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Shen Congwen
沈从文
1902-1988
I. Présentation
par Brigitte Duzan, 2
octobre 2010, actualisé 25 janvier 2020
« Au début
du vingtième siècle, la Chine était une vieille nation
meurtrie. Shen Congwen voulait lui insuffler une
nouvelle vie, en faire un pays jeune et impétueux,
encore imbu de l’idéalisme de chevaliers errants et de
princes tribaux… Ses récits les plus acclamés évoquent
un pays frontalier sauvage, peuplé de seigneurs de
guerre et d’aborigènes, ou, au contraire, des scènes
pastorales raffinées où les sentiments humains les plus
intimes fleurissent et s’étiolent au gré du destin. »
Ces quelques
lignes, tirées d’une introduction à un livre consacré
aux nouvelles de Shen Congwen par son traducteur et
biographe, Jeffrey C. Kinkley,
captent, dans un style qui
lui est proche,
l’esprit d’une œuvre |
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Shen Congwen
âgé |
foisonnante dont la
majeure partie est, justement, constituée de nouvelles (1).
Elles traduisent la
fascination qu’exercent dès l’abord ces récits souvent très
courts, écrits dans un style personnel qui mêle le dialectal à
l’invention subtile, et qui nous fait en abandonner la lecture à
regret, avec le sentiment d’un monde à peine exploré, et le
désir d’en découvrir davantage.
Il faut pour cela
commencer par se plonger dans l’histoire de sa vie qui est le
terreau d’où ont germé tous ses écrits. Shen Congwen a commencé
soldat, avec une éducation limitée au primaire, à l’époque
chaotique où les seigneurs de guerre régnaient en maîtres sur
une bonne partie du territoire chinois. Mais, natif d’une région
à fortes minorités ethniques, il partait la tête pleine des
récits dont son enfance avait été nourrie, et de souvenirs
devenus au fil du temps nostalgie d’un éden ambigu qui colore et
sous-tend son œuvre.
Celle-ci, cependant, ne
saurait se limiter à cette image ; Shen Congwen n’est pas
seulement cet « écrivain du terroir » auquel on le limite trop
souvent. On est même étonné de sa modernité, et laissé à
imaginer ce qu’il aurait pu écrire encore s’il n’avait décidé,
en 1949, d’abandonner la fiction…
Soldat comme
papa, mais un peu miao comme grand’mère
Le Xiangxi dans le Hunan |
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Shen Congwen
est né en 1902 à Fenghuang, au nord-ouest de la province
méridionale du Hunan (湖南凤凰),
une
ville très ancienne dont le nom – qui signifie Phénix,
au pluriel, les deux caractères désignant le mâle et la
femelle - vient d’une légende locale : deux phénix
seraient venus la survoler longuement, tellement
fascinés par sa beauté qu’ils ne pouvaient se résoudre à
s’en aller. C’est une ancienne ville, bâtie au pied des
monts Nanhua (南华山)
et au
bord de la rivière Tuojiang (沱江),
qui a gardé son cachet d’origine de ville frontalière
enfermée derrière ses murailles (2). |
Enfant d’une région
limitrophe
Aujourd’hui appelée
Xiangxi (湘西)
et devenue
préfecture autonome, la région, rattachée au royaume de Chu (楚国)
du temps des
Royaumes combattants, a en effet longtemps été une région
frontalière
au contact des
minorités irrédentistes Miao (苗族)
et Tujia (土家族),
qui faisaient
partie, dans la Chine ancienne, des
mythiques « barbares du sud », désignés globalement du
terme de mán (蛮),
et dont
les empereurs Ming ont commencé à se protéger à partir
du début du dix-septième siècle en bâtissant une
muraille – dont on a découvert les vestiges il y a
seulement dix ans – et des villages fortifiés dont
beaucoup existaient encore dans les années 1920, avec
toute une nomenclature de termes spécifiques en fonction
de leur taille (3). |
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La vieille ville de Fenghuang |
Shen Congwen est donc
né et a grandi dans une région marquée par ces deux
caractéristiques essentielles : zone méridionale en marge du
cœur de la civilisation chinoise, considérée comme sauvage avec
ses minorités mal assimilées, et territoire limitrophe à
défendre contre les rébellions autochtones, qui vit sous les
Qing un nouvel afflux de colonies militaires. Il les retrouva
dans sa propre famille, et en fut donc marqué très profondément.
Fils de militaire…
Il était le
quatrième enfant d’une fratrie de neuf, mais le deuxième
garçon, ce qui lui valut le surnom de « deuxième frère »
(二哥)
que l’on retrouve dans nombre de ses nouvelles, avec sa sœur « la petite
neuvième » (小九).
Son
grand-père paternel était un militaire qui avait raté
les examens impériaux mais réussit à accéder au rang de
‘général’ grâce à sa bravoure, et finit même par devenir
commandant en chef du Guizhou en 1865, mais mourut très
jeune d’une blessure au
combat. Sa
veuve |
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Entrée de sa maison |
adopta alors le fils de son frère, le futur
père de Shen Congwen, qui, lui, fit des études et devint
officier.
