Nouvelles récentes de a à z

 
 
 
              

 

 

Ren Xiaowen 任晓雯

Je suis un poisson 我是鱼

par Brigitte Duzan, 26 juillet 2016

 

Cette nouvelle est l’une de celles de Ren Xiaowen (任晓雯) publiées dans le recueil « Le tapis volant » (《飞毯》), en mai 2006. Elle est caractéristique du style et du ton de ces nouvelles, dont elle a aussi deux éléments thématiques récurrents : la mort et la maladie mentale. Mais, si la mort y est présente, c’est comme événement naturel, mentionné comme en passant, et la maladie mentale est un déphasage par rapport à la réalité qui prend des aspects poétiques.

 

Tout en étant d’un réalisme brutal par certains côtés, le récit parvient à garder un ton de rêverie poétique par sa qualité stylistique. Il annonce les portraits de la série des « Vies fugitives » (《浮生》) des années 2013-2015.

 

(traduction partielle et provisoire)

 


 

艾娃总觉得自己是条鱼。她的鳞伏在皮肤下,鳃长在面颊里,四肢已泡成又薄又透明的鳍。如果是个有太阳的好日子,她的身体就会在水里折出赤橙黄绿的亮光。
    那年七岁,妈妈带小艾娃去玩水。正值盛夏,天气晴朗,沙滩挤满了人,大多是外地来游玩的。像妈妈和艾娃这样的本地人,通常不到海滨浴场,他们在海岸的另一边打渔为业。
    艾娃的爸爸在一次出海时淹死了。五个月大的艾娃还在吃奶,可她能清楚记起当时的情形。从妈妈的胳膊缝里,小艾娃看到爸爸泡胀了的尸体。他的头发里缠着水草,肚子鼓成个球,一条大腿已被凶狠的鱼类吞噬掉1
。长大后艾娃回忆起,并不觉得难过。爸爸从水里来,自然要回水里去。一切本该如此。

 

1. 吞噬掉 tūnshìdiào avaler, dévorer

 

Aïwa a toujours pensé qu’elle était un poisson, qu’elle avait des écailles cachées sous la peau, d’autres dans les joues, et que ses quatre membres étaient dotés de nageoires aussi fines que transparentes. Les jours ensoleillés, son corps, plongé dans l’eau, prenait des reflets jaunes, verts, orange ou écarlates.

 

Cette année-là, pour ses sept ans, sa mère l’avait emmenée au bord de l’eau. C’était la mi-été, il faisait un beau soleil et il n’y avait pas un seul nuage dans le ciel ; la plage était noire de monde, la plupart des gens étant des étrangers venus se divertir. Aïwa et sa maman, elles, étaient du coin, et, d’ordinaire, n’allaient pas au bord de la mer à l’endroit de la baignade ; elles allaient plutôt sur la côte là où l’on pouvait pêcher.

Le père d’Aïwa s’était noyé une fois qu’il était sorti en mer ; Aïwa avait alors cinq mois, et était encore au sein. Pourtant, elle se rappelait très nettement ce qui s’était passé. Des bras de sa mère, elle avait entrevu le cadavre enflé de son père.Des algues étaient emmêlées dans ses cheveux, son ventre était gonflé comme un ballon, une de ses cuisses avait été dévorée par un poisson féroce. Maintenant qu’elle était plus grande, Aïwa n’était pas affligée par ce souvenir. Il lui semblait normal que, venant de l’eau, son père ait voulu y revenir.


   
爸爸死后,妈妈卖掉渔网和船,改行做起贝壳类的小工艺品。她是个从山里嫁出来的闺女,生性不喜欢海。
    本地人的孩子,五六岁就能在水里游顺溜了1。可妈妈从不让小艾娃下水。艾娃对大海的唯一印象,只是傍晚时从远处吹来的水汽:咸咸湿湿,还夹带点腥,像人血的味道。
    妈妈被艾娃缠不过,就答应在七岁生日时,带女儿去见见海。经过慎重考虑,她选择了海滨浴场。这儿人多热闹,没有暗礁2,一百米开外还有防鲨网3。妈妈只准艾娃站在旁边看,艾娃就穿着小裤衩站在旁边看。她看见沙蟹在酱黄的沙子里钻进钻出,浅色的贝壳嵌了4
一地。还有皮肤白花花的城里人,嘻闹着玩沙子,或者挂个游泳圈,在齐腰的海水里兴高采烈地扑腾。

 

1. 游顺溜 yóushùnliu savoir nager comme un poisson dans l’eau

2. 暗礁 ànjiāo rocher, récif submergé 

3. shā requin

4.  qiàn être incrusté

 

Après la mort de son père, sa mère avait vendu le bateau et les filets de pêche, et avait changé de métier, pour fabriquer des petits objets artisanaux avec des coquillages. C’était une femme venue de la montagne pour se marier, et elle détestait la mer.

A l’âge de cinq ou six ans, les enfants du coin savaient nager comme des poissons. Mais sa mère ne laissait jamais la petite Aïwa entrer dans l’eau. La seule chose qu’Aïwa connaissait de la mer et était imprimé dans son esprit, c’était, le soir venu, l’air marin qui soufflait du lointain, humide et salé, avec une légère odeur de poisson, un peu comme du sang humain.

