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				La littérature 
				chinoise après 1979 
				
				I.  Les années 1980 : 
				renaissance de la littérature 
				
				
				2. Les grands 
				mouvements littéraires 
				
				
				c) Fin des années 1980 : La littérature 
				d’avant-garde  
				
				
				par Brigitte Duzan, 19 avril 2016 
				
				
				  
				
				
				Après les divers mouvements littéraires qui se sont succédé à la 
				suite de la Révolution culturelle, de la
				
				« littérature 
				des cicatrices » (伤痕文学) 
				à la « 
				littérature de recherche des 
				racines » (寻根文学), 
				un nouveau mouvement émerge dans la seconde moitié des années 
				1980, et prend forme à partir de 1987 : une brillante 
				« littérature d’avant-garde » (Xiānfēng wénxué 
				先锋文学) 
				qui est aussi une littérature expérimentale (Shíyàn wénxué 
				实验文学). 
				
				
				  
				
				
				Bien qu’on la désigne parfois du nom d’« école » (Xiānfēng
				pài 
				先锋派), 
				c’est plutôt un mouvement spontané, sans manifeste, qui prend 
				autant de formes que d’auteurs, la diversité de styles et de 
				modes d’expression étant une réaction contre la discipline 
				unitaire imposée aux écrivains pendant la période maoïste. Sa 
				caractéristique essentielle est une irrévérence radicale envers 
				l’histoire et la culture, une rupture radicale et iconoclaste 
				avec la tradition et les conventions, conventions narratives et 
				tradition de littérature engagée. L’expérimentation met l’accent 
				sur la forme. 
				
				
				  
				
				
				C’est un mouvement brillant mais éphémère, brisé dans l’œuf non 
				tant par les répercussions des événements de Tian’anmen que par 
				la vague de littérature commerciale suivant l’accélération de 
				l’ouverture de la Chine au marché à partir de 1992. La plupart 
				des auteurs évoluent alors vers le « nouveau réalisme » (新写实) 
				né à la même époque, qui correspond mieux aux goûts du grand 
				public. 
				
				
				  
				
				
				
				Prémices  
				
				
				  
				
				
				
				Fin d’utopie 
				
				
				  
				
				
				Après la Révolution culturelle est apparue une littérature 
				nouvelle qui vise d’abord à exorciser le passé récent pour 
				réévaluer la période maoïste. Ce phénomène est cependant à 
				replacer dans le courant plus large de littérature engagée qui a 
				marqué d’une manière ou d’une autre toute la période de 1919 à 
				1989, et qui n’est elle-même que la manifestation moderne de la 
				lourde tradition de « conscience malheureuse » (youhuan yishi 
				忧患意识), 
				qui a poussé des générations de lettrés à se poser en 
				missionnaires et commentateurs politiques. 
				
				
				  
				
				
				C’est cette écriture comme acte politique et acte de résistance 
				qu’ont refusée et rejetée les avant-gardistes dans la seconde 
				moitié des années 1980, en proposant une vision de la 
				littérature aux antipodes de celle de
				
				Lu Xun et des écrivains 
				de gauche autour de lui : l’écriture comme plaisir 
				
				
				.
				 
				
				
				  
				
					
						| 
						 
						
						Ils ont émergé au moment historique précis où, en Chine, 
						l’esprit utopique était sur le déclin. Les années 1985 
						et 1986 sont déterminantes à cet égard. L’heure est à 
						une intensification du discours réformateur de Deng 
						Xiaoping tandis que les premiers signes de ratés dans la 
						réforme économique urbaine apportent une note de 
						désenchantement et d’inquiétude dans la population.
						  | 
						  | 
						
						 
						
						  
						
						Hu Yaobang en visite au Guizhou, en 1986
						 
						
						(avec à sa gauche : Hu Jintao et Wen 
						Jiabao)  | 
					 
				 
				
				
				  
				
					
						| 
						 
						
						  
						
						Zhao Ziyang (à dr.) avec Deng Xiaoping
						 
						
						le 21 octobre 1987 à Pékin  | 
						  | 
						
						 
						
