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Han Han 韩寒

Présentation 介绍

par Brigitte Duzan, 23 août 2010, actualisé 20 février 2017

       

Han Han est né à Shanghai, le 23 septembre 1982, et a vécu une enfance dorée d’enfant unique à Jinshan, dans la grande banlieue sud de Shanghai (上海市金山区).

        

Son prénom ( hán) évoque les frimas de l’hiver, mais aussi la digne pauvreté des lettrés d’antan ; c’était en fait un nom de plume choisi par son père, éditeur et écrivain, Han Renjun (韩仁均): il décida de l’offrir à son fils à sa naissance. Han Han avait reçu son viatique.

        

Enfant précoce et adolescent rebelle

        

En 1995, petit élève de treize ans du collège Luoxing de Zhujingzhen, à deux pas de chez lui (金山区朱泾镇罗星中学), il publie un premier essai : « Triste existence au jour le jour » (《不快乐地混日子》).A partir de là, il publie des

 

Han Han 韩寒

textes dans divers journaux comme ‘les lettres et les arts de la jeunesse’ (《少儿文艺》), mais ce n’est pas un élève très appliqué ; selon les dires de son père, esquissant comme à plaisir une sorte de légende dorée autour de son fils, brouillon et étourdi, il avait souvent oublié ou perdu ses affaires, y compris son argent et ses clés, et n’écoutait guère les remontrances qu’on pouvait lui faire (1).

       

En 1999, il entre au lycée n°2 de Songjiang ((上海市松江二中), grâce, précise encore la légende, aux points supplémentaires obtenus grâce aux épreuves sportives, mais il se distingue à nouveau : avec un essai intitulé « S’épier dans un verre » (《杯中窥人》), il gagne le premier prix de la première édition

d’un concours littéraire institué pour récompenser des talents originaux d’essayistes (首届新概念作文大赛).

       

« Les trois portes » 《三重门》

 

A la fin de l’année, cependant, il est recalé à l’examen équivalent à notre bac, avec des notes inférieures à la moyenne dans sept matières, dont le chinois, ce qui déclenche une violente polémique dans la presse sur la qualité de l’enseignement en Chine. Eternel débat qui rappelle les vieilles controverses sur les examens impériaux et les essais ‘en huit parties’, mais qui n’est pas spécifique à la Chine.

       

En fait, il a passé l’année à écrire un roman décrivant la vie d’un élève comme lui, à Shanghai : « Les trois portes », représentant les trois années de préparation à l’examen

(《三重门》). Il y décrit le malaise des adolescents au lycée, en critiquant de manière iconoclaste le système éducatif chinois, allant jusqu’à dépeindre les professeurs comme des filles de joie qui « vendent » leurs heures supplémentaires et acceptent des pots de vin, mais ne

savent pas, comme celles-ci, procurer du plaisir à leurs clients.

       

Corrosif à souhait, le livre devient immédiatement un bestseller lorsqu’il est publié, par la très sérieuse Maison d’édition des écrivains (作家出版社), affiliée à l’Association nationale des écrivains chinois.

       

Il redouble, mais sans plus de succès : il décide alors

d’abandonner, et de quitter l’école. A l’un de ses professeurs qui lui demande ce qu’il va faire, il répond qu’il va vivre de ses droits d’auteur. Et c’est effectivement, peu ou prou, ce qu’il a fait depuis lors.

