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Jin Yong
金庸
1924-2018
Présentation
par Brigitte Duzan, 09 avril 2014,
actualisé 31 octobre 2018
Egalement connu sous le
nom de Louis Cha, nom anglicisé à partir de son nom chinois Zha
Liangyong (查良镛),
Jin Yong est l’un des grands romanciers modernes de
wuxia,
et certainement l’un des plus connus. C’est aussi celui, avec
Gu
Long (古龙), dont les œuvres ont donné lieu au plus grand nombre
d’adaptations, tant au cinéma qu’à la télévision.
Il n’a pourtant écrit
"que" quatorze romans et une nouvelle,
écrits entre 1955 et 1972, mais ils sont d’une telle
richesse et d’une telle complexité qu’ils sont suscité tout un
corpus d’études, analyses, critiques et débats désignés sous le
terme générique de Jinologie.
Au-delà de cet aspect
littéraire, Jin Yong est un phénomène d’édition, soigneusement
géré.
Du Zhejiang à
Hong Kong
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Jin Yong |
Jin Yong est né en 1924
dans la petite bourgade de Yuanhua (袁花)
du district de Haining, au nord du Zhejiang (浙江海宁).
Il était le second de
sept enfants d’une grande famille de lettrés, originaire du
Jiangxi, qui lui a inculqué très tôt l’amour des lettres. Le
jeune Liangyong était – dit-on - un lecteur fervent, mais pas
seulement de grands classiques. Certaines de ses biographies
rapportent que, à l’âge de huit ans, il tomba par hasard sur un
roman de wuxia de Gu Mingdao (顾明道)
intitulé « L’héroïne de Huangjiang » (《荒江女侠》)(1),
et qu’il en garda une passion pour ce genre de littérature.
Etudes pendant la
guerre
En mai 1929, il entre à
l’école primaire de Yuanhua, puis, en 1936, quitte le nid
familial pour entrer au collège à Jiaxing (嘉兴).
Mais la région est occupée l’année suivante par les troupes
japonaises. Le jeune Liangyong suit son collège qui, pour fuir
l’avancée de l’armée nippone, gagne le sud-ouest |
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L’héroïne de Huangjiang |
de la province,
endéménageant successivement à Yuhang (余杭),
Lin’an (临安),
Lishui (丽水)….
En 1938, finalement, il entre au lycée de Hangzhou, où avait
également étudié son cousin, le poète Xu Zhimo (徐志摩),
originaire lui aussi de Haining.
En 1939, en troisième
année (l’équivalent de la quatrième), il participe à un ouvrage
écrit avec quelques camarades pour donner des conseils aux
aspirants collégiens : « Note à l’intention des candidats à
l’entrée en sixième » (《给投考初中者》).
Le petit fascicule est publié. Il a quinze ans.
En 1941, cependant,
pour avoir écrit,et placardé sur le journal mural du lycée, un
article critiquant le régime nationaliste et le
« capitulationnisme » du surveillant général, il est exclu du
lycée et transféré à celui de Quzhou (衢州中学),
dans le
sud-ouest de la province, où il achève ses études secondaires
l’année suivante, en 1942.
En 1944, il est admis
dans le département des affaires étrangères de l’Université
centrale de sciences politiques de Chongqing (重庆中央政治大学外交系).
Mais il est à nouveau exclu après une violente altercation avec
l’un des responsablesde
l’université – et représentant du Guomingdang – qu’il accusait
d’enrôler des étudiants pour espionner leurs camarades. Il
obtient néanmoins un poste temporaire à la bibliothèque,
sinécure qui lui permet de lire énormément.
Juriste, aspirant
diplomate et journaliste
Dès la fin de la
guerre, en 1945, il revient dans sa province, et décroche un
poste de reporter au quotidien Sud-Est (《东南日报》)
à Hangzhou. Mais, l’année suivante, il reprend ses études : il
entre à la faculté de droit de l’université Dongwu à Shanghai
(上海东吴大学法学院),
pour étudier le droit international et devenir diplomate. Il
obtient son diplôme en 1948.
Juedai jiaren |
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Mais, en 1947, il est
engagé comme traducteur de dépêches étrangères dans la
succursale shanghaïenne du journal hongkongais Ta Kong Pao
(上海《大公报》)
d’où il est envoyé à la maison mère à Hong Kong en 1948. En
1950, cependant, il part à Pékin où il a obtenu le poste de
diplomate dont il rêvait, mais, mécontent de la politique du
gouvernement chinois, il revient travailler au
Ta Kong Pao
à Hong Kong,où il s’installe définitivement.
Il commence alors à
écrire des scénarios de cinéma, pour le studio de la Grande
Muraille (长城电影制片公司),
dont celui du film « Juedai Jiaren » ou « La plus belle
femme de son temps » (《绝代佳人》)
réalisé par Li Pingqian (李萍倩)
et sorti en 1953…(2)
Il va continuer à écrire des scénarios
et des articles de cinéma pour la revue illustrée du studio (《长城画报》)
jusqu’en 1958.