Comme Aïwa ne cessait de la harceler, pour son anniversaire, le jour de ses sept ans, sa mère l’emmena voir la mer. Après une longue réflexion, elle choisit l’endroit où tout le monde allait se baigner. L’endroit était animé et bruyant, il n’y avait pas de récifs submergés, mais, à cent mètres au large, il y avait des filets de protection contre les requins. Sa mère lui permit seulement de se mettre sur le côté, pour regarder. Aïwa resta donc plantée là, enpetit maillot, à observer. Elle vit des petits crabes se faufiler dans le sable d’un jaune comme de la sauce au soja, et des coquillages de couleur pâle incrustés dans le sol. Et puis, il y avait des gens de la ville au ventre tout blanc, qui jouaient dans le sable en riant bruyamment, ou, dans l’eau jusqu’à la taille, accrochés à des bouées, faisaient joyeusement gicler l’eau autour d’eux.


   
这时一个大浪头打过来,玩耍的人们齐声尖叫。海水浸上艾娃的腰,又退下,黄扑扑的沙子粘在腿上。妈妈拉着艾娃的手,往后退了两步。艾娃低头瞧,她瞧见脚边有一小条被冲上岸的鱼,敞着肚皮,拍着尾巴。艾娃望着鱼,鱼的大圆眼睛也望着艾娃。艾娃突然感觉腿上一阵痒,被海水舔过的皮肤起了反应,它们变得和鱼尾巴一样透明。艾娃蹲下身,把鱼抓在手里。鱼的身子滑腻1柔软,艾娃的身子也滑腻柔软。又一个较小的浪涌上来,艾娃跟着浪头跑。妈妈尖叫起来。鱼从艾娃的指缝溜出去,它游回海里。

 

1. 滑腻 huánì satiné, velouté (peau)

 

A un moment, une grande vague a déferlé et les baigneurs se sont tous mis à hurler comme un seul homme. La vague a submergé Aïwa jusqu’à la ceinture, et quand l’eau s’est retirée, elle avait du sable jaune collé sur les jambes. Sa mère la tira par la main pour la faire reculer de deux pas. Baissant la tête, Aïwa remarqua, à ses pieds, un petit poisson que la vague avait entraîné là, et qui, le ventre en l’air, remuait la queue. Aïwa observait le poisson, et le poisson, de ses yeux tout ronds, observait Aïwa. Comme elle ressentait soudain un picotement sur les jambes, réaction de la peau à l’eau de mer, elle eut l’impression qu’elles étaient devenues translucides comme la queue du poisson. Elle s’accroupit pour prendre le poisson dans ses mains. Son corps était doux et satiné, comme l’était aussi le corps d’Aïwa. Comme une autre vague, plus petite, approchait, Aïwa se précipita vers elle. Sa mère poussa un cri aigu. Mais le poisson se faufila entre les doigts d’Aïwa et repartit dans la mer.


   
艾娃像她爸爸,一下水就会游,她是从防鲨网底溜出去的。
   
艾娃游出很远。她发现,近岸的海水非常混浊1,但越往前、越往深,水色就越清朗。那种透明的蓝,深浅随阳光变化而变化。水底还有数不清的大小曲直的路。大路色彩明亮,阳光直达底部,艾娃能辨认被波浪挤出的海的皱纹,它们金丝线似的一根根紧挨着;小路则更有神秘感,那里的水草不似大路边的井井有条2,而是颜色各异,形态凌乱地堆叠在一起。还有珊瑚丛,一些长得像蝴蝶的彩色小鱼,在枝条间成群结队地穿梭。贝类和海星镶出漂亮的路面,大大小小的水母像透明的降落伞6飘来飘去。不同的海洋族类择处而居,似一个个村落互不侵扰。

   

1. 混浊 hùnzhuó bourbeux, trouble 

2. 井井有条 jǐngjǐngyǒutiáo bien rangé, en bon ordre

3. 凌乱 língluàn en désordre, chaotique

4. 堆叠 duīdié empiler, couche sur couche

5. 珊瑚 shānhú corail 

6. 水母 shuǐmǔ méduse  降落伞 jiàngluòsǎn parachute

 

Comme son père, aussitôt dans l’eau, Aïwa se mit à nager, et passa sous les filets de protection contre les requins.

Elle nagea très loin. Elle remarqua que, près de la côte, l’eau de la mer était trouble, mais que, plus on s’éloignait, plus elle était profonde et claire, d’une transparence bleutée qui variait constamment selon la lumière du soleil. Au fond de l’eau, il y avait d’innombrables routes de toutes tailles et de toutes sortes. Les plus grandes étaient lumineuses, car le soleil éclairait jusqu’au fond de la mer ; Aïwa pouvait distinguer les rides faites par les vagues à la surface, comme des fils d’or se succédant rapidement. Les petits chemins, au contraire, dégageaient une impression de mystère ; les herbes marines n’y étaient pas aussi bien ordonnées que celles au bord des grandes avenues ; leurs couleurs étaient en outre très diverses, et leurs formes entassées les unes sur les autres, dans le plus grand désordre. Il y avait aussi des récifs de corail, au milieu desquels évoluaient des nuées de petits poissons semblables à des papillons. Des coquillages et des étoiles de mer sertissaient ces chemins, et des méduses, petites et grandes, virevoltaient de ci de là comme des parachutes transparents. Différentes espèces marines avaient chacune un habitat bien distinct, comme des villages paisibles.

