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Zhang Ailing / Eileen
Chang
张爱玲
1920-1995
Présentation
par Brigitte Duzan, 28 juillet
2010, actualisé
26 avril 2021
Zhang Ailing (张爱玲)
est l’un des emblèmes de la littérature de Shanghai, de ce
haipai
si difficile à définir
qu’il reste, comme dans les années trente, une notion honnie ou
adorée selon la personne qui en parle.
Zhang Ailing est plutôt du bon côté des choses, dans cette
querelle littéraire, mais, de manière très shanghaienne, sa
popularité est, et a toujours plus ou moins été, un phénomène de
mode teinté de scandale.
Typiquement,
l’engouement récent pour son œuvre date des lendemains de la
vague d’enthousiasme côté occidental, de curiosité et d’opprobre
côté chinois, que suscita la sortie du film d’Ang Lee « Lust.
Caution »
(《色、戒》),
Lion d’or de la Mostra de Venise en 2007 : tout le monde sait
aujourd’hui qu’il est adapté d’une des nouvelles de Zhang Ailing
qui, illico traduite et publiée, ou ressortie des archives, fut
un succès mondial de librairie.
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Zhang Ailing
(张爱玲) |
Zhang Ailing fut urbi
et orbi intronisée « master of the short story » par ‘The New
Yorker’, reconnaissance qu’aucune des quatre précédentes
adaptations cinématographiques de ses nouvelles n’avait réussi à
susciter : il n’y manquait pas le génie, mais le soufre.
Aujourd’hui que la vague est retombée, reste une œuvre
fascinante où l’on devine en filigrane les événements qui ont
marqué et l’auteur et son époque, et une vie marquée par la
trahison, l’exil et la solitude.
Père opiomane, mère absente, famille chaotique
Zhang Peilun, grand-père
de Zhang Ailing |
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Zhang Ailing est née en
septembre 1920 à Shanghai, dans une famille aux antécédents
prestigieux tant du côté maternel que paternel. Son grand-père
maternel, Huang Yisheng (黄翼升),
était un commandant des forces navales chinoises, son grand-père
paternel, Zhang Peilun (张佩纶),
également. Pendant la guerre franco-chinoise,
en août 1884, alors que ce dernier était responsable de la
défense du Fujian, sa flotte fut totalement détruite. Après un
temps d’exil, il revint à Pékin où il obtint un poste de
secrétaire auprès de Li Hongzhang (李鸿章),
alors personnage très influent à la cour impériale, habile
général qui se révélera cependant piètre négociateur, mourant en
1901 après avoir signé le Protocole de paix, désastreux pour la
Chine, qui mettait fin à la révolte des Boxers.
C’était un adversaire
politique de Zhang Peilun, mais il apprécia ses talents, et lui
offrit l’aînée de ses sœurs en mariage, malgré leur différence
d’âge et l’opposition |
de sa mère. De cette
union naquirent deux enfants, Zhang Zhiyi (张志沂)
et Zhang Maoyuan (张茂渊),
le père et la tante de Zhang Ailing.
Ses parents
déménagèrent à Tianjin quand elle avait deux ans, et, l’année
suivante, en 1923, son père, déjà opiomane, ayant pris une
concubine, sa mère partit en Angleterre, puis voyagea en Europe.
C’était une femme qui avait été élevée à l’ancienne et avait les
pieds bandés, ce qui ne l’empêcha pas de skier lorsqu’elle passa
par les Alpes suisses. C’était surtout une femme extrêmement
libre, ouverte aux idées modernes, qui eut une forte influence
sur la personnalité de Zhang Ailing enfant, d’autant plus que
son père était le type presque caricatural de l’autocrate
chinois de la fin des Qing : entretenant une concubine, fumant
de l’opium et sujet à des accès de violence impromptus. On a
l’impression de deux personnages tirés d’une de ses nouvelles.
Outre sa mère, sa
tante, Zhang Maoyuan, eut également beaucoup d’influence sur
elle. Elle ne se maria qu’à l’âge de 78 ans, et les mauvaises
langues l’avaient appelée
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Zhang Ailing avec sa tante Zhang Maoyuan |
« la super vieille
fille » (“超级剩女”).
En fait, à l’âge de 25 ans, on l’avait envoyée étudier en
Angleterre, et elle avait connu là bas un autre étudiant,
brillant, dont elle était tombée amoureuse ; mais il était déjà
fiancé et s’était marié l’année suivante. Elle garda cependant
contact avec lui toute sa vie, et, quand sa femme mourut,
l’épousa enfin. C’était par ailleurs une femme de tête, qui
écrivait des éditoriaux pour la télévision, et gagnait un bon
salaire. Avec sa mère et sa tante, Zhang Ailing avait deux
modèles de femmes de caractère, libres et modernes.
Sa mère revint en 1927,
son père ayant promis d’arrêter l’opium et de renvoyer sa
concubine. Ils revinrent vivre à Shanghai, mais son père ne tint
pas ses promesses. Finalement, les parents divorcèrent en 1930,
et les enfants, Zhang Ailing et son petit frère Zhang Zijing (张子静),
qui avait un an de moins qu’elle, restèrent avec leur père, qui
se remaria. Sa mère repartit en Angleterre, avec sa plus jeune
belle-sœur, et ne revint qu’en 1937. Zhang Ailing alla alors la
voir, et resta deux semaines avec elle ; quand elle revint, elle
se disputa avec sa belle-mère, sur quoi son père la battit et
l’enferma. Elle resta tout l’automne et l’hiver ainsi, malade et
sans soins médicaux. Finalement, aux alentours de la fête du
Printemps, elle réussit à s’enfuir, revint chez mère et ne remit
plus jamais les pieds chez son père. Elle avait juste dix-huit
ans.
Etudes perturbées par la guerre
Saint
Maria girls’ school, début 20ème siècle |
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Elle est allée à
l’école dès quatre ans, à Tianjin, dans une école privée
traditionnelle (私塾
sīshú).
Ensuite, lorsque la famille revint s’installer à Shanghai, après
le retour de sa mère, celle-ci lui fit donner des leçons de
peinture, de piano et d’anglais. C’est aussi l’époque où Zhang
Ailing découvrit les classiques de la littérature chinoise, en
particulier « Le rêve dans le pavillon rouge » (《红楼梦》)
qui exercera une
grande influence sur la formation de son style littéraire. Sa
mère choisit ensuite pour elle une école de
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filles fondée par des
protestants, Saint Maria Girls' School (圣玛利亚女校),
école réputée de l’élite fortunée shanghaienne d’où sont sorties
nombre de célébrités, y compris des actrices de cinéma
;
c’est alors qu’elle fut inscrite sous le nom de Zhang Ailing (张爱玲),
alors qu’elle s’appelait Zhang Ying (张瑛).
Elle y entra à l’automne 1931.
Elle termina le
secondaire l’été 1937, alors que commençait la bataille de
Shanghai. En novembre, la ville était occupée par les Japonais ;
elle demanda une bourse pour partir étudier à l’université de
Londres où elle aurait dû partir en 1939, mais la guerre l’en
empêcha. Faute de pouvoir aller en Angleterre, elle partit à
Hong Kong, qui était encore libre ; elle étudia la littérature à
l’université de Hong Kong, rencontrant là celle qui devint son
indéfectible amie, Fatima Mohideen (炎樱).