						Les événements politiques reflètent ces craintes : après 
						la démonstration des étudiants des université de Pékin 
						fin 1986, le ton se durcit ; le secrétaire du Parti Hu 
						Yaobang (胡耀邦), 
						jugé trop réformateur, est limogé, et une nouvelle 
						campagne contre le libéralisme bourgeois est lancée 
						début 1987, mais ces réactions ne font que renforcer 
						l’inquiétude et l’agitation dans le pays. Le climat 
						dystopique est encore aggravé quand le premier ministre 
						Zhao Ziyang (赵紫阳) 
						déclare au 13ème Congrès du Parti (十三大), 
						à la fin du mois d’octobre, que la Chine n’est encore
						  | 
					 
				 
				
				
				qu’au seuil du « premier stade » du socialisme. Les rêves 
				s’effondrent. 
				  
				
				
				L’émergence de l’avant-garde littéraire vers 1987 semble être 
				ainsi une réaction à la fin du climat d’utopie, d’illusion et de 
				fièvre culturelle qui caractérise une grande partie des années 
				1980. L’attitude iconoclaste de ces jeunes écrivains envers 
				l’histoire et la culture est inséparable de ce contexte 
				historique.  
				
				
				  
				
				
				
				Révolution esthétique  
				
				
				  
				
				
				Le mouvement apparaît dans ce contexte, et les premiers textes 
				sont publiés dans deux revues de Shanghai, Littérature de 
				Shanghai (上海文学) 
				et surtout Shouhuo (收获) 
				qui fait figure de véritable parrain et promoteur du genre. En 
				ce sens, cette nouvelle avant-garde littéraire n’est pas sans 
				rappeler le précédent de la modernité littéraire des années 1930, 
				également à Shanghai. 
				
				
				  
				
				
				C’était une modernité littéraire en lien avec les mouvements 
				avant-gardistes européens du début du 20ème siècle, 
				comme l’avant-garde des années 1980 est influencée par la 
				littérature occidentale dont les traductions se multiplient 
				après la Révolution culturelle. Celle-ci, cependant, est une 
				véritable révolution esthétique dont le caractère expérimental a 
				ses prémices dans un courant littéraire de la fin des années 
				1970 : la poésie dite « obscure » (Ménglóngshī 
				«朦胧诗»). 
				
				
				  
				
					
						| 
						 
						
						Ce mouvement de poésie avant-gardiste est né de 
						« l’incident du 5 avril » (四五事件), 
						c’est-à-dire les manifestations sur la place Tian’anmen 
						le jour de la fête de Qingming 1976, en hommage à Zhou 
						Enlai, mort le 8 janvier précédent. Ce jour-là, des 
						milliers de citoyens ordinaires vinrent déposer des 
						fleurs et des poèmes autour de la stèle de l’ancien 
						premier ministre, et le plus célèbre poème qui nous en 
						reste est celui de 
						
						
						Bei Dao (北岛) : 
						« Réponse » (Huídá
						
						
						《回答》).
						  | 
						  | 
						
						 
						
						  
						
						Mang Ke et Bei Dao en 1978, au moment de 
						la création de Jintian  | 
					 
				 
				
				
				  
				
				
				Cri de révolte autant que lamentation, le poème marque les 
				débuts du courant de poésie « obscure » qui, comme toujours, se 
				développe autour d’une nouvelle revue littéraire - 
				« Aujourd’hui » ou Jintian (《今天》) 
				– fondée par Bei Dao et Mang Ke (芒克) 
				en février 1978, et interdite deux ans plus tard, 
				mais sans que le mouvement de création poétique en soit stoppé 
				pour autant ; les poètes obscurs continuent de publier, bien que 
				sévèrement critiqués pendant le mouvement de pollution 
				spirituelle lancé en 1983.  
				  
