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Ren Xiaowen 任晓雯

Yuan Gendi 袁跟弟

par Brigitte Duzan, 30 juillet 2016

 

Moins de dix ans après le recueil « Le tapis volant » (《飞毯》), dont est extrait « Je suis un poisson » (《我是鱼》) qui en est un texte représentatif, le style de Ren Xiaowen (任晓雯) s’est beaucoup épuré. Les textes courts de la série « Vies fugitives » (《浮生》) ont la qualité d’esquisses littéraires où la forme prend le pas sur le fond et le détermine, pour livrer des portraits subtils dessinant à grands traits des vies façonnées par leur époque, mais écrits dans un style aux antipodes de la grande narration historique : la vie est vue au quotidien, et c’est à travers le quotidien que l’on devine l’époque.

 

C’est le cas du présent texte : « Yuan Gendi ». Il s’agit de l’histoire d’une Shanghaïenne au travers de ce qu’on devine être la période des années 1930 à 1980, sans qu’aucune date ne soit mentionnée, sauf à la toute fin, dans un formidable retour en boucle pour conclure le récit. L’accent est mis sur le personnage et son entourage immédiat, mais l’essentiel est dans le style : un style sobre et concis rappelant la langue classique, avec, créant l’atmosphère, des expressions populaires du registre shanghaïen qui soudain viennent donner de la couleur au récit.

 

La traduction – de toute façon provisoire - ne peut rendre totalement les subtilités du style. C’est pourquoi un effort spécial a été fait pour expliquer le vocabulaire et les expressions. Mais on peut lire ce texte tout simplement comme un très beau portrait de femme, entre impressionnisme et abstraction.

 


 

    十二岁上,袁跟弟第一次见美元。父亲袁德才引她至阿蒂克风格1的屉柜前,轻启一屉,给你长长见识。这是阿美利加钞票,道勒dollar3。一叠子捏在手里,能把人耳朵割下来。过道窸窣5,父女惶惶然6逃回客厅。

 

1. 阿蒂克风格 ādìkè fēnggé  style art déco (transcription phonétique pinyin) – à la mode à Shanghai dans les années 1930-1940.   屉柜 tìguì  commode

2. 长见识 zhǎng jiànshi acquérir connaissance et expérience

3. anciennes transcriptions d’Amérique et de dollar : 阿美利加 āměilìjiā  道勒 dàolēi

4. niē prendre/tenir entre les doigts

5. 窸窣 xīsù froissement (de papier), froufrou (robe)

6. 惶惶 huánghuáng  alarmé   

 

Yuan Gendi avait douze ans lorsqu’elle vit pour la première fois un billet d’un dollar. Son père Yuan Decai l’avait emmenée devant une commode art déco dont il avait doucement ouvert un tiroir : « regarde, pour ta gouverne, voici un billet d’Amérique, un dollar. En en tenant un plié entre les doigts, on pourrait couper l’oreille de quelqu’un. » Il y eut un bruissement dans le corridor, père et fille revinrent précipitamment dans le salon.

 

 

Un dollar 1934

 

 

袁德才,滨海县人1,木匠。听闻上海遍地黄金,便舍了薄田2,举家迁沪,以修补家具为业。经人介绍,给个美国女人当长工。逾年3,央着雇主4,把做童工的大女儿,弄到俄罗斯犹太人家帮佣。邻里嘁测,好好的工厂不做,跟罗宋瘪三搅合5袁德才说:他们懂什么。卖大母Madam)说了,在阿美利加,女人是有志气的。跟弟,你也有志气,以后像卖大母一样,到外国走走看看。

 

1. 滨海 Bīnhǎi, district du Jiangsu (juridiction de Yancheng)

2. shě abandonner 薄田 bótián champ infertile  

3. 逾年 yúnián = 一年以后, 第二年 l’année suivante

4. yāng  prier, implorer  雇主 gùzhǔ employeur 

5. 瘪三 biēsān expression populaire de Shanghai signifiant mendiant, vagabond, pauvre hère.

L’origine exacte n’est pas connue : soit une transcription phonétique de l’anglais begsir / begsay, soit une dérivation de biě vide / dépourvu de + sān  au sens des trois besoins essentiels de la vie, vêtements, nourriture et logis 衣、食、住  -  瘪三 biēsān peut être utilisé associé à une particularité: “垃圾瘪三 mendiant qui vit de la collecte d’ordures, ou, comme ici, 罗宋瘪三 luósòng biēsān  où luósòng désigne les immigrés russes blancs de Shanghai (déformation de (é) luósī  ()罗斯).

