| 
							
							Née en 
							1978, Ren Xiaowen a un temps été présentée comme 
							étant « presque post’80 ». C’était à l’époque de 
							l’engouement pour une jeune génération turbulente et 
							insolente qui faisait la une des publications. 
							Depuis lors, on a redécouvert la 
							
							
							
							génération post’70, 
							plus profonde et pondérée, et Ren Xiaowen y a bien 
							mieux sa place.  
							
							  
							
							Si elle a 
							écrit deux romans, ses nouvelles sont bien plus 
							intéressantes, ainsi que, marque de sa maturité, sa 
							série de portraits incisifs, publiés dans les années 
							2010, qui forment une sorte de Comédie humaine de la 
							Chine moderne.  
							
							  
							
							Ren 
							Xiaowen est l’une des représentantes d’une nouvelle 
							forme narrative en pleine évolution en Chine, née de 
							la tentative de renouveler l’écriture de la fiction 
							en déconstruisant le roman, au-delà de la narration 
							historique. 
							 |  | 
							
							 
							Ren Xiaowen | 
					
					
							
							Certains auteurs 
					optent pour la nouvelle moyenne, Ren Xiaowen est de celles 
					qui partent du roman en disloquant la ligne narrative, 
					éclatée en récits multiples, dans un style de plus en plus 
					épuré qui colle au réel et ne laisse qu’à peine sourdre 
					l’émotion.
					
					
					 
					
					
					Maturation 
					progressive 
					
					
					 
					
					
					Du journalisme 
					à internet
					
					
					 
					
					
					Ren Xiaowen (任晓雯) 
					est née en 1978 à Shanghai, et elle a fait des études de 
					journalisme à l’université Fudan (复旦大学新闻学院).
					
					
					
					 
					
					
					Elle commence à 
					écrire en 1999, sous le pseudonyme de « Moustique » (“蚊子”), 
					sur un forum internet intitulé « Le salon du siècle » (“世纪沙龙”). 
					C’est l’époque des grands succès d’édition de 
					
					
					
					
					
					Han Han (韩寒), 
					de la littérature comme provocation d’adolescent et 
					phénomène de mode, qui passe par Shanghai et par internet. 
					Ren Xiaowen s’en est démarquée, en soulignant que ce n’était 
					pas sa génération. Elle était en fait solitaire, étudiait, 
					écrivait des essais.
					
					
					 
					
					
					En mars 2003, elle 
					publie en feuilleton, sur un site internet de l’université 
					de Pékin, le roman « L’île des imbéciles » ( yúrén dào 
					《愚人岛》) 
					qui a du succès, mais surtout attire l’attention de 
					critiques et professionnels de l’édition comme le rédacteur 
					en chef de la revue Zhongshan (《钟山》) 
					ou l’éditeur (et essayiste) Yang Kui (杨葵) 
					qui travaillait aux éditions de l’Association des écrivains.
					
					
					
					 
					
					
					Mais, deux ans 
					plus tard, elle se « jette dans la mer », en l’occurrence 
					dans le commerce.
					
					
					 
					
					
					Une affaire de 
					thé
					
					
					 
					
					
					En 2005, elle crée 
					une société de commercialisation de thé Pu’er (普洱茶)
					
					
					
					
					
					, 
					et rencontre un net succès en tablant sur la qualité de ses 
					produits. Elle développe son entreprise grâce à une 
					véritable politique de marque, au point que sa notoriété de 
					chef d’entreprise finit par dépasser son renom d’écrivain 
					qui n’était encore que balbutiant.  
					
					
					 
					
					
					En 2006/7, le 
					marché explose sous l’influence de collectionneurs, on crée 
					presque un mythe autour de la "route du thé et des chevaux", 
					il se crée une bulle, des thés de mauvaise qualité inondent 
					le marché. Ren Xiaowen résiste, refuse poliment de nouveaux 
					investisseurs. Un an plus tard, en 2008, la bulle assainie, 
					sa marque continue d’avoir la confiance du marché, ce qui 
					lui permet finalement de la vendre. En un sens, cette 
					politique prudente et sans hyperbole est typique de la 
					philosophie générale de Ren Xiaowen, et représentative de sa 
					vision de la vie.
					