 

艾娃在迷宫样的海路中穿行。她看见了刚才沙滩上的那尾鱼,是条年幼的点篮子鱼,有张娃娃脸,体形肥嘟嘟圆滚滚1,浑身缀满雀斑2似的小金点。点篮子鱼游近艾娃,诧异地看着她,又慢悠悠游开。艾娃跟着它,经过一片片街区、跨跃一丛丛珊瑚。
    小鱼游游停停,像在和艾娃逗着玩。艾娃也游游停停。
   
艾娃喜欢摆动身体时,海水从皮肤上擦过去的感觉,像有很多软绵绵的手在抚摸她;艾娃也喜欢停下时静止的感觉,海的体味会把她团团裹住。艾娃就觉得自己回到了子宫,水的压力将她缩小回去,变成一枚胚胎样的气泡。

 

1. 肥嘟嘟 féidūdū  potelé  圆滚滚 yuángǔngǔn grassouillet

2. 缀满雀斑 zhuìmǎnquèbān couvert de taches de rousseur ( zhuì coudre, relier)

 

Comme Aïwa se frayait un chemin dans ce labyrinthe marin, elle aperçut le poisson qui venait de s’échouer sur la plage, un tout jeune poisson-lapin, avec une tête de bébé et un corps grassouillet, tout potelé, couvert de petits points dorés comme des taches de rousseur. Il s’approcha d’Aïwa, la regarda tout étonné, puis repartit tranquillement. Aïwa le suivit, d’un chemin à l’autre, et d’un massif de corail à un autre.

Le petit poisson s’arrêtait constamment, puis repartait, comme pour taquiner Aïwa, et elle suivait le même rythme.

Elle aimait la sensation de l’eau lui frôlant la peau … […..]

 

Un sigan, ou poisson-lapin, avec

les taches dorées décrites dans le texte


   
直到黄昏潮退,艾娃才水淋淋、光溜溜地从海里钻出来。她手里举着一根紫红色的珊瑚,脖颈上缠绕浅黄的水草。这时妈妈已跪在岸边,哭得筋疲力尽。她的周围站满人,有的在七嘴八舌安慰,有的则对着海面指指戳戳。艾娃刚从水中露出半个身子,头颈就被一只大索套猛地套住。

找到了,找到她了!”搜救艇上的人大叫大嚷。
   
艾娃被勒得半死,她木然地看着前方,任由小艇牵着走。岸上的人近了,这些人表情呆板,动作夸张,他们的皮肤干燥灰暗,空气中满是臊臭的体味。从这一刻起,艾娃不再将他们看作同类。

 

C’est au crépuscule que, trempée, le corps luisant, Aïwa surgit du fond de l’eau, tenant à la main un morceau de corail écarlate, et arborant autour du cou un collier d’herbes jaune pâle. Sa mère était prostrée au bord de l’eau, et pleurait toutes les larmes de son corps. Elle était entourée d’une foule de gens, les uns tentant de la consoler, les autrespointant la mer du doigt.  […]

« On l’a trouvée, elle est là ! » hurlèrent les gens de l’équipe de sauvetage.

Aïwa était à moitié morte, le regard fixe, quand elle fut ramenée dans le petit canot. Les gens sur le rivage s’approchèrent, le visage figé, les gestes hyperboliques […]

A partir de ce moment-là, Aïwa ne les considéra plus comme appartenant à la même espèce qu’elle.
   
   
妈妈发誓1,在她的有生之年,决不再让艾娃下水。几天后,她把艾娃带回了山里老家。又过几个月,因为娘家人嫌弃2,妈妈领着艾娃投奔舅舅。舅舅住在城里,刚讨了媳妇,小两口卖水产为生。
    舅舅、舅妈并不喜欢艾娃母女,可妈妈不能再带艾娃走了。她生了病,浑身上下变得腊黄。去世时,可怜的女人瘦得只剩骨架子。她很快就被烧成一堆灰,埋在城外。艾娃没有哭,她只是遗憾地想,妈妈没有死在生她养她的地方。
    妈妈葬掉的当天晚上,舅妈让艾娃睡到屋后的小院子里去。艾娃铺了草席,躺在饲了鱼蟹虾鳝的大小水盆间。半夜里,艾娃听见水族们搅起的“哗哗”
水声,又仰望天上砂石样的星星,她觉得自己从未有过父母,她是这天地间的水汽直接化出来的。

 

1. 发誓 fāshì jurer (promettre solennellement)

2. 嫌弃 xiánqì éviter, battre froid

 

Sa mère jura que, de son vivant, jamais plus elle ne laisserait Aïwa entrer dans l’eau. Quelques jours plus tard, elle revint avec elle dans sa famille, à la montagne. Mais, au bout de quelques mois, comme la famille lui battait froid, sa mère emmena Aïwa et alla se réfugier chez son oncle. Il habitait en ville et venait juste de prendre femme ; les deux époux avaient un commerce de produits aquatiques.

