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Petite histoire des revues littéraires chinoises
I. Avant 1949
par Brigitte Duzan, 18 décembre 2017
Les revues littéraires chinoises ont une histoire relativement
courte puisqu’elle ne remonte qu’à la fin du 19e
siècle. Elles ont eu des débuts difficiles et chaotiques, en
raison de la politique et de la guerre, mais leur rôle a été
déterminant pour la diffusion des textes courts, nouvelles,
poésie et essais, aidant ainsi à la création littéraire dans ses
aspects les plus innovants. Ce fut le cas en particulier au
début du siècle, puis à partir du début des années 1980.
C’est encore le cas aujourd’hui, avec, comme toujours, une
tension née des contraintes commerciales, voire politiques.
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Sommaire
A/ Premières revues à la fin du
19e siècle
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Les précurseurs
·
L’esprit de réforme
·
Liang Qichao et le Japon
B/ Essor dans la première moitié
du 20e siècle
·
Années 1910
·
Le mouvement du 4 mai et les
années 1920
·
Le boom des années 1930-1937
Croissance et diversité
A Shanghai surtout
Mais à Pékin aussi
·
Les années de
guerre
L’importance particulière des
suppléments littéraires
C/
Les revues féminines au
début du 20e siècle
Référence
A lire en complément
Suite :
II. Après 1949. |
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A/ Premières revues à la fin du 19e siècle
Ce sont les progrès de l’imprimerie à partir du milieu du 19e
siècle qui génèrent ce qui n’est au début qu’un nouveau format
d’édition d’œuvres littéraires, et ces progrès sont importés :
ce sont les missionnaires qui se dotent alors de presses
modernes, les nouvelles machines servant d’abord à imprimer des
bibles ; mais ces missionnaires publient aussi des œuvres
littéraires, y compris des traductions en chinois de romans
modernes étrangers.
·
Les précurseurs
Dans les dernières décennies du siècle, de nouvelles
technologies sont adoptées par les grandes imprimeries
commerciales chinoises, basées à Shanghai. Ce sont les
concessions étrangères de la ville qui deviennent les principaux
centres d’édition. Une scène littéraire très riche se développe
alors pour alimenter la demande dans une ville en plein essor,
et un nouveau format se développe pour éditer les nouvelles
œuvres: la revue littéraire.
Il est généralement admis que la première revue
littéraire chinoisea été « Notes dispersées sur le
vaste océan » (Yinghuan
suoji
《瀛寰瑣記》)
,
publiée de 1872 à 1875 par la maison
d’édition de l’un des principaux journaux de
Shanghai: le Shenbao (《申報》),
fondé en 1872 par l’Anglais Ernest Major (nom
chinois Meizha
美查)
et son frère jumeau, avec une maison d’édition très
active ou Shenbaoguan (《申報館》).
Le format n’a pourtant pas tout de suite du succès ;
seulement cinq revues sont créées avant le tournant
du siècle, dont quatre publiées par Ernest Major, et
toutes ont des vies très courtes. L’édition est
surtout tournée vers le livre, et la publication de
romans populaires, favorisée par les nouvelles
techniques d’imprimerie et la demande de classes
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Les anciens locaux du Shenbao
(rue Wangping 望平街) |
sociales émergentes, marché où le Shenbaoguan se
taille d’ailleurs une bonne part.
Les Fleurs de Shanghai, encart
publicitaire pour l’édition 1894 |
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C’est en 1892 que la revue littéraire prend
vraiment son essor, toujours à Shanghai, grâce à
Han Banqing (韩邦庆),
l’auteur du célèbre roman de la fin des Qing : « Les
Fleurs de Shanghai » (《海上花列传》)
.
Il commence sa carrière en écrivant des articles sur
les femmes des maisons closes, pour le Shenbao.
justement. Puis, au début de 1892, il fonde la revue
littéraire « Le Livre des curiosités de Shanghai » (Haishang
qishu《海上奇书》),
d’abord bihebdomadaire, puis mensuelle. Il y publie
ses nouvelles « Esquisses de Taixian » (Taixian
man gao《太仙漫稿》),
dans un style fantastique de type zhiguai
rappelant les
Contes du Liaozhai (《聊斋志异》)
de Pu Songling (蒲松龄),
mais aussi ses « Fleurs de Shanghai » en feuilleton.
La revue ne dure que huit mois, car Han Banqing est
mort en 1894, sans même avoir pu terminer son roman,
mais elle |
est considérée comme la première revue littéraire chinoise
conçue dans une optique commerciale.