 

Originaire du district de Binhai, Yuan Decai était menuisier. Ayant entendu dire que l’or coulait à flot à Shanghai, il abandonna son maigre lopin de terre et y déménagea avec toute sa famille. S’étant installé comme réparateur de meubles, il travailla au service d’une Américaine à laquelle il avait été présenté. L’année suivante, il chercha un employeur pour sa fille aînée, et la fit entrer comme petite servante dans la maisonnée d’un juif russe. On murmura dans le voisinage : « Se mêler à ces crève-la-faim de russes blancs, c’est pas avec ça qu’elle va trouver à se caser » A quoi Yuan Decai rétorqua : « Qu’est-ce qu’ils en savent ? Madam l’a dit, en Amérique, les femmes ont du caractère. Et toi, Gendi, toi aussi tu en as, alors plus tard, tu feras comme Madam, tu iras à l’étranger, voir un peu comment c’est. »

 

袁跟弟的男主人,是犹太人医院的会计师,女主人在国际饭店当大班。袁跟弟给他们带小囡1。婴儿学说话,她跟着学,很快会了俄罗斯语。还尝试烤蛋糕、煮罗宋汤2

逾数年,老家娃娃亲逼婚。袁跟弟跪泣一晚,我是开过眼界的,回不去了。袁德才赔二十斤猪肉钱,退掉亲事。女主人听闻了,帮忙撮合3对象。张鹏生,海门人4,读过私塾。在犹太人医院,做牙科助手。玳瑁眼镜6,派克式发型,笑起来眉眼酷似赵丹7。他带袁跟弟到兰心大戏院,看俄罗斯舞蹈团的《天鹅湖》。袁跟弟问,为何不学俄语。他道:学那个干嘛,医院有翻译的。

 

1. nān  (dial) petit enfant  

2. 罗宋汤 luósòng tāng la soupe russe, le borscht

3. 撮合 cuōhe  agir en tant qu’intermédiaire  (de mariage)

4. 海门 Haimen, un district de la juridiction de Nantong dans le Jiangsu

5. 私塾 sīshú  école privée traditionnelle  

6. 玳瑁 dàimào  tortue dite ‘à écailles’.

7. (pop) cool  赵丹 Zhao Dan, grand acteur de théâtre et de cinéma dans les années 1930/40

 

Le maître de Yuan Gendi était comptable dans l’hôpital juif, et son épouse était directrice d’un hôtel international. Ils l’employaient pour garder leur bébé. Comme la petite fille apprenait à parler, elle apprit avec elle, et elle sut très vite parler russe. Elle s’essaya aussi à faire cuire des gâteaux, et à préparer du borscht.

 

Quelques années plus tard, sa famille lui arrangea un mariage. Yuan Gendi pleura toute la soirée. « Je me suis ouvert de nouvelles perspectives, je ne peux pas

 

L’ancien hôpital juif de Shanghai

revenir en arrière. » Yuan Caidi dut verser un dédommagement de vingt livres de viande de porc pour l’annulation du mariage. Lorsque sa maîtresse apprit cela, elle s’entremit pour chercher un mari à Gendi. Natif de Haimen, Zhang Pengsheng avait fait ses études dans une école privée traditionnelle et était aide-dentiste à l’hôpital juif. Il portait des lunettes à monture d’écailles, avait une coupe de cheveux à la Gregory Peck, et, quand il souriait, il avait l’air cool de Zhao Dan. Il emmena Yuan Gendi au grand théâtre Lanxin pour voir « Le lac des cygnes » interprété par une troupe de danse russe. Yuan Gendi lui demanda pourquoi il n’apprenait pas le russe. « Pour quoi faire ? répondit-il, à l’hôpital il y a des traducteurs. »

 

第五年,时局飘摇,雇主举家回国。袁跟弟歇工结婚,未几有孕。新房在长乐路,一格亭子间,十二平米,张家用两条小黄鱼1顶下。春杪,弄堂里的男式衣服纷纷遭窃。风传是败兵所为,换下的国民党军装,扔在街角花园。一日清晨,袁跟弟拎了菜篮,踅过路口2,见上街沿睡满士兵。布鞋,布腿,短檐3圆帽,灰白制服。各户收音机,齐唱《东方红》。袁跟弟颠着脚回家,见丈夫亦站在收音机前。相顾懵腾4。张鹏生道:不搭界5,该怎么活,就怎么活。

 

1. 黄鱼 huángyú sciène (poisson proche des perches) 

2. xué aller et revenir 

3. yán bord

4. měng  hébété téng  (divers sens) ici plutôt au sens de 腾云驾雾 pris de vertige

5. 搭界 dājiè être lié, affilié à

 

Vieilles maisons à Changle lu

 