Ils n’aimaient pas Aïwa et sa mère, mais celle-ci ne put repartir. Elle tomba malade, son corps devint tout jaune et, quand elle mourut, la malheureuse n’avait plus que la peau sur les os. Elle fut très vite incinérée, et ses cendres furent enterrées en dehors de la ville. Aïwa ne versa pas une larme, elle regretta seulement que sa mère ne soit pas morte là où elle était née et avait grandi.

Le soir des funérailles, l’oncle et sa femme envoyèrent Aïwa dormir dans une petite cour à l’arrière de leur maison. Aïwa étendit une natte par terre et se coucha au milieu des aquariums, grands et petits, où étaient élevés poissons, crabes, crevettes etanguilles. Au milieu de la nuit, elle entendit tout ce petit monde s’agiter en faisant un léger bruissement ; levant les yeux et voyant le ciel constellé d’étoiles comme du grès, elle pensa qu’elle n’avait jamais eu ni père ni mère, mais qu’elle était née directement de la vapeur d’eau qu’il y a entre ciel et terre. 


   
第二天一大早,舅舅出门给一家餐馆送鲜货,舅妈到后院杀鱼。当她发现水盆里的艾娃时,吓得尖叫起来。
    艾娃蜷在一只最大的鱼盆里,脸朝下,背朝上,只有脊梁和头发露在水面外。十来条石斑鱼在她身边亲昵地磨着蹭着,她一动不动。
    “死人啦!”舅妈手里的刀掉在地上。
   
当舅妈拉着隔壁送外卖的小青年阿发,重新回到院子里时,他们看见艾娃站在水盆里对着他们傻笑,她的光身子在往下淌水,皮肤散发着令人作呕的鱼腥气。

 

Le lendemain de bon matin, l’oncle sortit apporter des produits frais à un restaurant, et sa femme alla dans la cour arrière tuer des poissons. Quand elle vit Aïwa dans l’un des aquariums, elle hurla de frayeur. Aïwa était recroquevillée dans le plus grand, le visage vers le bas, et le dos vers le haut ; on ne voyait que sa colonne vertébrale et ses cheveux, étalés à la surface de l’eau. Une dizaine de mérous évoluaient gentiment autour d’elle en l’effleurant et la caressant. Elle ne bougeait pas.

« Au secours, un mort ! » cria la tante en laissant tomber son couteau.

Quand elle revint dans la cour en traînant le jeune garçon de la maison d’à côté, ils virent Aïwa debout dans l’aquarium qui les accueillit d’un sourire d’idiote, le corps dégoulinant d’eau, et dégageant une odeur de fraîchin nauséabonde.


   
舅妈把艾娃狠揍了一顿。她早就看不顺眼了。这个女孩的身体已开始发育,可她竟不爱穿衣服,整天腆着个喝得胀鼓鼓的光肚子走来走去。更让人气愤的是,在亲生母亲的葬礼上,艾娃居然没有哭,她只低着头,嘴巴一张一翕,也不知在念叨什么。
   
母亲死后,艾娃似乎更无忌惮。只要得机会,她就一头扎进水盆。她可以一整天孵着不出,在水里睁眼吐水泡、东张西望,或者和鱼们抢吃鱼食。艾娃不太和人讲话,鱼才是她的好伙伴。她和它们在窄小的盆子里嬉戏,用手和头发圈围它们,或者将水搅浑,和它们捉迷藏。有时她恶作剧,突然把一条鱼含到嘴里,任由它在口腔内扑腾,很久才张嘴放开。

 

[Aïwa reçoit une bonne correction, mais se montre bizarre … dès qu’elle en a l’occasion, elle plonge dans l’aquarium, et reste sous l’eau, les yeux écarquillés, en disputant leur nourriture aux poissons….]


   
艾娃的躯体由于长期浸水而发胀褪皮。半个月后,她的一身嫩皮肤被泡成白乎乎、软塌塌的胶状物。还有从不打理的头发,纠缠成浅褐色一坨,把红通通的大眼睛遮去一大半,让人以为白天见着了落水鬼。在几次无效的打骂后,舅舅、舅妈就任由这小野丫头自生自灭。偶尔会有邻家孩子好奇,三五个的凑在院门口看,笑着议论着,他们叫她“女蛤蟆”

 

[…petit à petit, le corps d’Aïwa devient tout blanc, ses cheveux tout emmêlés cachent ses yeux rouges, on la considère comme un esprit de l’eau ; parfois des enfants du voisinage viennent la voir avec curiosité, et l’appellent « la grenouille »….]


