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Brève histoire de
la littérature de science-fiction chinoise
par
Brigitte Duzan, 2 septembre 2015,
actualisé 4 mai 2016
La science-fiction chinoise a soudain fait irruption sur la
scène littéraire internationale en août 2015, quand le
prix Hugo a été décerné
à l’un de ses auteurs les plus populaires :
Liu
Cixin (刘慈欣).
C’était la première fois que ce prix récompensait une œuvre d’un
auteur chinois, et pour cause : la science-fiction est en Chine
un genre très récent, dont on peut faire remonter les sources à
la fin de la dynastie des Qing, mais qui s’est développé en fait
à partir des années 1990, après avoir été interdit en 1983.
C’est cependant un genre d’autant plus intéressant en Chine
qu’il a été conditionné par le contexte socio-politique dans
lequel il a vu le jour, et qu’il reflète la réalité de la Chine
contemporaine, à travers la personnalité de ses auteurs.
I. De la fin des Qing à la Chine nouvelle : traductions et
premiers écrits
Traductions : de l’utopie au fantastique
A la fin des Qing, la science-fiction commence à jouir
d’une certaine faveur en Chine grâce à des traductions
de romans d’auteurs occidentaux. A l’époque, ces
traductions se développent sous l’égide des grands
intellectuels favorables à une modernisation de la Chine
sur le modèle occidental ; des réformateurs comme Liang
Qichao (梁启超) et Kang
Youwei (康有为) considèrent
la science-fiction comme un moyen, parmi d’autres, de
promouvoir l’innovation technologique et le progrès
scientifique dans les esprits.
L’un des premiers auteurs traduits,
et le principal, est Jules Verne, et ses romans sont
traduits du japonais, en chinois classique. Figure de
proue du mouvement, Liang Qichao traduit « Deux ans de
vacances »
sous le titre « Quinze petits héros » (《十五小豪杰》).
Jules Vernes conte l’histoire de quinze garçons d’un
pensionnat néo-zélandais qui font
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Quinze petits héros, ancienne édition |
naufrage sur une île déserte du Pacifique et y survivent pendant
deux ans en tentant de surmonter leurs rivalités.
C’est à la fois une robinsonnade et une utopie, et c’est par cet
aspect que le romanrejoint la pensée et les préoccupations de
Liang Qichao lui-même, mais aussi de Kang Youwei. Celui-ci était
alors en train d’écrire son Datong Shu ou « Livre de la
Grande Unité » (《大同书》),
dont le titre est inspiré d’une société utopique imaginée par
Confucius. Kang Youwei y a travaillé pendant plus de vingt ans,
mais ses idées sont exposées dans des notes de lecture dès 1884,
les deux premiers chapitres étant publiés
Voyage au centre de la terre |
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au Japon dans les années 1900. Il y
dessine un monde utopique, sans plus de frontières
politiques, et gouverné démocratiquement par un
gouvernement central.
Liang Qichao a lui-même écrit en
1902 un roman d’anticipation resté inachevé, esquissantun
projet utopiquede renouveau d’une Chine confucéenne
: « L’Avenir
de la nouvelle Chine » (《新中国未来记》).
C’est une projection du désir de réforme de la Chine,
dans un monde idéalisé et modernisé.
Tout un courant précurseur de la
science-fiction se développe ainsi dans un premier temps
dans le contexte des utopies socio-politiques imaginées
par les réformateurs chinois de la fin du 19ème
siècle, en particulier lors de leur exil forcé au Japon. |
C’est là, pendant ses études de
médecine à l’Institut Kobun (弘文学院),
que
Lu Xun (鲁迅),
à son tour, traduit des romans de
Jules Vernes, à partir de 1903, en commençant par deux
des premiers romans des Voyages extraordinaires, publiés
en 1864 et 1865 : « Voyage au centre de la Terre » (
traduit《地底旅行》) et « De la Terre à la Lune »
(traduit《月界旅行》).
Outre Jules Vernes,
Lu Xun traduit
également ensuite des histoires de
H.G. Wells et popularise le tout en publiant ses
traductions par épisodes dans des revues. De l’utopie on
est passé au fantastique, mais dans un genre totalement
étranger à la littérature fantastique chinoise. On peut
donc voir dans ces traductions l’un des premiers aspects
du mouvement de modernisation de la littérature chinoise
engagé par
Lu Xun, mais c’est toujours en langue
classique.
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De la Terre à la Lune |
Premier roman de science-fiction chinois : 1904
Illustration de l’un des épisodes de
« Une colonie sur la Lune » En haut à dr.