				
					
						| 
						 
						
						  
						
						Annonce de la pièce Signal d’alarme 
						donnée en 1982  
						
						au Théâtre des arts du peuple de Pékin  | 
						  | 
						
						 
						
						C’est un courant d’exploration thématique autant que 
						d’expérimentation stylistique dont on retrouve des échos 
						au théâtre et dans le domaine artistique en général : il 
						en est ainsi, en particulier, du théâtre expérimental de
						
						
						Gao Xingjian (高行健), 
						avec les deux pièces « Signal d’alarme » (《绝对信号》) 
						et « L’arrêt de bus » (《车站》) 
						données à Pékin en 1982 et 1983, qui trouvent leur 
						inspiration dans le théâtre de l’absurde occidental, 
						Beckett et Ionesco en particulier dont Gao Xingjian 
						avait traduit des œuvres en chinois.   | 
					 
				 
				
				
				  
				
					
						| 
						 
						
						C’est en 1982 que le poète Xu Jingya (徐敬亚) 
						a utilisé le terme « avant-garde » pour la première 
						fois, pour désigner la poésie « obscure » dans sa thèse 
						de fin d’étude, disant que ces poètes étaient en ligne 
						avec l’avant-garde littéraire du monde entier à l’époque
						
						
						
						. 
						En même temps, le poète Luo Yihe (骆一禾) 
						écrivait un poème intitulé « Avant-garde » (Xianfeng 
						《先锋》), 
						pour en louer le caractère rebelle et déterminé 
						
						
						
						.
						 
						  
						
						
						De la même manière, la fiction d’avant-garde, à la fin 
						de la décennie, est une sorte de rébellion, contre la 
						narration traditionnelle : le problème n’est plus de 
						savoir ce qu’on va écrire, mais comment on va le faire. 
						Il s’agit de remplacer la vérité extérieure par une 
						vérité intérieure exprimée par une révolution du 
						langage. 
						
						
						  
						
						
						
						Influences extérieures  
						
						
						  
						
						
						En même temps, à partir du milieu des années 1980, la 
						manière d’envisager ce “comment écrire” est influencée 
						par la littérature occidentale : littérature 
						postmoderniste et surtout « réalisme magique » 
						latino-américain.  
						
						
						  
						
						
						Les années 1980 sont une période de traduction 
						intense en Chine ; au milieu de la décennie, les œuvres 
						des écrivains majeurs de la littérature mondiale ont été 
						traduits en chinois. Considérés jusque-là comme des 
						exemples négatifs à éviter, des écrivains comme Oscar 
						Wilde, James Joyce ou T.S. Eliot connaissent une vogue 
						nouvelle. On découvre le flux de conscience grâce à 
						Virginia Woolf, on redécouvre l’avant-gardisme européen 
						du 19ème siècle, Baudelaire en tête, etc… 
						  
						
						
						Quant aux écrivains latino-américains contemporains, ils 
						sont traduits en masse dans la seconde moitié de la 
						décennie. Mais ici, plutôt que García Márquez, c’est 
						Borges qui est 
						  | 
						  | 
						
						 
						
						  
						
						Xu Jingya 
						  
						
						
						  
						
						Luo Yihe, étudiant à Beida  | 
					 
				 
				
						
						source 
				d’inspiration, pour sa façon de réagir contre le réalisme 
				ambiant en développant une littérature que l’on a qualifiée de 
				philosophique, mais qui fait aussi appel aux ressources de 
				l’inconscient, avec ses jeux de miroirs, ses labyrinthes et ses 
				rêves, Borges mêlant le réel et le fantastique en créant 
				l’illusion de la réalité, l’essentiel, pour lui, étant de 
				susciter une « foi poétique » dans son lecteur.  
				
				
				  
				
				
				L’avant-garde de la fin des années 1980 est ainsi le résultat 
				d’une hybridation, mais le contexte est différent de celui de la 
				littérature occidentale moderniste : celle-ci était le reflet 
				d’une lutte pour le quotidien et de doutes existentiels sur fond 
				d’urbanisation et d’industrialisation massives ; en Chine au 
				contraire, les avant-gardistes ont pour souci premier de libérer 
				la littérature des contraintes politiques, et de créer une 
				nouvelle culture sur la base d’un individu à la conscience 
				nouvelle, en bénéficiant des expériences formelles faites en 
				Occident.  
				