   
艾娃热爱自己的身体,她觉得每个毛孔都吸足了水,像鲜花一样开放出来。她该是幸福知足、自由自在的,但有件恐怖的事情却始终困扰着她,那就是她的鱼伙伴,等待它们的,只可能是被宰杀的命运。
    为了保持新鲜,舅舅尽可能缩短饲养时间。也许只一昼夜,或者短短三四小时,活蹦乱跳的鱼儿就被从水里撩起,装进黑色塑料袋,送到餐馆,或直接上舅妈的砧板。
   
舅妈是杀鱼的一把好手。开膛破肚、挖除内脏、刮净鱼鳞,光秃秃的鱼下锅时,还能摆尾鼓鳃,甚至无望地蹦跶几下。艾娃不能想象,刚才还是和她一样的生命,在下一刻,就变成了菜肴、骨头、垃圾。如果艾娃亲见了鱼血,或者被扔掉的内脏,她就会惊叫着口吐白沫,一下昏死在水里。

 

[… Aïwa pose de plus en plus de problèmes pour l’élevage des poissons …]


   
有次舅舅进了些鲈鱼,其中一尾年幼短小,他就将它放在盆里养上两天。开始时小鲈鱼表现出进攻的天性,它追逐其他体型比它大的鱼,还在艾娃的身上叮了几下。但没多久,它就和艾娃投了缘,成为好朋友。睡觉时艾娃侧着身,围起胳膊,小鱼就停在她的臂弯里;醒后他们互相逗着玩,或脸对脸像在说话。

 

[… or un jour l’oncle rapporte des petits alevins, et l’un des petits poissons, une petite perche, devient le grand ami d’Aïwa,  il dort dans son bras replié…]


   
其他的鱼走了来,来了又走,小鲈鱼也长了些尺寸。舅舅决定和舅妈开开鲜。第二天一早,当舅舅提着兜鱼器来后院时,却发现那条鲈鱼不见了。
    “鱼呢?”舅舅抓着艾娃的头发,把她从水里拎出来。
    艾娃摇头,她的嘴巴涨鼓鼓的。
    “嘴里是什么?”舅舅厌恶地问,伸手要去撬艾娃的嘴。
    艾娃含混地嚷起来,突然她甩开舅舅的手,嘴里“咯嘣”
嚼两下,腥臭的血顿时从她嘴角涌出来。艾娃憋红脸,鼓起胸,身子往后仰,仿佛即将窒息过去。好半天,整条活生生的肥鲈鱼才硬被她完全吞进肚。

 

[…la petite perche grandit, et l’oncle décide qu’il est temps de la vendre… Mais quand il vient le chercher, le poisson a disparu. Il attrape Aïwa par les cheveux pour la tirer de l’eau et lui demande : où est passé le poisson ? Elle ne répond rien, mais elle a les joues gonflées … elle a la bouche pleine des morceaux du poisson avalé cru…..]


   
舅舅气疯了,把艾娃毒打一顿,还断了她的食。第二天上午,他们两夫妻被后院的情景惊呆了:所有大小盆子里的鱼都不翼而飞,地面溅得湿透,艾娃正瞪着眼仰躺在湿地上,她的腹部鼓成个球,四肢不停抽搐,口角淌满血色的沫子。她艰难地别过脖颈看他们,翻起的眼白灯泡似的暴出来。

 

[… les choses ne font qu’empirer par la suite…]


   
舅舅、舅妈决定把艾娃送进精神病院。医院车来接那天,小区里的大人孩子全都拥过来看热闹。舅妈帮着把艾娃五花大绑,舅舅则在旁边不停推开围过来的人群。
    “女蛤蟆,女蛤蟆!”孩子们拍着手嚷嚷。
    大人们交头接耳。空气里溅满咸酸的唾沫星子,艾娃觉得要窒息了。
    她被绑得严实,塞进医护车,扔到一张担架上。车厢里的空气比较纯净,有药水和消毒水的味道。艾娃拼命呼吸,她感觉水分在从皮肤里迅速蒸发出去。两个穿浅蓝褂子的男人把艾娃安顿好后,就坐到担架旁的排凳上,漠然地看着她痛苦地扭动身子。舅妈在车后跺着脚嚷嚷:“快去快回,下午还得送货呢!”
车厢门关上了,车子慢慢启动,几双扒在车窗上的好奇的手终于看不见。

 

[… l’oncle et la tante décident de l’envoyer dans un asile d’aliénés. Elle est emmenée en ambulance, attachée…)


   
路不平整,艾娃被颠得背脊生疼。她挪了下身,马上气喘嘘嘘。
    “
你瞧她呼吸时的肺。一个戴眼镜的蓝褂子对另一个说。
   
另一个俯下身细看,还探手摸了摸艾娃的胸:有些奇怪,进院后给她先做个全身检查。”
    舅舅坐在另一边的排凳上,他也低头看,并学着样伸手摸了艾娃一下。艾娃突然感觉身体烧了起来。
    “别哼哼,有什么可害臊的。”舅舅用脚踢了踢艾娃。
    戴眼镜的蓝褂子有些看不过去,就抓过条白布单子,把艾娃的光身子盖起来。车厢里的人都不说话,车往前开。
    “我要撒尿。”艾娃突然说。
    “多事,”舅舅咂了咂嘴,“忍着点。”
    过了会儿,艾娃又道:“我要撒尿,真憋不住了。”
   