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Mais, en 1952, il
entre comme rédacteur adjoint au Xin Wanbao ou New Evening
Post (《新晚报》),
et là, fait la connaissance de l’écrivain
Chen Wentong (陈文统),
qui, en 1954, publie son premier roman de wuxia, sous le
pseudonyme de
Liang Yusheng (梁羽生).
C’est le début d’un
mouvement de renouvellement du wuxia littéraire à Hong
Kong que l’on a appelé xinpai ou "nouvelle école" (新派),
dont Jin Yong va vite devenir l’un des chefs de file ; il va, en
retour, entraîner une vague de nouveaux films, d’abord dans le
cinéma cantonais à partir de la fin des années 1950, puis dans
le cinéma en mandarin, sous l’égide de la Shaw Brothers, à
partir de 1965.
Un phénomène
nommé Jin Yong
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Le jeune Liang Yusheng |
Etonnamment, ce
mouvement littéraire est né de l’intérêt renouvelé pour le
wuxia suscité par un événement catalyseur, un combat très
médiatisé organisé à Macau le 17 janvier 1954, dont les éditeurs
voulurent profiter.
Le combat de Macau
et ses conséquences
Dès le 3 janvier 1954,
la presse de Hong Kong publia des annonces tapageuses d’un
combat qui devait opposer deux célébrités du monde des arts
martiaux : Wu
Gongyi (吴公仪)
et Chen Kefu (陈克夫).
Le premier, âgé à l’époque de 53 ans, était à la tête de la
Société de taijiquan de Jianquan (鉴泉太极拳分社)
qu’avait fondéeson père, natif du Hebei arrivé à Hong Kong en
1937. Le second, originaire du Guangdong, était, lui, un expert
d’une trentaine d’années de l’école de « la grue blanche » (白鹤派),
mais avait aussi une formation en judo et en boxe occidentale.
Le combat Wu Gongyi /Chen Kefu de 1953
La rencontre fut
organisée et médiatisée comme un match de boxe, avec même des
paris organisés, mais à des fins caritatives. Le combat fut
cependant arrêté avant qu’un vainqueur ait pu être proclamé ;
aucun des deux n’ayant perdu la face, la manifestation se
termina par des festivités autour d’un grand banquet, témoignant
de la noblesse d’esprit du wuxia.
L’événement avait
d’autant plus de signification qu’il était le premier de ce
genre depuis l’interdiction décrétée par le gouvernement
nationaliste en Chine et qu’il prenait un sens particulier dans
la colonie britannique. Flattant l’ego nationaliste à Hong Kong
et Macau, il déclencha un enthousiasme passionné pour l’étude
des arts martiaux, mais aussi, et peut-être surtout, pour la
littérature de wuxia, l’imaginaire prenant le pas sur la
pratique.
C’est dans ce contexte
que l’enthousiasme fut habilement créé par la presse en
capitalisant sur ses retombées littéraires, soigneusement
cultivées ensuite par les éditeurs.
La naissance d’un
écrivain nommé Jin Yong
Parmi les journaux, ce
fut le Xin Wanbao qui, deux jours après l’événement,
offrit le rapport le plus détaillé du combat, louant l’esprit
dans lequel il s’était déroulé et annonçant sans plus attendre
la publication en feuilleton, dans le supplément du journal,
d’un nouveau roman au titre d’actualité : « Combat du tigre et
du dragon dans la capitale » (《龙虎斗京华》),
signé
Liang Yusheng.
Dans la grande
tradition chinoise, le premier épisode fut introduit par un
poème, en réponse à celui écrit par le maître de Chen Kefu à la
veille du combat… La référence était claire. En ce sens,
l’émergence de la nouvelle école de littérature dewuxia
en
1954 à Hong Kong est un exemple typique du processus de
mythification de la réalité qui a présidé à la formation de
cette littérature depuis ses origines.
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Publication du premier roman
de Jin Yong dans le Xin Wan Bao
(The Book and the Sword, 1955) |
The Return of the Eagle-Shooting Heroes |
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C’est ensuite sous
l’égide de son ami Liang Yusheng et à
l’initiative du
rédacteur en chef Luo Fu (罗孚),
que Zha Liangyong se mit lui aussi à écrire un roman de wuxia,
prenant pour le signer le nom de plume de Jin Yong (金庸).
Ce premier roman, « The Book and the Sword » (《书剑恩仇录》),
eut un
immense succès. Il marque les débuts d’un écrivain doté en outre
d’un formidable sens des affaires.
L’aventure de
l’édition
Jin Yong ne s’est pas
contenté, en effet, de publier les romans de wuxia parmi
les plus populaires de son époque, publiés en feuilleton dans
différents journaux entre 1955 et 1972.
En 1957, il quitte le
Xin Wanbao pour entrer au studio de la
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Grande Muraille comme
scénariste. Mais il veut capitaliser lui-même sur le succès des
romans publiés dans la presse. Alors, en 1959, avec l’un de ses
anciens camarades
de lycée, Shen Baoxin (沈宝新),
il fonde un nouveau journal, le Ming Pao (《明报》),
dont il devient le rédacteur en chef, écrivant à la fois des
éditoriaux et des romans publiés en feuilleton, soit quelque dix
mille caractères par jour.