				
				  
				
				
				
				Naissance et évolution 
				
				
				  
				
				
				
				Caractéristiques générales 
				
				
				  
				
				
				Les avant-gardistes ne reprennent donc pas à leur compte « le 
				fardeau de la nation » ou tout autre fardeau, qu’il soit 
				culturel, historique, sociopolitique, existentiel ou sémantique. 
				Ce dont ils se réclament, c’est du ‘je’, au singulier, du ‘je’ 
				frais émoulu du collectif, et d’une certaine légèreté d’être à 
				la Kundera appelant une narration différente. 
				
				
				  
				
				
				Leur nouveau mode narratif n’a ni fil central ni vision 
				téléologique ; il est à l’opposé de la narration traditionnelle, 
				construite sur la base d’un sujet investi d’une fin 
				socio-politique et de valeurs culturelles. Il représente une 
				tentative de déconstruction de la narration historique, et de 
				déstabilisation du discours humaniste et utopique des années 
				1980. Même la violence, chez eux, apparaît comme élément 
				esthétique. En ce sens, le mouvement est donc hautement 
				subversif. Subversion et iconoclasme en sont les deux 
				caractéristiques essentielles.  
				
				
				  
				
				
				
				Précurseurs  
				
				
				  
				
					
						| 
						 
						
						  
						
						Ma Yuan  | 
						  | 
						
						 
						
						Les premiers exemples de littérature d’avant-garde 
						paraissent à Shanghai vers le milieu de la décennie. Ces 
						textes sont signés 
						
						Ma Yuan 
						(马原) 
						et 
						
						Can Xue (残雪). 
						On peut leur ajouter aussi 
						
						Liu Sola (刘索拉)
						
						
						et sa première nouvelle, publiée en 1985 dans la revue 
						Littérature du peuple (《人民文学》), 
						« Tu n’as pas d’alternative » (《你别无选择》), 
						mais aussi la suivante, « Blue Sky, Green Sea » (《蓝天绿海》), 
						publiée dans Littérature de Shanghai. Les deux récits 
						traitent des doutes des jeunes quant à l’avenir, et de 
						leur esprit provocateur, plus que rebelle. On est passé 
						d’une thématique de réflexion douloureuse sur le passé à 
						une réflexion désenchantée sur le présent et l’avenir. 
						  
						
						
						C’est dès 1984, et après son arrivée au Tibet, que
						
						
						Ma Yuan
						
						
						publie des textes qui apparaissent comme précurseurs de 
						l’avant-garde: 
						« Le sortilège des monts Gangdise »   | 
					 
				 
				
				
				(《冈底斯的诱惑》) 
				et « La déesse de la rivière Lhassa » (《拉萨河女神》) 
				avec sa construction labyrinthique caractéristique. Ce n’est que 
				dans ses nouvelles ultérieures, comme « Erreurs » (《错误》) 
				ou « Très plat de haut en bas » (《上下都很平坦》), 
				qu’il revient sur son expérience de « jeune instruit » pendant 
				la Révolution culturelle. En 1984 et 1985, il met en avant, lui 
				aussi, le plaisir d’écrire, et fabrique des histoires 
				compliquées en recyclant des mythes à la manière du 
				magico-réalisme, avec une narration circulaire et un narrateur 
				qui porte parfois son nom. Malgré la complexité de la structure 
				narrative, cependant, la langue reste accessible et facilite la 
				lecture.  
				  