Cinq ans plus tard, la situation politique étant des plus incertaines, son employeur décida de rentrer dans son pays avec sa famille. Yuan Gendi arrêta de travailler pour se marier, et, peu de temps plus tard, elle tomba enceinte. Leur nouveau logis était rue Changle, une pièce de douze mètres carrés dans un petit pavillon, que la famille Zhang utilisait pour abriter pour deux petites sciènes. A l’approche du printemps, dans la petite allée, un grand nombre de vêtements masculins furent volés. Le bruit courut que les responsables étaient les soldats de l’armée vaincue, qui, après s’être changés, avaient jeté leurs uniformes de l’armée nationaliste au coin des rues ou dans les parcs. Un matin, à l’aube, alors que Yuan Gendi, son panier au bras, était allée jusqu’au croisement de la grand-rue, elle avait vu des soldats profondément endormis tout le long de la rue. Godillots de toile, jambières, chapeaux ronds à petits

bords, uniformes gris et blancs. Dans toutes les maisons, au même moment, retentit à la radio le chant « L’Orient est rouge ». Yuan Gendi tourna les talons et revint chez elle, où son mari était lui aussi debout devant le poste de radio. Ils se regardèrent, ahuris. « Cela ne nous concerne pas, dit Zhang Pengsheng, on a autre chose à faire. »

  

岁馀,孩子断奶。袁跟弟复出,找了个新雇主。卖葡萄酒的白俄老太。袁跟弟给她封酒瓶。印度软木塞1,煮酥2,插紧,渍一下釉水3。时或帮忙喂狗。牛肉、面包、洋葱4、马铃薯5、胡萝卜混煮,拌几只鸡蛋。

老太误将跟弟,念成凯蒂”6。出示沙皇照片7,横掌作抹脖状,凯蒂,你看,这是俄国皇帝,全家都被杀了。袁跟弟喏喏8,回家与夫言。张鹏生道:外国反动分子,你千万别搭理。否则出了事,我不管你的。

 

1. 软木塞 ruǎnmù sāi  bouchon 

2. 煮酥 zhǔ sū  ramolli à la vapeur 

3. zì  tremper yòu émail, vernis

4. 洋葱 yángcōng oignon

5. 马铃薯 mǎlíngshǔ  pomme de terre

6. 凯蒂  kǎidì  Kathy/Kitty etc…

7. 沙皇 shāhuáng tsar  (allusion à Nicolas II, dernier empereur de Russie, exécuté avec sa famille le 17 juillet 1918) 

8. 喏喏 nuònuò indiquer son accord

 

Quand il eut un an, Yuan Gendi cessa d’allaiter le bébé, sortit de sa retraite et se chercha un nouvel employeur. Ce fut une vieille Russe blanche qui vendait du vin et l’embaucha pour boucher les bouteilles. Le bouchon était ramolli à la vapeur, inséré et vernissé. Et il fallait aussi nourrir les chiens. Ratatouille de bœuf aux oignons, pommes de terre, carottes et petits pains, plus quelques œufs.

 

La vieille femme avait mal compris son nom, et, au lieu de Gendi, avait entendu « Katie ». Elle sortit une photo de l’empereur, y passa la main à l’horizontale comme pour lui trancher la gorge et lui dit : « Katie, tu vois, c’est l’empereur de Russie, toute la famille a été assassinée. »  Yuan Gendi opina et, de retour chez elle, le raconta à son mari. Mais Zhang Pengsheng lui dit : « Ce sont des réactionnaires étrangers, ne te mêles pas de cela, surtout. Autrement, si tu as des ennuis, ce ne sera pas mon problème. »

 

居数月,白俄老太起意去澳洲。行李众多,兼带两条狼狗,想让凯蒂陪至香港转乘飞机。袁跟弟办了赴港手续1。张鹏生道:你一去不回了怎办。袁跟弟骇异,我为啥不回。”“别装戇2。以前你朴朴素素,穿个大襟3衣服,脑袋上扎块爱国布。现在呢,衣服是缎子的4,头发烫得七绕八弯5。都腐蚀成啥样了6,巴不得7奔往资本主义花花世界吧。我妈早说你心思活络,不是个过日子的。我后悔不听老人言。袁跟弟哭一场,推辞了白俄老太。

 

1. 手续 shǒuxù  formalités  

2. zhuāng feindre gàng stupide (dialecte de Shanghai)

3. jīn  pan antérieur d’une robe chinoise traditionnelle / par extension : ambitions, aspirations

4. duàn satin   

5. 七绕八弯 qīrào bāwān frisoté (permanenté)

6. 腐蚀 fǔshí  corrodé 

7. 巴不得 bā bude brûler de  

8. lào  mince filet, résille

 

Quelques mois plus tard, la vieille Russe blanche décida d’aller en Australie. Elle avait une armada de bagages, mais emmenait aussi ses deux chiens-loups. Elle voulut donc que « Katie » l’accompagne jusqu’à Hong Kong prendre l’avion. Yuan Gendi se fit faire les papiers nécessaires, mais Zhang Pengsheng lui dit : « Si une fois là-bas tu ne peux pas revenir, qu’est-ce que vas faire ? » - « Et pourquoi je ne pourrais pas revenir ? » - « Ne fais pas l’idiote. Avant tu étais très simple, dans les pans de ta robe se lovaient de grandes ambitions, et tu avais la tête ceinte d’un bandeau aux couleurs patriotiques. Aujourd’hui tu as vu l’air que tu as, avec tes robes de satin et tes cheveux tout frisotés ? Ta grande ambition, c’est de t’élever jusqu’aux cimaises éclatantes du monde capitaliste. Dans le temps, ma mère m’a dit que tu étais prise comme dans les mailles d’un filet, et que ce n’est pas une vie. Je regrette de ne pas l’avoir écoutée. » Yuan Gendi pleura un bon coup, et fit ses adieux à la vieille Russe blanche.