·
L’esprit de réforme
A la toute fin du 19e siècle souffle en Chine un vent
de réforme visant à sauver la dynastie moribonde, qui aboutit en
1895-1898, après la défaite de la Chine dans la guerre
sino-japonaise, à la réforme dite des Cent Jours. La plupart des
intellectuels impliqués dans le mouvement fuient au Japon pour
éviter d’être arrêtés et exécutés. Parmi eux l’un des principaux
chefs de file des réformistes : Liang Qichao (梁启超).
Continuant ses activités politiques au Japon, où il jouit de la
possibilité d’exprimer librement ses idées, il fait de la
littérature un élément crucial de ses idées réformatrices, pour
transformer les esprits, comme
Lu Xun
avant lui : il prône la révolution de et par la littérature,
" révolution de la poésie" (shijie
geming
诗界革命),
"révolution de la prose littéraire" (wenjie
geming
文界革命)
et "révolution du roman" (xiaoshuojie
geming
小说界革命),
par quoi il entend roman vernaculaire –
idée
accueillie avec enthousiasme
.
C’est une période de boom littéraire, répondant à
une demande de littérature populaire, le roman
devenant un outil d’éducation politique. D’où
l’intérêt pour le format de la revue, qui assure à
ces idées un maximum de diffusion auprès du lectorat
ciblé, celui des couches populaires de la population
urbaine.
La première initiative est venue d’un ami réformiste
de Liang Qichao : Xia Zengyou (夏曾佑)
et de son ami traducteur Yan Fu (严复).
En octobre 1897, avec le soutien du gouvernement
japonais et d’un investisseur japonais, ils fondent
à Tianjin le journal Guowen Bao (《国闻报》)
dont ils sont tous deux les rédacteurs. Le 10
novembre 1897, le journal sort avec une annonce des
deux rédacteurs déclarant leur intention de publier
prochainement un supplément littéraire (《本馆附印说 |
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Le Guowen Bao (1897) |
部缘起》).
Mais il ne verra jamais le jour, le journal ayant cessé de
paraître l’année suivante.
·
Liang Qichao et le Japon
1er numéro de la revue de Liang
Qichao Xinxiaoshuo (novembre 1902) |
|
C’est à partir de 1900, au Japon, que - convaincu
par l’exemple japonais de la force de la presse pour
promouvoir les idées modernes - Liang Qichao fonde
une série de journaux qu’il conçoit comme des armes
au service de la révolution qu’il envisage, et
d’abord la révolution des esprits.
A Yokohama, en novembre 1902, il lance la revue
littéraire
Xin xiaoshuo
ou Nouveau roman (《新小说》),
comme supplément de l’hebdomadaire Xinmin
congbao
ou Journal du nouveau citoyen (《新民丛报》)
lancé en février, dont il est le rédacteur en chef
et dans lequel il diffuse ses idées de démocratie.
C’est dans le premier numéro de cette nouvelle revue
qu’il publie le seul roman qu’il ait jamais écrit :
« L’avenir de la Chine nouvelle » (《新中国未来记》).
La revue, comme l’hebdomadaire, a du succès et
entraîne une vague de créations de revues
littéraires similaires, qui permettent aussi de
publierles nombreuses traductions |
d’œuvres étrangères. La fiction est élevée de genre
populaire méprisé à outil (politique) de progrès et de
lumières.
Xin xiaoshuo
annonce ce qui va devenir le mode standard de l’édition initiale
d’un texte en Chine, et entraîne en retour le développement de
genres littéraires distincts.
B/ Essor dans la première moitié du 20e siècle
·
Années 1910
Dans les années 1910, les principales maisons d’édition
commerciales de Shanghai - dont les trois plus importantes : la
Commercial Press (Shangwu
yinshuguan
商务印书馆)
fondée en 1904 ; la Zhonghua Book Company (Zhonghua
shuju
中华书局),
fondée en 1912 ; et la World Book Company (Shijie
shuju
世界书局),
fondée en 1921 - étaient entre les mains d’hommes d’affaires
chinois ; pour eux, publier des journaux littéraires était un
complément de leurs activités, la majeure partie de leurs
revenus provenant de la presse et de l’édition de manuels et de
textes destinés au nouveau système d’enseignement remplaçant les
examens mandarinaux.