					
					 
					
					
					Elle revient alors 
					vers l’écriture, avec une discipline de travail très 
					stricte : levée à cinq heures du matin, écriture de six 
					heures à dix heures trente, lecture et éventuellement 
					nouvelle page d’écriture en fin de journée, et coucher à 21 
					heures… 
					
					
					 
					
					
					Du roman à 
					la nouvelle 
					
					
					 
					
						
							| 
							
							 
							Elles |  | 
							
							Ren 
							Xiaowen commence par publier un roman, « Elles » 
							(《她们》), 
							qui sort en juin 2008.  Mais c’est en fait une suite 
							de portraits de femmes. Il est structuré en 33 
							chapitres qui retracent les histoires de huit femmes 
							dans la Shanghai des années 1980 et après, de leur 
							jeunesse à leur maturité. Ce n’est cependant pas une 
							simple galerie de portraits, ces vies se recoupent, 
							s’opposent, et dressent un tableau beaucoup moins 
							reluisant que l’image dorée qui est généralement 
							associée à la ville - tableau en demi-teinte où 
							l’Histoire est en filigrane, à lire entre les lignes
							
							
							
							
							
							.
							 
							
							  
							
							Il y a eu
							
							
							renaissance de la culture shanghaïenne à partir des 
							années 1980, mais la ville était terriblement 
							appauvrie. C’est cet aspect de pauvreté qui est 
							dépeint dans le roman, dans une vision réaliste, à 
							l’opposé de la ville décrite par 
							
							
							
							
							Zhang Ailing 
							
							ou 
							
							
							Wang Anyi, 
							mais avec 
					
							des différences selon les périodes. Par exemple, 
							l’une des histoires se passe dans les années 1920, 
							c’est celle d’une réfugiée venue à Shanghai  | 
					
					
					
					
					du Subei ; Ren Xiaowen a 
					fait des recherches dans les archives sur les habitants des 
					taudis de Shanghai, à l’époque. 
					
					
					 
					
					
					Ses ruelles à 
					elles ne sont pas celles chargées d’histoire, de culture 
					locale, et de douce nostalgie, que décrit
					
							
							
							
							Wang Anyi 
					dans le 
					célèbre chapitre introductif de son roman « Le chant des 
					regrets éternels » (《长恨歌》). 
					Ses ruelles sont bien plus prosaïques :
					
					
					 
					
					
					我们走在上海的南京西路上,看到世界最顶级的奢侈品商店,但从商店后面转几个弯,绕到弄堂里去,会发现有人还住破蔽的平房,每天早上出门倒马桶。
					
					
					Aujourd’hui, 
					quand on va se promener dans Nanjing Lu, on voit les 
					magasins de produits de luxe les plus chics du monde entier, 
					mais si l’on va faire un tour dans les ruelles derrière, là 
					il y a encore des gens qui vivent dans des petites maisons 
					basses délabrées et sortent tous les matins vider leurs pots 
					de chambre….
					
					
					 
					
						
							| 
							
							En août 
							2008, elle publie un second roman : « Sur l’île » 
							(《岛上》). 
							C’est un récit qui laisse planer l’incertitude sur 
							la réalité derrière les apparences : une histoire de 
							malade mentale qui pourrait avoir tué son 
							professeur, avec lequel on ne sait trop quelles 
							relations elle avait ; elle est envoyée sur une île 
							étrange, une sorte de colonie pénitentiaire où les 
							détenus font de longues heures de travaux manuels en 
							passant le reste de leur temps à médire les uns des 
							autres, et où le « capitaine » organise des sessions 
							d’autocritique et de confessions.  
							