 

翌年,洋人纷纷离沪,犹太人医院解散。张鹏生领了五百元解散费,失业在家。两年后,熬空家底1,命袁跟弟一同回乡。袁跟弟道:我是上海长大的,不会做农活。张鹏生道:要么回去,要么离婚。争吵数日,袁跟弟妥协2

 

1. áo souffrir, endurer  家底  jiādǐ  patrimoine familial

2. 妥协 tuǒxié  accepter un compromis

 

L’année suivante, les étrangers quittèrent Shanghai en masse. L’hôpital juif ferma. Zhang Pengsheng toucha cinq cents yuans d’indemnités de licenciement, et se retrouva au chômage. Deux ans plus tard, les finances familiales étant à zéro, il voulut retourner dans sa famille avec Yuan Gendi. « J’ai grandi à Shanghai, dit-elle, je ne sais pas travailler la terre. » - « Ou tu viens avec moi, ou on divorce, » lui répondit Zhang Pengsheng, Il se disputèrent pendant plusieurs jours, et finalement Yuan Gendi céda.

 

在海门,张家有砖瓦房一幢,田地四十亩,被定为中上农。张母攒着1稻麦,不舍得2与人分食。孩子们饿到肋骨可数。袁跟弟去仓中偷米,兑了水4,放进砂罐,在灶膛里慢慢煨熟5,给二儿一女吃。

 

1. zǎn  économiser, stocker 

2. 舍得 shěde abandonner volontiers

3. 肋骨可数 lèigǔ kěshǔ dont on peut compter les côtes  

4. duì  couper (d’eau)

5. () wēi(shú)  faire mijoter, braiser à feu doux

 

A Haimen, la famille Zhang avait une maison de briques couverte de tuiles et quarante mus de terre ; ils étaient classés paysans moyens-riches. La mère stockait les céréales et rechignait à partager la nourriture. Affamés, les enfants étaient si maigres qu’on leur aurait compté les côtes. Yuan Gendi alla dans le grenier voler du grain, le fit gonfler dans de l’eau, le versa dans un pot de grès et le fit lentement cuire sur la braise du four, puis le donna à manger à ses trois enfants.

 

张鹏生嗜好1烟酒,捺不住乡居清淡,半年后独自归沪。少时,袁德才来信,说三星糖果厂招工,让女儿也回去。张母道:刚来就想走,当这里什么了。袁跟弟让她拿粮食换船票。张母拍腿喊穷。袁跟弟道:我种地不利索2,拖了三个小囡,真会把你吃穷的。张母这才嘀嘀咕咕,匀两袋麦子。

1.嗜好 shìhào  avoir un goût excessif pour (la boisson…)

2. 利索 lìsuo  agile, preste

 

Zhang Pengsheng aimait bien manger et fumer, et ne pouvait pas supporter les restrictions du village ; au bout de six mois, il revint seul à Shanghai. Peu de temps plus tard, Yuan Gendi reçut une lettre de son père, l’informant que la fabrique de bonbons Trois étoiles embauchait, et l’incitant à revenir à Shanghai. « A peine arrivée, tu veux déjà repartir, lui dit la mère Zhang, faut croire que tu n’es pas bien ici. » Yuan Gendi lui fit échanger des coupons pour de la nourriture. La mère Zhang cria qu’on l’écorchait. Yuan Gendi lui dit : « Je ne suis pas très douée pour travailler la terre et j’ai trois enfants à nourrir, c’est vrai que je pourrais te ruiner. » La mère Zhang en fut réduite, en grommelant, à lui donner deux sacs de blé.

 

轮船甫1离南通2码头,袁跟弟开始呕吐。到家时,满嘴苦胆汁,下巴都脱臼了。张鹏生醺醺然道:怎就回来了,谁允许你的。袁跟弟口不能开,涔涔泪下4。去医院,查出颚软骨挫伤。每天拿一把扁勺,塞饮白水和粥。

逾日得知,糖果厂要求技术考试。袁跟弟买半斤方糖、半斤圆糖,练习包糖纸。考取为正式员工。病一场,瘦得坐骨突棱,起立不安。硬撑着5白天家务,夜间上班。怕自己瞌睡,故意抢重活干,在电炉上熔蜡。年末被评为先进工作者。

 

1. (litt.) à peine  

2. 南通 Nantong, port fluvial du Jiangsu près de l’embouchure du Yangtse.