C’est alors qu’émergent des écrivains que Leo Ou-fan
Lee (李欧梵)
a appelés "journalistes-littérateurs". Certains
sont membres d’une organisation professionnelle
appelée Société du Sud ou Nanshe (南社),
fondée à Suzhou en novembre 1909 par trois membres
de la Ligue du Tongmenghui (同盟会)
de Sun Yat-sen. La Nanshe a été la plus
importante société littéraire de la période
républicaine, initialement calquée sur la Revival
Society ou Fushe (復社)
de la fin des Ming, dont |
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La collection du
Nanshe congke |
elle se distinguait par l’accent mis, non tant sur la
patronage politique et les "réunions élégantes" (ou yaji
牙集),
mais sur la publication de journaux et revues littéraires.
Sa principale publication est la revue des « Cahiers de la
Société du Sud » (Nanshe
congke
《南社丛刻》),
divisée en sections de poésie, poésie lyrique et prose et
publiée de janvier 1910 à décembre 1923.
·
Le mouvement du 4 mai et les années 1920
La revue Renaissance
Shaonian Zhongguo |
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Dans les années 1920, dans le contexte du
mouvement du 4 mai,
les journaux,
sociétés et revues littéraires prolifèrent dans
toute la Chine, dans un contexte d’effervescence
créatrice. Entre 1921 et 1923, le pays compte une
quarantaine de sociétés et une cinquantaine de
revues, chiffres qui doublent dans les années
suivantes. Mais il y a segmentation du marché de la
presse en fonction du public et du style, allant du
populaire au plus "avant-gardiste".
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La revue Meizhoupinglun |
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Dans les premières années de la décennie, la revue
Nouvelle jeunesse (Xin qingbao
《新青报》)
est la plus connue, mais il y a aussi le Meizhou
pinglun
ou Débat hebdomadaire (《每周评论》),
animé par Chen Duxiu (陈独秀),
la revue Renaissance (Xinchao
《新潮》)
et le Journal de la Chine jeune (Shaonian
Zhongguo 《少年中国》)
qui forment un front uni pour promouvoir aussi bien
la langue vernaculaire que de nouvelles formes
littéraires.
Au début des années 1920, la Société d’études
littéraires (Wenxue
yanjiuhui
文学研究会)
et la Société de création (Chuangzao she
创造社)
sont les deux sociétés littéraires les |
plus importantes en Chine. Elles incarnent les deux
orientations du mouvement du 4 mai : littérature
prônant le réalisme, contre une littérature plus
romantique, privilégiant l’expression du sentiment
individuel. Au début, il ne s’agissait que de
nuances, mais, à la fin des années 1920, la seconde
était devenue un pilier de la révolution, se donnant
pour but la promotion d’une réforme sociale
radicale.
En 1923 est créée la Société du Croissant de lune (新月派)
par le poète Xu Zhimo (徐志摩)
et son ami Wen Yiduo (闻一多),
éduqués dans la tradition anglo-saxonne et célébrant
la littérature comme une forme d’humanisme. En août
1928, la société lance la revue du même nom qui
s’affirme en faveur d’une littérature saine, hors
fanatisme et sentimentalisme (de gauche). Elle est
dissoute à la mort du poète, en 1931.
A partir de 1923, cependant, les revues les plus
diffusées sont celles de la Commercial Press, à
Shanghai : la revue mensuelle Short Story
Magazine (Xiaoshuo
yuebao《小说月报》),
publiée jusqu’en 1931, et le Monde de la fiction (Xiaoshuo
shijie
《小说世界》),
publié jusqu’en 1929.
Dans ce créneau populaire, la revue littéraire (de
fiction) qui a connu le plus long succès de toute la
période républicaine est la revue hebdomadaire
Libailiu
ou Samedi (《礼拜六》)
qui est parue de 1914 à 1916, puis a été relancée en
1921 ; la parution s’est poursuivie, avec quelques
interruptions, jusqu’en 1937, c’est-à-dire
l’occupation de Shanghai par l’armée japonaise, mais
elle a encore été relancée après la guerre, pour
encore 135 numéros, de 1945 à 1948.
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Le boom des années 1930-1937
Croissance et diversité |
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Short Story Magazine, août 1927
Samedi (années 1920) |
C’est pendant les années 1930-1937 qu’a vu le jour et a été
publiée la plus grande variété de revues littéraires, car c’est
une période il est vrai troublée, mais pendant laquelle le
régime nationaliste, relativement bien établi au moins dans les
villes, assurait une certaine stabilité politique tandis que
l’élévation du niveau général d’éducation alimentait la demande
de textes et permettait aux maisons d’édition de prospérer.