							  
							
							Le récit 
							tire son originalité de la quête de la nouvelle 
							arrivée pour arriver à comprendre ce qu’elle fait 
							là, et quel but se cache derrière l’organisation de 
							l’île, jusqu’à ce que la machine se dérègle et 
							s’effondre, et que les cadavres commencent à 
							s’accumuler… 
							  
					
							Bien que publié en 2008, le roman a 
							cependant été écrit six |  | 
							
							 
							Sur l’île | 
					
					
					
							ans 
					auparavant. On peut le considérer comme une œuvre de 
					jeunesse. C’est « Elles » qui représente le style d’écriture 
					que Ren Xiaowen va développer, et qui est fondé sur des 
					textes courts publiés comme des séries de portraits, que 
					l’on n’appelle roman que par habitude et réflexe commercial. 
					D’ailleurs elle-même a dit : « écrire un roman est comme un 
					marathon » (“长篇写作是一场马拉松”) 
					– épuisant.
					
					
					 
					
					
					Le meilleur 
					d’elle-même est dans ses nouvelles, dont un premier recueil 
					est publié en mai 2006 sous le titre de l’une : « Le 
					tapis volant » (《飞毯》)
					
					
					 
					
					
					Tapis volant 
					et autres nouvelles
					
					
					 
					
						
							| 
							
							 
							Le tapis volant |  | 
							
							C’est un 
							recueil de onze nouvelles de longueurs diverses, 
							plus un épilogue et une postface 
							
							
							
							. 
							C’est une galerie de portraits de gens du peuple, et 
							des couches les plus basses de la société : 
							pêcheurs, petits marchands, prostituées, coiffeuses, 
							chauffeurs à longue distance, idiots, kidnappeurs, 
							trafiquants de drogue…  La caractéristique générale 
							est la pauvreté, et le thème omniprésent la mort, 
							morts soudaines et violentes, par accident, maladie 
							ou autre, qui sont des corollaires de la pauvreté. 
							
							  
							
							Dans les 
							nouvelles de Ren Xiaowen, la mort fait partie de la 
							vie, elle arrive à brûle-pourpoint et façonne les 
							mentalités par son caractère brutal et fortuit, qui 
							tire par là-même vers l’étrange (mais d’une manière 
							bien plus réaliste, factuelle, que chez García 
							Márquez pour lequel Ren Xiaowen dit avoir une 
							profonde admiration). | 
					
					
							 
					
							Rien que 
							dans « Le tapis volant », trois personnages meurent, 
					l’un d’une maladie du foie, l’autre en se jetant par la fenêtre, et 
					le dernier d’une balle. « Je suis un poisson » commence par 
					la mort du père de l’enfant qui se prend pour un poisson, 
					mort par noyade en mer (il s’agit d’un pêcheur) qui 
					conditionne toute l’imagerie mentale qui suit – la mère 
					meurt ensuite, de maladie. Dans « Ici-bas », le petit garçon 
					meurt d’une maladie étrange, et sa mère se pend…  La mort 
					n’est pas tellement le signe du destin, c’est la fin 
					douloureuse à laquelle sont soumis les pauvres, 
					inévitablement.
					
					
					 
					
					
					L’autre corollaire 
					de la pauvreté, c’est aussi la maladie mentale. Dans 
					« J’aime Shasha », le « héros » est un petit retardé mental 
					qui tue l’un de ses camarades de classe. Et dans « Le tapis 
					volant », si la petite sœur Xue Wenying (薛文瑛) 
					se jette par la fenêtre, c’est aussi parce qu’elle est 
					déficiente mentale et qu’un copain a abusé d’elle. La 
					déficience mentale est aussi au centre du récit « Les ongles 
					bleus ».  
					