         

Ecrivain à succès, mais pas seulement…

       

Son existence semble alors se réduire à une série de succès de librairie :

-          en 2000, son recueil d’essais « Un degré en dessous de zéro » (《零下一度》), 900 000 exemplaires, est bestseller de l’année 2001 ;

-          en 2002, son roman « Comme un jeune bolide », 550 000 exemplaires, est bestseller de l’année 2002 ;

-          la même année, son recueil de textes choisis  « Poison(s) » (《毒》), est tiré à 300 000 exemplaires ;

 

 « Un degré en dessous de zéro »

《零下一度》

-          en 2003, un autre recueil, « Communiqués de presse 2003 » (《通稿2003), atteint les 400 000 exemplaires ;

-          en 2004, son roman « Emeute à Chang’an » (《长安乱》), 500 000 exemplaires, est bestseller de l’année 2004 ;

-          en 2005, son recueil d’écrits ‘au fil de la plume’  « Et je vais ainsi, de ci de là » (《就这么漂来漂去》), dont le titre évoque une chanson du chanteur de pop taiwanais, Lo Ta-yu (ou Luo Dayou 罗大佑), égérie de la génération de Han Han, est encore tiré à 400 000 exemplaires.

       

Ce livre est inspiré de son expérience, ses impressions et réflexions de coureur automobile. En effet, si Han Han collectionne les succès littéraires, il multiplie aussi les succès dans ce domaine. Ayant commencé la compétition automobile en 2003, il a surpris tout le monde en devenant un excellent coureur de rallyes : il a été vainqueur du championnat de Chine des rallyes en 2007.

 

« Emeute à Chang’an » 《长安乱》

       

Coureur de rallyes

 

Comme si cela ne suffisait pas à remplir son emploi du temps et combler son ego, il est  aussi mannequin à ses heures, ce qui n’est pas mauvais non plus pour se faire un peu

d’argent de poche. Il ne pouvait pas ne pas tenter également la chanson : il a signé en 2006 les paroles d’un album, sorti en octobre 2006, intitulé « Interdit aux moins de 18 ans » ou, à l’américaine, « R-18 » (十八禁) (2). Au milieu de tout cela, il a même réussi à se marier ; si le mariage fut glorieux, cependant, la suite le fut un peu moins,

mais il est resté très discret, à quelques fugitifs commentaires près, sur cet aspect de sa vie.

       

Ce qui manque évidemment à Han Han, c’est d’avoir fait du cinéma. On lui a bien proposé un rôle, en février 2005,  dans un film américain qui devait être adapté d’un roman d’un jeune écrivain nommé Xie Hang (解航) – autre phénomène d’édition. Intitulé « Dysménorrhée » (痛经), le roman conte une histoire d’amour entre un jeune étudiant et son professeur. Han Han refusa en riant, disant qu’il ne pouvait pas jouer un tel rôle. On n’a plus entendu parler du film…

         

Bloggeur « le plus populaire de Chine »

         

En septembre 2005, il lance son blog : http://blog.sina.com.cn/twocold

        

Il l’a utilisé depuis lors comme une arme de guerre, avec

 

Mannequin

               

« Essais divers » (《杂的文》)

 

une audace calculée pour dénoncer les autorités, politiques et littéraires, les abus et excès en tous genres, et surtout le conformisme social. Il dit ce que tout le monde aime entendre, mais à quelqu’un qui commentait l’un des articles de son blog en le remerciant d’avoir dit juste ce qu’il voulait dire, il répliqua : et pourquoi ne le dis-tu pas ? C’est que tout le monde n’est pas Han Han : une sorte de petit miracle de liberté d’expression, mais dûment mesurée.

      

Provocateur pour soigner son image, il sait rester dans les limites qui conviennent. En 2008, il a dépassé l’actrice et réalisatrice Xu Jinglei (徐静蕾) dont le blog était jusque là le plus visité de Chine, et il est devenu le bloggeur le plus lu du monde.

