à faire pour des jeunes comme
lui était de partir au Xinjiang pour aider au
développement de la région et améliorer
l’existence des paysans, et elle a eu un impact
considérable sur les jeunes envoyés dans tous
les coins du pays à la fin des années 1960.
Le succès de la pièce a motivé le retour de
Lu Tianming à
Pékin, d’abord pour la mettre en scène. Il est
donc rentré avant le retour massif des autres
zhiqing, et il a eu la chance d’avoir tout
de suite un emploi. Son retour a donc été
relativement moins dur que pour d’autres, mais a
nécessité une difficile période d’adaptation,
pour surmonter la prise de conscience de
l’absurdité du mouvement massif d’envoi de
jeunes à la campagne auquel il avait participé.
Son regard rétrospectif est critique, même s’il
n’est pas totalement négatif et si son ton n’est
jamais amer.
Le soleil des hauteurs de Sangna
(édition 1987) |
|
Dans les nouvelles et romans écrits dans les
années 1980, dont le roman le plus célèbre,
« Le
soleil des hauteurs de Sangna » (《桑那高地的太阳》),
publié en 1987, il montre bien les aberrations
du système, et surtout le caractère fallacieux
de l’idéalisme qui en est le fondement. Il
décrit les jeunes absorbés par l’environnement
rural, engloutis par une expérience dont ils
devaient tirer de l’enseignement ; il en fait un
symbole de la ville vaincue par la campagne.
C’est un sentiment d’autant plus fort chez lui
que, lorsqu’il est revenu voir ses camarades
restés sur place, il s’est rendu compte qu’ils
n’avaient aucun espoir de pouvoir en sortir, les
uns s’étant mariés sur place, les autres ayant
un statut de travailleurs modèle les attachant à
leur unité
.
Par la suite, dans les années 1990,
Lu Tianminga publié une série de quatre romans
qui s’inscrivent dans le cadre de la
« littérature
anti-corruption »,
la corruption étant une autre trahison de ses
idéaux de jeunesse. |
Il y a donc une grande différence entre sa
génération, la première vague des zhiqing,
et les jeunes de la seconde vague, celle ayant
répondu à l’appel de Mao à la fin des années
1960, au moment de la reprise en main du pays
après le chaos provoqué par les Gardes rouges et
l’incohérence des mouvements politiques. Ceux-ci
sont revenus en ville dans des conditions très
difficiles de logement et d’emploi, après la fin
de la Révolution culturelle, surtout à Shanghai,
comme l’a si bien dépeint
Wang Anyi (王安忆)
dans l’une de ses nouvelles publiées en 1981 :
« Terminus » (《本次列车终点》).
C’est alors que leur vie à la campagne pendant
les dix années précédentes leur est apparue sous
des jours quasiment idylliques, comme une sorte
de paradis perdu, plus ou moins réinventé dans
la lumière dorée du souvenir, où le quotidien
était spartiate mais avait la saveur de
l’authentique et une grande profondeur humaine.
Il y a peu d’écrivains partis au Xinjiang dans
cette vague. Mais on retrouve une même nostalgie
rétrospective chez
Wang Meng (王蒙),
grand exilé du Xinjiang qui a en outre la
caractéristique d’y avoir appris la langue
ouïgoure et d’être capable de la lire et de la
parler, chose rarissime chez les autres
écrivains han qui ont vécu et vivent au
Xinjiang,
Le Xinjiang comme exil tonifiant
Après une première condamnation comme droitier
en 1958 et un court répit en 1961,
Wang Meng
est à nouveau
condamné en 1963, et cette fois à la déportation
au Xinjiang, où ila passé quinze ans,
jusqu’en1978.
Il est d’abord affecté à une brigade de
production de la commune de Bayandai (巴彦岱公社),
un district de la ville de
Ghulja, ou
Yining (伊宁),
dans la préfecture autonome kazakhe d’Ili (伊犁哈萨克自治州),
sur la route Ili-Urumqi, non loin de la
frontière du Kazakhstan. C’est la simplicité de
la vie et la chaleur des relations humaines dans
le village, au milieu des paysans ouïgours, qui
lui a |
|
Wang Meng à Bayandai à l’occasion
de la sortie
du film « Bayandai », en décembre
2014 |
rendu la vie supportable et l’a tiré de son désespoir en
lui redonnant optimisme et joie de vivre, a-t-il
expliqué.
Il a dit avoir aussi été soutenu par la poésie
classique, en particulier par l’ombre des poètes
Tang Li Shangyin (李商隐)
et Li He (李贺),
tous deux grands poètes qui ont échoué dans
leurs carrières à la cour en raison de luttes de
faction, mais qui, malgré leurs déboires
politiques, ont quand même vu leurs poèmes
reconnus par leurs contemporains. Les œuvres de
Li Shangyin, en particulier, étaient appréciées
pour leurs ton à la fois satirique et
humoristique ; c’est l’humour, aussi, que Wang
Meng en est venu à apprécier chez ses amis
ouïgours dont il apprenait la langue, et qu’il a
utilisé dans ses nouvelles.