					
					 
					
					
					L’univers de Ren 
					Xiaowen est un monde difforme et cruel, mais dans ses 
					aspects quotidiens, comme elle l’explique dans son 
					épilogue :
					
					
					 
					
					
					“即使最优秀的小说,也不过提供了另一个与现实同构的世界,这个世界,往往处理着现实中最卑微、低下、阴暗、扭曲的东西。这些东西,是人们不愿看到甚至刻意忽略的。而小说,恰恰照亮了它们。”(《小说笔记七则(代后记)》)
					
					
					« La 
					plus belle des nouvelles n’offre jamais qu’un monde 
					parallèle à la réalité, un monde qui lui est isomorphe, avec 
					les mêmes tendances au trivial, à l’obscur, au souterrain, 
					au difforme. Tout cela, personne ne veut le voir, on fait 
					même tous ses efforts pour l’éviter. Mais c’est justement ce 
					que la littérature est là pour éclairer. » 
					
					
					
					 
					
					
					Malgré tout, et 
					c’est là que les nouvelles de Ren Xiaowen prennent tout leur 
					intérêt et leur originalité, le style est poétique, ce qui 
					rend le récit allusif comme la poésie, et bordant parfois 
					sur le rêve. En outre, la ligne narrative n’est pas 
					linéaire : ses récits sont souvent contés de différents 
					points de vue, par différents narrateurs, dans une 
					esthétique complexe qui en fait toute la beauté. Et le 
					dixième du recueil est presque un pur exercice de style : 
					présenté comme non terminé, il est constitué de notes 
					savamment éparses pour traiter du sujet classique des 
					relations entre un homme et une femme.
					
					
					 
					
					
					C’est tellement 
					bien écrit que le difforme, voire le monstrueux, dans ces 
					nouvelles, ne suscitent pas le rejet mais plutôt une 
					certaine jouissance esthétique comme devant le tableau du 
					mendiant au pied-bot de Ribera ou du « jeune pouilleux » de 
					Murillo. 
					
					
					 
					
					
					Sur le 
					balcon
					
					
					 
					
						
							| 
							
							Le point 
							d’orgue de cette série est la nouvelle 
							
							« Sur le 
							balcon » (《阳台上》), 
							publiée en 2011. Il s’agit d’une nouvelle moyenne, 
							structurée en trois parties. La première se passe 
							dans un hutong, où la maison de Zhang Yingxiong est 
							promise à démolition ; son père refuse toutes les 
							promesses de dédommagement, alors que les voisins 
							déménagent un à un, se met à boire et meurt d’une 
							crise cardiaque. Après son décès, sa veuve signe 
							l’offre de compensation et la maison est rasée.
							 
							
							  
							
							Zhang 
							Yingxiong (张英雄) 
							se met alors en tête de venger son père. Zhang 
							Yingxiong, c’est littéralement Zhang le Héros, comme 
							dans une histoire de wuxia, mais l’effet 
							ironique est ténu. Il prend un job comme serveur 
							dans un restaurant et loue un appartement en face de 
							celui où habite l’homme qu’il juge responsable du 
							décès de son père, celui chargé des expulsions dans 
							le quartier. Sa vengeance doit passer par 
					la fille de cet homme, Lu Shanshan (陆珊珊),  |  | 
							
							 
							Sur le balcon | 
					
					
							
							qu’il observe par la fenêtre « sur le 
					balcon », et suit dans la rue chaque fois qu’elle sort….
					
					
					 
					
					
					C’est un récit 
					dont les personnages ont beaucoup de profondeur, avec des 
					descriptions très fouillées de leur environnement et de leur 
					vie quotidienne. Il commence comme une vision apocalyptique 
					à la Soylent Green :
					
					
					 
					
					
					
					空气里有股烂纸头的味道。一只死老鼠,被车轮碾成一摊浅灰的皮,粘在路中央。雨水将垃圾从各个角落冲出,堆在下水道口的格挡上。塑料袋、包装纸、梧桐叶、一次性饭盒,湿淋淋反着晨光。
					
					
					Il y avait dans 
					l’air des relents de pourriture. Réduit à une masse 
					grisâtre, un rat mort écrasé par une voiture gisait au 
					milieu de la route. La pluie qui était tombée entraînait les 
					ordures accumulées dans les moindres recoins, ici et là, et 
					les amassait aux bouches des collecteurs d’égouts. Mouillés, 
					sacs en plastique, papiers d’emballage, feuilles de 
					sterculier, boîtes à lunch jetables reflétaient la lumière 
					de l’aube. 
					