Les révisions et
publications
Après la publication de
son dernier roman, en 1972, il cesse d’écrire pour se consacrer
à la révision et à l’édition de son œuvre littéraire. Il a
en effet révisé tous ses écrits dans les années 1970, ce qui a
donné la « nouvelle édition » (新版)
ou édition révisée (修订版),
opposée à la « vieille édition » (旧版) qui désigne l’édition originale en feuilleton dans la presse.
Dans cette nouvelle version, il a corrigé les défauts lié à une
rédaction rapide, pour les besoins du journal. Il a réécrit
certains passages, en supprimant des personnages jugés
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Heavenly Sword and Dragon Sabre |
superflus, et des éléments mythiques alourdissant inutilement le
texte. La
première édition complète et définitive est parue en 1979,
années également d’une première édition à Taiwan.
A Deadly Secret |
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Jin Yong s’est aussi
impliqué dans les multiples adaptations qui en furent réalisées,
au cinéma, à la télévision et à la radio. En 1993, il annonça sa
retraite des affaires en vendant ses parts dans le Ming Pao.
Mais il a procédé à une
nouvelle révision complète de son œuvre de 1999 à 2006. Les
romans ont alors été édités dans l’ordre de leur parution
originale. Dans cette nouvelle édition, « nouvelle édition
révisée » (新修版)
ou « nouvelle nouvelle
édition » (新新版),
il a ajouté des notes pour répondre aux critiques concernant
l’exactitude de certains détails historiques, et il a changé
certains noms de lieux et d’arts martiaux, ou même le caractère
de certains personnages. Cette édition révisée
est contestée, et certains préfèrent en revenir à l’édition
révisée antérieure.
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En 2004, les Editions
de l’éducation du peuple
(人民教育出版社),
qui publient les manuels scolaires en Chine continentale, ont édité un
manuel pour le second cycle des lycées qui comporte un extrait
du onzième roman, « Demi-Gods and Semi-Devils » (《天龙八部》),
initiative évidemment très controversée, mais reprise peu de
temps après par le ministère de l’éducation de Singapour. La
littérature de wuxia a acquis ses lettres de noblesse.
L’homme politique
Témoignant d’un
engagement politique datant de son
adolescence, Jin Yong a
poursuivi à Hong Kong des activités politiques commencées dès la
fin des années 1990. Il a été membre du comité de rédaction de
la Loi fondamentale de Hong Kong, constitué après la
déclaration commune sino-britannique de 1984 annonçant la
rétrocession du territoire à la Chine populaire, mais en
a démissionné en juin 1989 pour protester contre les événements
de Tian’anmen.
En 1996, ensuite, il a
participé au Comité préparatoire mis sur pied pour superviser la
période transitoire menant à la rétrocession, le 1er juillet
1997.
Cet engagement
politique n’est pas sans importance dans l’appréciation de
l’écrivain et de son œuvre : il montre à quel point le
développement de la littérature de wuxia à Hong Kong, à
partir du milieu des années 1950, était lié à un |
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Way of the Heroes
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phénomène de
résurgence nationaliste et de quête identitaire complexe dans le
contexte de l’immigration, puis de la
préparation à la
rétrocession du territoire à la Chine populaire. On en retrouve
indirectement les thèmes dans toute l’œuvre de Jin Yong. Et
cette caractéristique n’est pas sans rapport avec les récentes
initiatives visant à intégrer des extraits de ces romans dans le
programme scolaire de Chine continentale, après des années
d’interdiction.
L’œuvre
littéraire
L’œuvre de Jin Yong ne
comporte que quinze titres, mais chaque livre est d’une extrême
complexité, tant par l’intrigue que par le contexte historique
qui fait partie de l’histoire elle-même.
Quatorze romans et
une nouvelle
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The Smiling, Proud Wanderer |
Les titres sont donnés
dans leur ordre de parution, chacun avec sa traduction anglaise
courante, et sa première date de publication en feuilleton dans
la presse :
1. The Book and the
Sword
《书剑恩仇录》(New
Evening Post 1955)
2. The Sword Stained
with Royal Blood《碧血剑》(Hong
Kong Commercial Daily 1956)
3.
The Legend of the Eagle-Shooting Heroes《射雕英雄传》(Hong
Kong
Commercial Daily 1957) (3)
4. Flying Fox of Snowy
Mountain
《雪山飞狐》(Ming
Pao, 1er numéro, 1959)
5.
The Return of the Eagle-Shooting Heroes《神雕侠侣》(Ming
Pao 1959)
6. Other Tales of the
Flying Fox
《飞狐外传》
(Ming Pao1960)
7. Swordswoman Riding
West on a White Horse
《白马啸西风》(Ming
Pao in 1961)
8. Blade-Dance of the
Two Lovers《鸳鸯刀》(Ming
Pao 1961)
9.
Heavenly Sword and Dragon Sabre《倚天屠龙记》(Ming
Pao 1961)
10. A Deadly Secret
《连城诀》(Southeast
Asia Weekly 1963)
11.