:
“涉瑶峰折臂骇狮威,题锦轴濡毫摹凤印”
Au pic du mont Yao,
le voyageur
se casse un bras, panique chez
les lions. Signé Mu Feng. |
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C’est en 1904-1905 qu’est
publiéedans une revue l’ébauche d’un roman considéré
comme le premier récit original de science-fiction
chinois : « Une colonie sur la Lune » (《月球殖民地小说》).
Resté inachevé, le roman est d’un auteur qui n’est connu
que sous son nom de plume : le « vieux pêcheur de la
rivière sauvage » (“荒江钓叟”)
– nom qui rappelle le poème de Qu Yuan (屈原)
« Le pêcheur » (《渔父》),
mais aussi la célèbre utopie de Tao Yuanming (陶淵明)
« La source des pêchers en fleurs » (《桃花源记》).
Son roman raconte l’histoire de
Long Menghua (龙孟华)
qui doit s’enfuir de chez lui avec sa femme après avoir
tué un fonctionnaire impérial qui la harcelait. Ils
fuient sur un bateau qui fait naufrage, et Long Menghua
perd son épouse. Mais il est sauvé par un Japonais,
inventeur d’un dirigeable avec lequel ils partent à la
recherche de la femme disparue. Ils se joignent à un
groupe de hors-la-loi férus en arts martiaux révoltés
contre le pouvoir des Qing et enlèvent la femme des
mains des bandits qui l’ont enlevée. Cependant, le monde
étant trop corrompu, ils partent s’établir sur la Lune où ils
fondent une colonie. |
La vision de la Lune ressemble à la
description de la Terre du classique « Le livre des
montagnes et des mers » (《山海经》),
avec un bestiaire fantastique qui en semble en être
directement inspiré. Mais l’histoire elle-même semble un
épisode supplémentaire et apocryphe du grand roman
«
Au bord de l’eau » (《水浒传》),
avec
des épisodes de wuxia et une séquence finale qui
est de la pure science-fiction à la Jules Verne.
1905-1911 : enthousiasme moderniste
En 1905 est publié le roman « Les
nouvelles histoires du sieur Faluo » (《新法螺先生谭》)
qui imagine un objet capable de produire de la lumière
générée par la matérialisation des esprits – une idée
que n’aurait sans doute pas reniée l’auteur contes du
Liaozhai,
Pu Songling (蒲松龄).
La
lumière ainsi produite est dix fois plus puissante que
celle du soleil, mais elle ne pose pas de problèmes
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1905 Les nouvelles
histoires du sieur. Fa Luo |
d’éblouissement pour
l’œil humain car elle se diffuse selon une trajectoire courbe,
ce qui permet de retarder sa réflexion.
Le premier numéro de
la revue Xiaoshuo Lin |
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Dans « Un monde électrique »
(《电世界》),
publié en 1909, Xu Zhiyan (许指严)
dépeint un monde dans un phase avancée de développement,
où tout repose sur l’électricité car une « étoile
métallique » produit par simple frottement dans l’espace
des quantités infinies d’énergie électrique qui n’a
besoin ni de câbles ni de fils pour être acheminée.
La science-fiction chinoise
s’inscrit donc au départ dans un contexte de retour à la
tradition littéraire, dans un mélange de styles incluant
le fantastique et le wuxia, et empruntant à la
science-fiction occidentale, dans des traductions en
langue classique. Mais ensuite, le genre s’est développé
sans tenir compte des contraintes de la réalité
scientifiques, dans un véritable délire narratif
imaginant une Chine prospère et puissante.
L’une des premières revues
littéraires,
Xiaoshuo Lin
ou
« La forêt des récits » (《小说林》),
est lancée à Shanghai par |
Xu Nianci (徐念慈)
en février 1907. Elle contribue au développement de la
science-fiction en publiant des traductions, mais aussi des
récits originaux.
Après 1919 : la science-fiction en baihua
Après le
mouvement du 4 mai,
la
science-fiction chinoise s’intègre dans le développement
de la littérature en baihua. Mais ce n’est pas un
genre en vogue. L’enthousiasme moderniste des premiers
auteurs de science-fiction cède le pas à la satire
sociale.
Le roman le
plus célèbre à cet égard est « La Cité des chats »
(《猫城记》)
de
Lao She (老舍),
publié en 1933.
C’est une contre-utopie satirique qui décrit les
aventures d’un astronaute chinois dont l’avion s’échoue
sur Mars.