En 1973, quand il est nommé au département de la
culture du Xinjiang, il continue l’apprentissage
de la langue et fait des traductions. Cette
immersion dans la culture ouïgoure lui a donné
une grande sensibilité à la vie locale, qui se
traduit dans ses nouvelles. Comme il l’a déclaré
dans une conférence intitulée
« Wang Meng et Ili » (《王蒙与伊犁》),
à l’Université normale d’Ili en avril 2013,
c’est cela qui lui a fait apprécier la chaleur
d’une amitié sans restreinte et les plaisirs
d’une ironie subtile, outre la joie de
travailler de ses mains.
C’est après à son retour à Pékin, dans les
années 1980, qu’il a publié des nouvelles
inspirées de sa vie au Xinjiang, de l’humour
local, et du retour en ville. L’une des
premières, publiée en 1980, « Les rubans du
cerf-volant » (《风筝飘带》)
,
dépeint les rêves d’une jeune fille revenue « en
ville », en 1975 (comme
Lu Tianming),
sans savoir trop pourquoi, pour sa mère, sa
grand-mère, peut-être, ou plutôt ses non-rêves
car elle ne rêve plus, depuis 1970… amertume et
désenchantement du retour.
Il a ensuite dressé des portraits très vivants,
dont Mohammed Ahmed ou son menuisier ouïgour
spécialiste de la langue de bois : le ton a viré
à la satire. En 1989, une autre nouvelle est une
satire d’un ton tout différent. Intitulée « Dur
gruau » (《坚硬的稀粥》)
(ou « Dur, dure le brouet » dans la traduction
de Françoise Naour)
,
elle décrit une famille chinoise, celle du
narrateur, qui, dans un esprit de modernisation
conforme à l’époque, décide réformer le
processus de décision conduisant au choix du
petit déjeuner, et au-delà à la réforme de la
gestion des affaires familiales, d’où luttes
intestines, débats et délibérations à n’en plus
finir… Finalement, dans leurs appartements neufs
avec cuisines modernes, tout le monde en revint
au brouet de riz, beignets sautés et porc à la
sauce de soja, avec ou sans soupe selon
l’inspiration de la mère, « comme au bon vieux
temps ».
L’humour est teinté d’une ironie sarcastique,
avec un couplet sur la Démocratie comme source
de tous les problèmes et arguties, et, si le
menu immémorial est chinois, il vient en
contrepoint des textes de Wang Meng sur la
cuisine de la région d’Ili. C’est comme si,
après le difficile retour « en ville », Wang
Meng en revenait à l’humour de ses amis
ouïgours, qu’il a souvent commenté.
Ainsi, dans un livre d’entretiensavec différents
auteurs chinois publié en 1992
,
il explique :
« Les armes que j’ai trouvé utiles sont la
satire et l’humour. Dans la préface à
« Anecdotes du chef de section Maimaitai », je
défends que l’humour est un élément vital de la
vie ; l’humour du chef de section a quelque
chose de AQ, douloureux mais suscitant la
sympathie. Le rire absurde est une forme de
protestation contre une vie absurde. … Je pense
vraiment que nous avons assez pleuré et que le
rire est une forme d’expression plus
sophistiquée et complexe que les pleurs. »
(ma traduction)
Wang Meng, Le paysage ici |
|
Mais son plus bel hommage au Xinjiang était
resté dans un tiroir. Il avait commencé dans les
années 1960, puis, juste avant de revenir à
Pékin, en 1978, avait terminé un long roman de
plus 700 pages en souvenir de ses quinze années
dans la préfecture d’Ili, « Le paysage ici »
(《这边风景》),
mais le livre n’avait jamais été édité.Les
enfants de Wang Meng l’ont retrouvé ; il l’a
révisé et publié, en deux volumes, en 2013, et,
en 2015, le romana été l’une des œuvres
lauréates du 9ème prix Mao Dun, un
prix décerné à l’exilé autant qu’à l’écrivain.
C’est un regard rétrospectif du
Wang Meng de 79
ans sur l’univers du Wang Meng de 29 ans, un
tableau vivant et coloré que l’on a comparé au
célèbre rouleau des Song « Le Jour de Qingming
le long de la rivière » (《清明上河图》) :
il offre en effet une vision panoramique de la
vie au Xinjiang au début des années 1960, quand
Wang Meng a découvert la région, avec plus de 80
personnages |
de quatorze groupes
ethniques différents. Les dialogues sont
particulièrement vivants :
Wang Meng
a dit les avoir
pensés en ouïgour et traduits en chinois.
Cet ouvrage est à la fois une peinture et un
chant épique de la vie dans les marges du
Xinjiang il y a cinquante ou soixante ans ;
c’était un moment particulièrement difficile,
pour la région comme pour le pays, et pourtant
il déborde de passion et d’amour de la vie, qui
sont – selon ses propres dires - les meilleurs
cadeaux et le meilleur enseignement que les
habitants, toutes ethnies confondues, lui ont
apportés.
Aujourd’hui,
Wang Meng
est admiré par la
nouvelle génération des écrivains han du
Xinjiang, le poète
Shen Wei (沈苇),
par exemple,mais aussi par les intellectuels
ouïgours, qui célèbrent son esprit humaniste. Un
musée a été ouvert en son honneur près de
Ghulja…
II.b Tournant des années 2000 : les natifs et
les implantés
Au tournant des années 2000 est apparue une
nouvelle génération d’écrivains chinois qui
peuvent être définis comme « écrivains du
Xinjiang » à part entière : certains y sont
venus très jeunes, soit seuls, de leur plein
gré, soit avec leur famille, certains même y
sont nés, et le Xinjiang est devenu pour eux le
« pays natal » (故乡)
cher au cœur de tout Chinois.