Demi-Gods and Semi-Devils《天龙八部》(1963)
12. Way of the Heroes《侠客行》(1965)
13. The Smiling, Proud
Wanderer
《笑傲江湖》(Ming
Pao in 1967)
14. The Deer and the
Cauldron《鹿鼎记》
(1969-1972)
+ Sword of the Yue
Maiden《越女剑》(1970)
– nouvelle.
Demi-Gods and Semi-Devils |
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Ces romans ne sont pas
totalement déconnectés, même s’ils ne forment pas une histoire
suivie et peuvent être lus dans n’importe quel ordre.
Il est admis que les
romans 3, 5 et 9 forment une trilogie, à lire plutôt dans cet
ordre. Le roman 11 (Demi-Gods
and Semi-Devils)
peut être considéré comme le précurseur de cette trilogie.
Quant aux deux romans de la série Flying Fox (4 et 6),
ils sont également liés, ayant le même personnage principal et
des personnages repris du premier roman, The Book and the
Sword. Par ailleurs, certains personnages du deuxième roman
réapparaissent dans le dernier. La nouvelle est un cas à
part (4).
Ce qui est
caractéristique chez Jin Yong, c’est l’art avec lequel il trame
une intrigue sur un fond historique très
|
documenté, mais en
captant l’intérêt du lecteur par les rebondissements d’une ou
plusieurs histoires d’amour.
Importance du cadre
historique
Si le cadre historique
de certains romans reste imprécis, ils sont pour la plupart
situés à une époque spécifique ; ils ont même parfois des
personnages historiques comme protagonistes.
Les périodes
historiques sont très diverses, contrairement à beaucoup de
romans de wuxia qui sont souvent situés sous
les Ming.
6ème siècle av.JC
(Printemps & Automnes)
Sword of the Yue Maiden
11ème siècle (Song du
Nord) Demi-Gods and Semi-Devils
13ème siècle (Song
du Sud) Legend / Return
of the Eagle-Shooting Heroes
14ème siècle (début des
Ming) Heavenly Sword
16ème siècle
(Ming) (Way of the Heroes ? Smiling, Proud
Wanderer ?)
17ème siècle (fin
Ming/début Qing) Swordswoman / Sword Stained / Deer and
Cauldron
18ème siècle
(Qing) Book and Sword / Blade Dance / Flying
Fox 1/2/Deadly Secret
Le cadre historique de
l’avant-dernier roman –
« The Smiling,
Proud Wanderer » -
est imprécis, et Jin Yong a expliqué que ce flou est volontaire
car le roman est de nature allégorique. Le plus probable est
cependant la période Ming, car les sectes des monts Wudang (武当山)
et Emei
(峨嵋山)
ont une place importante dans le roman, et elles ont été créées
sous les Yuan ; en outre, les Mandchous ne sont pas mentionnés :
le roman se situe bien entre les Yuan et les Qing, mais à une
période indéterminée entre les deux.
Le même problème se
pose pour le roman précédent, « Way of the Heroes ». Là encore
on ne peut que noter quelques clés semblant pointer vers la
période Ming : la description des coupes de cheveux, et la
mention de la mort de
Zhang Sanfeng (张三丰),
prêtre taoïste légendaire auquel est attribuée la fondation de
la secte du Mont Wudang et qui serait mort au début des Ming.
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The Deer and the Cauldron |
Pour « A Deadly
Secret », le cadre était ambigu dans l’édition originale, et la
première édition révisée. Lors de sa seconde révision, Jin Yong
a expliqué que l’histoire était inspirée de celle d’un fidèle
serviteur de son grand-père, ce qui tendrait à suggérer qu’elle
se situe à la fin des Qing ; d’ailleurs les descriptions des
coupes de cheveux renvoient bien à celle de rigueur sous les
Mandchous.
Evolution des
thèmes
Ce qu’il est
intéressant de noter, c’est que beaucoup des romans sont situés
dans des périodes pendant lesquelles la Chine était occupée, ou
sous la menace des peuples du nord, que ce soit les Khitans, les
Jurchens, les Mongols ou les Mandchous. Le thème du nationalisme
est donc omniprésent dans l’œuvre de Jin Yong, avec un accent
particulier sur la capacité de résistance du peuple Han.
Sword of the Yue Maiden |
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Mais cette idée
nationaliste a évolué au fil du temps pour y inclure les
minorités non-Han actuelles, en exprimant même une profonde
admiration pour les valeurs martiales des Mongols et des
Mandchous. Ainsi, dès « The
Legend of the Eagle-Shooting Heroes » (《射雕英雄传》),
Gengis
Khan et ses
enfants sont dépeints comme des chefs militaires intelligents et
compétents, opposés à des bureaucrates inefficaces, voire
corrompus, côté chinois, au service de l’empereur des Song.
Les personnages
historiques sont souvent mêlés aux personnages de fiction sans
qu’il soit toujours facile de discerner la fiction du réel, ce
qui atteste aussi de la véracité et de l’authenticité des
caractères.
Par ailleurs, chaque
période est rendue avec précision jusque dans les moindres
détails du contexte culturel, les références |
de Jing Yong allant de
la médecine chinoise traditionnelle
à la musique et la
calligraphie, en passant par l’histoire de la pensée, et bien
sûr celle des arts martiaux, et en particulier des luttes entre
écoles rivales. Sous le pinceau de Jin Yong, l’histoire chinoise
prend vie.