Hong Kong,
cependant, tomba aux mains des Japonais en décembre
1941, un semestre avant la fin de l’année universitaire,
et Zhang Ailing dut rentrer sans son diplôme à Shanghai.
Elle tenta de terminer son cursus à Saint John's
University (圣约翰大学),
ancienne université anglicane qui commença à admettre
des étudiantes en 1936 ; elle avait depuis 1905 le
statut d'université américaine, ses diplômés pouvaient
donc s'inscrire en troisième cycle aux Etats-Unis, ce
qui attirait les meilleurs
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Saint John’s university |
étudiants de Shanghai,
mais aussi les plus riches. Et là, ce sont des problèmes
financiers qui obligèrent Zhang Ailing à abandonner. Elle se
consacra désormais entièrement à l’écriture.
Talent précoce
Elle avait commencé à
écrire très tôt, en 1931, à l’âge de onze ans. L’ambiance
délétère de sa famille, entre un père opiomane et une mère
longtemps absente, avait contribué à faire d’elle une enfant peu
bavarde et solitaire, qui oubliait souvent livres et cahiers et
négligeait ses devoirs, mais possédait un talent littéraire hors
du commun que l’école encouragea et développa.
A la fin de l’année
1932, sa première œuvre parut dans le journal de l’école dont le
titre était tout un programme :
《凤藻》fèngzǎo,
les
ornements de style du phénix. C’était une nouvelle qui
s’appelait ‘la malheureuse’ (《不幸的她》)
et était
accompagnée de quelques mots expliquant que l’auteur était une
élève de douze ans du premier cycle, ce qui n’était pas évident
à première lecture, témoin cet extrait :
“人生聚散,本是常事,我们总有藏着泪珠撒手的一天!”
Si l’existence
humaine est incertaine, elle a en fait une constante,
il arrive
forcément un jour où il nous faut passer la main en cachant nos
larmes !
Dans ce même journal,
elle publia ensuite des essais, dont un, encore une fois, sur un
sujet peu courant chez une élève d’une quinzaine d’année, le crépuscule et la vieillesse (《迟暮》),
et, en 1937, un article sur « les progrès du dessin animé » (《论卡通画之前途》).
Dans un
autre journal publié par les élèves, elle publia encore une
nouvelle sur un thème pastoral, « Le bœuf » (《牛》), et même
une nouvelle sur un sujet historique classique, immortalisé
depuis par Chen Kaige dans un film éponyme traduit par « Adieu
ma concubine » (《霸王别姬》) :
dans cette nouvelle,
elle
tenta de faire une synthèse du style classique chinois et des
techniques modernes d’analyse psychologique occidentale qui
lui valut l’admiration de son professeur…
Lors de son séjour à
Hong Kong, elle publia, dans la revue ‘le vent de l’ouest’ (《西风》),
une courte
nouvelle intitulée « Mon rêve de talent » (《我的天才梦》) dans
laquelle elle écrit :
“我是一个古怪的女孩,从小被目为天才,除了发展我的天才外别无生存的目标。”
Je suis une enfant peu ordinaire, depuis
toute petite je suis considérée comme douée, et n’ai eu d’autre
but que de développer ces dons.
A son retour à
Shanghai, tout cela va porter ses fruits et elle va devenir en
très peu de temps l’écrivain en vue et à la mode, un écrivain
apolitique, dont les écrits, comme en apesanteur, font du
conflit qui fait rage un simple fond de décor accidentel pour
des histoires d’amour douces-amères.
Écrivaine renommée, déjà, à vingt trois ans
Zhou Shoujuan
(周瘦鹃) |
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A Shanghai, après avoir
abandonné l’espoir de terminer ses études, elle gagna sa vie en
écrivant pour diverses revues : une revue anglaise pour laquelle
elle rédigea des critiques de théâtre et de cinéma, et deux
revues de mode, également en anglais : « le 20ème siècle » (《二十世纪》)
et « Chinese Life and
Fashion » (《中国的生活与服装》).
C’est en 1943 que sa
carrière prit brusquement une autre dimension, grâce à une
heureuse rencontre : celle d’un important éditeur de Shanghai à
l’époque : Zhou Shoujuan (周瘦鹃).
Il fut longtemps dédaigné pour avoir appartenu au mouvement
littéraire post-1911 dit des « canards mandarins et papillons »
(《鸳鸯蝴蝶派》),
connu pour ses
romans d’amour d’un sentimentalisme larmoyant ; il fut toutefois
aussi un traducteur qui non seulement fit connaître nombre
d’œuvres étrangères en Chine, mais contribua aussi à y
introduire les procédés
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narratifs modernes.
C’était, dit-on, un écrivain dont on avait parfois du mal à
savoir si ce qu’il écrivait était de sa plume ou traduit, mais
c’était un cas plus général qu’on pourrait le penser, en une
époque où les traductions avaient tendance à prendre des
tournures très chinoises et les écrits chinois à emprunter des
accents étrangers.
Il éditait un magazine populaire appelé « Violette » (《紫罗兰》), faisant
de cette fleur l’emblème de la femme moderne et, partant, d’une
nouvelle littérature populaire dans la lignée du meilleur
haipai.
Zhang Ailing y publia ses premiers textes de la décennie,
ces années quarante qui marquent, déjà, l’apogée de son talent.
Cela la rendit immensément populaire, mais eut aussi l’effet
inverse de la dévaloriser aux yeux des critiques pendant
longtemps, jusqu’à ce que tout le mouvement soit reconsidéré, à
partir de la fin des années 1980. Zhou Shoujuan lui-même fut
assassiné par des Gardes rouges en 1968.
Dès 1943, Zhang Ailing
publia dans sa revue, en épisodes successifs, deux nouvelles en
forme
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« Violette »
(《紫罗兰》) |
de diptyque qui ont
Hong Kong pour cadre :
« Deux
brûle-parfums »
(《沉香屑:第一炉香/第二炉香》),
qui préfigurent les nouvelles qui vont suivre :
« Les tuiles vernissées »
(《琉璃瓦》),
« Bouclage » (《封锁》),
« Changement de tenue » (《更衣记》), « Thé au
jasmin » (《茉莉香片》),
mais surtout
deux de ses chefs d’œuvre : le premier connu sous son titre
anglais
« Love in a Fallen City » (《倾城之恋》) et le
second « La Cangue d’or »
(《金锁记》).
1.
« Love in a Fallen City »,
courte nouvelle qui se passe à Hong Kong juste avant que la
ville tombe aux mains des Japonais, rappelle la première partie
d’« Encens de bois d’aloès ». Une jeune Shanghaienne qui vient
de divorcer, Bai Liusu (白流苏),
accablée par les critiques et reproches de sa famille pour
laquelle son divorce est une honte, vit des moments difficiles
qui la rendent méfiante envers toute nouvelle relation. Un riche
homme d’affaires de Hong Hong de passage à Shanghai, Fan Liuyuan
(范柳原),
célibataire enjoué et sympathique, la rencontre par hasard et
tente en vain de faire sa conquête.