Le Xinjiang comme pays natal
Les écrivains qui sont nés ou ont grandi
au Xinjiang sont, pour beaucoup, nés
dans des familles venues travailler là
au début des années 1950, très souvent
dans le cadre du Bingtuan.
C’est le cas de
Dong Libo (董立勃).
S’il est né en avril 1956 à Roncheng (荣成),
dans le Shandong, il a grandi dans une
ferme du Bingtuan, en bordure du
désert de Gobi. Sa mère a été l’une des
premières femmes soldats arrivées là au
début des années 1950 ; il se considère
comme un autochtone. |
|
Dong Libo |
Bai Dou |
|
Diplômé de sciences politiques de
l’université normale du Xinjiang où il
est entré en 1979, il a ensuite reçu une
formation littéraire à l’Institut Lu
Xun. En 1986, il est secrétaire du
bureau de la culture du département de
propagande de la ville de Karamay quand
la ville est choisie par Mo Yan et trois
de ses camarades comme but d’une
excursion pendant les vacances d’été.
Invité à donner une conférence pendant
son séjour, Mo Yan souligna que Karamay
lui semblait aussi magique que sa propre
ville natale, et que les travailleurs
des sites de forage pétrolier étaient
les héros modernes dont il serait
intéressant de raconter la vie.
Dong Libo, lui, a préféré dépeindre la
vie rurale, qui a longtemps été la
sienne. Mais il était alors encore peu
connu. Sa carrière décolle vraiment en
2003 quand est publié, dans la revue
Dangdai (《当代》)
d’abord, son roman
« Bai Dou» (《白豆》)
qui est couronné
|
du prix Tianshan. Il
est
suivi l’année suivante d’un
second roman, « Mi Xiang » (《米香》), qui est comme
un autre volet du premier et qui a été adapté au
cinéma.
Les deux romans
ont consacré Dong Libo comme l’un des auteurs en
vue du Xinjiang.
Liu Liangcheng (刘亮程),
lui, est né au
nord du Xinjiang en 1962, dans un
village du district de Shawan (沙湾县)
au bord du désert de
Gurbantünggüt, dans le bassin de
Dzoungarie.
Il a été fermier et pasteur avant de
publier, en 1998, le recueil d’essais
qui l’a fait connaître : « Un village
d’un seul homme » (《一个人的村庄》),
qui est comme une encyclopédie du
village qui l’a vu naître. Il décrit le
village et les bruits qui lui sont
propres, ceux des animaux et des
plantes, autant que ceux des hommes, qui
parviennent à dominer celui
|
|
Liu Liancheng |
du vent qui souffle
sur les milliers de kilomètres sans rencontrer
d’obstacle. Mais soudain le bruit assourdissant
d’un avion vient couvrir tous les autres, comme
un symbole implacable de l’impact dévastateur de
la modernisation.
Au Xinjiang |
|
A partir du tournant du siècle, Liu
Liangcheng a publié un à deux titres par
an, sur des sujets semblables, et il y a
gagné le titre de « philosophe de
village » ou d’« écrivain bucolique »,
au meilleur sens du terme, celui de
Virgile. Début 2012, il a publié un autre
recueil d’essais, simplement intitulé « Au
Xinjiang » (《在新疆》),
qui poursuit la réflexion débutée quinze
ans plus tôt, avecici le « pays natal »
pour thème principal. Il a une façon
bien à lui de parler avec réalisme du
paysage, des coutumes, de ses amis et de
sa famille et de raconter des anecdotes
en allant au plus profond du contexte
historique et spirituel de chacune des
histoires contées.
Il a écrit un essai intitulé « Combien
de temps faut-il vivre quelque part pour
pouvoir considérer cet endroit comme
chez soi ? ». De toute évidence, il
s’est longtemps posé la question, mais
il semble avoir maintenant une réponse…
|
Cette question identitaire est centrale, aussi,
chez ceux qui sont venus jeunes au Xinjiang, et
n’en sont plus repartis, ou l’ont gardé au cœur
comme second « pays natal » après y être restés
longtemps.
Le Xinjiang comme pays d’élection
Beaucoup ont choisi de partir au Xinjiang à la
fin des années 1980, comme d’autres sont partis
au Tibet, par esprit de découverte d’un pays
lointain et encore mystérieux ; ceux qui ont
fait le voyage du Xinjiang sont moins connus.
Hong Ke (红柯)
est l’un de ceux-ci. Né en 1961 dans le
Shaanxi, il a terminé ses études
universitaires en 1985 et, en 1986, a
réalisé son rêve : partir au Xinjiang où
il est resté dix ans, à Kuitun (奎屯),
dans la même préfecture autonome kazakhe
de Ili que celle où était
Wang Meng.