Mais c’est une histoire
contée pour rendre compte avec respect et admiration des grandes
valeurs traditionnelles chinoises, à commencer par les valeurs
confucéennes, avec un accent particulier sur les relations entre
maître et disciple au cœur de la tradition du wuxia. Ce
qui n’empêche pas Jin Yong, aussi, de mettre en question leur
validité dans le monde moderne – comme c’est le cas, par
exemple, dans « The
Return of the Eagle-Shooting Heroes », où il met en doute le
bien-fondé de l’ostracisme infligé à ses deux personnages, l’un
tombé amoureux de son maître d’armes, ce qui est contraire aux
règles élémentaires et fondamentales du wuxia.
Finalement, il crée
même un anti-héros comme personnage principal au centre de son
dernier roman : ce
Wei Xiaobao, enfant
bâtard d’une prostituée, paresseux et filou, qui ne possède
aucune des valeurs ni aucun du savoir traditionnellement
associés à un héros de wuxia. Le dernier roman de Jin
Yong apparaît ainsi comme une satire désopilante du reste de son
œuvre.
Deux exemples …
On ne peut pas rendre
la richesse du contenu de chaque roman en une synthèse rapide.
On ne peut que prendre des exemples, parmi ceux les plus connus.
1. The Book and the
Sword (《书剑恩仇录》),
publié en vingt épisodes dans le New Evening Post entre le
8 février 1955
et le 5 septembre 1956.
L’histoire se situe
pendant le règne de l’empereur Qianlong (乾隆)
qui apparaît lui-même dans le récit. Elle raconte les efforts
déployés par une société secrète, la Société des Fleurs rouges (红花会),
pour renverser la dynastie des Qing, s’alliant pour ce faire
avec une tribu islamiste du nord-ouest de la Chine.
Le livre dont il est
question dans le titre est un Coran qui a été volé à cette
tribu, et l’épée une épée qui a été offerte au protagoniste
Chen Jialuo (陈家洛) par
son premier amour, une jeune fille de cette tribu, Huo Qingtong (霍青桐).
Plusieurs personnages historiques sont évoqués, aux côtés de
l’empereur, et l’un des personnages importants dans
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The Book and the Sword |
l’histoire est la princesse Kasili, sœur de
Huoqingtong,
calquée sur une célèbre concubine de l’empereur Qianlong,
Xiangfei (香妃).
Le nœud de l’intrigue
est constitué par la révélation de la véritable identité de
Qianlong, non point un Mandchou, mais un Han, et frère aîné de
Chen Jialuo…
L’histoire se déroule ensuite entre idéaux, promesses, pactes et
trahisons, et sur fond d’amour impossible entre Qianlong et la
princesse qui finira par se suicider
Adaptations
cinématographiques :
1960 The Book and the
Sword
《书剑恩仇录》,
réal. Lee
Sun-fung, Emei Film Company
En deux parties : 1ère
partie mai / 2ème partie juin (film en cantonais)
1981 The Emperor
and his Brother
《书剑恩仇录》,
réal. Chor Yuen (楚原),
Shaw Brothers Studio,
avec Ti Lung
狄龙
dans le rôle de Chen Jialuo (film en mandarin)
1986 The Romance of
the Book and Sword
《书剑恩仇录》,
réal.
Ann
Hui (许鞍华),
suivi de :
1987 Princess Fragrance《香香公主》 (films
en mandarin)
Par leur structure, leur style et
leurs thèmes, ce premier roman et le second annoncent et
préfigurent le troisième « The Legend of the Eagle-Shooting
Heroes », tandis que le quatrième, « Flying Fox of Snowy
Mountain », représente une innovation dans la forme narrative
qui n’aura cependant pas de suite.
2. The Legend of the
Eagle-Shooting Heroes
(《射雕英雄传》),
en 40 chapitres ayant chacun un titre de quatre caractères, est
sans aucun doute l’un plus populaires des romans de Jin Yong,
l’un des plus complexes, aussi, et celui qui dégage le sentiment
patriotique le plus fort. C’est aussi l’un des meilleurs
exemples de la manière dont Jin Yong mêle à une trame historique
de base diversthèmes typiques de la littérature de wuxia,
liés à la pensée taoïste, mais aussi des histoires d’amour qui
font partie de l’imaginaire développé autour de cette
littérature.
a)
Trame
historique
L’histoire se situe sous la dynastie des Song du Sud, après
l’invasion de la Chine septentrionale par les « barbares du
nord ». La première partie du roman dépeint l’amitié entre deux
hommes, Yang
Tiexin (楊铁心)
et Guo Xiaotian (郭啸天),
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Legend of the Eagle-Shooting Heroes |
en lutte contre les
envahisseurs (5). Ils se jurent que leurs enfants seront frères
ou sœurs jurés s’ils sont de même sexe, ou époux et femme s’ils
sont de sexe différent.