Bai Liusu, cependant,
pour échapper au climat oppressant de son environnement
familial, décide sur un coup de tête de partir le voir à Hong
Kong. La rencontre n’est pas fructueuse, mais, lorsque les
Japonais commencent à bombarder la ville, Fan Liuyuan revient
protéger la jeune femme, et la guerre, finalement, les
rapproche.
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« Love in a fallen city »
(《倾城之恋》) |
la pièce de théatre
(mise en scène d’Ann Hui) |
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C’est une nouvelle qui
a tout de suite eu un immense succès. Zhang Ailing y dépeint un
personnage féminin meurtri par un premier mariage désastreux, au
bord du désespoir, évidemment inspiré de la situation familiale
qu’elle-même a vécue dans son enfance et sa jeunesse. Par
ailleurs, la guerre n’est pas ici une catastrophe, mais un
événement salvateur. Dans la Shanghai des années quarante,
occupée par les Japonais dont les bombardements avaient fait des
milliers de morts, la nouvelle apparaissait comme un pied de nez
à l’histoire, ce qui contribua certainement à son succès.
Avec la redécouverte de
Zhang Ailing dans les années 1980 à Hong Kong, la nouvelle a
connu une nouvelle vogue avec l’adaptation cinématographique
qu’en a faite en 1984 la réalisatrice Ann Hui (许鞍华)
qui a
soigneusement préservé le caractère incident de la guerre dans
l’histoire et l’atmosphère de la nouvelle. |
2. « La Cangue d’or »
(《金锁记》)
reprend le
schéma classique des grandes sagas familiales de la littérature
chinoise, dans le genre du « Rêve dans le pavillon rouge »
qu’elle aimait tant, mais en en subvertissant et le style et le
ton :
le personnage principal est ici féminin, une femme que son
mariage a rendue amère et cruelle.
Cao Qiqiao (曹七巧)
a été mariée toute jeune à un marchand d’huile de sésame, riche
mais tuberculeux. De statut inférieur, elle devient le
souffre-douleur de la famille de son mari. Lorsque celui-ci
meurt, elle devient riche à son tour, mais ses années de
souffrance ont altéré son caractère. Elle a été amoureuse de son
beau-frère, un vaurien fini, et, en luttant contre cet amour, a
fini par se fermer à tout sentiment humain, à s’enfermer dans la
cangue d’or du titre. Elle est ainsi devenue
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« La cangue d’or »
(《金锁记》) |
froide et cruelle,
même, ou plutôt surtout, envers ses enfants, et en particulier
envers sa fille dont elle fait échouer le mariage avec une sorte
de plaisir morbide et auto-destructeur.
Toute trace de
sentiment a disparu dans ce roman, reste un monde froid,
impitoyable, qui fait frémir plutôt que pleurer, sauf,
furtivement, à la toute fin du roman, lorsque, enfermée dans sa
folie solitaire, avec pour toute compagnie sa pipe d’opium,
Qiqiao songe à son passé au moment de s’endormir :
"七巧似睡非睡横在烟铺上。三十年来她戴着黄金的枷。她用那沉重的枷角劈杀了几个人,没死的也送了半条命。她知道她儿子女儿恨毒了她,她婆家的人恨她,她娘家的人恨她。…
« Qiqiao était étendue, à demi endormie, près de sa pipe d’opium. Cela
faisait trente ans, maintenant, qu’elle portait sa cangue d’or.
Avec les lourds coins de cette cangue, elle avait tué plusieurs
personnes, et celles qui restaient n’étaient qu’à moitié
vivantes… »
(elle est consciente que toutes ces personnes, toute sa famille, la
détestent - elle remonte alors jusqu’en haut du bras le bracelet
de jade trop large pour son poignet desséché, en se remémorant
au passage la beauté de ses bras quand elle était jeune, à
laquelle elle-même n’arrive plus à croire…)
七巧挪了挪头底下的荷叶边小洋枕,射上脸去揉擦了一下,那一面的一滴眼泪她就懒怠去揩拭,由它挂在腮上,渐渐自己干了。"
Qiqiao redressa le petit oreiller de style occidental, avec des feuilles
de lotus sur les bords, sur lequel était posée sa tête, et, y
enfonçant son visage, le caressa d’une joue ; sur l’autre resta
accrochée une larme qu’elle se sentit trop lasse pour essuyer,
et qui, peu à peu, y sécha d’elle-même… »
C’est un personnage
perverti par le malheur, qui rappelle celui de
« Thé au jasmin » (《茉莉香片》),
l’une des nouvelles publiées en 1943. Ce Yan Chuanqing (聂传庆)
est
obsédé par l’idée que son professeur aurait pu être son père car
il avait autrefois été le tuteur de sa mère et l’avait aimée,
mais les différences de conditions sociales l’avaient empêché de
l’épouser ; cette obsession devient réellement maladive, comme
une sorte de complexe freudien exacerbé, et le rend cruel, en
retour, avec la fille du professeur, Yan Danzhu (言丹朱),
qu’il prend un mauvais plaisir à faire souffrir puisque, dans
son esprit, si le professeur avait pu se marier avec sa mère,
c’est lui qui aurait été son fils, et il n’y aurait pas eu de
Danzhu…
C’est ce même univers
malsain qui est poussé encore plus loin dans « La Cangue d’or »,
justifiant les qualificatifs de 凄凉qīliáng
et
苍凉cāngliáng,
sombre et désolé, que Zhang Ailing affectionnait
particulièrement. On est aux antipodes de la ‘littérature de
boudoir’ à laquelle on l’a longtemps assimilée.
« La Cangue d’or » est
sans doute son plus grand chef d’œuvre. Elle devait elle-même
lui accorder une importance particulière puisqu’elle l’a
personnellement traduite en anglais dès 1955, une fois installée
aux Etats-Unis. Récemment, l’œuvre a fait l’objet d’adaptations
au théâtre et à l’opéra qui contribuent à lui donner le
caractère immémorial des grands chefs d’œuvre classiques.
a) Une
pièce adaptée du roman a une première fois été mise en scène à
Shanghai en 1945. Mais, en 2004,
Wang
Anyi
(王安忆)
en écrivit un autre livret,
ce qui
montre bien l’admiration qu’elle porte à l’œuvre. La pièce a été
alors été montée par la réalisatrice Huang Shuqin
(黄蜀芹)
au Centre d’Art dramatique de Shanghai. Puis, fin 2009, elle fut
donnée à Hong Kong, dans une mise en scène d’Ann Hui, beaucoup
plus moderne, donnant à l’œuvre une tonalité très actuelle. |
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l’opéra : la scène du jeu de mahjong,
avec la chanteuse Wei Hai-min
(魏海敏) |
b) Quant
à l’opéra, conçu par la dramaturge taiwanaise Wang Anqi (王安祈)
et Zhao
Xuejun (赵雪君)
en incorporant à l’histoire de « La Cangue d’or » des éléments
d’une autre nouvelle, ultérieure, de Zhang Ailing,
c’est une pièce
d’avant-garde dans le style de l’opéra de Pékin, créée en 2008
par la compagnie Guoguang de Taiwan (国立国光剧团),
et qui a été donnée en juin dernier (2010) à Shanghai. L’opéra
met l’accent sur la peinture des caractères, et inclut des
scènes qu’on n’avait jamais vues à l’opéra de Pékin, dont une
scène de mahjong qu’on dirait tout droit sortie des « Fleurs de
Shanghai » de Hou Hsiao-hsien, le bruit caractéristique des
pièces de mahjong venant rythmer la partition musicale dans
laquelle il est intégré.