				
					
						| 
						 
						
						Quant à 
						
						Can Xue, née, 
						comme Ma Yuan,
						en 1953, elle 
						appartient elle aussi à la génération précédant celle de 
						l’avant-garde. Elle aussi commence à écrire en 1983, et 
						sa première nouvelle, « Rue de la Boue jaune » (《黄泥街》), 
						est le reflet de son univers personnel, onirique et à la 
						limite du fantastique, mais conditionné par son propre 
						passé et les histoires que lui racontait sa grand-mère 
						plutôt que par la littérature étrangère. En revanche, ce 
						sont ses lectures, surtout de Kafka et Borges, qui lui 
						permettent de se créer un style. En ce sens, son œuvre 
						est caractéristique de cette hybridation évoquée plus 
						haut. 
						
						
						  
						
						
						En 1986, elle publie « Une cabane dans la montagne » (《山上的小屋》) 
						qui initie une œuvre marquée par l’absurde. Si Ma Yuan 
						se place dans le domaine de la légende, Can Xue offre 
						une allégorie du passé récent, mais sans référence 
						précise, en gommant toute évocation historique, comme si
						  | 
						  | 
						
						 
						
						  
						
						Can Xue  | 
					 
				 
				
				
				la violence, dans ses récits, naissait d’un absurde immanent et 
				le malaise d’une schizophrénie ambiante.   
				
				
				Son mode de narration est une réaction personnelle, 
				hallucinatoire et paranoïaque, au milieu et au contexte, 
				familial autant que politique. C’est aussi un rejet viscéral de 
				la narration logique et linéaire traditionnelle, et en ce sens 
				elle a influé sur l’avant-garde littéraire qui apparaît au même 
				moment. Mais c’est peut-être autant une réaction conjointe. Ma 
				Yuan apparaît comme un précurseur,
				Can 
				Xue plutôt comme un compagnon de route, et encore, 
				plus de 
				Yu 
				Hua (et de son « 1986 ») que des autres.
				 
				
				
				  
				
				
				Et ces autres apparaissent véritablement en 1987, comme des 
				champignons après la pluie, tous différents, mais regroupés sous 
				la houlette de Shouhuo…. 
				
				
				  
				
				
				
				Principaux avant-gardistes  
				
				
				   
				
					
						| 
						 
						
						Parmi les écrivains qui apparaissent dans cette 
						mouvance, trois sont très connus, car prolifiques et 
						amplement traduits : 
						
						Yu Hua (余华),
						
						
						Su Tong (苏童) 
						et 
						
						Ge Fei (格非). 
						Il faut y ajouter 
						
						Sun Ganlu (孙甘露), 
						
						Bei Cun (北村), 
						
						Ye Zhaoyan (叶兆言)…  
						Après des études retardées par la Révolution culturelle, 
						ils ont pour la plupart commencé à écrire et publier 
						vers 1983, mais sans être reconnus tout de suite. 
						 
						  
						
						
						1. C’est le cas de 
						
						Yu Hua dont le 
						style   | 
						  | 
						
						 
						
						  
						
						Yu Hua  | 
					 
				 
				
				
				avant-gardiste est net dans trois nouvelles essentielles 
				publiées respectivement en 1987, 1988 et 1989 : « Midi dans la 
				bise qui siffle » (《西北风呼啸的中午》), 
				« 1986 » (《一九八六年》) 
				et « Une histoire dédiée à la jeune Saule » (《此文献给少女杨柳》). 
				  
				
				
				  
				
					
						| 
						 
						
						C’est la période heureuse où il suit des cours à 
						l’Institut Lu Xun, rencontre la poétesse Chen Hong et 
						l’épouse. Mais elle est interrompue net par les 
						événements de Tian’anmen. Yu Hua change alors de style, 
						et revient vers la réalité sociale, et les problèmes nés 
						de la modernisation accélérée. 
						  
						
						
						2.
						
						Su Tong aussi 
						a publié sa première nouvelle en 1983, mais n’a été 
						remarqué qu’en 1987, avec « L’exil de 1934 » (《一九三四年的逃亡》). 
						Mais, la même année et en 1989, il a publié deux autres 
						nouvelles tout aussi caractéristiques : « A vol d’oiseau 
						au-dessus de mon vieux village » (《飞越我的枫杨树故乡》) 
						et « Les frères Shu ou la vie dans le Sud » (《舒农或者南方生活》). 
						