Ils ont deux fils, et
le reste de l’histoire décrit les tribulations de ces deux
enfants après la mort de l’un des pères et la disparition de
l’autre. Le fils de Guo Xiaotian, Guo Jing (郭靖),
grandit en Mongolie, sous la protection de Genghis Khan, tandis
que le fils de Yang Tiexin, Yang Kang (楊康),
est élevé comme un prince Jürchen (6). Tous les deux apprennent
des arts martiaux différents, chacun selon son caractère
propre : Guo Jing honnête, mais lent, Yang Kang habile, mais
retors et ambitieux, et tentant par tous les moyens d’acquérir
la gloire et la fortune, au prix de la traîtrise (7).
Assistée de Guo Jing et
sa fiancée Huang Rong (黃蓉),
l’armée mongole détruit la dynastie Jürchen des Jin. Mais les
Mongols se tournent alors contre les Song, sur quoi Guo Jing
repart dans son pays pour aider ses compatriotes à lutter contre
l’envahisseur. L’invasion est stoppée par la mort inattendue de
Gengis Khan, mais aura fait d’innombrables morts.
b)
Thèmes de
wuxia
1/ Sur cette trame
historique, Jin Yong déroule une histoire de wuxia
typique, avec des thèmes usuels. C’est celui de la vengeance
qui ouvre le récit, avec en complément la lutte entre sectes
et pratiques rivales d’arts martiaux. Les deux amis
disparus avaient pour ami un prêtre taoïste nommé
Qiu Chuji (丘处机),
membre de la secte Quan Zhen (全真)
et adepte d’un style spécifique d’art martial propre à la secte.
Après la disparition des deux pères, les deux épouses ayant été
emmenées avec leurs fils l’une en Mongolie, l’autre chez les
Jürchen, il se jure de retrouver les deux enfants pour les
former en arts martiaux afin qu’ils puissent venger leurs
parents.
Parti à leur recherche,
il rencontre le groupe des Sept excentriques du Jiangnan (江南七怪)
qui acceptent de l’aider dans sa quête, mais à une condition :
que chacun prenne un enfant comme disciple et que, à l’âge de 18
ans, ils soient confrontés en un combat permettant de montrer la
suprématie d’un art, ou d’une technique, sur l’autre.
C’est alors que la
date du duel approche que
Guo Jing rencontre
Huang Rong, ce qui permet à Jin Yong d’introduire des thèmes
supplémentaires et d’enrichir son récit avec un superbe
personnage de nüxia, fille du maître de l’île des Fleurs
de Pêchers, Huang Yaoshi (黄药师).
Par ailleurs, Yang
Tiexin n’est pas mort, mais voyage sous le nom de Mu Yi (穆易),
avec sa fille adoptive Mu Nianci (黄药师),
autre figure de nüxia venant faire le pendant de celui de
Huang Rong. Son père adoptif désirant la donner en mariage à
celui qui réussira à la vaincre, Yang Kang y parviendra, mais
refusera de l’épouser, ce qui incitera Guo Jing à le provoquer
au combat pour venger la jeune femme de cette insulte, première
rencontre explosive entre les deux.
Qiu Chuji,
qui avait pris en
charge la formation de Yang Kang, finira par avouer sa défaite,
non parce que son protégé est inférieur au combat, mais parce
qu’il est traître à sa patrie, et n’a pas les valeurs martiales
de Guo Jing : ce qui prime, c’est la noblesse d’âme.
2/ Le reste du roman
suit Guo Jing et Huang Rong dans leur périple à travers le pays
pour aller voir le père de Huang Rong et tenter d’obtenir son
accord à leur mariage. Ils rencontrent en chemin le mendiant du
nord Hong Qigong (洪七公),
membre de la secte des mendiants, qui nous introduit à une autre
trame narrative, autour des « cinq grands maîtres » (天下五绝)
dont il fait partie, ainsi que le père de Huang Rong qui est,
lui, « l’Hérétique de l’Est » (东邪) :
cinq éminents personnages symbolisant, selon la
théorie taoïste des
cinq éléments, les cinq directions, donc la totalité de
l’univers, et gravitant autour du Maître du Centre.
Celui-ci,
Zhong Shentong (中神通),
introduit un
autre thème très courant dans la littérature de wuxia :
le livre sacré contenant un enseignement ésotérique que
divers personnages tentent de s’approprier pour acquérir le
pouvoir qu’il peut conférer.
Zhong Shentong est en effet
détenteurd’un livre de ce genre, « Le vrai livre des Neuf Yin »
(《九阴真经》),
qu’il a scindé en deux volumes au moment de mourir, en confiant
à l’un de ses disciples la mission de les cacher en deux
endroits différents.