Le milieu des années 1930, en particulier, est souvent considéré
comme un âge d’or de l’édition en Chine, et en
particulier de la presse, l’édition de journaux et de revues
étant devenue rentable. Les années avant la guerre sont
généralement présentées et commentées
surtout du point de vue politique et idéologique, en mettant
l’accent de manière excessive sur la censure nationaliste des
écrits de gauche, sans parler de la richesse de la production
littéraire de l’époque, en particulier grâce à la presse.
Dans ces
années 1930, le nombre de revues publiées double par rapport à
la décennie précédente, et la diversité des styles est devenue
telle qu’il est difficile d’établir une distinction nette entre
revues de littérature nouvelle, revues de fiction dans un style
antérieur à 1920, et revues de littérature classique.
Le vent du cosmos, 1934 |
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Par exemple, si l’on considère les revues de Lin
Yutang (林语堂),
et en particulier « Analectes » (《论语》),
fondée en 1932, à son retour des Etats-Unis, on peut
dire que,en termes de style et de présentation,
elles ressemblent aux revues plus anciennes, leur
genre privilégié, l’essai informel (xiaopin
小品),
les rattachant plutôt à la littérature
traditionnelle. Mais, en termes de langage et de
pensée, elles relèvent de la Nouvelle Culture.
Dans les années 1930, Lin Yutang a créé trois revues
littéraires, plus particulièrement dédiées à l’essai
: « Analectes » (Lunyu
《论语》),
publiée de 1932 à 1937, puis de 1946 à 1949, « Le
monde des hommes » (Renjianshi
《人间世》),
bihebdomadaire créé en avril 1934 et publié jusqu’à
la fin de 1935, et « Le vent du cosmos » (Yuzhoufeng
《宇宙风》),
bihebdomadaire d’essais
sanwen
(散文半月刊)
lancé en septembre 1935 et publié |
à
Shanghai jusqu’en 1947. A un moment où les menaces de guerre
créaient un climat de crise nationale, la popularité de ces
magazines et de leur auteur a suscité un vif débat, sur la
littérature et la politique.
A
Shanghai surtout
Cet essor de la presse littéraire était lié, ou parallèle, à la
réémergence des réunions de peintres et de poètes « pour
discuter autour d’un thé » (chahua
茶话).
La plupart de ces réunions se passaient dans des salons de thé
de Shanghai, et beaucoup, après son retour du Japon, sous la
houlette du chef de la Société du Sud, Liu Yazi (柳亚子),
personnage ambigu qui continuait à préférer les formes
littéraires classiques bien que s’étant déclaré en faveur des
idées de Hu Shi (胡适)
et de la littérature vernaculaire. L’autre organisation très
influente était la branche chinoise de Pen international (Guoji bihui
Zhongguo fenhui
国际笔会中国分会),
qui n’avait pas de publication, mais dont les réunions étaient
médiatisées.
Et il y avait bien sûr aussi la Ligue des écrivains de gauche (中国左翼作家联盟).
Mais, comme c’était une organisation clandestine, la plupart de
ses publications ont été de courte durée, et mal éditées, avec
une impression de mauvaise qualité et une faible diffusion. La
revue la plus professionnelle, dans cette orbite, a été celle
éditée par
Ding
Ling (丁玲) :
« La Grande Ourse » ou Beidou (《北斗》),
dont le premier numéro est sorti en septembre 1931. Ce fut la
revue la plus littéraire de la Ligue, avec des textes d’auteurs
non membres, surtout dans les premiers numéros.
Le premier numéro comportait entre autres le début du roman de
Ding Ling, « Eau » (《水》),
retraçant le désespoir des paysans poussé à la révolte, et à la
révolution, par les inondations catastrophiques du Yangtsé en
1931. Le 3ème numéro est sorti en mars 1932, avec une couverture
rouge, après l’entrée de Ding Ling au Parti communiste. Mais la
revue a été interdite en juillet et le roman est resté inachevé.