						
						  
						
						
						Les éléments d’avant-garde (dans les techniques 
						narratives) se raréfient dans ses récits à partir 
						d’« Epouses et concubines » (《妻妾成群》), 
						en 1991. La majorité de ses   | 
						  | 
						
						 
						
						  
						
						Su Tong  | 
					 
				 
				
				
				œuvres sont ensuite des narrations linéaires sur des sujets 
				historiques.  
				
				
				  
				
					
						| 
						 
						
						3. Des trois, 
						c’est
						
						Ge Fei 
						qui a les 
						caractéristiques les plus avant-gardistes. Sa première 
						nouvelle, 
						
						
						« A la mémoire 
						de monsieur Wu You » (《追忆乌攸先生》), 
						en 1986, est une tentative de reconstitution du passé, 
						pour lutter contre l’oubli, qui annonce sa thématique à 
						venir, fondée sur la mémoire, dans ses rapports avec la 
						vie. Le récit est conté à la première personne, mais la 
						perception du passé est fragmentaire, floue, incomplète. 
						C’est en fait la mémoire qui est son fil directeur, 
						d’une nouvelle à l’autre.  | 
						  | 
						
						 
						
						  
						
						Ge Fei  | 
					 
				 
				
				
				  
				
				
				Dans « La barque égarée » (《迷舟》), 
				il y a en outre des ruptures dans la narration, à des moments 
				clés, qui cassent la lecture. Quant à « Nuée d'oiseaux bruns » (《褐色鸟群》) 
				ou « Vert jaune » (《青黄》), 
				en 1988, ce sont des narrations savamment déconstruites, où la 
				mémoire peine à reconstruire une réalité fuyante et floue.
				 
				
				
				  
				
				
				Ces premières nouvelles sont influencées par Borges, influence 
				reconnue mais non imitative. Le style est personnel.
				
				Ge Fei est l’un des 
				avant-gardistes les plus originaux, qui a constamment 
				expérimenté, et sans doute le plus longtemps. « Sifflement » (《唿哨》), 
				en 1991, est un de ses textes les plus complexes, dont le sens 
				n’est accessible que confronté à l’histoire des « Sept sages de 
				la forêt de bambous » auxquels il fait référence.  
				  
				
					
						| 
						 
						
						Il ne s’est rangé à la narration réaliste qu’au milieu 
						des années 1990, mais, encore en 2001, sa nouvelle 
						« Poèmes à l’idiot » (《傻瓜的诗篇》) 
						relève de la même thématique de la mémoire, de 
						l’inconscient manifesté dans le rêve et de 
						l’impossibilité à totalement appréhender le monde autour 
						de soi. 
						  
						
						
						4. Quant à 
						
						Sun Ganlu, sa 
						nouvelle de 1986 « Visite au monde des rêves » (《访问梦境》) 
						ainsi que « Lettres du messager » (《信使之函》) 
						sont considérées comme des œuvres représentatives des 
						expériences sur la forme des avant-gardistes : pas 
						d’intrigue ni de thème ni de structure linéaire. La 
						narration est tellement expérimentale que certains 
						critiques ont prétendu qu’il ne s’agit plus de fiction, 
						et qu’elle a été taxée de « post-moderne ».  
						
						
						  
						
						
						
						Sun Ganlu 
						est un alchimiste du langage dont les textes peuvent à 
						peine être appelés fictionnels. Il est en dehors de la 
						réalité quotidienne. Son plaisir, selon lui, était 
						« d’entrer dans le royaume du langage ». « Visite au 
						monde des rêves » n’a pratiquement pas d’indications 
						géographiques ou de contexte culturel ; il dépeint une 
						sorte de troubadour qui déambule dans l’histoire, le 
						mythe, le futur, les livres…. 
						  
						
						
						Pour Sun Ganlu, la vie quotidienne et l’histoire sont 
						mêlés. Sa fiction est une « utopie verbale immobile », 
						a-t-on dit. Loin de la réalité. Dans une autre réalité. 
						