Affecté à la défense de
l’un des forts de Dagu (大沽炮台)
pendant la révolte des Boxers, en 1900, il vit sa carrière
brisée par la chute de ceux-ci aux forces étrangères. Après la
révolution de 1911, il tenta de se faire élire à l’assemblée
régionale, mais échoua, puis participa à un complot contre Yuan
Shikai et fut obligé de fuir en Mongolie intérieure où il
changea de nom pour commencer une autre carrière, aux postes
frontières mongols. Shen Congwen ne vit son père qu’en 1922, à
Pékin.
… et descendant
d’ethnies miao et tujia
La cour de sa maison |
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Ce sont ses
antécédents maternels qui forment l’autre aspect
de sa personnalité et une part importante de ses sources
littéraires. Mais lui-même ne
les a que soupçonnés pendant longtemps ; il n’y fait
qu’une brève allusion dans son autobiographie de 1931 ;
c’est sa mère qui lui en révéla les détails à sa mort,
en 1934 : elle était de l’ethnie tujia
(土家族),
et sa grand-mère paternelle de l’ethnie miao
(苗族),
ce qui montre bien, au passage, la généralisation des
mariages mixtes, contribuant à l’assimilation de ces
ethnies. |
Sa mère était un
exemple de cette assimilation : elle avait une meilleure
éducation que son père. Celle qui est restée longtemps le
« cadavre dans le placard » familial, c’est la grand-mère.
Lorsque son fils fut adopté, on l’envoya à la campagne en la
déclarant décédée, et on lui organisa des funérailles
officielles. Shen Congwen a été élevé par sa mère, mais s’est
senti plus attiré par l’univers des Miao qui est le thème
principal ou la toile de fond de beaucoup de ses nouvelles.
De manière
assez caractéristique, il n’a jamais écrit de grande
saga familiale à la manière, par exemple, de son ami
Ba
Jin. La famille apparaît au travers de ses nouvelles
comme un petit noyau chaleureux d’enfants gais et
turbulents autour de la mère. Mais nombre de ses récits
décrivent aussi toute une pléiade de parents et amis
plus ou moins éloignés, personnages hauts en couleur qui
forment une galerie de portraits : son « parrain », le
quatrième oncle Teng, qui vendait des herbes, prédisait
l’avenir et enseignait les arts martiaux ; l’oncle
bourreau de profession, sympathique personnage principal
de sa nouvelle « Le nouveau et l’ancien » (《新与旧》);
ou encore sa belle-sœur, jeune « épouse enfant » (童养媳)
et
adorable et illettrée, qui lui a inspiré le personnage
de Xiaoxiao dans la nouvelle éponyme (《萧萧》).
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Shen Congwen
adolescent |
Engagé à quinze ans
Bercé par les
histoires de sa mère, et celles qu’il a pu entendre dans son
entourage, il a eu en revanche une éducation limitée au
primaire. C’est sa mère qui lui a appris ses premiers
caractères, puis il est allé dans une ‘école privée’ à
l’ancienne (私塾
sīshú)
avant de rejoindre la nouvelle école publique de garçons de
Fenghuang, en 1915. Il faisait partie de l’un des gangs de
gamins de l’école, en revanche il s’ennuyait ferme en classe. Il
rêvait en fait de devenir général comme son grand-père. En
outre, la famille, privée du soutien paternel, dut vendre la
plupart de ses terres et se retrouva appauvrie.
Paysage de Yuanling |
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Shen Congwen
s’engagea en 1917, comme soldat de réserve (预备宾),
d’abord localement, puis à Chenzhou (辰州, aujourd’hui
Yuanling
沅陵).
Nombre
de ses nouvelles rapportent d’ailleurs des histoires
entendues pendant le trajet en bateau qui reliait la
ville à Fenghuang. Il faut imaginer le futur écrivain
arrivant là en septembre 1917, d’après son
autobiographie, ravi de sa liberté et avide d’aventures.
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L’époque y
était propice. La Chine était
tombée dans l’anarchie
après la mort de Yuan Shikai, le
pouvoir étant disputé entre factions rivales et le parlement
dissous en juin 1917. Sun Yat-sen s’étant réfugié à Canton, une
véritable guerre civile se déclencha entre les deux principales
factions. Les régions, pendant ce temps, étaient aux mains de
seigneurs de guerre (军阀 jūnfá).
Le Hunan ne faisait
pas exception. On pouvait devenir bandit en achetant ou volant
une des armes abandonnées par l’armée en déroute après la mort
de Yuan Shikai. Shen Congwen raconte dans un de ses récits
l’histoire d’une jeune fille de dix-sept ans devenue chef de
bande, ou encore celle d’un mineur d’une mine de charbon devenu
un autre chef de bandits après avoir été victime d’une fausse
accusation. Les Miao eux aussi avaient leurs chefs, et les
conflits entre bandes rivales pour le contrôle d’un territoire
pouvaient anéantir des villages entiers. Les gens, et surtout
les marchands, voyageaient sous escorte.