					
					 
					
					
					Le récit se 
					poursuit en déroulant une histoire dont le suspense n’est 
					levé qu’à la toute fin, dans une conclusion volontairement 
					non dramatique, qui laisse la place à l’émotion, soudain.
					
					
					
					 
					
					
					C’est l’ensemble 
					de ces caractéristiques, tant du point de vue narratif que 
					stylistique, que l’on retrouve – mais épurées - dans la 
					série de récits publiée fin 2015 : « Vies fugitives » (《浮生》).
					
					
					
					 
					
					
					Tranches de 
					vies 
					
					
					
					 
					
						
							| 
							
							 
							Le prix du Nanfang Zhoumo 
							 
							décerné à Vies fugitives |  | 
							
							Seize des 
							récits de « Vies fugitives » (《浮生》) 
							ont été initialement publiés dans le Nanfang 
							Zhoumo (《南方周末》) 
							avant d’être édités en novembre 2015 ; deux autres 
							ont été ajoutés dans la sélection des nouvelles de 
							2015 éditées par Lin Ting (林霆)
							
							
							
							
							
							. 
							L’écriture s’est poursuivie ensuite, s’étalant au 
							total sur la période 2013-2016, et le recueil compte 
							22 textes au début de 2017. 
							
							  
							
							La qualité 
							de portraits – rappelant ceux de La Bruyère - est 
							soulignée par le fait que chaque titre est le nom 
							d’un personnage. Ren Xiaowen s’inscrit ici dans la 
							grande tradition des tableaux de Pékin de  
							 
							 
							
							
							Lao She
							ou des portraits des petites gens de Tianjin 
							par 
							
							
							
							Feng Jicai (冯骥才).
							 
							  
					
							Le style 
							est épuré, et la narration réduite à l’essentiel, 
							avec un côté poétique qui transforme 
					parfois le récit en une sorte de conte moderne désenchanté. | 
					
					
					 
					
					
					Ces récits ont 
					rencontré beaucoup de succès. En 2016, ils ont été primés 
					deux fois : 
					
					
					 
					
					
					- la nouvelle 
					« Souvenir de la fabrique de potions médicinales » (《药水弄往事》), 
					initialement publiée dans la revue Huacheng (《花城》) 
					en mars 2015, a obtenu le prix de la revue « Meilleures 
					nouvelles moyennes » (中篇小说选刊) 
					pour la période 2014-2015. 
					
					
					 
					
					
					C’est l’histoire, 
					à travers ses souvenirs, d’une femme de Suzhou, née en 1921, 
					à laquelle sa mère a donné le nom de Song Meiyong (宋没用) : 
					Song l’inutile 
					
					
					
					
					.
					
					
					 
					
					
					- l’ensemble du 
					recueil des « Vies fugitives » a obtenu le prix du 
					Nanfang Zhoumo pour l’année 2016 (南方周末2016年度外稿奖), 
					remis en janvier 2017. 
					
					
					 
					
					
					- L’ensemble du 
					recueil a obtenu le prix des Cent Fleurs (百花文艺奖) 
					fin 2017. 
					