Il découvre une société dont les membres ont des traits
félins, mais dont les structures sont celles de la Chine
ancienne. Face à une invasion étrangère, incapables de
s’entendre, les chats s’entretuent. L’astronaute réussit
à rejoindre sa patrie « glorieuse et libre ».
Mais on reste à la limite de la science-fiction.
Celle-ci va se |
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1932 : Cat Country |
développer après 1949, mais dans le cadre des directives du
régime.
II. 1949-1966 : Développement dans la Chine maoïste
D’après la définition du Larousse, la littérature de
science-fiction est un genre littéraire « qui invente
des mondes, des sociétés et des êtres situés dans des
espaces-temps fictifs (souvent futurs), impliquant des sciences
et des technologies radicalement différentes ». Dans la Chine
des années 1950 à la fin des années 1970, cependant, elle est
limitée à l’imaginaire d’une société communiste, où même les
scientifiques sont les brillants représentants d’une science
luttant pour la réalisation de la société idéale. La
science-fiction rejoint le mythe du progrès aux couleurs
socialistes.
Pendant les premières années de la République populaire,
l’enthousiasme collectif est celui d’un peuple qui rêve d’une
modernisation rapide, et de diffuser son idéologie sur la
planète entière, et même jusqu’à Mars. Le superlatif devient de
rigueur.
1956 : Elephants sans trompes |
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En même temps, la science-fiction
de l’époque est influencée par la littérature soviétique
autant que par Jules Verne, et elle est promue pour
chanter les merveilleux lendemains de la Chine nouvelle.
C’est la foi dans la science et le progrès qui
deviennent la toile de fond des utopies qui fleurissent
sous la plume des auteurs.
Ainsi, en 1956, un roman exprime la
foi aveugle dans la capacité du peuple chinois à faire
des prodiges. Dans « Eléphants à la trompe coupée »
(《割掉鼻子的大象》),
Chi Shuchang (迟书昌)
décrit des porcs qui ont la taille d’éléphants. La Chine
a une technologie très avancée ; les déserts sont
transformés en oasis verdoyants dans lesquels sont
construites des cités modernes. Une race de super-porcs
est créée par stimulation de leurs glandes pituitaires.
Chaque animal pèse douze tonnes.
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Mais, avec le Grand Bond en avant
(à partir de 1958), la réalité prend des aspects aussi
fantastiques que la science-fiction. D’ailleurs même le
vocabulaire courant s’empare de termes de
science-fiction : ainsi, quand un nouveau record de
production est battu, dans un esprit d’émulation
socialiste, on dit qu’on a « lancé un satellite » (放卫星).
Et chaque « satellite » rapproche du niveau de
l’Angleterre qu’il s’agit de rattraper.
Après le Grand Bond en avant, la
science est à nouveau le grand sujet qui justifie
l’espoir en l’avenir. Dans « Les aventures de Buck »
(《布克的奇遇》),
publié en 1962,
Xiao Jianheng (萧建亨)
raconte l’histoire d’un chien qui voulait devenir un
chien de cirque, mais dont les rêves de célébrité sont
anéantis quand il est écrasé par un camion. Mais il
revient dans un corps tout neuf, résultat d’une
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1962 Buck’s Adventures |
transplantation d’organes réussie, test d’une technologie
nouvelle, promesse d’espoir pour des millions de patients.
C’est un exemple d’histoire pseudo-scientifique écrite sous la
forme d’un reportage, comme souvent pendant cette période, pour
donner un sentiment plus vif d’histoire vraie. Très souvent, le
narrateur-journaliste visite une ferme ou fait une enquête ;
alors un vieux savant apparaît pour lui expliquer la technique
utilisée.
1978 : Le voyage dans l’avenir de Xiao
Lingtong |
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Il y a aussi des livres pour enfants, destinés à leur
insuffler l’amour de la science. Par exemple « Le
Voyage dans l’avenir de Xiao Lingtong » (《小灵通漫游未来》),
écrit par Ye Yonglie (叶永烈)
en 1961. Xiao Lingtong
,
justement, est un reporter qui visite la “Cité du
futur”. Il y trouve des objets pas très éloignés des
techniques de pointe d’aujourd’hui : vaisseaux spatiaux,
montres-télé, films en 3D, robots domestiques, mais
aussi une lune artificielle, etc… |
C’est le genre d’histoires qui ont fait rêver toute une
génération de jeunes Chinois. Mais en fait, « Le Voyage dans
l’avenir de Xiao Lingtong » n’a pas été publié en 1961 – sans
doute a-t-il été jugé peu adapté à l’atmosphère de l’époque,
alors que la Chine sortait de la Grande Famine. Il n’est sorti
qu’au lendemain de la Révolution culturelle, en 1978, et il est
devenu le meilleur best-seller chinois de science-fiction.