Quand Shen
Congwen arriva à sa garnison à Chenzhou, il commença
comme garde du corps du commandant en chef Zhang
Xueji (张学济),
qui était à la tête d’une unité de la deuxième armée de
l’« Armée unie pour pacifier le pays » (靖国联军第二军), levée par Sun Yat-sen contre l’armée Beiyang du Nord.
Comme il était l’un des seuls à savoir écrire, le jeune
Shen
Congwen servit bientôt de secrétaire, pour tenir les
registres, mais aussi assister aux séances de torture
des prisonniers pour en noter les confessions.
Zhang Xueji fut
bientôt éliminé par un rival, Chen Quzhen (陈渠珍),
un jeune militaire de trente cinq ans qui, contrôlant le
trafic de l’opium local et prélevant taxes et dîmes de
toutes sortes, allait ensuite réussir à régir la région
pendant près de trente ans, devenant dans la mémoire
populaire le « roi du Xiangxi » (“湘西王”).
Shen Congwen passa naturellement sous ses ordres.
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Le roi du Xiangxi Chen Quzhen |
Shen Congwen
jeune |
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Ces années
assez épiques sous les armes ont inspiré au jeune
écrivain une série de nouvelles, la plupart écrites
entre 1926 et 1929, qui décrivent cette expérience de
façon ambivalente : d’un côté, il en note les aspects
les plus noirs, mais sans jugement moral, et d’un autre
côté, loue l’esprit de camaraderie égalitaire et la
liberté trouvés à l’armée, nous faisant deviner le
joyeux idéalisme qui dut être le sien. En même temps, il
parcourut avec son régiment le sud-ouest de la Chine,
les provinces du Hunan, du Sichuan et du
Guizhou, en
admirant les paysages, notant les histoires entendues de
ci de là, la beauté du monde rural venant se superposer
à la brutalité de la vie militaire.
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Il se lassa
cependant peu à peu de cette existence,
et d’une
violence qui
l’amena à rejeter à la fois le nationalisme et le
communisme comme solution du chaos national et voie du
renouveau.
En 1922 il part à
Pékin, avec des récits plein la tête.
Citadin de fait, hunanais de cœur
Hu Yepin et Ding Ling à Pékin en 1924 |
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S’il part à
Pékin, c’est cependant d’abord dans l’intention
d’étudier à
l’université, mais il rate l’examen d’entrée. Il se
retrouve dans une petite chambre délabrée et commence
alors ce qu’il a appelé toute sa vie ses « exercices
d’écriture », lui qui n’avait même pas au départ de
notions de ponctuation. Il collabore pourtant en 1924
aux journaux du poète Hu Yepin (胡也频) et
en particulier au supplément hebdomadaire des « Arts et
lettres du peuple » (《民众文艺》周刊).
Cette
même année 1924, la jeune Ding
Ling
(丁玲) quitte Shanghai
pour Pékin ; elle suit un temps les cours de Lu Xun,
mais abandonne après avoir rencontré Hu Yepin avec
lequel elle va vivre, le couple étant bientôt rejoint
par Shen Congwen, ce qui alimente bien évidemment
rumeurs et chroniques. |
Premiers récits
C’est en mars 1925 que
Shen Congwen
publie son premier récit, une très courte
nouvelle intitulée « Pêche de nuit » (《夜渔》)
qui sera
ensuite publiée dans le recueil « Les canards » (《鸭子》)
regroupant ses sept premières nouvelles, échelonnées de
mars 1925 à mai 1926. La nouvelle est publiée
dans une revue éditée
par le poète Xu Zhimo (徐志摩)
devenu son ami (4) ; la revue est intitulée « Le
supplément des nouvelles matinales » (《晨报副刊》),
publication de la « Société de la nouvelle lune » (新月社)
que le
poète avait fondée en
1923 et dont Shen Congwen devient l’un des
principaux membres. Il y fait la connaissance de deux
autres écrivains, Wen Yiduo (闻一多),
cofondateur de la société, et surtout
Hu Shi
(胡适)
qui l’aidera énormément par la suite.