Les écrivains de gauche étant en vogue pendant cette
période, en particulier auprès des jeunes, ils ont
été édités dans la presse commerciale, plutôt que
dans les revues de la Ligue. Ainsi « Midnight » (《子夜》)
de
Mao Dun (茅盾)
a été initialement publié en feuilleton dans la
revue Short Story Magazine. La revue a disparu après
la destruction des locaux de la Commercial Press
pendant le bombardement de Shanghai, et Mao Dun n’a
pas continué la publication du roman dans une autre
revue, mais a préféré le publier directement en
livre, en 1932, aux éditions Kaiming (Kaiming
shuju
启明书局),
maison qui avait été fondée en 1926 par un groupe
d’éditeurs de Shanghai.
La revue littéraire la plus influente de la période,
cependant, est celle éditée par Shi Zhecun (施蛰存) :
« Les contemporains » ou Xiandai (《现代》).
Elle a été publiée de 1932 à 1935, sans être liée à
aucune société ou organisation, dans un format
semblable à celui de |
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Xiandai, 1932 |
Short Story Magazine. La revue a publié beaucoup des textes
les plus modernes de fiction, poésie et critique de
l’époque, dont la poésie moderniste de Dai Wangshu (戴望舒),
les nouvelles de l’école néo-sensationnaliste (新感觉派),
ou les débats des critiques de tous bords,
Lu
Xun
compris. Dai Wangshu lui-même a créé sa propre revue de
poésie en juin 1936 : la revue mensuelle « Poésie nouvelle »
(《新诗》),
publiée jusqu’en juillet 1937.
Mais à Pékin aussi
A
Pékin, le
jingpai
connaît une grande
effervescence, autour de grands auteurs comme
Shen Congwen (沈从文),
Zhou Zuoren (周作人),
le poète Bian Zhilin (卞之琳),
qui avait été lié à Société du Croissant de lune, comme
l’écrivaine
Lin
Huiyin (林徽因),
et bien d’autres : autant de personnalités qui n’étaient pas
originaires de Pékin, mais se sont découvert des affinités
spirituelles avec la ville. C’était une avant-garde liée la
littérature moderne occidentale.
Au cours des années 1930, le
jingpai
acquiert
force institutionnelle avec le développement des revues : le
supplément littéraire du Dagongbao (《大公报》),
créé en 1933, un trimestriel littéraire lancé en 1934, le
« Mensuel littéraire » (Wenxue
yuekan
《文学月刊》),
lancé en juin 1936
,
et la revue « Littérature » (Wenxue
《文学》),
créée en 1937. Ces publications sont marquées par un ton
réaliste, voire lyrique, mais surtout une note moderniste. Les
distinctions avec le
haipai
tendent à
s’effacer, et les journaux en témoignent.
·
Les années de guerre
Après la chute de Shanghai, en 1937, la scène littéraire se
déplace vers l’intérieur : dans la capitale des années de
guerre, Chongqing, ainsi qu’à Kunming où se sont réfugiés les
écrivains, professeurs et intellectuels de l’Université unie du
Sud-ouest (Xinan
lianda
西南联大).
Le Parti communiste, de son côté, a son centre stratégique, et
littéraire, à Yan’an, où Mao énonce ses principes littéraires et
artistiques en 1942, au Forum sur la littérature et les arts.
Pourtant, l’édition continue dans Shanghai occupée, même après
l’occupation, en 1942, de la Concession internationale, où la
plupart des maisons d’édition étaient situées.
La revue Zazhi pendant la
guerre |
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Au début de la période dite "de l’île orpheline" (孤岛),
quand la Concession internationale est encore libre,
la scène littéraire connaît une période initiale de
dépression, avec fermeture de beaucoup de librairies
et de maisons d’éditions. Mais cette brève période
est suivie d’un véritable boom, les concessions
étrangères – surtout les concessions française et
britannique – se révélant un lieu favorable pour les
activités littéraires, car offrant bien plus de
liberté qu’aucune région contrôlée par le
Guomingdang à l’intérieur ou par le Parti communiste
dans les zones frontalières du nord.
C’est un vent de liberté fragile, certes, mais qui
se traduit dès 1938 par une floraison de
créations de journaux, reflétant le boom de
l’édition, avec publication des œuvres les plus
diverses, du reportage sur les bases communistes à
la poésie traditionnelle : une centaine de
périodiques et de |
suppléments de journaux voient le jour en quelques années,
dont certains ont même survécu, après l’occupation totale de
la ville, jusqu’à la fin de la guerre, en 1945.
Parmi les revues littéraires, deux sont très
populaires : « Revue » (Zazhi
《杂志》),
publiée demai 1938 à août 1945 (mais avec une
éclipse en 1939-1941), et la revue mensuelle
« Panorama » (Wanxiang
《万象》),
lancée en juillet 1941, avec au total 43 numéros
publiés jusqu’en 1945.