Le grand auteur de science-fiction, à partir de 1954, est
Zheng Wenguang (郑文光),
considéré par beaucoup comme le père de la science-fiction
chinoise
.
Dans les années 1950, il se replace dans le contexte du
réalisme socialiste prôné par Mao, mais en lui insufflant
l’« idéalisme révolutionnaire » traduisant la vision optimiste
du progrès fondé sur la science.
Il est surtout très novateur.
Publiée en 1954, dans le Journal de la jeunesse chinoise (《中国少年报》),
sa
première
nouvelle, « De la Terre à Mars » (《从地球到火星》),
est l’une des rares de la période à explorer l’un des thèmes
majeurs de la science-fiction, sur le modèle de Jules Verne : le
voyage dans l’espace. C’est devenu l’un des grands classiques de
la science-fiction chinoise, réédité encore en juin 2010 aux
éditions universitaires du Guizhou.
Cependant, lui aussi a publié ses œuvres
les plus célèbres à partir de 1978.
III. 1978-1983 : bref âge d’or de la
science-fiction chinoise
Après la pause forcée
de la Révolution culturelle, dans le climat de relative détente
qui accompagne la mise en place de la
politique d’ouverture et de développement,
la
science-fiction chinoise connaît un véritable âge d’or à partir
de 1978, jusqu’à son interdiction en 1983.
Avec son enthousiasme pour le
développement et le progrès, la science-fiction
s’intègre parfaitement dans le projet de modernisation
rapide de Deng Xiaoping, surtout au tout début des
années 1980. Encouragées par le pouvoir, après le
Congrès scientifique national de 1978, les publications
se multiplient, de même que les traductions d’œuvres
occidentales, et leur promotion est facilitée parla
création en 1979 de la revue « Littérature
scientifique » (《科学文艺》)
qui publie traductions et œuvres originales de
science-fiction.
Réalisant leur retard et leur
marginalisation, les auteurs se libèrent du schéma de
littérature popularisant l’image de la science auprès
des enfants héritée du modèle soviétique. En même temps,
ils cherchent à trouver leur place dans la
science-fiction mondiale en explorant un mode
d’expression qui ait des « caractéristiques
nationales ». Comme du temps de
Lu Xun, la
science-fiction est considérée comme un
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1978 : Vol vers la constellation du
Sagittaire |
merveilleux outil pour libérer la pensée et s’insérer dans un
projet de modernisation culturelle ; elle apparaît comme un
moyen de court-circuiter la distance entre le rêve de modernité
et la réalité du moment.
Coup d’envoi : 1978
1978 : Rayon mortel sur une île
corallienne, la nouvelle |
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En 1978, c’est le roman de
Ye Yonglie qui lance le mouvement, avec sa vision
enfantine extasiée de la ville du futur. Il est aussitôt
vendu à un million et demi d’exemplaires.
Zheng
Wenguang prend le relais avec son « Vol vers
la constellation du Sagittaire » (《飞向人马座》)
qui s’éloigne du roman d’anticipation pour revenir vers
le grand thème de ses débuts : le voyage dans l’espace.
Il s’affirme bien comme le père de la science-fiction
chinoise.
Toujours en 1978, une nouvelle de science-fiction
décroche le prix national de la meilleure nouvelle de
l’année : « Rayon mortel sur une île corallienne »
(《珊瑚岛上的死光》),
par l’un des auteurs de science-fiction les plus
importants de la période,
Tong Enzheng (童恩正).
Né en 1935, il était à la fois archéologue,
anthropologue, historien et écrivain, ses écrits sur
l’archéologie, en particulier, faisant référence
.
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C’est la première œuvre de
science-fiction chinoise à être adaptée au cinéma.
Tourné au studio de Shanghai, le film éponyme, sorti en
1980, est le premier film de science-fiction chinois,
réalisé en outre par une femme, Zhang Hongmei (张鸿眉).
Deux
ans plus tard, elle réalise un film relatant les succès
d’une équipe de
chercheurs chinois qui travaillaient sur un programme de
missiles intercontinentaux : « Vol vers l’océan
Pacifique » (《飞向太平洋》).
Cela montre bien la frontière ténue qui existait alors
dans les esprits, en littérature et au |
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1980 : Rayon mortel sur une île
corallienne, le film |
cinéma, entre exploits scientifiques et aventures de
science-fiction.