           

En dépit des aspects superficiels ou provocants de sa personnalité, il est incontestable qu’il est devenu une figure représentative de toute une génération : celle dite de « l’après-80 », la génération de l’enfant unique, avec sa

cohorte d’enfants élevés dans la Chine du boom économique, gâtés et gavés, turbulents et nombrilistes, terriblement individualistes et socialement irresponsables, sans foi et sans idéal. Mais, dit Han Han, « mieux vaut ne pas avoir de foi qu’en avoir une aveugle et mal placée, qui vous pousse à opprimer, voire à tuer ceux qui ne sont pas d'accord avec vous. »  

      

Han Han est l’idole de la jeunesse chinoise, mais ils n’ont pas besoin de lui pour avoir le goût de la contestation. Il semble en fait contribuer à canaliser les énergies de sa génération, et remplir en cela un rôle qui lui est concédé par le pouvoir, à toutes fins utiles. Ce n’est pas lui qui va se battre pour la démocratie : il trouve qu’il y a des problèmes  plus importants, comme la liberté d’expression et de création, ou celle de la presse. Le reste relève de l’utopie, et il préfère rester dans le domaine réaliste. Ce n’est pas un danger pour le pouvoir, Han Han, juste un poil à gratter autorisé, un alibi et un symbole.

 

              

La cité idéale

            

mais écrivain avant tout

              

C’est bien pour son image symbolique que, dans son documentaire sur Shanghai réalisé à l’occasion de

l’Exposition universelle, « I wish I knew » (《海上传奇》), Jia Zhangke consacre quelques minutes à Han Han à la fin du film. Après l’évocation des souvenirs douloureux de la ville d’antan, voilà la ville d’aujourd’hui : des jeunes les pieds sur terre, qui aiment le succès facile et rapide, et

s’achètent illico une voiture avec leurs premières économies.

       

Mais Han Han se dit quand même écrivain avant tout. C’est

aussi ce qu’il a déclaré lors d’une interview dans le cadre de l’émission ‘Talk Asia’, sur CNN, en juin 2010 :

http://edition.cnn.com/2010/TECH/web/06/03/han.han.

china/index.htmleref=rss_latest&utm_source=feedburner

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« Jours de gloire » (《光荣日》)

            

Il écrit toujours autant, et avec autant de succès :

 c’est facile à lire et cela se vend bien. Ainsi, en 2006, il a publié un roman, « La cité idéale » (《一座城池》), tiré à

500 000 exemplaires. Il a été adapté au cinéma en 2013, sous le même titre, mais sans autant de succès : Han Han a bien fait remarquer qu’il n’avait vendu que les droits, et qu’il n’était aucunement intervenu dans la réalisation du film ; il s’est aussi prudemment tenu à l’écart des conférences de presse à la sortie du film et ne lui a apporté aucun soutien public.  

          

En 2007, il a publié un autre roman, dans le style du réalisme fantastique : « Jours de gloire » (《光荣日》), vendu à 600 000 exemplaires. En janvier 2009, il a encore publié un roman, « Son pays » (《他的国》), puis, à partir de 2009, il a surtout publié des recueils de textes extraits de son blog, dont « Jeunesse » (《青春》) qui a d’abord été

 

« Son pays » (《他的国》)

publié à Taiwan en septembre 2010, avant de l’être dans une version révisée en Chine continentale, en novembre 2011.

                            

J’aimerais parler un peu avec le monde

 

C’est en juillet 2010 qu’il a lancé son magazine littéraire Dúchàngtuán (《独唱团》) qui a fait beaucoup de bruit mais n’a pas survécu au premier numéro. Dans ce numéro, il publiait le début d’un roman qui est ensuite sorti dans sa totalité en septembre 2010 : « 1988 : j’aimerais parler un peu avec le monde » (《我想和这个世界谈谈》. Le  récit se présente au départ comme un road movie, dans une voiture dont le numéro est 1988 ; Han Han décrit ensuite le périple

de son narrateur avec une prostituée trouvée sur le chemin, et déroule son histoire comme une série de portraits contés en flashbacks.

             

Ce roman est sans doute ce qu’il a écrit de mieux depuis « Les trois portes », son roman de lycéen qui s’est vendu plus de deux millions d’exemplaires. Il a même été adapté au théâtre et joué à Pékin et Shanghai en 2012 et 2013.