C’est bien une résurgence de l’esprit
haipai,
pérennisé en le
modernisant.
Grand chef d’œuvre
classique, « La Cangue d’or », tout comme les nouvelles écrites
par Zhang Ailing au même moment, reflète à la fois
l’extraordinaire maturité littéraire d’une jeune femme qui avait
juste vingt trois ans quand elle les a écrits, et l’univers
personnel, sombre et torturé, qui était le sien, donnant à son
existence un sentiment tragique que son mariage allait accentuer
encore.
Mariage tragique, période pourtant féconde
Mariage et divorce
Hu Lancheng
(胡兰成) |
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Zhang Ailing a
rencontré son premier mari, Hu Lancheng (胡兰成),
en 1943, justement : elle avait donc vingt trois ans, et lui
trente sept. Hu Lancheng était marié, pour la troisième fois.
Ils se marièrent l’année suivante dans la plus stricte
intimité ; Fatima Mohideen était la seule amie aux côtés de
Zhang Ailing en la circonstance.
Hu Lancheng était un
personnage ambitieux, séducteur et trouble, écrivain et
calligraphe de quelque renom, mais un ‘traître’ qui se rangea
aux côtés de Wang Jingwei (汪精卫),
cet
ancien révolutionnaire, un temps rival de Chang Kai-chek au sein
du Guomingdang, mais qui préféra collaborer avec les Japonais
qui l’installèrent à Wuhan à la tête d’un gouvernement fantoche.
Hu Lancheng y accepta la charge de ministre de la Propagande,
avec la responsabilité d’éditer le journal ‘Dachu bao’ (《大楚报》),
une tentative
des
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Japonais de se
rattacher symboliquement à la gloire de l’ancien Etat
irrédentiste de Chu, au temps des Royaumes combattants, pour
asseoir leur légitimité.
Hu Lancheng partit donc
à Wuhan après son mariage, et là, séduisit une jeune infirmière
de dix sept ans, Zhou Xunde (周训德),
qui alla vivre avec lui. En 1945, cependant, après la défaite du
Japon, la mort de Wang Jingwei et la capitulation de ses
commandants qui se rendirent au Guomingdang, Hu Lancheng
s’enfuit et se cacha à Wenzhou sous un nom d’emprunt. Il
séduisit là encore une autre femme, Fan Xiumei (范秀美) :
elle avait une quarantaine d’années, n’avait pour tout bagage
qu’un diplôme de l’école locale de sériciculture, mais lui
offrait la sécurité d’une vie de couple.
Zhang Ailing retrouva
ses traces et vint lui rendre visite, ce qui fut l’épreuve la
plus humiliante de toute son existence. Hu Lancheng lui fit
nettement entendre qu’elle constituait pour lui un chapitre
clos ; il n’accepta même pas de choisir entre elle et la jeune
infirmière de Wuhan, qui était alors en prison et que, de toute
évidence, il ne reverrait jamais. Zhang Ailing revint en pleurs
à Shanghai, et ils divorcèrent en 1947.
Les biographies de
Zhang Ailing s’arrêtent en général là, concernant Hu Lancheng.
Cependant, il réussit à fuir au Japon où, pendant les années
1950 et 1960, il poursuivit sa carrière d’écrivain et de
conférencier. Il eut le cran de publier ses mémoires, « This
World, These Times » (《今生今世》), plaçant Zhang Ailing au milieu
des huit autres femmes de sa vie, sans distinction ni
hiérarchie, et donnant une description détaillée de la rencontre
de Wenzhou. |
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Mémoires de Hu Lancheng |
Le personnage n’aurait
en soi guère d’intérêt au-delà de cet épisode biographique, s’il
n’avait partiellement fourni à Zhang Ailing l’inspiration à la
base de sa nouvelle
« Lust.Caution »
,
et s’il n’avait ensuite poursuivi l’écrivain de son ombre durant
des années, jusqu’à sa mort, contribuant à susciter d’autres
controverses par la suite.
Publications
En attendant, ces
années ne marquent même pas un creux dans la production
littéraire de Zhang Ailing. Elle publie, en 1944, un premier
recueil de ses nouvelles de 1943, sous le titre de « Légendes »
(《传奇》), recueil réédité en 1947 avec quelques ajouts, puis fait
paraître toute
une série d’essais et de nouvelles dans ses revues habituelles,
dont
« Rose rouge et rose blanche »
(《红玫瑰与白玫瑰》)
qui sera adaptée
au cinéma par Stanley Kwan en 1994 : les deux roses en question
sont deux femmes dont s’est épris un homme, l’une éblouissante
et prête à tout abandonner pour lui, l’autre d’une fade beauté
qu’il préfèrera cependant pour se marier, pour plus de sûreté,
et en parfait accord avec la tradition …
1950-1951 : Œuvres reniées et remaniées
Après son divorce, en
1948, Zhang Ailing se remet à écrire. En 1950, elle publie sa
nouvelle
« Lust.Caution »
(《色、戒》),
désormais célèbre, où se profile l’ombre de Hu Lancheng. Mais
l’avènement de la « Chine nouvelle » entraîne un infléchissement
dans son œuvre. Dans les années 1950-1951, elle publie dans une
revue de Shanghai un roman et une nouvelle "de taille moyenne"
dont les chapitres conclusifs épousent l’idéologie nouvelle.
Ils reflètent en effet
l’atmosphère de la « Libération » : les premières années du
régime communiste ne sont pas seulement marquées par la réforme
agraire et les campagnes contre les contre-révolutionnaires,
mais aussi par la mise au pas des intellectuels et artistes.
Certains écrivains cessent d’écrire, d’autres tentent de
continuer comme ils peuvent… Zhang Ailing est de ceux-ci.
Tombés dans l’oubli,
ces écrits seront exhumés et réédités plus tard à Hong Kong et
Taiwan sans son accord ; elle va alors les remanier pour les
publier dans des versions d’où elle aura expurgé les passages
relevant des circonstances particulières de l’époque.
1. « Dix-huit
printemps »
« Dix-huit printemps »
(《十八春》)
a été publié à Shanghai en épisodes séparés dans la revue
Yibao (《亦报》),
en 1950-51. C’est le premier véritable roman (长篇小说)
de Zhang Ailing, mais publié sous le pseudonyme Liang Jing (梁京),
signe que, déjà alors, elle ne le reconnaissait pas comme digne
de paraître sous son nom.
L’histoire se passe
dans la Shanghai des années 1930. Gu Manzhen (顾曼桢)
a perdu son père très jeune ; c’est sa sœur aînée, Manlu (曼璐),
qui a alors subvenu aux besoins de la famille, en travaillant
comme hôtesse dans un night-club. Manzhen a ainsi pu continuer
ses études et devenir secrétaire dans une usine.