					
					 
					
					
					2017 : un 
					roman, Song Meiyong
					
					
					 
					
						
							| 
							
							En août 
							2017, Ren Xiaowen a publié un roman aux éditions 
							d’Octobre à Pékin (北京十月文艺出版社) : 
							« Song Meiyong, une femme bien » (《好人宋没用》). 
							Le roman raconte la vie de cette femme, originaire 
							du Subei (c’est-à-dire le nord du Jiangsu) où elle 
							est née en 1921 ; parce que c’était une petite 
							fille, sa mère l’a appelée « Inutile » (Meiyong
							没用). 
							Et Inutile s’occupe de ses vieux parents jusqu’à 
							leur mort, vient en aide à son frère qui ne fait 
							rien, et donne naissance à cinq enfants, tout en 
							traversant la guerre, la famine et les troubles 
							politiques de tous ordres.  
							
							  
							
							Une 
							histoire comme beaucoup d’autres, mais un style 
							comme bien peu. Le roman a été couronné en décembre 
							2017 du prix Mao Dun des nouveaux auteurs (茅盾文学新人奖). 
							Mais le roman reste une exception 
							dans une constellation de nouvelles 
					extrêmement diverses.
							 |  | 
							
							 
							Song Meiyong, une femme bien | 
					
					 
					
					
					Mais retour 
					à la nouvelle
					
					
					 
					
					
					Prix Dangdai de 
					la meilleure nouvelle 2018
					
					
					 
					
					
					Le 23 janvier 
					2019, la nouvelle « Chronique d’un don de reins » (《换肾记》) 
					– initialement publiée en mars 2018 (n° 3) dans la revue 
					Dangdai - a été couronnée du prix de la meilleure 
					nouvelle de l’année 2018 décerné par la revue (当代拉力赛中短篇小说总冠军).
					
					 
					
						
							| 
							
							 
							
							Le prix de la meilleure nouvelle de 
							 
							
							l’année 2018 décerné par la revue 
							 
							
							(当代拉力赛中短篇小说总冠军) |  | 
							
							L’histoire, qui se passe à Shanghai, est adaptée 
							d’une histoire vraie 
							
							
							
							 
							: souffrant d’urémie, un homme d’une trentaine 
							d’années a besoin d’avoir une greffe de rein. Bien 
							qu’elle soit compatible, sa mère, Yan Sufen (严素芬), 
							hésite depuis trois ans à lui en donner un. Sa bru 
							lui force la main, la « kidnappe » moralement et 
							l’oblige à accepter le don. Yan Sufen se résigne et, 
							pour aller à l’hôpital subir l’opération, se pare 
							comme pour un enterrement. Le dénouement abrupt met 
							une touche finale de cruauté à l’histoire.   
							  
							
							On est loin de l’image traditionnelle de la mère 
							sublime, toute d’amour désintéressé, qui se  | 
					
					
							
							sacrifie pour le bien de ses 
					enfants et de la famille. Mais la mère de la nouvelle – qui 
					a élevé seule ses deux enfants à la mort de son mari et a 
					donc déjà beaucoup donné - a ses raisons profondes pour 
					réagir comme elle le fait, raisons faites de peur de la mort 
					et de griefs accumulés. L’attitude de la bru est tout aussi 
					ambiguë :  elle veut sauver son mari, pour lui et pour elle, 
					et a tendance à considérer que, la mère étant maintenant 
					âgée, sa vie n’a plus la même « importance » que celle de 
					son mari. Quant à celui-ci, il est presque absent de la 
					narration… 
					
					
					 
					
					
					Ren Xiaowen 
					confirme ici l’art qu’elle a de brosser des portraits 
					féminins de plain-pied dans leur époque en posant les 
					problèmes qui se posent à la société chinoise comme au reste 
					du monde.
					
					
					 
					
					
					2020 : La troisième sœur Zhu
					
					
					 
					
						
							| 
					
					En juin 2020, dès 
					la sortie du confinement, Ren Xiaowen a publié un nouveau 
					recueil de nouvelles : 
					
					« La troisième sœur Zhu (une vie) 
					» (《朱三小姐的一生》). 
					Il compte six nouvelles courtes, dans le même style froid et 
					détaché, mais témoignant d’une profonde sympathie envers les 
					souffrances du petit peuple des ruelles, des lilong (里弄) 
					de Shanghai, et surtout les femmes.  
					