C’est la vie aux confins du désert -
traitée en vastes fresques sur fond
d’histoire - qui est sa principale
source d’inspiration bien qu’il soit
revenu vivre dans le Shaanxi.
|
|
Hong Ke dans les monts
Tianshan |
La tempête de sable de
Kalabu |
|
C’est un auteur prolifique, mais ce sont
ses romans qui l’ont fait connaître. A
partir de 2002,pas moins de quatre
d’entre eux ont fait partie, quatre
années de suite, de la présélection pour
le prix Mao Dun. « Le cavalier parti à
l’Ouest » (《西去的骑手》),
« Urho » (《乌尔禾》)
,
et « L’arbre du destin » (《生命树》)
ont été présélectionnés lors des 6ème,
7ème et 8ème prix
Mao Dun, et les deux derniers ont été
traduits en ouïgour et en kazakh.
En 2015 encore, son roman « La
tempête de sable de Kalabu »
(《喀拉布风暴》),
publié en 2013, a été présélectionné
pour le
9ème
prix Mao Dun,
en même temps que « Le paysage ici » de
Wang Meng.
Emprunté au nom des tempêtes de sable
noires typiques des déserts du nord du
Xinjiang, le titre du roman renvoie
aussi, de façon symbolique, à l’amour
tumultueux entre les six personnages
dont le récit raconte l’histoire.
|
Shen Wei (沈苇)
est un autre écrivain parti au Xinjiang
à la fin des années 1980, mais lui est
poète. Né en 1965 dans le Zhejiang, il
est parti au Xinjiang en 1988 comme
enseignant, à la fin de ses études
universitaires de littérature chinoise.
Pendant plus de dix ans, il a écrit des
poèmes dont il a publié des recueils à
partir de 2002. C’est alors qu’il a
entrepris un long voyage dans la
quasi-totalité de la région.
C’est la vision globale que lui a donnée
ce périple au long cours qu’il a
approfondie pour en faire une sorte
d’encyclopédie poétique : « Le
Dictionnaire du Xinjiang » (《新疆词典》),
publié en 2005 et généralement considéré
comme un chef d’œuvre de justesse et de
sensibilité. Il l’a révisé dix ans plus
tard, pour l’actualiser, et prévoit de
le réviser encore dans les dix
prochaines années : c’est une œuvre en
devenir. |
|
Shen Wei |
Le Dictionnaire du
Xinjiang |
|
Bien que natif du Zhejiang, Shen Wei est
reconnu comme une voix authentique de la
région, par les écrivains
« autochtones » eux-mêmes, comme la
romancière kazakhe
Yerkesy Hulmanbiek.
Il y a là un phénomène
d’assimilation, qui est intégration de
l’intérieur, et se traduit dans
l’identité même de l’auteur : Shen Wei
est à cheval entre deux mondes, comme la
grenouille de son Dictionnaire, partie à
l’aventure défier son destin, et
conservant dans la chaleur du désert le
minimum d’humidité lui permettant de
survivre…
Son Dictionnaire est comme lui : un
poème hybride. Mais c’est cette
hybridité qui fait la richesse de Shen
Wei et la profondeur de son œuvre.
|
Un autre exemple d’hybridité réussie est
la jeune romancière
Li Juan (李娟),
écrivain han en pays kazakhe qu’elle a
fait sien. Li Juan est née au Xinjiang,
en 1979, elle aussi dans la préfecture
autonome kazakhe de Ili, et dans un
village qui dépendait de la division
agricole de Kuitun du Bingtuan…
petite dernière d’une nombreuse fratrie.
Mais sa famille était originaire du
Sichuan et c’est là qu’elle a passé onze
années avant de revenir « chez elle »,
au Xinjiang. Ses nombreux changements
d’adresse lui ont donné la phobie des
déménagements : elle vit maintenant
solitaire à Kanas (喀纳斯),
dans l’Altaï, à l’extrême nord du
Xinjiang, en consacrant ses journées à
l’écriture, inspirée de la vie autour
d’elle. Mais son Xinjiang est un monde
de rêve, nourri de légendes, et enrichi
par son imaginaire, qui se rapproche de
celui de Shen Wei par sa sensibilité
poétique. |
|
Li Juan |
Mon Altaï (comme un rêve
sur un petit nuage) |
|
En 2012, cependant, elle a fait une
nouvelle expérience. Bien que ne parlant
toujours pas leur langue, elle est allée
passer l’hiver sous la tente avec une
famille de pasteurs kazakhs, et en a
rapporté matière à un livre : « Pâturages
d’hiver » (《冬牧场》),
publié en juin 2012, et complété par la
trilogie de « La voie du mouton »
(“羊道”三部曲).
Une sorte de « Printemps et Automnes »
de la vie nomade en pays kazakh.
On a donc ainsi un paysage littéraire de
plus en plus diversifié, avec des
auteurs bien intégrés dans la réalité
locale, mais sans perdre leur
personnalité et leur sensibilité
propres.
Il faut maintenant y ajouter toute une
autre catégorie d’auteurs qui ont émergé
en même temps, au tournant du 21ème
siècle, sous l’influence d’initiatives
d’ordre littéraire, mais répondant en
grande partie à des considérations
|
politiques : les écrivains non han de la région.
La littérature du Xinjiang apparaît ainsi
désormais comme une littérature aux voix
multiples : une littérature plurielle
reconnaissant la valeur des cultures locales
longtemps ignorées.