						
						
						  
						
						
						5. Les autres avant-gardistes de cette période sont 
						moins connus. Notons encore 
						
						Bei Cun (北村), 
						surtout connu pour sa nouvelle de 2001 « Les cris de 
						Zhou Yu » (《周渔的喊叫》) 
						parce qu’elle a été adaptée au cinéma, et que le film 
						est   | 
						  | 
						
						 
						
						  
						
						Sun Ganlu 
						  
						
						
						  
						
						Bei Cun  | 
					 
				 
				
				
				interprété par Gong Li et Tony Leung, mais il a aussi été du 
				nombre des avant-gardistes. 
				
				  
				
					
						| 
						 
						
						  
						
						Ye Zhaoyan  | 
						  | 
						
						 
						
						Signalons encore 
						Ye Zhaoyan (叶兆言), 
						écrivain de Nankin extrêmement prolifique qui a commencé 
						à publier en 1980, mais dont les principales nouvelles 
						ont été éditées après 1986, année de l’obtention de son 
						diplôme de l’Université de Nankin. La revue Chinese Arts 
						and Letters l’a mis à 
						l’honneur dans son premier numéro de 2015 
						
						
						
						, 
						avec des traductions en anglais de trois de ses 
						nouvelles, et une interview
						de lui par un autre écrivain de Nankin qui peut 
						aussi être considéré comme avant-  | 
					 
				 
				
				
				gardiste, dans la 
				
				génération post-70,
				
				Cao Kou (曹寇). 
				Il y explique que l’écriture avant-gardiste est pour lui un mode 
				de vie et de pensée qu’il n’a jamais abandonné.  
				
				
				  
				
				
				
				Fin d’une époque  
				
				
				  
				
				
				Il est l’un des rares à poursuivre dans cette voie. Le mouvement 
				s’est peu à peu délité : les événements de 1989 et le 
				renforcement postérieur des contrôles ont entraîné une pause ; 
				elle a été momentanée, certains auteurs publiant à Taiwan au 
				début des années 1990 s’il s’avérait impossible de le faire sur 
				le continent, mais la libéralisation du domaine de l’édition, 
				son ouverture croissante sur le marché à partir de 1992, ont 
				sonné la mort de l’avant-garde.  
				
				
				  
				
				
				Comme le cinéma, la littérature a dû se tourner vers le grand 
				public et tenir compte de ses goûts et attentes : les 
				avant-gardistes ont reflué, d’une manière ou d’une autre, vers 
				le mouvement parallèle du « nouveau réalisme » (新写实) 
				dont les premiers textes représentatifs ont été publiés aussi en 
				1987. Les rares auteurs qui ont continué à expérimenter, sur la 
				forme et la thématique, ont été marginalisés, et sont finalement 
				rentrés dans le rang dans les années 2000.  
				
				
				  
				
				
				
				  
				
				
				
				Bibliographie 
				
				
				  
				
				
				China’s Avant-Garde Fiction, an Anthology, Jing Wang ed., Duke 
				University Press, 1998 
				
				
				
				
				http://www.amazon.com/Chinas-Avant-Garde-Fiction-An-Anthology/dp/0822321165 
				
				
				(traductions en anglais de nouvelles de Ge Fei, Yu Hua, Su Tong, 
				Can Xue, Bei Cun, Sun Ganlu et Ma Yuan) 
				
				
				  
				
				
				‘Literary Experiments: Six Files’, in China’s New Cultural Scene 
				: A Handbook of Changes, Marie Claire Huot, 
				Duke University Press 2000,7–48. 
				  