Rayon mortel sur une île corallienne, le film
Diversification
Autre auteur important de cette courte période, Liu Xingshi
(刘兴诗)
a été l’un des plus prolifiques des années 1980. Né en 1931, il
a commencé à écrire des ouvrages de vulgarisation scientifique
en 1952, et des romans de science-fiction en 1961, sa première
œuvre publiée dans ce domaine étant une histoire pour enfants,
« Le cadeau de la fabrique des beaux rêves » (《美梦公司的礼物》).
1980 : Colomb, venu d’Amérique |
|
C’est le réel qu’il prend pour point de départ (“幻想从现实起飞”).
En général, ses histoires ont pour toile de fond des
mystères géographiques ou des énigmes de la nature, ses
spécialités, pour y broder des intrigues romantiques à
suspense. Il a établi en Chine un standard de
science-fiction « hard » (硬科幻) ,
en particulier avec son roman « Colomb, venu
d’Amérique » (《美洲来的哥伦布》),
publié en 1980, qui reste l’un des grands classiques de
la science-fiction chinoise.
Liu Xingshi est l’un des vétérans respectés de la
science-fiction chinoise encore vivants, une sorte de
patriarche quia continué à publier jusqu’en 2012, des
séries de livres de vulgarisation pour enfants sur des
grands sujets, comme l’histoire ou la nature
(« L’histoire chinoise racontée aux enfants »
《讲给孩子的中国历史》,
« La nature chinoise racontée aux enfants »《讲给孩子的中国大自然》).
C’est |
en fait le matériau de base de ses écrits de science-fiction.
Wang Xiaoda
(王晓达)
est un autre auteur qui a contribué à la brève embellie de la
science-fiction chinoise au début des années 1980. Né à Suzhou
en 1939, il a fait des études d’ingénieur, mais a travaillé dans
une usine de pièces détachées de voitures pendant la Révolution
culturelle, époque pendant laquelle il a été le chef d’une
faction armée à Chengdu, pendant un temps où s’affrontaient des
groupes rivaux liés à des usines.
En 1979, il est devenu professeur de métallurgie et
sciences des matériaux à l’université de Chengdu, et il
a disposé de plus de temps pour écrire. En avril 1979,
il a publié dans la revue « Littérature du Sichuan » (《四川文学》)
une nouvelle intitulée « La Vague » (《波》)
qui a été reprise dans la première anthologie de textes
de science-fiction traduits en anglais, publiée en 1989
. C’est
une histoire d’espionnage international, dans un site de
recherche spatiale dans le désert du Xinjiang, qui
pousse la science-fiction vers le « techno-thriller ».
Wang Xiaoda poursuit dans la même ligne narrative avec
« Rêve sous la glace » (《冰下的梦》),
qui se passe cette fois dans une base de recherche
scientifique dans l’Antarctique : une équipe
d’enquêteurs y est envoyée pour tenter d’élucider ce qui
a bien pu se passer, les chercheurs ayant apparemment
perdu la raison … |
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1980 : Rêve sous la glace |
On voit ainsi de dessiner un paysage de plus en plus diversifié,
d’œuvres de tonalités et de thématiques différentes,
correspondant à la personnalité de leurs auteurs. Ce sont tous
des membres de la communauté scientifique qui ont passé la
Révolution culturelle en usine, puis ont été réhabilités, et
dont les écrits de science-fiction sont plus ou moins
directement inspirés de leur expérience personnelle et de leurs
domaines de compétence.
Mais le mouvement est stoppé net par la
« Campagne
contre la pollution spirituelle » (清除精神污染)
lancée en septembre 1983.
Interdiction
La science posait un problème, car elle impliquait un modèle
étranger, et était indissociable de la culture qui lui est
attachée. Dans le domaine culturel, à partir de la fin des
années 1970, Deng Xiaoping en revient aux formes traditionnelles
de la culture chinoise qui avaient été traitées de « féodales »
par Mao et en tant que telles vouées aux gémonies ; la fierté de
la culture nationale est l’un des éléments recherchés pour
légitimer le nouveau pouvoir, et faire un contrepoids aux
influences étrangères.
Le problème était, comme au début du siècle, d’importer la
science et la technologie dont la Chine avait besoin tout en
résistant à la culture étrangère. Il en résulta une politique
fluctuante, qui commença par la
Campagne contre la pollution spirituelle,
mettant un frein brutal à tout ce qui pouvait être considéré
comme influencé par l’étranger, dont, bien sûr la
science-fiction, déclarée « pollution spirituelle » à part
entière.