III. La littérature du Xinjiang au
vingt-et-unième siècle : une littérature
plurielle
Depuis le début du 21ème siècle, le
Xinjiang a pris une importance stratégique
accrue dans le cadre du repositionnement de la
Chine comme acteur de premier plan en Asie
centrale, et la littérature de la région est
l’un des éléments de la politique de
développement régional que le gouvernement
chinois a mis progressivement en place dans ce
contexte.
Contexte géopolitique
Une première campagne a été lancée en 2001 : « Le
grand développement des régions de l’Ouest »
(西部大开发)
– l’Ouest comprenant également le Tibet. Comme
toujours, le choix des termes est significatif :
il n’est plus question de « nouvelle
frontière », on en revient à l’ancien concept de
« région de l’Ouest » utilisé sous la dynastie
des Qing, qui évoque la politique de l’empereur
Qianlong déclarant à ses détracteurs que le
Xinjiang faisait partie de « l’intérieur »
(nèidì 内地).
Par ailleurs, le terme de dà kāifā
大开发
évoque l’"ouverture" d’une région au sens
pionnier, une politique de mise en valeur à
grande échelle de régions encore peu exploitées.
La campagneprévoit en premier lieu le
développement des infrastructures. Le Xinjiang
n’abrite encore que 2 % de la population
chinoise, mais, le Xinjiang étant défini comme
un axe stratégique et un point névralgique dans
la région, les nouvelles routes et voies de
chemin de fer sont des invitations à
l’immigration, comme dans le passé.Celle-ci,
cependant, a bousculé les données de peuplement
: selon les statistiques officielles, de 1949 à
2008, la proportion de population han est passée
de 6,7 % (220 000) à 40 % (8,4 millions).
|
Promotion de la
stratégie « One Belt, One Road » |
|
C’est le changement démographique le
plus important intervenu en Chine depuis
la fondation de la République populaire,
mais ce sont des données globales qui ne
reflètent pas la réalité du terrain,
avec une grande disparité nord-sud, et
des poches urbaines bien plus
importantes, le tout étant source de
tensions dégénérant en émeutes et
attentats.
Depuis lors, le gouvernement
chinois a lancé une nouvelle
stratégie de développement
intitulée « One Belt, One
Road » (一带一路),
qui a été dévoilée à l’automne
2013. Elle vise à promouvoir la
coopération politique et
économique le long d’une
nouvelle Route de la soie, sur
terre et sur mer : celle sur
terre reprend l’ancien trajet
des caravanes vers l’Asie
centrale, le Moyen Orient et de
là vers l’Europe, celle sur mer
sillonne la mer de Chine du sud,
le Pacifique-sud et l’océan
Indien… Le Xinjiang est au
centre des projets liés à la
route terrestre. |
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One Belt, One
Road, mais route terrestre et
route maritime |
Chose inédite, le programme est doublé d’un
projet culturel, dit « Silk
Road Fragrant Books Project » (丝路书香工程)
qui comporte en particulier, pour la période
2014-2020, tout un programme de traductions
croisées d’œuvres littéraires des pays le long
de la nouvelle Route. La littérature est promue
comme élément de soft power.
Redécouverte et promotion des littératures non
han
Dans ce contexte géopolitique, la littérature
des « minorités » du Xinjiang bénéficie d’une
attention particulière, promue comme expression
à la fois de la nationalité (“民族性
”)
et du monde contemporain (“当代性”)
dans sa diversité. Il s’agit, selon les termes
officiels, de « faire sortir [cette littérature]
de la yourte pour l’ouvrir sur le monde » (“从小毡房走向大世界”)
.
Fei Xiaotong |
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On a ainsi remis à l’honneur le
concept de “diversité dans
l’unité nationale chinoise”
introduit dans les années 1980
par le sociologue Fei
Xiaotong (费孝通).
Interdit d’enseignement de 1957
à la fin des années 1970, il a
ensuite joué un rôle de premier
plan dans le développement de la
sociologie et de
l’anthropologie (il a été
chargé, entre autres, de la
réorganisation de la section de
sociologie de l’Académie des
sciences de Pékin). Il est connu
en particulier pour son travail
|
sur les groupes ethniques en Chine, dont
il a résumé les grandes lignes en 1988
dans sa conférence
donnée dans le cadre des Tanner
lectures à Hong Kong :
« Unité et diversité dans la
configuration de la nation
chinoise » ou « diversité dans
l’unité structurelle de la
nation chinoise » (《中华民族多元一体格局》)
.
Depuis 2010, divers programmesde
traduction ont été lancés pour
faire connaître les grands
textes des littératures non han
du Xinjiang, à commencer,
en 2011,
par un ambitieux projet de
publication de
textes historiques et
littéraires, le
« Xinjiang Archives » (新疆文库).
Il prévoyait de publier mille
volumes en dix ans, en mandarin,
mais aussi dans les autres
langues de la région, ouïgour,
kazakh, mongol, kirghiz, ou
encore xibe. Cependant, en
janvier 2015, selon un rapport
de l’Association des écrivains
,
seuls 26 volumes avaient été
publiés, dont une version en
langue mongole de l’épopée de
Jangar, et « Onze carnets de
voyage des anciennes Régions de
l’Ouest » (《古西域行纪十一种》).