Elle y retrouve deux
anciens camarades de classe et tombe amoureuse de l’un d’eux, le
plus introverti, Shen Shijun (沈世钧) ;
fils d’une riche famille de Nankin, il est
|
|
« Dix huit printemps »
(《十八春》) |
venu travailler à
Shanghai car il ne veut pas de l’héritage paternel. La famille,
cependant, voit cette liaison d’un mauvais œil, à cause de la
mauvaise réputation de Manlu, et poussent Shijun à se marier
avec une cousine. Son père étant tombé gravement malade,
celui-ci est rappelé à Nankin, et accepte de reprendre les
affaires de son père, par piété filiale. Manzhen se dispute avec
lui et ils se séparent.
Manlu, de son côté,
décide d’épouser un richissime client de son night-club, Zhu
Hongcai (祝鸿财) ;
mais, comme elle ne peut lui donner d’enfant et qu’il a un
penchant pour Manzhen, elle la fait venir, l’enferme dans la
maison, et l’offre à Zhu Hongcai qui la viole un soir qu’il
rentre ivre. Emprisonnée et enceinte, Manzhen ne peut contacter
Shijun qui, ayant été faussement informé par Manlu qu’elle s’est
mariée et se croyant trahi, part à Nankin et épouse sa cousine.
Après l’accouchement, Manzhen s’évade de l’hôpital en laissant
l’enfant à sa sœur et part dans une autre ville où elle devient
institutrice.
Trois ans plus tard,
très malade, Manlu réussit à retrouver sa sœur pour lui demander
de la pardonner, et surtout de s’occuper de l’enfant à sa mort.
Manzhen reste alors avec Zhu Hongcai, pour élever son fils.
Dix-huit ans plus tart, après la Libération, elle
rencontre Shijun par hasard. Conscient qu’ils ne peuvent revenir
sur le passé, ils décident de regarder vers l’avenir et de
partir dans le Nord-Est travailler à la reconstruction du pays.
Pour éviter de rester seule, l’épouse de Shijun accepte de
partir avec eux…
2. « Xiao Ai »
La nouvelle "de taille
moyenne" (中篇小说)
« Xiao Ai » (《小艾》)
a été
publiée dans le même
Yibao (《亦报》),
du 4 novembre 1951 au 14 janvier 1952. L’atmosphère du début
est celui, sombre et cruel, de la « Cangue d’or », mais la fin
apporte une note d’espoir totalement inhabituelle chez Zhang
Ailing, reflétant l’esprit de la « Libération ».
Xiao Ai a été vendue
toute jeune pour devenir la servante d’une femme que son mari ne
supporte pas et qui, méprisée et rejetée par la famille, reporte
sa hargne sur les serviteurs autour d’elle. Comme Manlu dans
« Dix-huit printemps », c’est une consœur de Cao Qiqiao (曹七巧),
comme elle aigrie par la vie. Xiao Ai est sa chose et son
souffre-douleur. Ayant été violée par le mari, elle est
violemment battue, par sa maîtresse aidée d’une concubine ; elle
fait fausse couche, perd beaucoup de sang, et, n’étant pas
soignée tombe malade. |
|
« The Rice-Sprout
Song » |
Son mari s’occupe
d’elle avec amour, elle récupère un peu mais ne peut plus avoir
d’enfant. C’est à la Libération qu’elle va enfin être soignée ;
elle guérit, trouve du travail dans un petit atelier où règne
une ambiance chaleureuse, et finit même par avoir un enfant….
3. Remaniements et
rééditions
Zhang Ailing a par la
suite désavoué ces deux œuvres et n’a donné son accord à leur
réédition qu’après les avoir révisées.
- Elle a commencé par
« Dix-huit printemps » (《十八春》),
en 1966 ; rebaptisé « Amour de la moitié d’une existence » (《半生緣》),
le roman
a été publié en 1969 dans cette nouvelle version qui comporte
plusieurs différences essentielles avec l’original, la première
étant que la durée de séparation de Manzhen et Shijun est
réduite à quatorze ans ; ceci signifie que la fin ne se passe
plus après la Libération, mais après la guerre.
Par conséquent,
l’atmosphère n’est plus celle, triomphante, des débuts de la
Chine nouvelle, mais celle, encore sombre, de la fin de la
guerre. Lorsque Manzhen et Shijun se rencontrent, ils ne peuvent
que constater qu’ils ont été victimes de leurs familles
respectives, mais qu’ils sont bien obligés d’accepter les choses
telles qu’elles sont. Il n’est pas question de partir dans le
Dongbei ni d’espoir en l’avenir, car, si la guerre contre le
Japon est finie, la guerre civile ne l’est pas : nous sommes
bien dans l’univers de Zhang Ailing.
- Quant à « Xiao Ai »,
la nouvelle était totalement oubliée lorsqu’elle a été retrouvée
par hasard en octobre 1986 par un professeur spécialiste de
Zhang Ailing, Chen Zishan (陈子善),
qui faisait des recherches sur tout autre chose. Il a publié la
nouvelle en 1987 dans le Ming Pao (《明报月刊》)
à Hong Kong et le Lianhe Bao (《联合报》)
à Taiwan, où elle sera ensuite publiée par les éditions
Huangguan (皇冠出版社),
le tout sous le nom de la romancière et non sous le pseudonyme
de Liang Jing.
Quand Zhang Ailing
apprend cela, furieuse, elle intente un procès à l’éditeur
taiwanais qui se termine par un accord à l’amiable. Sur quoi
elle révise la nouvelle comme elle avait fait pour le roman, en
supprimant les chapitres finaux et en les remplaçant par une fin
plus conforme à ses propres exigences littéraires : Xiao Ai
adopte l’enfant d’une femme qui a déjà quatre enfants et ne
pourrait en nourrir un cinquième.
Mais le roman comme la
nouvelle montrent bien les tensions auxquelles étaient soumis
les écrivains.
Départ pour Hong Kong
Le climat s’alourdit
peu à peu. Dès l’été 1950, et surtout du printemps à la fin de
1951, est engagée la campagne « de réforme de la pensée » (思想改造),
d’abord dans les établissements scolaires, puis dans le secteur
culturel dans son ensemble. Quand elle se termine, début 1952,
le pouvoir central contrôle l’ensemble du secteur éducatif et
des moyens d’expression, dont la presse et l’édition. Le
politique influant désormais sur le littéraire, Zhang Ailing est
muselée. Alors finalement, elle part pour Hong Kong, au
printemps 1952.
Elle est embauchée
comme traductrice par le Service d’information américain, et
travaille pour le journal « The World Today » (《今日世界》) où
paraissent ses écrits : le recueil de ses nouvelles déjà publié
à Shanghai, des traductions (dont celle du livre d’Hemingway
« le vieil homme et la mer »), mais surtout deux nouveaux
romans, écrits en anglais, dont on dit qu’ils auraient été
commissionnés par les Américains tellement ils sont
anti-communistes :
« The Rice-Sprout Song » (《秧歌》)
et « The Naked Earth » (《赤地之恋》,
littéralement « l’amour dans le pays rouge »)
parus en
1954 et en 1955.
Le premier,
« The Rice-Sprout
Song », le plus connu des deux, est une autre saga où Zhang
Ailing dépeint l’absurdité du mouvement de réforme agraire du
début des années 1950, dans un petit village près de Shanghai.
Contrairement aux espoirs des paysans, la redistribution des
terres ne signifie pas la fin de la misère et de la faim ;
l’absurdité idéologique et administrative, autant que les
désastres naturels, fait au contraire planer la menace de la
famine. « The Rice-Sprout Song » est l’envers du discours
triomphaliste communiste, mais sans tomber dans l’idéologie.