Qian Xuesen |
|
Mais le débat avait
commencé sur la justesse des théories scientifiques
exposées dans ces œuvres. Le vice-président de
l’Association nationale des sciences et techniques, Qian
Xuesen (钱学森), exprima son profond désaccord avec ce
genre d’histoires. Or c’était une sommité : il était
l’un des fondateurs du Propulsion
Laboratory du California Institute of Technology, mais
était revenu en Chine en 1955 après avoir été accusé
desympathies communistes et être resté cinq ans en
détention. On comprend qu’il ait été étranger au monde
de la science-fiction, mais la controverse sur le
|
contenu scientifique des œuvres dégénéra en débat sur leur
contenu idéologique.
Finalement, la science-fiction fut interdite de publication, les
principaux auteurs étant condamnés pour information mensongère,
et thèses frauduleuses. Ye Yonglie est attaqué en novembre pour
le récit « Ombre noire » (《黑影》)
publié dans le Journal de la jeunesse chinoise. Zheng Wenguang
en tombe malade et ne s’en remettra pas.
La campagne elle-même s’achève en janvier 1984, mais
l’interdiction de la science-fiction n’en est pas levée pour
autant.
Quelques publications en 1987
Quelques auteurs réussissent cependant à publier quelques récits
après 1985, mais leurs écrits reflètent la désillusion générale.
Paradoxalement, en effet, au fur et à mesure que la Chine se
modernise, les rêves enthousiastes concernant l’avenir
disparaissent de la science-fiction chinoise. Lecteurs comme
écrivains délaissent l’idéalisme pour retomber dans la réalité.
En 1987,
Ye Yonglie – qui s’était replié sur la littérature de reportage
et la biographie - publie une courte nouvelle de science-fiction
assez caractéristique : par une nuit d’hiver à Shanghai, le
protagoniste a du mal à trouver le sommeil tant il a froid ;
alors il est assailli de rêves qui lui promettent une maison
bien chauffée à l’avenir : chauffage géothermal, soleils
artificiels, couverture de toute la ville sous un dôme de verre,
comme une serre… mais, contrairement aux récit de
science-fiction antérieurs, le rêveur est rappelé à la réalité
et se rend compte que ses songes sont irréalisables. Le
communisme, finalement, est un rêve du même ordre.
La science-fiction est à nouveau pointée du doigt lors
de la campagne « contre le libéralisme bourgeois » de
1987. Et 1989 signe une nouvelle période de gel pour
cette littérature. Elle renaît à partir de 1991…
IV. Renaissance et essor à partir des années 1990
C’est dans l’atmosphère sombre des
lendemains des événements de Tian’anmen, alors que la
science-fiction chinoise est plus bridée que jamais, que
sont posés les premiers jalons qui vont permettre la
renaissance du genre. Et ce grâce à l’incroyable énergie
d’une jeune femme toute frêle, qui était alors
directrice de l’une des seules revues de science-fiction
qui avaient réussi à survivre après 1983 : la revue
s’appelait alors « Arts et littérature scientifiques » (Kexue
Wenyi《科学文艺》)
et la jeune femme Yang Xiao (杨潇). |
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Le magazine Kexue Wenyi, 1979 |
L’épopée de Yang Xiao
Yang Xiao (au centre) avec des membres
de la Convention mondiale de SF |
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C’est une histoire aussi fascinante
qu’un récit de science-fiction, qui est entrée dans la
légende. L’écrivain Kun Kun (困困)
en a fait une relation détaillée dans son article
traduit par Lucy Johnston « But some of us are looking
at the stars » (《仍有人仰望星空》),
publié dans le numéro spécial de
Chutzpah/Tiannan
consacré à la science-fiction
.
En 1991, raconte Kun Kun, Yang Xiao
est allée en train ( !) à Amsterdam – un voyage de huit
jours - pour obtenir que la Convention
|
mondiale de science-fiction se tienne cette année-là à Chengdu,
siège de son journal.
Il fallait d’autant plus de courage pour demander une telle
faveur que la Chine était alors isolée internationalement, la
plupart des nations lui ayant imposé des sanctions après les
événements de Tian’anmen. La Convention elle-même devait
initialement se tenir en Chine en 1991, mais il n’en était plus
question, et c’est la Pologne qui était maintenant sur les
rangs. Mais Yang Xiao réussit son pari.
La Convention fut le premier événement international tenu en
Chine après 1989, avec le soutien de l’Association pour la
science et la technologie du Sichuan. Dix-sept célébrités de la
science-fiction mondiale furent invitées. C’était la marque
officielle de la fin de l’interdiction qui frappait la
science-fiction chinoise depuis 1983. C’était en même temps le
retour de la Chine sur l’échiquier mondial, ironiquement sous
les couleurs d’une discipline qui avait été décrétée « pollution
spirituelle ».