En 2013
(donc parallèlement au
développement de l’axe
stratégique
« One Belt, One Road »),
c’est un autre vaste projet de
publication de traductions en
mandarin qui a été
lancé par
le gouvernement chinois –
destiné à mettre à disposition
des lecteurs chinois des
« sélections de textes traduits
en mandarin de la littérature
contemporaine des ethnies
minoritaires chinoises » (中国当代少数民族文学翻译作品选粹,
abrévié en
“民译汉”) -
ce qui représente une nouveauté,
les traductions étant jusqu’ici
plutôt en sens inverse.
Pour le
Xinjiang, deux recueils ont déjà
été publiés :
- un
recueil en trois volumes de
nouvelles et poésies ouïgoures
(维吾尔族卷(上中下)),
plus de 1 100 pages au total,
dont 31 récits de fiction sur
les 700 premières pages.
- un
recueil de 374 pages et 41
textes d’écrivains kazakhs (哈萨克族卷),
publié en décembre 2014 par les
presses de l’Association des
écrivains, et comportant vingt
récits de fiction, quatre essais
sanwen, et 17 poèmes
.
En
septembre 2015, une
communication du bureau du
Conseil d’Etat sur « l’égalité
ethnique, l’unité et le
développement du Xinjiang »
comportait un point n° 5 sur les
efforts entrepris pour la
« promotion de la prospérité
culturelle »
,
et tout particulièrement
pour développer les
infrastructures culturelles et
préserver les sites. Il faut
noter dans ce cadre trois
demandes d’inscription sur la
liste de l’héritage culturel
immatériel
de l’Unesco, dont l’épopée de
Manas (poème épique kirghiz) et
le Meshrep (littérature orale,
musique et arts du spectacle
traditionnels ouïgours) – ce
dernier y a été inscrit en
novembre 2010.
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Les onze récits
de voyage
des Régions de
l’Ouest
Recueil de
traductions de textes ouïgours
Recueil de
traductions de textes kazakhs |
Appropriation des grandes épopées
Encyclopédie de
l’héritage culturel immatériel
de la Chine |
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Il est
significatif que, parmi les
trois grandes épopées
revendiquées par la littérature
chinoise aujourd’hui, deux sont
originaires du Xinjiang, la
troisième étant l’épopée
tibétaine du « Roi Gésar » (《格萨尔》).
Le premier volume de
l’« Encyclopédie de l’héritage
culturel immatériel de la
Chine » (《中国非物质文化遗产百科全书》),
publié en juin 2015, est
justement consacré à ces trois
grandes épopées orales (《史诗卷》).
Pour le Xinjiang, l’une est
l’épopée
de Manas
(《玛纳斯史诗》),
poème épique kirghiz qui conte
la lutte du héros Manas et de
ses fils et petit-fils pour
résister aux ennemis et unifier
leur peuple.
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Un
manuscrit
copié dans les années 1950 et
sauvé pendant la Révolution
culturelle a été donné fin de
2015 à la branche locale de la
Fédération nationale chinoise
des lettres et des arts.
L’épopée est considérée comme un
important élément de la
« littérature de la Route de la
soie », et suscite donc un
nouvel intérêt.
L’autre
épopée est l’épopée mongole
de « Jangar » (《江格尔史诗》),
qui est réputée avoir ses
racines au Xinjiang, dans le
district autonome mongol de
Hoboksar (和布克赛尔蒙古自治县).
Il s’agit d’un récit accompagné
de danses remontant au 15ème
siècle qui raconte la lutte
entre le monstre Manguset le
héros Jangar : à la tête d’une
armée de huit mille braves, il
parvient à vaincre le monstre et
à libérer son pays de
l’oppression.
Ce nouvel
intérêt vient rompre le tabou
dont ces œuvres étaient frappées
sous les régimes communistes,
que ce soit en Chine ou en Union
soviétique : elles étaient
considérées comme des menaces
potentielles car, en glorifiant
le passé, elles véhiculaient des
histoires susceptibles de
réveiller l’orgueil national des
peuples concernés et de leur
fournir des bases identitaires
dangereuses pour l’unité
nationale.
En Chine,
le problème est donc aujourd’hui
résolu en proposant une nouvelle
vision de ces grands cycles
épiques, formellement
revendiqués comme « chinois »
depuis quelques années : le
terme consacré de « trois
grandes épopées des minorités
ethniques chinoises » (中国少数民族的三大史诗)
a tendance à être synthétisé
pour devenir « les trois grandes
épopées chinoises » (中国三大史诗).
La littérature est plus que
jamais un élément majeur de
communication idéologique et
politique.
Les épopées
de Jangar et de Manas sont
maintenant l’objet d’études en
Chine. Ainsi, un chercheur
d’origine
|
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Recherches sur
l’épopée de Manas
L’épopée de
Jangar,
édition en
mongol, 2011 |
mongole,
directeur adjoint
de l’Institut de littérature ethnique
dépendant de l’Académie chinoise des
sciences sociales, Chao Gejin (朝戈金),
a publié une étude sur l’épopée de
Jangar : « Le cycle épique oirat de
Jangar »
.