Mais les revues littéraires, comme l’édition en
général, pendant la guerre à Shanghai, se
concentrent surtout sur des genres populaires,
publiés dans des revues au ton et au contenu
semblables à celles de Lin Yutang dans les années
1930, et même tirant vers le sensationnel. En 1943,
par exemple, Zazhi publie un « Hommage à Ying
Yin pour l’anniversaire de sa mort » (《英茵逝世周年祭》)
que l’on
s’arrache.
|
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Wanxiang,
premier numéro |
Gengyun |
|
A Hong Kong, en revanche, qui offre un espace de
liberté pendant quelques années, les journaux et
suppléments des journaux publient toute une
littérature de résistance, poèmes et romans dont
certains vaudront à leurs auteurs d’être emprisonnés
et torturés par les Japonais quand ils occupent la
ville, à partir de 1942.
Par exemple, Dai Wangshu (戴望舒),
qui était parti à Hong Kong après l’occupation de
Shanghai pour travailler comme rédacteur en chef du
supplément littéraire et artistique du Dagongbao (《大公报》文艺副刊),
crée sa propre revue de poésie, « Labours » (Gengyun
《耕耘》),
et participe à d’autres suppléments littéraires,
dont celui du Xingdao Daily (《星岛日报》)
où il écrit dans la rubrique « Constellations » (Xingzuo
《星座》)
des écrits pleins d’ardeur patriotique. A la fin de
1941, il est arrêté, emprisonné et torturé par les
Japonais. En prison, en juillet |
1942, il écrit des poèmes « Sur les murs de ma cellule » (《狱中题壁》)
et « Avec ma main mutilée » (《我用残损的手掌》)
…
L’importance particulière des suppléments littéraires
Dès le
début du siècle, les suppléments littéraires des grands journaux
jouent un rôle crucial dans la création et les débats
littéraires. Sur une à huit pages, ils paraissant normalement le
week-end (zhoukan
周刊)
ou tous les dix jours (xunkan
旬刊),
et publient surtout des textes courts, ou des débats.
Par exemple, dans les années 1920, des débats littéraires entre
modernistes et conservateurs ont fait rage dans les pages du
trimensuel littéraire publié par l’Association littéraire de
Chine, supplément du China Times de Shanghai (Shishi xinbao
《实施新报》),
ainsi que dans les colonnes du supplément « Libre parole » (Ziyou
tan
《自由谈》)
du Shenbao (《申报》副刊).
Dans les années 1930, Ziyou tan est devenu le
porte-parole d’un groupe de représentants du mouvement de la
Nouvelle Culture, dont
Lu Xun
qui y a publié beaucoup de ses essais satiriques zawen (杂文).
Beaucoup
de suppléments dépendaient de sociétés littéraires, où les
auteurs publiaient bien souvent sous des pseudonymes. Certains
de ces suppléments étaient parfois vendus séparément, et
faisaient l’objet de publications ultérieures en recueils. La
plupart étaient publiés à Shanghai.
Référence
- Liste des principaux journaux chinois et de leurs suppléments
de 1815 à 1938, avec les fondateurs et/ou rédacteurs en chef, et
les lieux d’édition :
http ://blog.sina.com.cn/s/blog_6f75969b01016zxy.html
A lire en complément
- The Cambridge History of Chinese Literature: from 1375,
Kang-I Sun Chang, Stephen Owen ed., Cambridge University Press,
2010. Chap. Print culture and literary magazines
1872-1937.
- Chinese Graphic
Design in the 20th Century, by Scott Minick and Jiao
Ping, Thames and Hudson, 2010, 160 p.
Pendant les années 1920-1930, la créativité du design des revues
de Shanghai, influencé par l’art occidental, reflète une même
créativité dans le domaine littéraire.
Exemples d’illustrations de couvertures en ligne :
http ://50watts.com/filter/magazines/Shanghai-Expression-Graphic-Design-in-China-in-the-1920s
-and-30s
Suite :
II. Après 1949.
Voir : The
Cambridge History of Chinese Literature: from 1375,
Kang-i Sun Chang, Stephen Owen ed.
Ying Yin est une grande actrice de cinéma de Shanghai
des années 1930-1940, qui s’est suicidée à Hong Kong en
1942 après l’exécution de son amant par les Japonais….
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