Naissance de la revue « Le monde de la science-fiction »
La revue « Arts et littérature
scientifiques » avait failli disparaître, comme beaucoup
d’autres, après 1983 : les abonnements chutèrent à
30 000, les comptes se retrouvèrent dans le rouge, mais
l’Association pour la science et la technologie du
Sichuan qui l’édite et l’héberge refusa de fermer le
journal. Rebaptisé un temps « Contes de l’étrange » (《奇谈》),
le journal parvint à attirer des lecteurs en publiant
des histoires et anecdotes incroyables, revenant
implicitement au genre zhiguai de la littérature
ancienne qui a toujours eu ses adeptes en Chine, et qui
n’est finalement pas très éloigné de la science-fiction.
Après la Convention tenue à
Chengdu, le journal est rebaptisé « Le monde de la
science-fiction » (《科幻世界》).
En quelques années, il devient la revue la plus
influente en matière de science-fiction en Chine. |
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1991 : Le monde de la science-fiction,
n°1 |
1997 : décollage
C’est en 1997 que les choses se précipitent. « Le monde de la
science-fiction » est à nouveau l’hôte de la Convention mondiale
de la science-fiction, et y invite des astronautes russes et
américains. L’événement est couvert par CCTV et Newsweek
consacre un grand article aux auteurs chinois de science-fiction
que les Américains découvrent à l’occasion.
La Chine connaît alors une de ces fièvres qui la secouent de
temps à autres. Après avoir terminé la rédaction de son roman
« Red Poppies » (《尘埃落定》),
publié en 1998,
A Lai (阿来)
prend la
direction de la revue et, tout en poursuivant dans la ligne
idéaliste impulsée par Yang Xiao, ouvre la science-fiction sur
la littérature populaire. La revue étend le champ de ses
publications à des articles de vulgarisation scientifique.
En 1999, juste avant l’examen d’entrée à l’université, elle
publie un article sur la mémoire qui recoupe celui posé ensuite
à l’épreuve de composition : « Et si la mémoire pouvait être
transplantée ? ». C’est un succès triomphal : les abonnements
s’envolent, pour atteindrele record de 380 000.
2010 : Un avenir de science-fiction
Yao Haojun en 2014 avec Ken Liu
lors de la remise du prix Nebula |
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Depuis lors, le tirage est revenu à
un chiffre moyen de 150 000. Mais, sous la direction du
nouveau rédacteur en chef, Yao Haijun (姚海军),
la revue est devenue non seulement le principal agent de
publication et de promotion de nouveaux auteurs, mais
aussi une véritable plate-forme de productions dérivées
des publications, et en particulier les adaptations
télévisées. Yao Haijun est en outrel’agent de l’auteur
le plus populaire, à l’heure actuelle :
Liu Cixin (刘慈欣).
En août 2010, les premiers prix
« Nebula » (“星云奖”)
organisés par l’Association mondiale de |
la science-fiction chinoise (世界华人科幻协会)
ont été décernés à des œuvres
de
Han Song (韩松)
et
Liu Cixin (刘慈欣).
Les auteurs se sont
multipliés, avec les publications, mais Liu Cixin reste l’auteur
de référence. En août 2015, il a obtenu le
prix Hugo
pour la première partie de sa trilogie « Les trois corps » (《三体》),
traduite en anglais par Ken Liu. Au moins cinq adaptations
cinématographiques sont attendues de ses œuvres prochainement.
La science-fiction chinoise est sortie du ghetto.
Quelques auteurs récents
(par ordre chronologique)
Wang
Jingkang (王晉康),
l’un des vétérans, né en 1948. Ingénieur de l’industrie
pétrolière, il n’a publié son premier récit qu’en 1993, à l’âge
de 44 ans, mais s’est affirmé ensuite comme l’un des auteurs les
plus prolifiques et les plus originaux, avec des histoires
souvent fondées sur des sujets de biologie et d’écologie, et des
problèmes éthiques.
Huang Yi (黄易),
né en 1952, conservateur adjoint du Musée d’art de Hong Kong
jusqu’en 1989, qui écrit dans un style très proche de
Ni Kuang (倪匡)
et
Jin Yong (金庸),
des œuvres mêlant wuxia et science-fiction, genre fantasy, avec
voyages dans le temps.