Il y a par ailleurs tout un programme de
promotion de la littérature contemporaine du
Xinjiang, avec des prix spéciaux pour les
écrivains, toutes ethnies confondues (prix
Junma, prix Tianshan…), mais la nouveauté porte
surtout sur la promotion des écrivains non han.
Promotion des écrivains contemporains non han
Depuis le début des années 2000, parallèlement à
l’éclosion de ce qu’on aurait appelé en d’autres
temps une « école » (pài
派)
d’écrivains han du Xinjiang, sont apparus sur la
scène littéraire régionale de nombreux écrivains
d’ethnies et langues maternelles diverses, même
si, pour la plupart, ils écrivent aussi en
mandarin. La grande majorité sont ouïgours.
Ecrivains ouigours
Memtimin Hoshur |
|
Parmi les plus âgés, Memtimin
Hoshur
(买买提明·吾守尔),
né en 1944 dans la ville de
Ghulja, ou Yining (伊宁)
où il a aussi grandi, a
recommencé à publier au début
des années 1980, après quelques
nouvelles publiées au début des
années 1960. Il est connu pour
ses
nouvelles satiriques dont il a
publié une dizaine de recueils
depuis une trentaine d’années.
L’une des
plus célèbres et
représentatives, publiée dans un
recueil de 1990, est « La
dispute de la moustache » (《胡须的风波》)
qui ironise sur les contrôles
tatillons, voire absurdes,
auxquels est soumise la
population ouïgoure : « J’ai été
surpris d’apprendre que l’on a
commencé à enregistrer les
hommes qui portent des
moustaches. J’ai déjà entendu
parler d’enregistrement de
foyers, de la population
illettrée, des contribuables qui
ne paient pas leurs taxes
d’enlèvement des ordures
|
ménagères. Mais je n’avais
encore jamais entendu parler
d’enregistrement des moustachus. »
La nouvelle « Ce
n’est pas un rêve » (《这不是梦》)
a été adaptée au cinéma
,
mais c’est son roman « La ville
submergée par le désert » (《被沙漠掩埋的城市》),
publié en 1996, qui est généralement
considéré comme son chef-d’œuvre.
Né en 1958,
Alat Asem (阿拉提·阿斯木)
a vécu le développement du
Xinjiang des années 1980-1990,
marqué par l’exploitation
pétrolière, la reconversion
agricole et la croissance
accélérée de villes comme
Shihezi et Karamay, le tout sous
l’impulsion du Bingtuan.
Ses nouvelles offrent des
portraits de riches hommes
d’affaires voyageant entre le
Xinjiang, Canton ou Shenzhen et
Shanghai, avec des fortunes
faites dans le commerce ou
l’immobilier inondant en retour
leur province natale.
Une
nouvelle comme
"Sidik Golden MobOff" (《斯迪克金子关机》),
traduite en anglais par Bruce
Humes et publiée dans le numéro
spécial de Chutzpah/Tiannan
consacré au Xinjiang (voir
bibliographie) est une galerie
de portraits de personnages
hauts en couleur, dominés par ce
formidable Ouïgour du titre dont
le décès soudain et inexpliqué
offre |
|
Alat Asem |
l’occasion de passer en revue tous ceux
autour de lui qui auraient pu vouloir sa
mort.
Parmi la plus jeune génération, Patigul (帕提古丽)
est née en 1965 à Tacheng (塔城),
ou Qöqäk en ouïgour, elle aussi dans la
préfecture autonome kazakhe d’Ili. Ellea obtenu
le premier prix littéraire du développement du
Xinjiang avec son essai « Nous dormions en hiver
sur la paille », publié dans le recueil des
meilleurs essais de l’année 2012.
Elle travaille maintenant au Zhejiang comme
journaliste, et, à travers l’histoire de ses
capacités précoces à imiter les Chinois han, sa
nouvelle « Vie d’une imitatrice » (《模仿者的生活》)
reflète ses tensions identitaires, entre
Xinjiang et Zhejiang, ses origines ouïgoures et
son statut d’immigrée au « sud de la Chine »
.
C’est en quelque sorte le parcours inverse de
Shen Wei.
Poète né en 1964, Exmetjan Osman (艾赫麦提江·奥斯曼)
est le fondateur du mouvement de poésie ouïgoure
dit gungga, ou "floue", poésie
avant-gardiste dont le premier poème a été
publié dans le journal littéraire TengriTagh en
1986. C’est un peu l’équivalent de la poésie
« obscure » chinoise (朦胧诗)
publiée à partir de 1978.
Parmi les « post’70’, Nurmuhemmet Yasin,
né en 1977,était poète, auteur de trois recueils
de poésies, mais aussi de nouvelles. S’il est
connu, c’est malheureusement parce que l’un de
ses récits, « Le pigeon bleu », publié en 2004
dans la revue littéraire de Kashgar, lui a valu
d’être accusé de séparatisme, condamné à dix ans
de prison et incarcéré en 2005.
« Le
pigeon bleu » est l’histoire, contée à la
première personne, d’un pigeon bleu capturé par
des pigeons d’une autre race et couleur, qui
préfère se suicider plutôt que de vivre en
captivité.
NurmuhemmetYasin serait mort en prison en 2011.