三个男人我看你,你看我。

我陪她去。”刚才摸艾娃胸的蓝褂子说,他顺手掀开艾娃身上的布单。
   
车子停了下来,舅舅把艾娃腿上的绳索解开,套在腰里,蓝褂子把艾娃拎下车,牵狗似的牵着走。

 

[…Aïwa se sent mal, elle a le corps fiévreux… soudain elle dit : j’ai envie de faire pipi… on lui dit d’attendre, mais au bout d’un moment elle dit ne plus pouvoir se retenir…l’ambulance s’arrête, l’un des infirmiers l’aide à descendre et l’accompagne en tenant la corde attachée à sa taille…]

   
   
精神病院建在城外的一个小镇上。艾娃发现,他们已经出了城,上了宽阔的国道。路一边是大片熟了的稻子,一波一波起伏着,勾出风的形状,另一边是条小河,河面上泛着点淡黄色的水汽。艾娃贪婪地盯着看。
    “快些走!”蓝褂子男人紧了紧她腰里的绳,艾娃跟着走进稻田。
   
艾娃蹲在田里,周围的穗子擦得她痒痒。其实艾娃并没有尿,身子里的血都快干了,哪会来什么尿。她只是想呼吸一下新鲜空气,车厢里人散发出的浓稠体味让她憋得不行。艾娃把重心换到另一只脚上,继续蹲着。她觉得满意,甚至有些快乐。空气里有植物成熟时湿漉漉的香气,还有风,风是甜的,刮进鼻子时,艾娃的齿缝里就泛起一股滑爽的唾液。

 

[… l’asile est en dehors de la ville, l’ambulance est arrêtée au milieu des champs, d’un côté des rizières, de l’autre une petite rivière… Aïwa s’accroupit, elle n’a aucune envie de faire pipi, elle est juste contente de respirer…)


   
这时,艾娃突然闻出什么味道。抬头看,原来蓝褂子站在了她面前。他是个瘦长脸的青年,有枚尖锐的下巴。
    “你在撒尿吗?”声音有些发抖,他俯下腰,慢慢探过一只手。
    艾娃感觉不妙,刚想起身,却被一把撩倒在地。
    “让我瞧瞧你撒的尿。”
    还没来得及反应,艾娃就觉得身子被压住,大腿被掰开。一样不属于她的东西硬挤进来。它在侵占她,撕裂她,像舅妈挖鱼肠子的手那样,把她的身子掏空了。
    艾娃大叫,她身体的每个细胞都在大叫。艾娃毕生要说的话,都在这声叫喊中说完了。
   
声音传出很远,周围的穗子齐齐抖了起来。蓝褂子的眉眼缩成一团。他扇了艾娃一个耳光,就从她身上爬起来。艾娃瞥见他裤档里有个黑东西露出一半,那上面沾着她的血,还有一些白乎乎的粘液。

 

[… l’ambulancier s’approche... et la viole…elle pousse un immense cri…]


   
艾娃挣扎着跑,不小心绊倒了,膝盖被擦破,一根手指折伤了筋。她感觉血液倒流,四肢一会儿火辣辣生疼,一会儿冷嗖嗖发麻1。她重新站起身,拼命跑,跑出稻田,跑过公路,一头扎进小河里。

 

1. 火辣辣生疼 / 冷嗖嗖发麻 (jeu d’assonances) huǒlàlà shēngténg / lěngsōusōu fāmá (le corps) brûlant et douloureux / sonnée, étourdie

 

Aïwa se débat et s’enfuit en courant ; par mégarde, elle trébuche et tombe, et se blesse au genou… Elle sent le sang couler, tout son corps est brûlant et douloureux, elle reste étourdie un moment. Puis elle se relève, repart en courant à corps perdu, sort de la rizière, débouche sur la grand-route, et plonge tête la première dans la petite rivière.


   
小河的水流动得慢,艾娃被推着走。她听见舅舅咆哮的声音,她往河底深处扎。水涌进身体,血渗出伤口。艾娃试着划划胳膊蹬蹬腿。水盆里呆惯了,现在突然舒展开来,艾娃听到浑身骨骼都在“咯啦啦”响。随着缓慢的游摆,她腿间流出的血在身后拖出条淡红色水线。
    成群的河鱼游在艾娃身边。它们全都身材短小,灰不溜秋1。有的远远跟着,警觉地观察;有的则好奇地凑近,大着胆子往艾娃身上擦擦碰碰。河里的鱼沾染了太多人气2,不如海鱼有灵性,但艾娃还是感觉亲切。
    一条小鲤鱼游到她面前,晃了两下尾巴又游开。
    艾娃说:别怕,我也是鱼。
   
河鱼们诧异地看着她。

 

1. 灰不溜秋 huībùliūqiū = 灰不溜丢 huībùliūdiū d’une couleur terne et triste, grisâtre ou brunâtre.