Ce livre, comme
toujours, est l’objet de multiples convoitises et source de
drames. Ainsi l’épouse de Huang Yaoshi, qui a réussi à en lire
le second volume et l’a transcrit une première fois, est morte
en coucheen
donnant naissance à Huang Rong (黃蓉)
pour avoir tenté une seconde fois de le transcrire de mémoire
pour son mari après le vol de la première transcription.…
3/ L’histoire de Guo
Jing et Huang Rong est par ailleurs compliquée par une histoire
de rivalité amoureuse tout aussi courante : Huang Rong a été
promise en mariage par son père au neveu d’un autre des « cinq
grands maîtres », Ouyang Feng (欧陽锋),
dit « le Poison de l’Ouest » (西毒)
pour ses dons en toxicologie qu’il utilise pour venir à bout de
ses adversaires. Guo Jing doit donc affronter le neveu pour
obtenir la main de Huang Rong. Il le défait, révélant ainsi
qu’il connaît le « Le vrai livre des Neuf Yin » en entier…
Mais ce n’est que le
début de ses problèmes, car Ouyang Feng veut alors qu’il lui en
transcrive une copie. La fin du roman est une course-poursuite
des plus complexes, en mer, avant que Guo Jing et Huang Rong
parviennent à s’échapper sur un rafiot de fortune et que Guo
Jing, ayant enfin obtenu la main de Huang Rong, puisse repartir
se battre contre les Mongols, en héros de la patrie…
c)
Thème de
l’amour
La littérature de
wuxia a évolué au fil du temps en incorporant des éléments
romantiques sous l’influence d’autres formes de fiction
romanesque. Jin Yong reprend cette thématique en faisant de la
quête de l’amour un élément moteur de son histoire, intimement
lié à la quête du livre.
Le « chasseur d’aigle »
(射雕)
du titre
fait
référence à un épisode du début du roman dont la double
symbolique sous-tend ensuite l’histoire centrale de Guo Jing et
Huang Rong : symbole à la fois martial et romantique.
Alors
que Gengis Khan a offert l’une de ses filles à Guo Jing en
témoignage de sa haute estime, celui-ci l’implore de ne pas
imposer à la jeune fille un mariage qu’aucun d’entre eux ne
désire. Guo Jing et la princesse sont ensuite témoins de
l’attaque d’un aigle blanc par des aigles noirs ; la femelle se
suicide quand l’aigle blanc est tué, en laissant deux aiglons
blancs que Guo Jing et la princesse sauvent et élèvent ensemble.
Quand Guo Jing quitte la cour mongole, il reçoit en présent les
deux aiglons qui vont devenir les compagnons de route ducouple
qu’il va former avec Huang Rong, symbole à la fois de leur
héroïsme et de leur amour.
Les deux
aigles réapparaissent dans le roman suivant où le thème de
l’amour qu’ils symbolisent est repris et développé, devenant le
fil narratif central du récit.
Mais,
dans « The
Legend of the Eagle-Shooting Heroes », ce
thème de l’amour prend une force symbolique profonde, car
intimement liée à la quête du livre et la complétant. En effet,
Huang Rong est née des efforts réalisés par sa mère pour tenter
de retranscrire une nouvelle fois de mémoire le deuxième tome du
Livre des Neuf Yin. Elle en est donc en quelque sorte
l’émanation.
De son
côté, en arrivant sur l’île des Fleurs de Pêchers, Guo Jing
s’est lié d’amitié avec Zhou Botong (周伯通),
héritier du second tome du livre qu’il garde farouchement, mais
qu’il apprend à Guo Jing sans lui dire ce que c’est. C’est cette
connaissance du livre qui permettra ensuite à Guo Jing de
vaincre Ouyang Ke et de gagner Huang Rong. Guo Jingest devenu le
livre incarné tandis que Huang Rong en est l’essence féminine :
ils forment le couple parfait.
Jin Yong parvient
ainsi à tisser avec une maîtrise suprême une trame narrative
formée des symboles les plus profonds de la culture historique
et de la tradition littéraire (élargie) du wuxia, tout en
rendant hommage, indirectement, d’ailleurs, à sa tradition
orale.
Il n’est pas étonnant
qu’une histoire aussi riche et aussi complexe ait suscité de
nombreuses adaptations, de la plus réaliste, par Chang Cheh, à
la plus brillante et la plus personnelle, par Wong Kar-wai….
Adaptations
cinématographiques :
1958-59 Story of the
Vulture Conqueror
《射雕英雄传》,
réal. Wu Pang (胡鹏),
Emei Film Company, en deux parties, 1ère partie 23
octobre 1958 / 2ème partie 3 juin 1959. En
cantonais.
1977-78-81 Trilogie
The Brave Archer 1 /2 /3 《射雕英雄传》,
réal. Chang Cheh (张彻),
Shaw Brothers
Suites non officielles
(adaptations plutôt du roman suivant, « the Return ot the
Eagle-Shooting heroes ») :
Février 1982
The Brave Archer and his Mate 《神雕侠侣》
réal.
Chang Cheh (张彻)
(8)
Décembre 1983
Little Dragon Maiden《杨过与小龙女》réal.
Hua Shan (华山),
avec Leslie Cheung
1993 Eagle
Shooting Heroes 《射雕英雄传之东成西就》
parodie du roman
par Jeffrey Lau
(comédie de fin d’année pour couvrir les dépassements
budgétaires du film de Wong Kar-wai et permettre de le terminer)
1994 Les cendres
du temps《东邪西毒》,
de Wong Kar-wai (9)
3. The Return of the
Eagle-Shooting Heroes (《神雕侠侣》)
(en préparation)
Jin Yong est décédé à Hong Kong
le 30 octobre 2018, à l'âge de 94 ans.