3. xūn ivre  

4. cén déborder  

5. 硬撑 yìngchēng se forcer à faire une tache malgré douleur ou autre

 

A peine le bateau eut-il quitté le quai de Nantong que Yuan Gendi commença à vomir. Quand elle arriva chez elle, elle avait la bouche pleine du goût amer de la bile et la mâchoire disloquée. Zhang Pengsheng lui dit d’une voix passablement éméchée : « Comment se fait-il que tu reviennes ? Qui te l’a permis ? » Incapable d’ouvrir la bouche, elle fondit en pleurs. Elle alla à l’hôpital, l’examen décela une lésion du cartilage de la mâchoire. On lui prescrit une potion, une cuillérée par jour, et une alimentation à base de liquides, eau et gruau.

 

Comme elle l’apprit par la suite, pour entrer à l’usine de bonbons, il fallait passer un examen technique. Yuan Gendi acheta une demi-livre de bonbons carrés, une demi-livre de bonbons ronds, et s’entraîna à les empaqueter dans leur papier. Elle fut embauchée comme ouvrière à part entière. Mais sa maladie l’avait terriblement amaigrie, et cela l’angoissait. Elle faisait malgré tout les tâches ménagères la journée et travaillait de nuit. Comme elle avait peur de s’endormir, elle demanda à effectuer la tâche la plus dure : faire fondre la cire au four électrique [1]. A la fin de l’année, elle fut élue ouvrière de pointe.

 

开春,糖果厂迁至南京。袁跟弟对张鹏生道:你也没工作,不如一道去。张鹏生面皮赪红,你肚皮又大了,不好好养着,去南京那种乡下地方干嘛,又道,哪有男人跟着女人跑的。袁跟弟辞了职。张鹏生打零工,读夜校。每月学费二十元,花光妻子积蓄。终于考上执照1,在家开诊所2。牙科椅占掉半间房。拆去大床,全家打地铺。

 

1. 执照 zhízhào permis, licence   

2. 诊所 zhěnsuǒ clinique

 

Au début du printemps, l’usine fut délocalisée à Nankin. Yuan Gendi dit à Zhang Pengsheng : « Tu n’as pas de travail non plus, ce serait mieux qu’on y aille aussi. » Ecarlate, Zhang Pengsheng lui répondit : « Tu es à nouveau enceinte, il faut te surveiller, qu’est-ce qu’on irait faire dans cet endroit paumé de Nankin ? » et ajouta : « et depuis quand a-t-on vu un homme suivre sa femme ? ». Yuan Gendi renonça à son travail. Zhang Pengsheng fit des petits boulots et suivit des cours du soir. Comme cela coûtait vingt yuans par mois, il eut vite épuisé les économies de sa femme. Mais il finit par obtenir sa licence, et ouvrit un cabinet chez eux. La chaise de dentiste prit la moitié de la place. Il fallut enlever le lit, et tout le monde dormit sur des nattes par terre.

 

袁跟弟生了女儿,断奶后,到波兰人家帮佣。一做三年,学了点波兰语,在侨民中名气渐长。一日,患阑尾炎1,东家到医院探望。即刻有人上报。彼时,洋人被禁止随意走动,亦不能拜访国人,家佣须得专门指派,以防泄露2国家机密。工会调查,袁跟弟是私人介绍的,没有经过组织。

 

1. 阑尾炎 lánwěi yán  appendicite 

2. 泄露 xièlù divulguer

 

Yuan Gendi donna naissance à une petite fille, et, quand elle l’eut sevrée, alla travailler comme aide-ménagère dans une famille polonaise. Au bout de trois ans, elle parlait un peu le polonais, et elle s’était acquis une certaine réputation parmi les expatriés. Un jour, son maître lui rendit visite à l’hôpital où elle avait été opérée de l’appendicite. Il y eut aussitôt un rapport. A cette époque-là, les étrangers n’avaient pas le droit de se déplacer comme ils voulaient, ni de rendre visite aux citoyens chinois. Les domestiques devaient avoir une assignation spéciale, pour éviter le risque de divulgation de secrets d’Etat. L’enquête établit que Yuan Gendi s’était présentée personnellement, sans passer par les rouages officiels.

 

袁跟弟出院后,被总工会约谈。说她违反法律,勒令她编个理由辞工。袁跟弟据实以告,东家欲帮她去工会补办手续,被拦下,他们就是恨我会外语,跟你们关系好。工会盯了她五六次。又找张鹏生,做思想工作。张鹏生整日咻聒2,不许妻子出门。袁跟弟只得辞工。

 

1. 勒令 lèlìng  ordonner, forcer à  

2. xiū  + guō  faire un boucan à écorcher les oreilles (聒耳)

 

Quand elle sortit de l’hôpital, elle fut convoquée par la Fédération des travailleurs ; on lui dit qu’elle avait enfreint la loi, et on lui ordonna de donner librement sa démission. D’après les faits rapportés par Yuan Gendi, quand son maître avait voulu l’aider à aller à la Fédération accomplir les formalités requises, on l’en avait empêchée : « Ils détestent, en fait, que je parle une langue étrangère, et que j’aie de bonnes relations avec vous. » La Fédération la surveilla cinq ou six fois. Puis ils allèrent voir Zhang Pengsheng pour faire du travail idéologique. Il hurla toute une journée, puis il interdit à sa femme de sortir.  Yuan Gendi fut bien obligée de renoncer à son travail.