					  
					
					Celle de la 
					nouvelle-titre rappelle Song Meiyong : elle n’a pas de nom, 
					pas d’identité claire, on ne sait pas d’où elle vient ; elle 
					a d’abord été prostituée dans la Concession française avant 
					de devenir danseuse de bas étage. Bien qu’elle ait beaucoup 
					changé, cette première identité est restée attachée à sa 
					personne jusque dans les années 1990, comme une lettre 
					écarlate. Ce qui diffère ici de Song Meiyong, cependant, 
					c’est la forme même du récit, la concision de la forme 
					courte tirant vers l’abstraction et 
					
					 |  | 
							
							 
							La troisième fille des Zhu, une vie
							 | 
					
					
					
					faisant de cette 
					anonyme troisième fille une épure emblématique de ses 
					innombrables consœurs passées par la prostitution pour 
					survivre.  
					
					 
					
					
					Le récit commence 
					ainsi :
					
					
					“每个人都在等待朱三小姐死去。她已老瘦成一把咔啦作响的骨架子,却仿佛永远不会死。”
					
					
					Chacun 
					attendait que meure la troisième fille des Zhu. Elle était 
					si vieille et desséchée que sa carcasse grinçait, mais on 
					avait l’impression qu’elle ne mourrait jamais.     
					
					
					
					A la fin, tous ses 
					proches sont morts, amis comme ennemis, et elle reste assise 
					aujourd’hui comme hier sur le sofa défoncé de la rue 
					Xiangyunli (祥云里街) :
					
					
					
					          
					
					“已经坐了百多年,仍将继续坐下去”).
					
					
					
					           Elle 
					est assise là depuis plus d’un siècle, et restera assise 
					ainsi …
					
					
					 
					
					
					L’issue, ou plutôt 
					l’absence d’issue, est la même que celle qui conclut la 
					nouvelle suivante, dont on pourrait traduire le titre par 
					« N’en rajoutez pas » (《别亦难》) ; 
					tout désir est réprimé, engendrant frustration et violence, 
					sans espoir de rémission : « Impossible de fuir, impossible 
					de mourir » (“跑也跑不掉,死也死不掉”).
					
					
					
					 
					
					
					C’est la même 
					atmosphère de solitude, d’impuissance et de désolation que 
					l’on retrouve dans les deux autres nouvelles : « La mort de 
					Yang Jinquan » (《杨金泉之死》) 
					et « Pleurs dans le vent » (《迎风哭泣》), 
					où dominent des sentiments de lassitude et de désespoir sur 
					fond de communication impossible. La tragédie est 
					omniprésente, la détresse engendrée par la violence et la 
					cruauté, elles-mêmes engendrées par la misère, la paranoïa, 
					l’avidité, et généralement les difficultés de la vie ; mais 
					la force du drame est souvent détournée par la subtilité du 
					récit, et une conclusion inattendue, comme dans la 
					« Chronique d’un don de reins » (《换肾记》) 
					primée en janvier 2019, ou dans la « Sonate du district de 
					Haojia » (《郝家县奏鸣曲》).
					
					
					
					 
					
					
					Tout le recueil 
					semble une illustration du concept bouddhiste de « vérité de 
					la souffrance » (kǔdì“ 苦谛”). 
					Ce n’est pas un thème rare dans la littérature chinoise. 
					Mais, ce qui distingue les récits de Ren Xiaowen, c’est le 
					ton distancié, volontairement dénué de toute émotion ou de 
					volonté critique. Ses narrateurs restent neutres, au point 
					de faire de leurs récits des abstractions, ce qui leur donne 
					d’autant plus valeur universelle, comme sont universelles la 
					misère et la mort - universelles et inexorables.
					