Notes
(1) Roman datant de
1930 et adapté au cinéma en 1950
(2) Sur Li Pingqian et ce film, voir :
http://www.chinesemovies.com.fr/cineastes_Li_Pingqian.htm
(3)
On trouve également la
traduction « The Legend of the Condor Heroes », le caractère
雕
diāo du
titre étant un terme générique désignant toutes sortes de
rapaces, mais c’est une erreur, le condor étant inconnu en
Chine.
(4) On peut ajouter,
pour la petite
histoire, que, en prenant les premiers caractères des quatorze
titres des romans, on peut créer deux sentences parallèles de
sept caractères chacune, qui donnent cependant un sens un peu
forcé :
飞雪连天射白鹿
la neige
virevolte dans le ciel, le cerf est abattu
笑书神侠倚碧鸳
en
souriant est contée l’histoire fantastique du héros et de
l’oiseau bleu
Jin Yong a bien dit
qu’il n’avait même pas pensé, au départ, écrire quatorze romans,
et que ces deux vers sont l’effet du hasard. Cela ajoute juste à
la légende…
(5) Les romans de Jin
Yong sont truffés de symboles et de références. A commencer par
les noms des personnages. Ainsi, d’abord, Guo Xiaotian (郭啸天) et
Yang Tiexin (楊铁心):
le premier est présenté comme un descendant de Guo Sheng (郭盛),
l’un des 108 héros du classique « Au
bord de l’eau » (《水浒传》) qui
est l’une des grandes références en matière de littérature de
wuxia et se passe aussi sous la dynastie des Song ; après
avoir été amnistié par l’empereur, il va combattre les
envahisseurs Liao. Quant au second,
Yang Tiexin,
il est dépeint comme
le descendant d’un général qui a combattu aux côtés de Yue Fei (岳飞),
le valeureux général des Song du Sud qui a tenté de mener
campagne pour repousser les Jürchen et leur reprendre le nord du
pays ; exécuté pour cela, devenu héros national, il fut
réhabilité… par l’empereur Ningzong (宋宁宗),
sous lequel, justement, se passe le début de la narration du
roman de Jin Yong.
(6) Les noms choisis
pour les deux enfants sont tout aussi symboliques que ceux de
leurs parents. C’est le prêtre taoïste Qiu Chuji qui les a
choisis avant leur naissance (alors qu’il revient d’assassiner
un ministre de la cour des Song agent des Jürchen) : les deux
caractères de chacun des prénoms - Jing (靖)
et Kang (康)
– font
référence à ce que les historiens ont appelé « l’humiliation de
Jingkang » (靖康之耻),
ou plus sobrement « l’incident de Jingkang » (靖康事变),
du nom de règne de l’empereur Qinzong (宋钦宗),
désignant la prise de Kaifeng par les Jürchen et la chute des
Song du Nord. Les deux enfants étaient ainsi marqués du signe de
l’humiliation nationale, et implicitement chargés de la mission
de la venger.
(7) Autre allusion
symbolique : les deux enfants reproduisent les qualités et
défauts symboliquement attribués aux peuples respectifs où ils
ont été élevés, en fonction de leurs rapports avec l’empire
chinois. La dynastie Jin des Jürchen est dépeinte comme traître,
cruelle et corrompue, alors que les Mongols sont décrits comme
des barbares sanguinaires, certes, mais d’une bravoure et d’une
grandeur d’âme admirables – jusqu’à ce, ayant vaincu les Jin,
ils se retournent contre les Song. Ce qui recoupe les valeurs
des xia : les défauts irrémédiables de Yang Kang viennent
de l’erreur initiale d’avoir accepté pour père un bandit (任贼做父).
(8) Sur Chang Cheh,
voir
www.chinesemovies.com.fr/cineastes_Chang_Cheh.htm
(9) Sur les personnages
et thèmes du roman « The Legend of the Eagle-Shooting Heroes »
repris dans « Les cendres du temps », voir
www.chinesemovies.com.fr/films_Wong_Kar_wai_Cendres_du_temps.htm
Traductions en anglais
The Book and the
Sword, a Martial Arts Novel by Louis Cha, transl. by Graham
Earnshaw, edited by Rachel May et John Minford, Oxford
University Press, décembre 2002.
The Deer and the
Cauldron, transl. by John Minford*, Oxford University Press,
1998.
(tome 1 février 1998,
tome 2 décembre 1998)
Fox Volant of the
Snowy Mountain, transl. by Olivia Mok, Chinese University Press,
2ème édition mai 1996.
*traducteur
du Rêve dans le Pavillon rouge
Traductions en
français
La légende du héros
chasseur d’aigles, traduit du chinois par Wang Jiann-Yuh,
éditions You Feng
(tome 1 : octobre 2004
– tome 2 : octobre 2005)
Le justicier et l’aigle
mythique, tome 1, éditions You Feng, décembre 2012.
Bibliographie
Paper Swordsmen : Jin
Yong And the Modern Chinese Martial Arts Novel, John Christopher
Hamm, University of Hawai‘i Press, 2005
A lire en complément
La nouvelle
: Sword
of the Yue Maiden《越女剑》
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