 

少顷1,居委会介绍来一名劳动局干部。自称姓邓,穿便衣,反复研诘2你在波兰人家做过什么,讲过什么。晚饭后方走。张鹏生道:早让你和洋鬼子划清界线。看看,惹麻烦了吧。信不信我也跟你划清界限。袁跟弟淡然道:随你,我无所谓。张鹏生吃瘪5

翌日清早,邓便衣复来。继而上班似的,天天报到。自带茶叶和搪瓷杯6,讨要开水冲泡。啜茶,咂嘴7,剔牙8,问这问那。无话可问了,玩弄假牙模型。或拧开红灯收音机,躺到牙科椅上,哼哼唧唧听电台。

 

1. 少顷 shǎoqǐng peu de temps après

2. 研诘 yánjié enquête et interrogatoire (litt.)

2. 后方 hòufāng (milit.) à l’arrière

3. 洋鬼子 yáng guǐzi démons étrangers (terme consacré)

4. 划清界线 huàqīng jièxiàn établir des limites claires, des distinctions nettes

5. 吃瘪 chībiě (dial.) = 受窘 shòujiǒng être dans une situation gênante

6. 搪瓷 tángcí  émail 

7. 啜茶 chuòchá siroter   咂嘴 zāzuǐ  déguster (en faisant claquer les lèvres)   [onomatopées]

8. 剔牙 tīyá  se curer les dents  

9. 哼哼唧唧 hēnghēng jiji  marmonner

 

Peu de temps plus tard, le comité de quartier vint lui présenter un cadre du Bureau du travail. Un dénommé Deng, habillé en civil, qui reprit l’enquête en répétant les mêmes questions : « Quand tu étais chez les Polonais, qu’est-ce que tu as fait ? qu’est-ce que tu as dit ? » Il ne quitta la ligne de front qu’après le dîner. Zhang Pengsheng dit : « Il faut que tu établisses une démarcation très nette entre toi et les démons étrangers. Regarde les problèmes où tu te fourres. Je crois qu’il faut aussi que je me démarque de toi. » - « Mon sort t’est complètement égal, » répondit calmement Yuan Gendi. Zhang Pengsheng resta coi.

 

Le lendemain de bon matin, le dénommé Deng habillé en civil était de retour. Par la suite, il arriva ainsi au rapport tous les jours, comme s’il venait au travail. Il apportait lui-même sa tasse émaillée et ses feuilles de thé et demandait de l’eau bouillante pour verser dessus. Tout en sirotant son thé, en claquant des lèvres et en se curant les dents, il posait et reposait les mêmes sempiternelles questions. Et

 

Un modèle de poste de radio Red Lantern courant

dans les années 1970 à Shanghai

quand il ne trouvait plus rien à demander, il triturait la couronne de ses fausses dents. Ou encore, il allumait le poste de radio Red Lantern, s’allongeait sur le fauteuil de dentiste, et écoutait la radio en marmonnant.

 

稍后1,政府拟将张鹏生的私人诊所,并入静安区2牙防所,允诺3每月三十元补偿。袁跟弟提条件,要求解决自己就业。两厢僵持4。张鹏生瞒着她,签了字。及至诊所器械搬走,被告知补偿减为十元。又说张鹏生没有正规医学文凭,工资降到六十八。袁跟弟说:你就是胆小,这下误事了吧6张鹏生说:你自己没工作,倒有脸说我。

 

1. 稍后 shāohòu un moment plus tard   

3. 允诺 yǔnnuò  promettre, consentir

4. xiāng pièce latérale, aile (ici 两厢=双方) 僵持 jiāngchí rester sur ses positions

5. mán dissimuler 

6. 误事 wùshì  gâcher une affaire

 

Sur ces entrefaites, le gouvernement proposa d’intégrer le cabinet privé de Zhang Pengsheng dans le centre de santé dentaire du quartier Jing’an [2], en lui promettant une indemnité mensuelle de trente yuans. Yuan Gendi posa comme condition que son cas soit résolu. Aucune des deux parties ne voulant céder, Zhang Pengsheng signa sans rien dire. Quand le matériel eut été déménagé, on lui apprit que son indemnité avait été réduite à dix yuans. On lui expliqua en outre que, comme il n’avait pas les diplômes médicaux réglementaires, son salaire ne serait que de soixante-huit yuans. Yuan Gendi lui dit : « voilà où te mène ta couardise, tu t’es fait avoir. » - « Tu peux parler, toi qui n’as même pas de travail, » répondit Zhang Pengsheng.