				
				
				Chinese Literature in the Second Half of a Modern Century: A 
				Critical Survey, Pang-Yuan Chi,/David Der-wei Wang ed., Indiana 
				University Press 2000 – chap. 9 : Re-membering the Cultural 
				Revolution : Chinese Avant-Garde Literature of the 1980’s, by Wu 
				Liang, pp 124-137 
				
				
				
				
				https://books.google.fr/books?id=1S3fbay1xj0C&pg=PA124&lpg=PA124&dq=chinese+avant+garde 
				
				
				
				
				+litt%C3%A9rature&source=bl&ots=sqfdLI00m4&sig=3pkCsLCZPnYAil3VFBL-2BUiyJ4&hl=fr&sa=X&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false 
				  
				
				
				The Chinese Postmodern : Trauma and Irony in Chinese Avant-Garde 
				Fiction, Yang Xiaobin, University Of Michigan Press 2002 
				
				
				Analyse comparative des aspects avant-gardistes de Ma Yuan, Can 
				Xue, Xu Xiaohe, Ge Fei, Yu Hua, Mo Yan. 
				
				
				
				
				https://books.google.fr/books?id=MyeeEmtaRv4C&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ 
				
				
				
				
				ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false 
				
				
				  
				
				
				A History of Contemporary Chinese Literature, Hong Zicheng, tr. 
				Michael M. Day, Brill 2007 
				
				
				Edition originale: 
				
				《中国当代文学史》 
				
				洪子诚 -北京大学出版社 
				1999 
				
				
				La scène littéraire en Chine 1949-1999 
				
				
				
				
				https://books.google.fr/books?id=S7C9xtFKGWEC&pg=PA382&lpg=PA382&dq=chinese+avant+ 
				
				
				
				
				garde+litt%C3%A9rature&source=bl&ots=P1yyuNKTid&sig=v5e7yFl5kY7rIkhgDbAT6GAz-g0&hl=fr&sa=X&redir_esc=y#v=onepage&q=chinese%20avant%20garde%20litt%C3%A9rature&f=false 
				
				
				  
				
				
				  
				
				
				
				A lire en complément 
				
				
				  
				
				
				
				Interview de Ye Zhaoyan par Cao Kou (extraits) 
				
				
				叶兆言先生访谈:写作给我带来了快乐 
				
				
				La joie que me procure l’écriture 
				
				
				  
				
					  
					 
					
						 
					
						
						
						 
						Mouvement animé par 
						des 
						écrivains comme Fei Ming (废名), 
						Li Jianwu (李健吾) 
						ou Li Tuozhi (李拓之), 
						mais surtout Shi Zhecun (施蛰存) 
						et son protégé Mu Shiying (穆时英), 
						il est lié à la revue La Nouvelle Littérature (《新文艺》) : 
						revue littéraire d’avant-garde fondée le 15 septembre 
						1929 (et disparue le 15 avril 1930, victime de la 
						censure nationaliste) par Liu Na’ou (刘呐鸥), 
						Shi Zhicun (施蛰存) 
						et Dai Wangshu (戴望舒), 
						tous trois nés en 1905 et parrains du mouvement.  
					
						 
					
						
						
						
						Elle a été publiée en 1982 dans un journal étudiant du 
						Liaoning, « Nouvelles feuilles » (新叶), 
						puis, dans une forme abrégée, dans un ouvrage publié 
						l’année suivante, « Tendances actuelles en littérature 
						et en arts » (《当代文艺思潮》).
						
						
						[cf. Occidentalism: a Theory of Counter-Discourse in 
						Post-Mao China, Chen Xiaomei, Oxford University Press 
						1995, n.21 p. 187]  
					
						 
					
						
						
						
						
						
						Chinese Arts and Letters 
						(CAL), revuede l’Ecole des langues et cultures 
						étrangères de l’Université normale de Nankin, vol. 2 
						n°1/April 2015. 
						
						Featured author Ye Zhaoyan. Traductions : Police Python 
						357 / The Writer Mrs Lin Mei / Murder Capital (pp 6-43). 
						Critique: Bear the Loneliness of a Narrator: On Reading 
						Ye Zhaoyan’s Fiction, by Yan Jingming (阎晶明) 
						(pp 44-51). Interview by
						
						Cao Kou (曹寇) 
						: The Pleasure that Writing Brings Me (pp 52-69).  
				 
				
				  
				  
					
				    
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