Zhang Ailing garde le ton humain qui est le sien pour conter une
autre de ses tragédies où le politique est un facteur incident
comme la guerre auparavant ; ce qu’elle décrit, c’est la
souffrance humaine qui en résulte.
« The Naked Earth »
est plus complexe et peut-être plus démonstratif ; on sent le
désir de Zhang Ailing de témoigner de ce qu’elle a vu et entendu
en Chine avant
d’en partir, mais le roman garde la qualité d’écriture des
|
|
« The Rice-Sprout
Song » |
œuvres précédentes. Il reprend l’histoire au moment de la
réforme agraire, pour continuer par la campagne des « Trois
Anti » (anti-corruption,
anti-gaspillage, anti-bureaucratie) et le mouvement
« Résister à l’Amérique et aider la Corée » au moment de la
guerre de Corée. L’idée développée ici est que les communistes
ont commis une triple trahison dès les premiers moments du
régime : trahison des paysans, trahison des étudiants et
intellectuels qui les avait soutenus avec enthousiasme et
trahison du commun des fidèles qui avaient placé en eux leurs
espoirs. Finalement, les seuls capables de survivre dans ces
conditions sont ceux qui ont accepté ces trahisons, s’en sont
accommodé et ont perdu une part de leur humanité au passage.
Ce n’est cependant pas
une thèse, mais un roman, qui a son lot typique d’histoires
d’amour, mais qui garde aussi l’imagerie propre à Zhang Ailing,
en particulier dans les métaphores de la nature.
Ces deux livres, le
premier surtout, ont fait de Zhang Ailing une idole à Taiwan, où
elle a commencé à être connue dès 1956, mais ils lui enlevaient
tout espoir de revenir à Shanghai, si elle y pensait encore. Un
jour d’automne 1955, elle s’embarqua sur le paquebot ‘President
Cleveland’, pour un voyage sans retour à destination des
Etats-Unis.
Elle avait trente cinq
ans et avait écrit ses plus belles pages.
Exilée solitaire
Zhang Ailing et Ferdinand Reyher |
|
Le reste n’est plus que
le dénouement du roman de sa vie. Elle s’installa dans le New
Hamspshire et, en août 1956, se remaria avec l’écrivain
Ferdinand Reyher, après une fausse couche, ou un avortement,
plus probablement, Reyher lui ayant dit ne pas vouloir d’enfant.
Ami de Bertolt Brecht, scénariste influent en contact avec le
milieu du cinéma, Reyher avait tout pour la fasciner. Mais il
avait vingt neuf ans de plus qu’elle ; après une série
d’attaques, il resta paralysé et mourut en octobre 1967.
Zhang Ailing est
devenue citoyenne américaine en 1960. Après la mort de Reyher,
elle obtint un poste au Radcliffe College, puis partit
travailler à l’université de Californie à Berkeley en 1969, où
elle resta jusqu’en 1972, menant une vie de plus en plus recluse
et solitaire, refusant même de recevoir les éditeurs qui se
pressaient à
|
sa porte. Même son
éditeur de Taiwan communiquait avec elle par fax, devant
attendre parfois plusieurs jours avant d’avoir sa réponse car
elle utilisait un fax d’un supermarché voisin. Même lorsqu’elle
reçut un important prix littéraire à Taiwan, un an avant sa
mort, elle refusa de se déplacer, envoyant à la place quelques
photos d’elle prises dans les années quarante.
Comme Marlene Dietrich,
elle a voulu qu’il ne nous reste d’elle que des photos de ses
années de gloire, quand elle était non seulement un écrivain en
vue, mais une égérie à la pointe de la mode, dans la Shanghai
cosmopolite et brillante des années de guerre.
Les fleurs de
Shanghai
Elle consacra ses
dernières années à du travail de recherche solitaire, et en
particulier à la traduction en mandarin du roman de Han Bangqing
(韩邦庆) écrit
en langue de wu (吴语)
à la fin du dix-neuvième siècle, « La biographie des fleurs
de Shanghai » (《海上花列传》) :
hommage à celui
qui fut le précurseur du haipai littéraire et en lequel
elle reconnaissait ainsi implicitement un maître.
Sa traduction de la
majeure partie du texte fut publiée en 1983, mais elle
travaillait en même temps à la traduction en anglais. Les deux
premiers chapitres – sur soixante-quatre - furent publiés à Hong
Kong, dans le journal Renditions, en 1982. Mais elle n’en
parla plus, donnant l’impression qu’elle avait abandonné le
travail. A sa mort, tout le monde pensait que le manuscrit était
perdu.
Il refit cependant
surface de manière inattendue. Après la mort de Zhang Ailing, en
1997, un professeur de l’université de Californie du Sud,
Dominic Cheung, voulut faire une exposition en mémoire de la
romancière.
Il demanda donc une
sélection de manuscrits à l’écrivain et traducteur Stephen C.
Soon, fondateur et rédacteur en chef de Renditions, qui
était devenu, avec son épouse Mae Soong, le légataire
testamentaire de la romancière.
Parmi la masse de
documents alors exhumés figurait une boîte de manuscrits en
anglais, dont le texte sembla d’abord obscur, mais qui, après
recherche, s’avéra être celui de la traduction en anglais que
l’on croyait perdue : « The Sing Song Girls of Shanghai ».
Mais seuls les deux premiers chapitres avaient été révisés, et
encore il y en avait deux versions. Il fallait donc faire tout
un travail de révision avant de pouvoir l’éditer.
Ce fut confié à Eva
Hung, qui y passa trois ans et qui explique dans une postface
qu’elle y dépensa autant d’énergie que s’il s’était agi d’une
traduction originale. Le livre a finalement été publié en 2005,
aux presses de l’université de Columbia, avec une préface de
David Der-wei Wang d’où sont tirés les détails précédents.
Zhang Ailing avait elle-même, en 1981, manifesté l’intention que
sa traduction soit publiée là – c’était l’université où
enseignait le professeur C.T. Hsia, le précurseur des études sur
son œuvre (voir note 10) ; elle avait même accepté la proposition d’écrire
une préface, mais sans donner suite ultérieurement.
C’est sur la traduction
du roman en chinois mandarin par Zhang Ailing que s’est appuyée
Chu Tien-Wen (朱天文)
lorsqu’elle a écrit le scénario à la base de l’adaptation cinématographique du roman par Hou Hsiao-Hsien (侯孝贤)
.
Autobiographie
Pendant ses dernières
années, Zhang Ailing a également écrit une autobiographie
qu’elle ne se décida cependant pas à publier de son vivant, et
qu’elle faillit même détruire en 1992 :
« Little Reunion »
(《小团圆》).
Le livre ne fut publié qu’en février 2009 à Hong Kong et Taiwan,
quelques mois plus tard sur le continent.