 

袁跟弟翻出失业证,兜头1甩给邓便衣,你在我家坐着,有吃有喝,有工资拿。我却喝西北风。要不你帮我介绍工作,我保证每周陪你谈一次。否则我自己出去寻生活。她指使孩子们,上前捽衣抱腿2.

邓便衣磨不过,介绍她到北京西路的劳动服务队。自己跑去滨海县,找袁家阿舅探问。阿舅说:我三八年参加的八路军,我外甥女2小时候做童工,政治上都清清爽爽。倒是她那个男人,给犹太医院跑过腿3,可能有点资产阶级思想。

 

1. 兜头 dōutóu  ( shuǎi) lancer en pleine figure

2. 外甥女 wàisheng nǚ  fille de la sœur  

3. 跑腿 pǎotuǐ  faire des courses

 

Yuan Gendi prit son certificat de chômage et le lança à la tête du dénommé Deng : « Tu t’installes à la maison, tu manges et tu bois, et tu empoches un bon salaire. Moi, en revanche, je n’ai que du vent. Tu ne pourrais pas m’aider à trouver un travail ? Je te promets de venir discuter avec toi une fois par semaine. Sinon je vais me chercher un job toute seule. » Et elle fit avancer ses enfants pour qu’ils s’accrochent à ses basques.

 

Sans plus tarder, le dénommé Deng la fit entrer au Bureau du travail, dans le service de la rue de Pékin Ouest [3]. Quant à lui, il se rendit à Binhai, pour interroger la tante de Yuan Gendi. « Je suis entrée en 1938 dans la huitième armée de route, lui dit-elle ; quand elle était petite, ma nièce a été placée comme petite servante, ça, le gouvernement le sait, c’est clair. Maintenant, son mari, lui, travaillait à l’hôpital juif, alors il est possible qu’il ait une mentalité un peu petit bourgeois. »

 

翌年,劳动队辞退袁跟弟。领导说:邓同志只让你做一个月。我见你工作卖力,才留了这么久。现在搞整顿1,你没介绍信,我们不好办。要不你自己找找邓同志。袁跟弟到劳动局,发现没有姓邓的人。去居委会,又至派出所。派出所说:邓同志是外事处的,他有他的工作需求。袁跟弟吵起来,我成坏分子了吗?干脆把我铐走算了。

 

1.整顿 zhěngdùn  réorganiser, remettre en ordre

 

L’année suivante, le service licencia Yuan Gendi. Le directeur lui expliqua : « Le camarade Deng ne t’avait engagée que pour un mois. Mais comme j’ai vu que tu mettais tout ton cœur au travail, je t’ai gardée bien plus longtemps. Seulement maintenant, il faut que je régularise la situation. Tu n’as pas de lettre d’introduction, on ne peut pas te garder. Tu devrais aller voir le camarade Deng. »  Yuan Gendi se rendit au Bureau du travail, mais le dénommé Deng n’y était plus. Alors elle alla au comité de quartier, puis au bureau de police. Et là, on lui dit : « Le camarade Deng est au département des Affaires étrangères. Il a d’autres chats à fouetter. » Yuan Gendi éclata : « Alors on m’a classée mauvais élément ? On me met des menottes et c’est fini ? »

 

最后街道出面,安排她到通用制药厂,做外包工。两年后,工厂缩减人员。袁跟弟又失业,辗转数月,至上海十七漂染厂。每日忙到天黑,与小组长一起关窗户、切电源。张鹏生讥诮道:临时工一个,这么卖力。不知道的人,以为是劳动模范呢。袁跟弟翻起眼白,反正我做啥,你都看不惯。张鹏生不语,少时,道:你太要强了,跟个男人似的。

来年,袁跟弟转为正式工。参加厂里扫盲班2,学习写汉字、做算术。三学期后,能佐着3《新华字典》,阅读《毛主席语录》。或问:你天天待在教室,不回去陪家人吗。她答:跟家里人没话讲。

路灯跳亮,袁跟弟阖上本子,松松腿脚。灌一口自来水,啃两只白馒头,独自走去公交车站。帆布书包上,悬一只小算盘。满盘松木珠子,随了脚步,沙沙滑移。仿佛小学生。她模模糊糊有了触动。

 

1. 包工 bāogōng ouvrier sous contrat temporaire

2. 扫盲班 sǎománg bān cours pour éliminer l’illettrisme   

3. zuǒ  s’aider de

 

Finalement, elle fut affectée à une usine de médicaments courants, comme ouvrière sous contrat temporaire. Deux ans plus tard, l’usine réduisit son personnel. Yuan Gendi se retrouva à nouveau au chômage.