Il est alors
très éloigné du cosmopolitisme caractéristique de la
plupart des écrivains de sa génération. Les deux
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Xu Zhimo |
recueils alors
publiés, de qualité inégale, reflètent la vie
rurale de sa
région du Xiangxi, un monde à part (“湘西世界”),
considéré comme sauvage. Il est dès lors l’ « écrivain
du terroir » dont il dira plus tard :
“我[…]始终还是个乡下人,不习惯城市生活,苦苦怀念我家乡那条沅水和水边的人们,我感情同他们不可分。[…]对我自己的作品,我比较喜爱的还是那些描写我家乡水边人的哀乐故事。因此我被称为乡土作家。”
Je suis resté un homme
du terroir qui n’arrive pas à s’habituer à la vie citadine, et
se remémore douloureusement les gens de là-bas, ceux qui vivent
au bord de l’eau comme ceux qui en sont loin, et j’ai le
sentiment qu’il est impossible de m’en séparer. .. Parmi mes
récits, ceux que je préfère sont ceux qui racontent les tristes
histoires des riverains du fleuve. C’est pourquoi on m’a appelé
écrivain du terroir. »
Shanghai et la ville
frontalière
En 1927, il quitte
Pékin pour Shanghai avec Hu Yepin et
Ding
Ling, en même temps que
Xu Zhimo y transfère sa société. Hu Yepin, Ding Ling et
lui lancent la maison d’édition Rouge Noir (《红黑》)
et deux revues,
mais le projet est sans lendemain. L’année suivante, malgré son
manque de formation académique, Shen Congwen parvient à obtenir
un poste de professeur dans une école de
Shanghai, grâce à
l’appui de Xu Zhimo puis de Hu Shi qui devient président
de l’école en septembre 1929. L’établissement
s’appelait
« Ecole publique de Chine » et avait été créé en avril
1906 par des étudiants revenus du Japon. Shen Congwen,
qui connaissait déjà un début de célébrité, fut chargé
des cours de littérature moderne.
Il publie alors
son premier roman, toujours dans une revue littéraire :
« Le Journal de voyage d’Alice en Chine » (《阿丽思中国游记》), annoncé
ironiquement comme la suite en Chine du livre de Lewis
Caroll « Les Aventures d’Alice au pays des
merveilles » (6) ; c’est une œuvre satirique qui
ridiculise le goût de certains Chinois pour l’étranger,
mais qui dépeint aussi le pays comme pauvre, arriéré et
au bord de la famine, et sa population ignorante et en
proie aux superstitions. C’est une œuvre originale qui
marque une rupture dans la suite de ses nouvelles jusque
là consacrées au Xiangxi. |
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Alice en Chine《阿丽思中国游记》 |
En 1929, Ding Ling et
Hu Yepin vont s’installer à Jinan. Shen Congwen, lui, tombe
amoureux d’une
Shen Congwen et son épouse Zhang Zhaohe |
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de
ses élèves, Zhang
Zhaohe (长兆和),
troisième des quatre filles d’une famille en vue de Suzhou.
Zhaohe était surnommé « pivoine noire » (黑牡丹)
à cause
de son teint sombre ; il la rebaptise « phénix noir » (黑凰)
et lui
envoie des lettres d’amour, dont la plupart ont été perdues.
En mai 1930,
cependant, Hu Shi démissionne de son poste de président
de l’Ecole publique de Chine, et Shen Congwen ne peut y
rester. Il obtient alors un poste à Qingdao, puis à
l’université de Wuhan. En 1933, il finit par épouser
Zhaohe, quand il ose enfin demander sa main à son père. |
En 1934,
il publie son œuvre la plus célèbre, « La ville
frontalière » (《边城》),
qui raconte l’éveil sexuel d’une adolescente dans la
campagne du Xiangxi, avec tout un substrat de chants et
coutumes miao. Cette même année, il devient rédacteur du
supplément « Lettres et arts » du « Dagongbao », ou
« L’impartial », (《大公报》副刊《文艺》), journal créé en 1902 à
Tianjin et devenu l’un des quotidiens les plus influents
de Chine, se voulant non partisan, bien que de tendance
plutôt nationaliste.
Kunming et
le grand fleuve
En 1937, il
quitte Shanghai pour Kunming (昆明)
où il
réside durant la guerre sino-japonaise, enseignant à
l’université unie du Sud-Ouest (西南联合大学).
C’est là, en 1943, qu’il publie une autre de ses œuvres
célèbres, « Le grand fleuve » (《长河》).
Il y rapporte ce qu’il a vu et entendu
pendant quatre
mois passés dans une petite ville du Xiangxi,
décrivant un
monde
idyllique aux prises avec
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La ville frontalière
边城
(édition
originale) |
les
changements rapides
entraînés par la guerre et la modernisation. Après un
aperçu général, le
récit s’attache
au propriétaire d’une orangeraie et sa fille, dont
l’existence
paisible est menacée par
Le grand fleuve
长河 |
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le capitaine des forces de
sécurité locales qui méprise la population mais convoite
la jeune fille. Shen Congwen en fait le symbole des
menaces venues de l’extérieur qui pèsent sur la vie
rurale, simple et pure, et donc d’autant plus
vulnérable. Il atteint là un sommet de son art, empreint
d’un pastoralisme nostalgique, et toujours farouchement
apolitique.
En 1945, il
obtient un poste à l’université de Pékin tout en
continuant son travail de rédacteur au « Dagongbao »,
mais aussi aux suppléments littéraires de quelques
autres journaux. Il continue aussi d’écrire des
nouvelles, pleines de personnages du petit peuple aux
prises avec les difficultés de la vie, qu’il décrit avec
une tendresse qui n’avait guère d’égal en son
temps. Mais il est de plus en plus critiqué par les
écrivains de gauche pour son désintérêt de la vie
politique et son refus de s’engager dans les luttes
idéologiques, de quelque côté que ce soit. |
En 1948, il est
violemment attaqué par les écrivains de gauche qui l’accusent de
tiédeur idéologique, et en particulier par Guo Moruo (郭沫若)
qui le dénonce comme réactionnaire, agissant consciemment contre
la révolution ("一直是有意识的作为反动派而活动着").