Zhang Ailing y fait le
point sur Hu Lancheng, et en particulier sur l’autorité qu’il
acquit à Taiwan après
|
|
« Little
reunion »
(《小团圆》) |
1974 : il vint alors
s’y installer et y donner des conférences, à un moment où le
Guomingdang cherchait toute sortes de marques de légitimité
après la reconnaissance de la Chine populaire
L’une des dernières photos publiques
de Zhang Ailing |
|
par le président Nixon. Il dut
finalement en repartir et mourut au Japon, en 1981. Mais, entre
temps, il s’était constitué tout un cénacle de disciples qui
créèrent même un journal pour lui, en faisant une sorte
d’éminence littéraire qui venait battre en brèche la popularité
de Zhang Ailing.
Nul doute que cela ait contribué à assombrir ses dernières
années.
En septembre 1995, elle
fut trouvée morte dans son appartement de Los Angeles. Cela
faisait près d’une semaine qu’elle était décédée et que sa
propriétaire cherchait désespérément à la joindre au téléphone,
preuve supplémentaire, s’il en fallait, de la solitude dans
laquelle elle vivait.
Selon ses vœux, ses
restes furent incinérés et ses cendres éparpillées dans le
Pacifique. Elle n’a ni descendants ni survivants, et nous laisse
en
|
héritage une oeuvre désormais
reconnue comme appartenant aux grands classiques de la
littérature chinoise.
|
Photos accompagnant l’annonce de sa mort
dans ‘Le quotidien du peuple’ |
|
Addendum : Zhang
Ailing scénariste
Zhang Ailing a écrit
les scénarios de deux films réalisés par Sang Hu (桑弧) :
l’un,
« Un amour sans fin
» (《不了情》),
tourné en 1947, et l’autre, « Vive ma femme ! » (《太太万岁》),
sorti l’année suivante, en 1948, et considéré comme l’un des
meilleurs films de la période.
Sur Sang Hu et Zhang
Ailing, voir :
http://cinemachinois.blogs.allocine.fr/cinemachinois-294615-_la_romance_de_liang_shanbo_et_
zhu_yingtai__de_sang_hu_28_janvier_a_paris_diderot__1.htm
Traductions en
français
par Emmanuelle
Péchenart
- Deux titres aux
éditions Bleu de Chine (couvertures Fabienne Verdier) :
La cangue d’or《金锁记》juillet
2000
Rose
rouge et rose blanche 《红玫瑰与白玫瑰》décembre
2001
- Aux éditions de
l’Aube :
Un amour dévastateur
《倾城之恋》janvier
2005 (réédité en poche en 2008)
- Chez Robert
Laffont :
Lust.Caution《色,戒》
janvier 2008
Traduction rééditée aux
éditions de poche 10/18 en octobre 2009, accompagnée de trois
autres nouvelles parues en 1943 :
-
Bouclage《封锁》
-
La faïencerie《琉璃瓦》
-
Le méridien du cœur《琉璃瓦》
- Aux éditions
Zulma :
Love in a Fallen
City
《倾城之恋》
mars 2014 (texte révisé d’ « Un amour dévastateur »)
Deux brûle-parfums
《沉香屑:第一炉香/第二炉香》
juin 2015
Signalons chez
Calmann-Levy :
Le chant du riz qui
lève (《秧歌》),
traduction de l’anglais d’Emy Molinié, 1958 (actuellement
indisponible, sauf d’occasion)
Adaptations
cinématographiques
Sept adaptations au
cinéma entre 1984 et 2020
1. Une
nouvelle adaptée en 1988 à Taiwan
« Rouge
of the North » (《怨女》),
adaptée par Fred Tan
Texte :
http://www.douban.com/group/topic/13477051/
La nouvelle,
écrite en 1966, est dérivée du chef d’œuvre qu’est « La
Cangue d’or » (《金锁记》),
publié en 1943, soit 23 ans plus tôt : Zhang Ailing y
reprend, en en changeant les noms, les principaux
personnages du roman, en se concentrant plus longuement
sur la vie de sa malheureuse héroïne avant son mariage
et en développant l’histoire de sa relation avec son
beau-frère ainsi que l’histoire de son fils, mais en
supprimant le personnage de sa fille. C’est une œuvre
bien inférieure au roman initial, qui traduit
essentiellement l’état d’esprit de la romancière, alors
âgée de cinquante ans et installée aux Etats-Unis, qui
vit en ressassant ses souvenirs. La yuan nü du
titre (femme pleine de ressentiment, de rancœur), en
fait, c’est elle. |
|
Rouge of the North |
Affiche du film |
|
L’histoire se
passe vers 1910. La femme au centre du récit, ici
appelée Yindi (银娣),
est poussée par sa situation familiale à épouser le
rejeton aveugle et impotent d’une riche famille.
Maltraitée par son mari, sa belle-mère et ses
belles-sœurs, elle se résigne en espérant hériter d’un
peu de la fortune familiale à la mort du malade. Mais
ces espoirs sont anéantis ; elle se retrouve avec un
modeste pécule, dans une situation sans issue… meurtrie
et désespérée, elle devient opiomane et cruelle envers
son entourage, et en particulier envers son fils.
Le film a été
réalisé à Taiwan par Fred Tan (Dan Hanzhang
但汉章),
cinéaste taiwanais, né en 1954 à Taipei, qui a commencé
sa carrière de réalisateur en 1979 comme assistant de
King Hu (胡金铨)
pour « Raining in the
Mountains » (《空山灵雨》) ;
« Rouge of the North » était son troisième film, ce fut
aussi le dernier, il est |
mort deux ans plus tard,
emporté par une maladie soudaine à 41 ans.
Il a dit avoir amèrement regretté de ne pas avoir acheté les droits de
« La cangue d’or », mais que, quand il s’est rendu
compte de son erreur, il était trop tard. Le film se
ressent sans doute de cette désillusion. Son atout
majeur tient dans le jeu de l’actrice qui interprète
le rôle principal de Yindi :
Xia Wenxi (夏文汐),
actrice alors populaire de Hong Kong dont la notoriété
tenait à une série de rôles dans des comédies et mélos
des Shaw Brothers des années 1980. |
|
Photo du film |
2. Trois adaptations par Ann Hui et une par Stanley Kwan
La réalisatrice
Ann Hui (许鞍华)
a toujours occupé une place à part dans le cinéma de
Hong Kong, comme son « élève » Stanley Kwan (关锦鹏),
tous deux faisant preuve, en particulier, de la même
sensibilité pour dresser des portraits de femmes et se
jouer des genres prédéfinis. Ce n’est pas un hasard si
on les retrouve tous les deux dans un mouvement
similaire d’empathie avec Zhang Ailing, qui fait de
leurs adaptations de ses œuvres des réussites.
Trois films d’Ann Hui
1984 : « Love in a Fallen City » (《倾城之恋》)
Cette nouvelle
se passe à Shanghai, puis à Hong Kong juste avant que la
ville tombe aux mains des Japonais. Accablée par les
critiques et reproches de sa famille, |
|
Love in a fallen city |
une jeune
Shanghaienne qui vient de divorcer, Bai Liusu (白流苏),
vit des moments
difficiles qui la rendent méfiante envers toute nouvelle
relation. Un riche homme d’affaires de Hong Hong de passage à
Shanghai, Fan Liuyuan (范柳原),
célibataire enjoué et sympathique, la rencontre par hasard, mais
tente en vain de faire sa conquête.