2. 沾染 zhānrǎn être pollué, infecté.

 

Le courant, modéré, entraîne doucement Aïwa. Dans l’aquarium, elle ne pouvait pas bouger ; maintenant, la nature sauvage s’ouvre soudain devant elle, elle entend ses os s’étirer au fil du courant tandis que le sang qui coule entre ses jambes laisse derrière elle un filet rouge pâle.

Des bancs de poissons nagent autour d’elle. Ils sont tout petits, d’un gris terne. Certains la suivent de loin, en l’observant avec prudence ; d’autres, au contraire, s’approchent avec curiosité, jusqu’à la frôler hardiment. Les poissons de rivière sont trop pollués par l’environnement humain, ils n’ont pas l’esprit farouche des poissons de mer, mais cela n’empêche pas Aïwa de se sentir très proche d’eux.

Une petite carpe vient l’observer de près, frétille deux fois de la queue et repart.

N’aie pas peur, lui crie Aïwa, moi aussi je suis un poisson.

Les poissons la regardent d’un air sidéré.


   
艾娃继续游。她知道,它们听懂了她的话。身体的撕裂感1渐渐淡下去,河水把艾娃污浊的肢体冲刷洁净。
    河底除了泥土,只有零星水草;河边列了些柳树,农田一方连着一方。偶尔能看见一头牛,一只羊,或者一个收割的农人。有个戴笠帽的中年男人发现了艾娃,就嚷嚷起来。远处农舍奔出两三个人。
    艾娃沉到河底去,但河水过于清澈,掩不住她的身子。
    “看,美人鱼!”有人大叫。
    一个孩子追着艾娃跑起来。很快,岸边的人越来越多,跟着跑的人也越来越多。日头有点偏西了,阳光把她的身体镀成金色,给她的黑头发镶上4发亮的珠宝。水中的艾娃,像一艘5装点精致的6
小花船,穿破众人的目光,把兴奋的欢呼留在身后。这是她一生中最纯洁美丽的时光。

 

1. 撕裂 sīliè déchirer, lacérer

2. 污浊 wūzhuó souillé, immonde

3. () lì(mào) chapeau traditionnel de bambou  

4. xiāng incruster

5. sōu classificateur des bateaux 

6. 装点 zhuāngdiǎn décorer  精致 jīngzhì fin, délicat

 

Aïwa continue de nager. Elle sait qu’ils ont compris ce qu’elle leur a dit. La douleur émanant de son corps comme lacéré s’estompe peu à peu, et ses souillures sont lavées par le courant. Le fond de la rivière est vaseux, avec de rares herbes ; la rive, en revanche, est bordée de saules, et alentour les champs succèdent aux champs. On peut y voir ici un buffle, là un mouton, ou un paysan en train de moissonner. Un homme coiffé d’un chapeau de bambou aperçoit Aïwa et se met à hurler. Deux ou trois paysans qui étaient plus loin se précipitent.

Aïwa plonge au fond de la rivière, mais l’eau est trop limpide pour la dissimuler.

Regardez, une sirène ! s’écrie quelqu’un.

Un enfant se précipite pour voir. Sur la berge accourt une foule de curieux, très vite de plus en plus nombreux. C’est l’heure où le soleil commence à décliner, ses rayons nimbent le corps d’Aïwa d’une teinte dorée, et sertissent ses cheveux noirs de joyaux étincelants. Dans l’eau, Aïwa ressemble à un petit bateau fleuri finement décoré [1] qui attire les regards et suscite sur son passage une volée d’exclamations enthousiastes. C’est le plus pur, le plus beau moment de son existence.

 

 

Fête des bateaux fleuris à Changshu, près de Suzhou

 

    河道慢慢变窄了,农田稀落起来,鱼群陆续散去,身后的人群也逐渐看不见。艾娃游得累了,就摊开四肢,任由自己在变凉了的河水里漂浮。她看见初升的月亮和将落的太阳,它们并排挂在天空里,从被风吹动的柳条间半遮半掩地1滑过去。艾娃望着它们,很快就睡着了。
   
她梦见水像剪刀似的把她从正中裁开,很多红色的针一样的小鱼从疮口里游出来。切割成两半的身体,一半变轻变透明,晃晃悠悠浮上水面;另一半则变重变浊,沉到黑漆漆的水底下。在即将触到河床时,她突然被一根鱼钩挂住,巨大的散发锈味的铁钩,从她的阴部刺进去,再从胸前穿出来。光线照亮渔绳的另一头,一张模模糊糊的人的脸。

 

1. 遮掩 zhēyǎn masquer, cacher

 

La rivière se rétrécit peu à peu, les champs se font plus rares, les bancs de poissons s’éclaircissent, il n’y a bientôt plus personne sur les berges. Aïwa est fatiguée de nager, elle étend les bras et les jambes et se laisse dériver au fil du courant. Elle voit la lune apparaître tandis que le soleil se couche. Ils sont côté à côte dans le ciel, tour à tour dissimulés ou bien visibles au gré du vent qui agite les branches des saules. En les observant, Aïwa finit par s’endormir.