Silence et résurrection
Après l’arrivée au
pouvoir des communistes, il comprend qu’il n’y a plus place pour
un écrivain comme lui en Chine. Il fait deux tentatives de
suicide, mais finalement reste à Pékin. Le régime communiste
condamne ses œuvres. Il décide alors de
cesser d’écrire des œuvres de fiction, ce qui était en soi une
autre forme de suicide.
Historiographe par
nécessité
A partir de
1950, il travaille au musée national d’histoire de la
Chine et se consacre avec passion à ses recherches,
passant jusqu’à quatorze heures par jour à étudier les
trésors du musée, enveloppé, l’hiver, dans un manteau
matelassé pour se protéger du froid, le musée n’étant
pas chauffé.
Wang Zengqi
a dit de lui qu’il avait mis la même passion à faire ces
recherches que celle dont il brûlait pour son Xiangxi
natal, ces objets comme le Xiangxi étant dépositaires
d’une beauté reflétant la culture et l’histoire
profondes de la nation.
Il a travaillé
jusqu’à la veille de sa mort. En quarante ans, il a
examiné des millions d’objets anciens, et écrit des
monographies sur les sujets les plus divers : après « Le
dragon et le phénix dans l’art », publié dès 1960,
cinquante trois chapitres en forme d’essais sur diverses
formes d’art populaire (《龙凤艺术》),
il a affiné ses recherches
sur des sujets précis
-
les miroirs de
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Histoire des vêtements chinois
中国服饰史 |
bronze de la période Tang-Song (《唐宋铜镜》)
ou les objets de laque de
la période des Royaumes combattants
(《战国漆器》),
son « Histoire des anciens vêtements chinois »
(《中国古代服饰》), publié en 1981, étant son ouvrage le plus connu dans ce domaine.
D’après ses amis, à l’époque, c’est toujours avec enthousiasme
et émotion qu’il parlait de la beauté de l’art ancien chinois.
« La vie est si belle », disait-il, et les photos prises alors
de lui le montrent souriant. C’est sans doute cette passion qui
lui fit supporter les épreuves, malgré les problèmes matériels
et personnels. Mais
ses lettres des années
1950 et 1960 le montrent accablé et découragé, et témoignent de
ses soucis de santé, désireux d’écrire, mais incapable de le
faire.
Chen Yun : affiche de 1983
(collection Stefan Landsberger) |
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En 1967,
pendant la Révolution culturelle, il est envoyé à la
campagne et assigné au nettoyage des latrines ; ses
biens sont confisqués et brûlés. Comme de
nombreux autres écrivains, il est réhabilité en 1978,
après l’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping. Mais il
reste longtemps méconnu, ses œuvres étant interdites en
Chine, censurées comme réactionnaires et bourgeoises, et
même à Taiwan, Shen Congwen étant considéré là comme
communiste !
Ecrivain
médiatisé
Ce sont ses
pairs qui l’aident à sortir de son exil intérieur au
début des années 1980 : des auteurs comme
A Cheng,
Jia
Pingwa, reconnaissent son influence, ainsi, bien sûr,
que ses compatriotes du Hunan. Cependant, il est encore
attaqué en 1983, par Chen Yun (陈云),
l’un des
“huit immortels” du Parti, alors passé dans une
opposition ouverte à Deng Xiaoping (6). Chen Yun est de
ceux qui commencèrent à dénoncer la « pollution
spirituelle », menant à la campagne lancée en octobre
1983, d’où l’attaque contre Shen Congwen. |
Du coup,
certaines nouvelles n’apparaissent pas dans le recueil révisé
publié à l’époque. D’autres ont été corrigées pour enlever
certains passages ‘politiquement incorrects’, ou pour en
ajouter d’autres, souvent pour rendre le texte plus
explicite et supprimer les ambiguïtés.
Cela traduit le climat de l’époque.
Shen Congwen
a continué
à travailler à l’Académie des Sciences
sociales, avant de mourir à Pékin en 1988. Une partie de
ses cendres a été dispersée dans la
rivière à
Fenghuang, une autre partie enterrée dans une tombe
solitaire, dans la forêt d’une montagne proche de la
petite ville. Elle est marquée par une simple pierre sur
laquelle sont gravés quelques caractères extraits d’une
œuvre éditée à titre posthume par sa veuve (Sentiments
exprimés de manière abstraite :
《抽象的抒情》) : |
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Photo de la pierre gravée à côté de la
tombe |
照我思索,能理解“我”;
照我思索,可认识“人”。
Pénétrer ma pensée peut aider à ‘me’ comprendre,
pénétrer ma pensée peut aussi faire comprendre ce qu’est ‘l’homme’.