             

Le plus étonnant est que les traductions de son blog se multiplient à l’étranger….                    

 

Et maintenant le cinéma

 

Depuis lors, cependant, bien décidé, après sa première déconvenue, à ne pas laisser à d’autres le soin d’adapter ses romans, Han Han est passé lui-même derrière la caméra, en se chargeant de l’écriture des scénarios. Son premier film est sorti en juillet 2014…

 

Voir Han Han cinéaste : http://www.chinesemovies.com.fr/cineastes_Han_Han.htm

 

 

             

Notes

(1) Voir l’article de son père sur le sujet : http://hi.baidu.com/hanlengderizi/blog/item/ee88d11fa373fd09304e15c2.html/cmtid/d403fd0958edcf

8bd1581bfc

(2)  Extrait à écouter : le cinquième titre de l’album -混世 ‘un monde chaotique’ - ce qu’il appelle une ‘histoire en musique’ ( ‘音乐小说’) :  http://www.56.com/u15/v_MjAwMjk2ODQ.html

(3) Voir mon article sur le film :

http://cinemachinois.unblog.fr/2010/05/31/i-wish-i-knew-un-jia-zhangke-qui-traine-un-peu-en-longueur/

(4) Il a été traduit en français et publié chez Lattès en mars 2004. 

       


              

Principales publications

        

2000  Les trois portes 《三重门》 Roman

2001  Un degré en dessous de zéro 《零下一度》

        Recueil d’essais et nouvelles

2002  Comme un jeune bolide 《像少年啦飞驰》

        Roman, best-seller de l’année, également adapté en bande dessinée

2003  Poison, suivi de  Poison 2 《毒》和《毒2

        Recueils de textes choisis

2003  Communiqués de presse 2003 《通稿2003

         Autre recueil de textes divers

2004   Emeute à Chang’an 《长安乱》

         Roman, best-seller de l’année

2005  Et c’est ainsi que je vais, de ci de là 《就这么漂来漂去》

         Recueil d’essais ‘au fil de la plume’

2005  Septembre : lancement de son blog

2006  La cité idéale 《一座城池》 Roman

2006  Interdit aux moins de 18 ans 《寒·十八禁》

         Recueil de chansons

2007  Jours de gloire 《光荣日》 Roman

2008  Textes divers 《杂的文》

         Sélection de textes publiés sur son blog 2006-2008

2009  Ton pays 《他的国》 Roman

2009  Juillet :  Délicieuses catastrophes 《可爱的洪水猛兽》

         Sélection de textes de son blog 2008-2009

2010  Juillet : Lancement du magazine littéraire Dúchàngtuán 《独唱团》

2011  Jeunesse 《青春》

         Recueil de textes du blog (d’abord publié à Taiwan en septembre 2010)

2012  Une nation éclatée 《脱节的国度》

         Recueil publié à Hong Kong (plaidoyer pour la liberté d’expression)

        

Traductions en français

- Les Trois Portes, traduction de Guan Jian et Sylvie Schneiter,  Lattès, mars 2004 

- Blogs de Chine, traduction de Hervé Denès, Gallimard/Bleu de Chine, septembre 2012, 416p

        

Traduction en anglais

This Generation: Dispatches from China's Most Popular Literary Star (and Race Car Driver) Han Han, edited and translated by Allan Barr, Simon & Schuster, october 2012.

        

A noter : Han Han est représenté par l’agence de Hong Kong Peony Literary Agency (牡丹花版权代理) qui a annoncé en novembre 2011 la vente à Simon & Schuster des droits de deux autres de ses titres : « Youth » (《青春》 ) et « 1988: I Want to Talk to This World » (《我想和这个世界谈谈》).

 

La traduction du blog en français

       


               

A lire en complément :

我想和这个世界谈谈(节选) « J’aimerais bien parler un peu avec le monde » (extrait)

        

        

        

       

 

 

 

     

 

 

 

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