Han Song (韩松), né en
1965, journaliste à l’agence Xinhua ; ses deux
principaux thèmes sont la puissance croissante de la
Chine face aux Etats-Unis, et la critique de
l’autoritarisme du régime chinois ; la plupart de ses
écrits sont interdits en Chine continentale.
Xing He (星河),
né en 1967, auteur prolifique de sept recueils de
nouvelles et cinq romans.
He Xi (何夕),
né à Chengdu en 1971, publie depuis 1991, avec une
coupure de deux ans après 1997. Il a surtout publié des
nouvelles.
Yang Ping (杨平),
né dans le Shanxi en 1973, connu comme « écrivain
cyberpunk » ; exemple-type de ses récit : « Freezing
Point » (《冰点》),
paru en 2007, qui raconte l’histoire d’un homme choisi
pour une expérience |
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Han Song |
d’implantation de puce électronique après un grave accident qui
a failli lui coûter la vie.
Pan Haitian (潘海天),
né en 1975, écrit dans un style mêlant science, fantasy
et fable ; parmi ses récits les plus célèbres : « La Cité des
clones » (《克隆之城》),
publié en 1996, proche de la science-fiction hard, mais avec
tout un développement central sur la nature humaine, et « Cours
vite, Dajiao » (《大角快跑》),
publié en 2001, qui se présente plutôt comme un conte.
Qian Lifang (钱莉芳),
née en 1978, professeur d’histoire ; ses récits sont construits
sur fond d’histoire, et souvent d’histoire ancienne, comme
« Providence » (《天意》),
roman publié en 2004 qui se passe après la chute du premier
Empire chinois et la mort de l’empereur.
Bao Shu (宝树),
né en 1980, auteur d’un pastiche de la
trilogie de
Liu Cixin et du
recueil de nouvelles « Les anciennes chansons de la terre » (《古老的地球之歌》),
publié en 2012.
Chen Qiufan (陈楸帆),
né en 1981 dans le Guangdong, travaille pour Google. Sa
thématique tourne autour de la perception et de la critique
allégorique de la Chine moderne, mais il a aussi été primé à
Taiwan en 2006 pour son récit « L’histoire de la grotte de
Ningchuan » (《甯川洞记》), écrit en langue classique.
Fei Dao (飞氘),
né en 1983, écrit de la science-fiction depuis le lycée.*
Hao Jingfang (郝景芳),
née en 1984, a un diplôme de physique et un doctorat en
économie de l’université Tsinghua, à Pékin, ce dernier
obtenu en 2012. Elle a publié trois romans, le dernier
en mars 2016 : « Né en 1984 » (《生于一九八四》).
Deux de ses nouvelles ont été traduites par Ken Liu -
« Invisible Planets » (看不见的星球),
et « Folding Beijing » (北京折叠)
- les deux traductions ayant été publiées |
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Hao Jingfang |
respectivement endécembre 2013 et décembre 2015. La dernière
nouvelle a fait partie de la
pré-sélection pour le prix Hugo annoncée début mai 2016.
A lire en ligne :
http://uncannymagazine.com/article/folding-beijing-2/
Eléments bibliographiques
Perspectives chinoises, numéro spécial 2015/1, Fictions
utopiques et dystopiques en Chine contemporaine, dont deux
articles sur la science-fiction : Après 1989, la nouvelle vague
de science-fiction chinoise, par Song Mingwei, p 7 et Société et
utopie chez
Liu Cixin, par Adrian Thieret, p. 35.
http://www.cefc.com.hk/fr/issue/perspectives-chinoises-20151/
*Science Fiction in China : A Conversation
with Fei Dao, by Alec Ash, Los Angeles Review of Books, 1st
May 2013 :
http://tumblr.lareviewofbooks.org/post/49379142505/science-fiction-in-china-a-conversation-with-fei
Pathlight, numéro printemps 2013 (The Future), consacré à la
science-fiction chinoise
http://paper-republic.org/pubs/pathlight/spring-2013/
Avec des nouvelles de
Liu Cixin, Han Song et Fei Dao
traduites dans le supplément Peregrine.
Un blog en français consacré à la science-fiction chinoise :
https://sinosf.wordpress.com/
A lire en complément :
Le blog de Loïc Aloisio, doctorant à l'université
d'Aix-Marseille, qui fait des recherches sur" la littérature
d'anticipation chinoise", sous la direction de Pierre Kaser
et Noël Dutrait :
https://sinosf.wordpress.com/
Egalement actrice, c’est elle, entre autres, qui
interprète le rôle de Meimei dans « Printemps dans une
petite ville » (《小城之春》),
le film de 1948 de Fei Mu (费穆).
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