					
					 
					
					
					Ren Xiaowen est 
					l’une des plus brillantes représentantes du genre littéraire 
					de la nouvelle en Chine aujourd’hui. Ces nouvelles viennent 
					le confirmer. Le recueil est d’ailleurs précédé d’un essai 
					en guise de préface : 
					
					
					
					« Qu’est-ce 
					que la nouvelle ? » (《短篇小说何为》).
 
				
						 
					
					
					Adaptation 
					cinématographique
					
					
					 
					
						
							| 
					
					La nouvelle « Sur 
					le balcon » (《阳台上》) 
					a été adaptée au cinéma, par le réalisateur Zhang Meng (张猛)
					
					
					
					
					
					, 
					avec l’actrice Zhou Dongyu (周冬雨) 
					dans le rôle principal. Le film est sorti en Chine en mars 
					2019. 
					
					  
					
					Voir : 
					
					http://www.chinesemovies.com.fr/films_ 
					
					
					
					Zhang_Meng_On_the_Balcony.htm 
					  
   
					
					Traduction en 
					français 
					
					  
					
					
					Sur le balcon, trad. Brigitte 
					Duzan, L’Asiathèque, coll. « Novella de Chine », mai 2021. 
					  
					Tan Huiying《谭惠英》, extrait de « Vies 
					fugitives », trad. Brigitte Duzan pour Jentayu, 
					n° 6, été 2017. |  | 
							
							 
							Sur le balcon, le film | 
					
						
						
						 
				
							 
					
					
					A lire en 
					complément
				
				
				Je suis un poisson (extraits) 
				  
				
				《我是鱼》
					
					
					 
					
					
					Extrait de « Vies 
					fugitives » : 
					
					
				
				Yuan Gendi 《袁跟弟》
					
				
				Cao Yaping 《曹亚平》
					
					
					 
					
						
						
						
 
						
						
							
						
							
						
							
							
							 Le tapis 
							volant 飞毯/
							Deux ou 
							trois choses sur Le Chengpeng 
							
							乐鹏程二三事/
							Sucré 
							甜/
							Je suis un 
							poisson  
							我是鱼/
							Nuit calme
							
							平安夜/
							Ici-bas 
							阳间/
							J’aime 
							Shasha 
							我爱莎莎/
							Les ongles 
							bleus 
							蓝指甲/
							Image en 
							miroir 
							对影/
							En 
							attendant de terminer une nouvelle 
							关于·待完成的短篇/
							Qing 
							Pingle 清平乐/
							Sept notes 
							sur les nouvelles (en forme d’épilogue) 
							
							小说笔记七则(代后记)/
							Postface 
							倒叙(跋)/
 
						
							
							
							 On pense aux 
							« Récits d’une vie fugitive » (《浮生六记》) 
							de Shen Fu (沈复), 
							selon la traduction de Jacques Reclus, ou « Six 
							récits au fil inconstant des jours » selon la 
							traduction de Simon Leys.
 
						
							
							
							 Quatre des 
							récits de la série ont été publiés sous le titre 
							« Ces gens-là » (《那些人》) 
							dans la sélection des meilleures nouvelles de 
							l’année 2015 éditée par Lin Ting《2015年短篇小说选粹》林霆-主编 
							
							  [pp 
							18-30]. 
							
							
							Les textes 
							publiés dans le Nanfang Zhoumo : 
							
							
							
							
							http://www.infzm.com/author/%E4%BB%BB%E6%99%93%E9%9B%AF/0
							
							
							Les quatre 
							textes publiés dans la sélection de Lin Ting :
							
							
							1/  Jiang 
							Xiaoyun 
							蒋晓芸   
							2/ Zhang Yongfu 
							 张永福 3/ 
							Sun Qiangguo  
							
							孙强国 
							4/ Xu 
							Zhifang 
							许志芳
							
							
							Les récits 
							1 et 3 ne figurant pas parmi ceux publiés dans le 
							Nanfang Zhoumo.