 

L’année suivante, cependant, elle trouva un travail officiel. Elle s’enrôla, au sein même de l’usine, dans une classe de lutte contre l’illettrisme où elle apprit à écrire et à compter. Trois semestres plus tard, elle savait se servir du dictionnaire « Xinhua » et pouvait lire les « Citations du président Mao ». Si on lui demandait : « Tu restes toute la journée dans la salle de classe, sans même rentrer voir ta famille ? », elle répondait : « Je n’ai rien à leur dire. »

 

A l’heure où les lumières s’allumaient dans la rue, Yuan Gendi fermait son livre et se détendait un peu les jambes. Elle prenait une gorgée d’eau au robinet, et grignotait deux petits pains blancs, puis allait seule jusqu’à la station de bus. Dans son sac de toile elle emportait un petit boulier aux boules de pin qui glissaient sur leur tige au rythme de ses pas avec un léger frôlement. Elle se sentait comme un petit élève, et cela l’émouvait quelque peu.

 

此后上班下班,日脚安稳,直至大儿从黑龙江插队归来。袁跟弟提前退休,让他顶替1进漂染厂。在家无事,练毛笔字。央视开播《跟我学》后,又购入教材,自习英语。揣一本《工作手册》,记满单词,时时背诵。张鹏生道:你吃饱饭没事干了。她道:保不准以后有机会,去美国看看呢。我外文名字都是现成的,叫凯蒂张鹏生哈哈不已,当个笑话,说与邻人,还凯蒂、凯蒂乱叫。

 

1. 顶替 dǐngtì remplacer

 

Et ainsi, elle allait chaque jour en cours et en revenait d’un pied ferme, jusqu’à ce que son fils aîné revienne du Heilongjiang où il avait été envoyé travailler. Yuan Gendi prit sa retraite anticipée, pour qu’il puisse entrer dans une usine de teinture à sa place. Et elle, elle resta à la maison en faisant des exercices de calligraphie. Mais, quand la télévision lança l’émission « Apprendre avec moi », elle se lança dans l’étude d’une nouvelle discipline : l’anglais. Le « manuel de travail » fourré dans sa poche, elle mémorisait des phrases simples et les répétait. A Zhang Pengsheng qui lui dit : « Tu es nourrie à ne rien faire. », elle répondit : « Si l’occasion se présente, à l’avenir, j’irai faire un tour en Amérique. Mon nom étranger est déjà tout trouvé : Katie ».  Zhang Pengsheng en fit des gorges chaudes et, s’esclaffant devant les voisins, l’appelait « Katie, Katie ».

 

袁跟弟让他别叫。弗听1。袁跟弟掿了鸡毛掸2,敲一通桌子。又召集家庭会议,宣布要离婚。儿女哗然,老妈疯了吧,搞啥花头精。”“屁大的事,也值得发火,是不是肝脏不好。”“老两口吵吵闹闹,不都熬了一辈子。袁跟弟流泪,就因为熬了一辈子。

喧过几天,袁跟弟突然中风。愈后双手哆嗦2,口齿含混。张鹏生哼道:让你出去飞呀。袁跟弟缄默3。忽一日,唤来大儿,樟木箱底有一件长袍,掩襟口袋里有张道勒,我很多年不敢拿出来。大儿依言,果然寻到一张1934年版美元。捋平褶子4,递过去。袁跟弟眵泪模糊,使力捻一捻,点头道:是这样的。

 

1.  (négation, litt.) 

2. nuò (litt.) saisir 鸡毛掸 jīmáodǎn  plumeau

3. 缄默 jiānmò  rester silencieux  

4. 捋平 lǚpíng défroisser, lisser  褶子 zhězi  pli, ride

 

 Yuan Gendi lui dit d’arrêter. Rien n’y fit. Alors elle se saisit d’un plumeau et, frappant sur la table, convoqua une réunion de famille et annonça qu’elle voulait divorcer. Les enfants s’exclamèrent : « Notre pauvre mère est devenue folle. Quelle nouvelle lubie lui est passée par la tête ? » - « Elle monte sur ses grands chevaux pour des broutilles, elle doit avoir une maladie de foie. » - « Ces deux-là ne cessent de se chamailler, comme si cela ne suffisait pas d’avoir souffert toute sa vie. » Yuan Gendi éclata en pleurs : « c’est justement parce que j’ai souffert toute ma vie ».

 

Après avoir tempêté pendant plusieurs jours, Yuan Gendi eut soudain une attaque qui la laissa les mains tremblotantes et l’élocution incertaine. Zhang Pengsheng marmonna : « T’as qu’à t’envoler maintenant. » Yuan Gendi resta silencieuse. Et soudain, un jour, elle appela son fils aîné : « Au fond du coffre en camphrier, tu vas voir une robe et, dans la poche, il y a un « dollar », cela fait des années que je n’ai pas osé y toucher ». Sur quoi il trouva, effectivement, un dollar de 1934 qu’il défroissa et fit passer à sa mère. Yuan Gendi, les yeux embués de larmes, fit tous ses efforts pour déchiffrer, puis articula en hochant la tête : « c’est bien ça. ».

 

 

写于20151231日星期四

 

 


[1] Les bonbons gélifiés sont entourés d’une couche de cire d’abeille.

[2] Quartier au centre de Shanghai

[3] Beijing West Lu, une rue du quartier Jing’an.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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