Lettres de famille
沈从文家书 |
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Shen Congwen est aujourd’hui passé de l’obscurité aux
feux d’une notoriété très médiatisée. En 1987,
l’interdiction de ses œuvres a été levée à Taiwan,
entraînant là une « fièvre Shen Congwen », avec en
particulier la publication en 1998 des
« Lettres de
famille » (《沈從文家書:
1930-1966
從文、兆和書信選》),
celles échangées entre lui et son épouse entre 1930 et
1966, triées et éditées par
Zhang Zhaohe après la mort de l’écrivain (7).
Sur
le continent, il est devenu à la mode, écrivain dans
l’air du temps, qualifié dans ses biographies
officielles d’ « écrivain miao », ce qui vient soutenir
une politique affichée de soutien aux cultures dites
minoritaires, et promu « père de la littérature du
terroir » (“乡土文学之父”)
–
ce qui est excessif dans un cas et réducteur dans
l’autre.
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Contentons-nous de revenir à la lecture de ses
œuvres, en tentant de « pénétrer sa pensée », ou
simplement en se laissant aller au simple plaisir de lire …
Une œuvre foisonnante et fascinante
La majorité des œuvres
de Shen Congwen sont des nouvelles, il y en a plus de deux
cents, certaines très courtes, écrites en pesant chaque mot, et
révisées parfois des dizaines de fois. Elles n’ont pas toutes
pour thème le Xiangxi et ses souvenirs, mais, même quand il
parle de la ville, c’est toujours, d’une manière ou d’une autre,
en référence à la vie rurale.
On peut les classer en
plusieurs catégories en fonction des sujets traités, qui ont
évolué dans le temps :
1. Les nouvelles sur
le Xiangxi, les premières écrites, celles qui correspondent
à ses “racines”, mais dont il a repris le thème régulièrement au
cours des années ; elles décrivent les coutumes locales, les
récits traditionnels, des histoires fantastiques, des
réminiscences familiales et périfamiliales, et une foule de
personnages originaux.
a) Parmi les légendes
et contes populaires, on peut citer « Meijin, Baozi et
l’agneau blanc » (《媚金·豹子·与那羊》),
légende miao publiée dans le recueil «Longzhu » (《龙朱》)
avec quatre autres nouvelles écrites pendant l’automne/hiver
1928. C’est une sorte de « Roméo et Juliette » à la chinoise :
les deux jeunes Meijin et Baozi tombent amoureux et se donnent
rendez-vous dans une grotte pour partager leur première nuit,
Baozi promettant d’apporter un agneau blanc en cadeau ; il passe
cependant une bonne partie de la nuit à chercher l’agneau
immaculé qu’il désire, et, quand il arrive enfin, il trouve
Meijin mourante – désespérée par ce qu’elle prend pour une
trahison, elle s’est plantée un couteau dans le cœur ; Baozi
prend alors le couteau pour se tuer à son tour à ses côtés…
Toutes ces
histoires, au ton post-freudien voire nietszchéen,
dépeignent un peuple aux mœurs libres et d’une vitalité
dont il fait l’opposé d’une société confucéenne que la
rigidité des codes éthiques a condamnée au déclin. Il
revoit les idées reçues et les préjugés sur une société
considérée comme arriérée, et certaines coutumes que les
écrivains de gauche cataloguaient comme « féodales ».
b) C’est le cas
en particulier dans « Xiaoxiao » (《萧萧》),
nouvelle
écrite en 1929
et révisée en 1935 :
Shen
Congwen y justifie le mariage des enfants qui était
pratiqué dans le sud-ouest de la Chine en expliquant que
cela permet à une famille pauvre de se dégager de la
charge d’avoir à nourrir une fille tandis que l’autre
famille y gagne une aide familiale, un compromis
économique, en quelque sorte. C’est ainsi que la jeune
orpheline Xiaoxiao est donnée en mariage à l’âge de
douze ans à un petit
garçon
qui n’en a que trois. Elle semble tout à fait heureuse
de se consacrer
à surveiller le gamin,
jusqu’à ce que, deux ans plus tard, elle soit séduite
par un garçon de ferme.
Le reste de la
nouvelle décrit les réactions de la famille adoptive, et
le sort final de Xiaoxiao, sauvée par la naissance d’un
bébé garçon….
La nouvelle
semble suggérer que l’éthique traditionnelle est
appliquée et vécue dans les campagnes chinoises de
manière bien plus ambiguë que beaucoup d’intellectuels
le pensent et le présentent. Confrontés à des dilemmes
moraux, les gens peuvent à l’occasion faire des choix à
la fois pratiques et humains.