Elle rêve que l’eau est comme un couteau qui lui ouvre le ventre, qu’il sort de la blessure d’innombrables petits poissons rouges aussi fins que des aiguilles. Son corps se divise en deux parties ; l’une, légère et transparente, flotte en oscillant sur l’eau ; l’autre, en revanche, pesante et boueuse, s’enfonce dans les profondeurs noires de l’eau. Mais, quand elle touche le fond de la rivière, elle s’accroche soudain à un hameçon, un énorme hameçon de fer qui sent la rouille ; il pénètre en elle par ses organes génitaux, et ressort en lui perforant la poitrine. A l’autre bout du fil de la canne à pêche illuminé par le soleil, il y a le visage d’un homme aux trait indistincts.


   
艾娃痛醒了,她发现自己卡在一棵大柳树半裸的树根间,柳枝拂着戳着1她的身体,她的半条腿陷在淤泥里。这是一个窄小的河道弯口,水浅得只到腰部,很多河里的垃圾到了这里就沉淀下来。艾娃挣扎着从垃圾堆里站起身,歪歪扭扭地淌出河道。

 

1. 拂 caresser (vent…) chuō piquer

 

Quand Aïwa émerge de son profond sommeil, elle réalise qu’elle est échouée entre les racines d’un saule dont des branches lui caressent le corps et d’autres la piquent ; elle est enfoncée jusqu’à mi-jambes dans la vase. Elle se trouve à un endroit où le cours rétréci de la rivière fait un coude, l’eau peu profonde ne lui arrive qu’à la taille, mais elle est couverte d’immondices qui s’y sont accumulés. Aïwa s’en dégage à grand peine et sort de l’eau en titubant.

 

    天黑得只能辨出景物的轮廓。远处有喧腾的人声,暗黄的灯光,还有油腻的烟味,一团一团飘过来。像是一个夜市。艾娃记得第一次和母亲进城的情形,镇前的夜市是条热闹的小路,路两边摆满摊位,每个摊位前都挂着明暗不一的小灯泡,一个接一个连向远处,在地平线上,路两边的灯光就汇成一个点。艾娃还记得那晚妈妈买的鱿鱼干,有股咸湿气,艾娃吃了几口就大吐起来。旁边的人奇怪地看着她。那种美味的鱿鱼干是受欢迎的,妈妈排了二十分钟队才买到。

艾娃能模糊记起鱼肉烤焦的味道。妈妈微笑着把串烧棒递给小艾娃,再抬头吸两下鼻,闻一闻空气中热烘烘的油香气。那时,妈妈的脸白白净净,头发在脑后盘成一团。

 

Il fait nuit noire et l’on peut tout juste vaguement distinguer les contours du paysage. On perçoit, dans le lointain, un brouhaha confus, des lumières diffuses, et des odeurs de graillon qui passent par vagues. Ce doit être un marché de nuit. Cela rappelle à Aïwa la première fois qu’elle est allée en ville avec sa mère ; elles sont passées par le marché de nuit, dans la petite rue bruyante à la sortie du village ; il y avait des étals des deux côtés, devant chacun desquels était suspendue une petite ampoule électrique qui éclairait à peine ; c’était un étal après l’autre, à perte de vue, et on avait l’impression qu’à l’horizon les lumières ne faisaient plus qu’un seul point.Aïwa se souvenait aussi que, ce soir-là, sa mère avait acheté du calmar séché. Il avait une odeur saumâtre et, après quelques bouchées, Aïwa avait tout vomi. Les gens tout autour la regardaient avec curiosité. C’est un mets très prisé. Sa mère avait fait la queue pendant vingt minutes pour l’acheter.

Aïwa se souvient du goût du poisson grillé. Sa mère lui avait donné deux brochettes en souriant, puis avait pris une grande inspiration en relevant la tête, pour aspirer une bonne bouffée des effluves de grillade qui flottaient dans l’air. A cette époque, sa mère avait encore un visage au teint très clair et les cheveux attachés en chignon sur la nuque.


   
艾娃转身往暗处走。她的骨骼还在酸痛,但下体的血已经止住。艾娃喜欢黑夜里湿冷的空气,她觉得自己像是走在深海底。虽然路面完全看不见了,但她还是能感觉到方向,她知道,她是在朝着家走。

 

Aïwa se retourne pour se diriger vers l’obscurité. Son corps la fait encore souffrir, mais elle a cessé de saigner. Elle aime l’air frais et humide de la nuit ; pour elle, c’est comme s’enfoncer dans les profondeurs de la mer. Bien qu’elle ne puisse rien voir du chemin qu’elle prend, elle sent quand même qu’elle va dans la bonne direction ; c’est le chemin pour aller chez elle.

 

[1] Bateaux traditionnels de courtisanes chanteuses mentionnés dans la littérature depuis les Tang (dans des poèmes de Bai Juyi  par ex.)

 

 

 

 

 

 

 

 

     

 

 

 

© chinese-shortstories.com. Tous droits réservés.