Affiche du film |
|
Bai Liusu,
cependant, pour échapper au climat oppressant de son
environnement familial, mais aussi parce qu’elle a été
touchée par le charme du personnage, décide sur un coup
de tête de partir le voir à Hong Kong, alors même que la
menace japonaise se précise. La rencontre n’est pas
fructueuse, mais, lorsque les Japonais commencent à
bombarder la ville, Fan Liuyuan se rapproche de la jeune
femme pour la protéger, et la guerre, finalement, scelle
leur union.
Avec la
redécouverte de Zhang Ailing dans les années 1980 à Hong
Kong, la nouvelle a connu un regain de popularité avec
l’adaptation cinématographique qu’en a faite Ann Hui,
qui préserve soigneusement le caractère incident qu’a la
guerre dans la nouvelle, ainsi que l’atmosphère créée
par la romancière et l’accent mis sur la tension
relationnelle et affective. |
Jamais,
peut-être, film n’aura autant dépendu du choix de ses
acteurs. Ils sont parfaits : Cora Miao (ou Miu Qianren
缪骞人)
dans le rôle de Bai Liusu, et surtout Chow Yun-fat :
déployant tout son charme (naturel), il est
l’incarnation même de Fan Liuyuan. Ils feront un autre
duo de choc l’année suivante dans le premier long
métrage de… Stanley Kwan, « Women » (《女人心》).
Voir : |
|
Photo du film |
- La
présentation de la nouvelle,
avec extraits (texte original et traduction)
- L’analyse
comparée de la nouvelle et du film :
http://www.chinesemovies.com.fr/films_Xu_Anhua_Love_Fallen_City.htm
1997 : « Eighteen
Springs »
(《半生缘》)
Ann Hui a adapté la
version révisée du roman, celle publiée à Taiwan en 1969.
Voir
:
http://www.chinesemovies.com.fr/films_Xu_Anhua_Ann_Hui_Eighteen_Springs.htm
2020 : « Love After
Love » (《第一炉香》)
Une adaptation
par Stanley Kwan
1994 : « Red Rose
and White Rose » (《红玫瑰与白玫瑰》)
Voir l’analyse comparée
de la nouvelle et du film :
http://www.chinese-shortstories.com/
Adaptations_cinematographiques_ZhangAiling_Rose_rouge_et_Rose_blanche.htm
3. Une
adaptation par Ang Lee
2007 :
« Lust.Caution »
(《色,戒》)
Voir l’analyse de la
nouvelle :
http://www.chinese-shortstories.com/Nouvelles_de_a_z_ZhangAiling_Lust_Caution.htm
Et l’analyse comparée
de la nouvelle et du film :
http://www.chinese-shortstories.com/Adaptations%20cinematographiques_Lust_Caution_
d_AngLee.htm
A lire en complément
:
Textes et
nouvelles
« Bouclage » 《封锁》
« Lust.Caution » 《色•戒》
« Adieu ma concubine » 《霸王别姬》
« Deux brûle-parfums » 《沉香屑》
« Love in a Fallen city » 《倾城之恋》(extraits)
« Avec le dessin d’une
galette » : un texte de « culture culinaire », traduction avec
texte original, présentation et notes explicatives publiée dans
le 5ème numéro de la revue en ligne
Impressions d'Extrême-Orient :
http://ideo.revues.org/433
Actualités complémentaires :
« Naked
Earth » de Zhang Ailing publié pour la première foisaux
Etats-Unis
Duo Zhang
Ailing/Stanley Kwan à Paris Diderot vendredi 24 juin
Sortie d'un troisième roman
autobiographique de Zhang Ailing : The Book of Change
« Deux Brûle-parfums », aux éditions
Zulma : premières nouvelles de Zhang Ailing
Bibliographie
Eileen Chang:
Romancing Languages, Cultures and Genres,
illustrated ed. by Kam Louie, Hong Kong University Press, 2012,
312 p.
1/
Romancing Returnee Men: Masculinity in “Love in a Fallen City”
and “Red Rose, White Rose”
(pp. 15-32), Kam Louie
2/
From Page to Stage: Cultural “In-betweenness” in (New) Love in a
Fallen City
(pp. 33-48), Jessica Tsui Yan Li
3/ Eileen Chang and Things Japanese (pp.
49-72), Nicole Huang
4/ The Ordinary Fashion Show: Eileen Chang’s Profane
Illumination and Mnemonic Art (pp.
73-90), Esther M. K. Cheung
5/ Betrayal, Impersonation, and Bilingualism: Eileen Chang’s
Self-Translation (pp.
91-112), Shuang Shen
6/ Eileen Chang, Dream of the Red Chamber, and the Cold War (pp.
113-130), Xiaojue Wang
7/ Eileen Chang and Ang Lee at the Movies: The Cinematic
Politics of Lust, Caution (pp.
131-154), Gina Marchetti
8/ Seduction of a Filmic Romance: Eileen Chang and Ang Lee (pp.
155-176), Hsiu-Chuang Deppman
9/ “A Person of Weak Affect”: Toward an Ethics of Other
|
|
Eileen Chang: Romancing Languages,
Cultures and Genres |
in Eileen Chang’s Little Reunion (pp.
177-192), Laikwan Pang
[In
the above extract from her autobiographical novel Little
Reunion (小團
圓,
2009), Eileen Chang describes the book’s protagonist, Julie
Sheng (Sheng Jiuli)— Chang’s literary alter ego—as someone who
is not duochou shangan (多愁善感,
sentimental). “Chou” means sorrow, worry, and apprehension, and duochou
shangan literally means “prone to sorrow.” The term is often
used to describe women who are oversentimental about nature,
people, and events around them. Duochou shangan has an
implicit gender tag, and clearly implies excess, as well as
bearing the negative connotations of ignorance and indulgence.]
10/
Romancing Rhetoricity and Historicity: The Representational
Politics and Poetics of Little Reunion (pp.
193-214), Tze-lan Sang
11/ Madame White, The Book of Change, and Eileen Chang: On a
Poetics of Involution and Derivation (pp.
215-242), David Der-wei Wang
12/ Afterword (pp.
243-248), Leo Ou-fan Lee
Table des matières
détaillée :
https://www.jstor.org/stable/j.ctt1xw9kh
Comme l’a
remarqué sa traductrice Karen Kingsbury : “even Eileen
Chang’s name speaks her dual heritage: a surname linked
to the declining patriarchal world of the late imperial
scholars and statesmen; and a maternally bequeathed,
English-derived given name, with its associations
of modern-style female assertiveness.”
(même le nom
d’Eileen Chang reflète son double héritage, prénom lié
au monde patriarcal en déclin de lettrés et hommes
d’Etat de la fin de l’empire, mais aussi prénom légué
par sa mère, dérivé d’un nom anglais, et associé au
style volontariste de la femme moderne)
La réussite du
film tient pour beaucoup aux deux acteurs principaux :
Cora Miao qui ressemble beaucoup à Zhang Ailing et Chow
Yun-fat dans un rôle de dandy charmeur et ironique où il
fait merveille :
Voir l’analyse
comparée nouvelle-film :
http://www.chinesemovies.com.fr/films_Xu_Anhua_Love_Fallen_City.htm
La nouvelle a
également été adaptée en un feuilleton télévisé de
vingt-cinq épisodes, diffusé sur CCTV début 2009, mais
sans réussir à capter l’esprit très subtil de la
nouvelle.
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