La nouvelle a
fait l’objet en 1986 d’une adaptation cinématographique
par Xie Fei (谢飞)
:
« La jeune fille Xiaoxiao » (《湘女萧萧》) qui est un des films les
plus réussis de la quatrième génération de réalisateurs
chinois et d’autant plus intéressants qu’il présente
quelques divergences révélatrices par rapport à la
nouvelle.
c) Le thème de la vie
rurale a ensuite évolué, le sujet s’est enrichi avec le temps
de réflexions qui se traduisent, dans les nouvelles ultérieures,
dans des portraits servant souvent de prétextes à messages
liminaires. C’est le cas, par exemple, du personnage principal
d’une de
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La jeune fille Xiaoxiao
湘女萧萧
Xiaoxiao 萧萧
(Recueil) |
ses nouvelles les plus
célèbres, « Le nouveau
et l’ancien » (《新与旧》):
il s’agit d’un de ses oncles, bourreau « pendant le règne de
l’empereur Guangxu » [1885-1908], pratique généralement
considérée, par
Lu Xun entre autres, comme non
civilisée et source d’opprobre pour la culture chinoise. Mais
Shen Congwen le présente différemment :
- D’une part, dans son
enfance, l’oncle en question était quelqu’un qu’il admirait ; il
s’agit là d’un souvenir qui lui est cher et les décapitations
dans le temple du dieu de la ville étaient une tradition.
Shen Congwen
considérait que la beauté était partout, même dans les choses
les plus laides, voire les plus horribles ; une décapitation
faite dans l’esprit qui convient pouvait donc, selon ce
La ville frontalière
边城 (recueil) |
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principe, être
considérée comme relevant d’une morale transcendante et
au-delà des concepts courants de beauté.
- En outre, la
nouvelle a été écrite en 1935, et doit donc se lire dans
le contexte de l’époque : comme une attaque contre le
mouvement de la « Nouvelle Vie » de Chiang
Kai-shek,
campagne de 1934-35 destinée à lutter contre
l’idéologie
communiste en en revenant aux « vieux » préceptes
moraux. La nouvelle critique cette tentative hypocrite
de revenir à un faux traditionalisme, de restaurer un
ordre ancien qui n’a en fait jamais existé. On est donc
loin de la simple étiquette de « littérature du
terroir ».
A ce thème se
rattache le roman sans doute le plus célèbre de Shen
Congwen : « La ville frontalière »
(《边城》),
écrit en 1934, sorte de poème pastoral peignant
l’innocence de l’éveil à la sexualité d’une jeune
paysanne dans un village reculé (8). |
2. Le second thème
principal des nouvelles est celui des souvenirs de sa vie
militaire. Ces nouvelles, là aussi, sont ambivalentes : Shen
Congwen décrit la brutalité des soldats, voire des scènes
horribles, et pourtant il flotte sur ces années le souvenir ému
d’un idéalisme innocent, et de la première expérience de la
liberté. Les plus représentatives de ces nouvelles sont celles
du recueil « Après être entré dans l’armée » (《入伍后
》) :
sept nouvelles écrites en 1926 dont la plus célèbre est « Mon
éducation » (《我的小学教育》),
datée de novembre 1926, où il décrit ses débuts sous les
drapeaux comme une scène d’opérette :
« 民国初年,我出了故乡,随到一群约有一千五百的同乡伯伯叔叔哥子弟兄们,扛了刀刀枪枪,向外就食。 »
Dans les premières années de la République, j’ai quitté chez moi, et me
suis retrouvé avec une troupe de quelque mille cinq cents
camarades du même endroit, frères et oncles de sang, partis
fusil en bandoulière chercher notre pitance sur les routes.
我们就是那么活下来,…
非常自然。
Nous étions tellement pleins d’allant, … tellement libres.
La suite est moins
légère : le narrateur décrit comment ses camarades soldats
exécutent des prétendus bandits ou extorquent de l’argent à des
prisonniers pour compenser le fait que leur solde est souvent
retenue par leurs supérieurs. Mais Shen Congwen décrit sans
juger, sans s’engager ; sa réalité a la dualité de la pensée
chinoise. Le moindre feu de camp ou voyage en bateau lui sert
non seulement à noter des histoires, des souvenirs, qui vont
ensuite enrichir son œuvre, mais aussi à se perfectionner dans
l’art très ancien du récit.
3. Puis, avec les
années 1930, viennent des nouvelles traitant de la ville,
avec de véritables scènes de décadence sociale, encore qu’ il
préfère situer ses drames dans des jardins, les campus ou le
bord de mer. On peut rattacher à ce thème la nouvelle « Le
mari » (《丈夫》),
écrite à Wusong en avril 1930.
C’est un récit
ambivalent, une sorte de conte pastoral à l’envers, décrivant la
corruption des valeurs par le monde urbain, mais, là encore,
sans le dénoncer ni le condamner. Il conte la vie dans le
quartier des docks, le long de la rivière, qu’il a bien connus
quand il était soldat. Le ‘mari’ du titre est un jeune paysan
juste débarqué de son village, sa femme est partie travailler à
la ville, mais en fait se prostitue. La prostitution, cependant,
n’est qu’évoquée indirectement, jamais le mot n’est prononcé, et
elle devient, sous la plume de l’auteur, un mode de vie comme un
autre dans un monde très pauvre où les gens en sont réduits à
manger des feuilles de patates douces mélangées à de la balle de
riz trois mois sur douze. Quant à la fureur du mari, elle n’est
pas la conséquence d’un jugement moral, mais de désirs et
passions refoulés, d’un ressentiment qui ne peut plus être
contenu, de frustrations et d’humiliations accumulées. Et
finalement ils repartent ensemble au village qui apparaît ainsi
comme un havre de pureté à l’écart du monde urbain.