Perhat Tursun, le
Salman Rushdie ouïgour |
|
Autre écrivain controversé, mais
pour des raisons religieuses,
Perhat Tursun est né
en 1969 à Atush, dans le sud du
Xinjiang. Sont le roman « L’art
du suicide » (《自杀的艺术》),
publié en 1999, a été dénoncé
comme anti-islamiste et a
déclenché de vives controverses
témoignant de la résurgence de
l’islam dans la région. Perhat
Tursun s’est ainsi trouvé au
milieu d’un double feu de
critiques relevant d’idéologies
opposées, islam contre Parti.
Dans les années 1980, en effet,
ce dernier avait promu des
traductions de
|
textes
ouïgours classiques qui avait réveillé
l’intérêt de la population locale pour
sa culture ; peu à peu, l’islam était
apparu comme un facteur identitaire
fort. Le roman de Perhat Tursun était
arrivé pour mettre littéralement le feu
aux poudres.
Son cas est ainsi très intéressant. Pour lui, en
fait, au début des années 1980, le chinois était
apparu comme une ouverture sur la littérature
étrangère, à travers les traductions, et il
était devenu, au cours de ces années, le centre
d’un groupe d’intellectuels ouïgours qui ne
parlaient ni l’anglais ni le chinois. Mais,
comme dans toute la Chine, ce ferment
intellectuel a été balayé par les événements de
1989 à Pékin. Dans les années suivantes, le
raidissement de la situation a entraîné une
radicalisation de l’islam, celui-ci en venant à
être considéré par Pékin comme un ferment de
séparatisme.
Perhat a été dénoncé par les islamistes comme un
renégat, reflétant la scission de la société
ouïgoure en deux courants ennemis.Il a
recommencé à publier seize ans plus tard, des
romans et nouvelles qui poursuivent sa réflexion
philosophique sur la vie et la mort ; il s’est
remarié et a deux enfants. Mais le problème
ouïgour, lui, n’a fait qu’empirer.
Ecrivains kazakhs
Deux écrivains kazakhs sortent du lot.
L’un
est Aydos Amantay, très
jeune auteur né en 1989, qui a
grandi et étudié à Pékin, ce qui
n’a eu de cesse de lui poser des
problèmes identitaires, comme il
l’a expliqué dans sa nouvelle
« Le raté » (《失败者》).
L’autre est la romancière
Yerkesy
Hulmanbiek (叶尔克西·胡尔曼别克),
née en 1961 au pied des monts
Altaï, qui fait figure de tête
de file de la littérature
d’expression kazakhe du Xinjiang
et exerce une grande influence
aussi sur les écrivains han qui
vivent dans la même région,
Li Juan
en particulier.
|
|
Aydos Amantay |
Toutes deux apparaissent comme des
représentantes symboliques des deux courants qui
caractérisent la littérature du Xinjiang
aujourd’hui : celle des han, en chinois, et
celle des écrivains autochtones, souvent
bilingues, et de plus en plus conscients de leur
identité, même s’ils sont nés ou vivent
ailleurs.
Au-delà des problèmes politiques, la littérature
du Xinjiang est donc en plein essor et,
bénéficiant d’un large éventail de traductions,
offre un tableau très varié d’une région aussi
riche culturellement qu’elle est importante
stratégiquement.
Bibliographie
- Le numéro 11 de la revue de
Ou Ning (欧宁)
Chutzpah ! Tiannan de décembre 2012
consacré à la littérature du Xinjiang
(thème Xinjiang Time 新疆时间).
(Il
est malheureusement introuvable et
mériterait d’être réédité)
- Le site de Bruce Humes « Altaic
Storytelling » :
http://bruce-humes.com/
Note complémentaire
Ce programme de traductions de littérature non
han du Xinjiang, comme d’autres provinces, est
doublé d’un programme de soutien à des
productions cinématographiques libellées « films
d’ethnies minoritaires » (少数民族电影),
maintenant doublé d’un festival (少数民族电影界).
Voir chinesemovies (à venir)
Par ailleurs, il existe depuis 2014 un Festival
international de cinéma de la Route de la soie
(丝绸之路国际电影节) dont la 1ère édition
s’est tenue cette année-là à Xi’an du 20 au 24
octobre.
Sur l’origine de ce festival et sa 1ère
édition, voir :
http://www.chinesemovies.com.fr/actualites_206.htm
Voir :The Chinese Literary Conquest of
Xinjiang, L.
J. Newby, Modern China, Vol. 25,
No. 4 (Oct., 1999), pp. 451-474
Cité parJia Jianfei dans Whose
Xinjiang ?
The Transition in Chinese intellectuals’
imagination of the “New Dominion” during
the Qing dynasty,
p. 14 (voir Bibliographie).
Modern Chinese Writers : Self
portrayals, ed. by Helmut Martin and
Jeffrey C. Kinkley, M.E. Sharpe 1992.
p. 54 Banished to Xinjiang :Wang Meng
Selon lui, l’unité nationale s’est faite
autour des Huaxia (华夏),
devenus un véritable groupe ethnique
sous la dynastie des Qin : les Han.
Constitués en société agricole stable,
ils ont au cours des siècles formé un
force centripète attirant et assimilant
les nomades des frontières, au nord et
nord-ouest de l’empire.