4. Dans les années 1930
et 1940 apparaissent des nouvelles traitant des années de
guerre ; ce sont les plus pessimistes, et souvent les plus
émouvantes.
Voir le texte et
l’analyse de la nouvelle
« Calme » (《静》)
5. Enfin, ses toutes
dernières nouvelles reviennent aux thèmes idylliques des débuts,
mais il ne les trouve plus que dans son imagination. Il semble
n’y avoir d’autre solution pour lui qu’une échappée spirituelle
(voire par le suicide).
Quand on admirait son
talent, il répondait qu’il n’était pas un génie, qu’il était
tout juste capable de tromper l’ennui, selon une expression
locale qu’il a rendue célèbre :
我只能耐烦.
On ne peut s’empêcher
de penser en le lisant que c’est merveilleux comme il nous
permet de tromper le nôtre…
Notes
(1) « Imperfect
Paradise :
24
stories by Shen Congwen
», édité et
présenté par Jeffrey C. Kinkley, traductions
de Jeffrey C. Kinkley & al., University of Hawai Press,
1995.
(2) La célébrité de
Shen Congwen est en train d’y attirer les agences de tourisme,
avec tours de la ville en bateaux et échoppes de souvenirs dans
la rue principale. Cela reste cependant un site exceptionnel.
Visite guidée :
http://www.hnphoenix.com/
(3) Il en reste encore
quelques villages pittoresques, comme celui – dans le sud du
Hunan – qui sert de décor au film de 1986 de Xie Jin (谢晋),
« Un village nommé Hibiscus » (《芙蓉镇》), dont le scénario, de
A
Cheng, est basé sur une nouvelle d’un autre
écrivain du Hunan, très influencé par Shen Congwen,
Gu Hua.
(4) Zu Zhimo est mort
brutalement dans un accident d’avion le 19 novembre 1931. Dans
le recueil
d’essais
« Nouveaux paysages et vieilles amitiés » (《新景与旧谊》),
publié en août 1981, Shen Congwen lui rend un hommage émouvant.
Il raconte que, lors de son voyage aux Etats-Unis, en novembre
1980, invité par la Columbia University (son premier voyage à
l’étranger), Shen Congwen rendit visite un vieil ami, le
sinologue Wang Jizhen (王际真)
que Xu Zhimo lui
avait présenté en 1928, à Shanghai ; le vieil homme, alors âgé
de 85 ans, sortit au cours du dîner une liasse de vieux papiers,
dont des nouvelles alors introuvables en Chine de Shen Congwen,
et des lettres, écrites par l’écrivain entre 1928 et 1931, dont
celle, très brève, annonçant la mort de leur ami commun. Shen
Congwen continue son essai en évoquant des souvenirs émus du
poète et terminant ainsi :
人的生命会忽然泯灭,而纯挚无私的友情却长远坚固永在,
且无疑能持久延续,能发展扩大。
Un homme peut brusquement passer de vie à trépas,
Son amitié pure et désincarnée survit, elle, éternellement en
nos cœurs,
Pour continuer sans relâche à y croître au fil des jours.
(5) Autre ironie, le
film de Tim Burton « Alice in Wonderland » se termine par une
scène qui semble annoncer le livre de Shen Congwen : Alice se
prépare à un voyage en Chine…
(6) Chen Yun fut l’un
des premiers à critiquer la politique du Grand Bond en avant, et
fit ensuite cause commune avec Zhou Enlai et Deng Xiaoping pour
redresser l’économie chinoise ; c’est lui qui, après la mort de
Mao, posa les bases de la politique de réforme et d’ouverture
lancée par Deng Xiaoping (bases qui reprenaient des projets
qu’il avait énoncés dès les années 1950). Mais il critiquait par
ailleurs le “leadership” du Parti, préconisant un traitement
plus modéré des dissidents, et, surtout, il avait une
conception d’une "bird-cage economy"
ne conférant au marché chinois qu’une liberté limitée. En
1981, il fut marginalisé par un groupe d’économistes sous la
direction de Zhao Ziyang ; en 1982, à l’âge de 77 ans, il
démissionna de ses fonctions au Politburo et au Comité central,
mais continua à critiquer la direction que prenaient les
réformes.
(7)
Voir le texte partiellement
numérisé en ligne (caractères non simplifiés) :
https://books.google.fr/books?id=Ye2gRCTjsBQC&pg=PA32&lpg=PA32&dq=%E6%B2%88%E5%BE%
9E%E6%96%87%E5%AE%B6%E6%9B%B8:&source=bl&ots=02R5T8N-ka&sig=ACfU3U0PMC1x3XEgp
XUqw-Jvs-diZZcydQ&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiMjIX71J7nAhVCAGMBHWTYCD4Q6AEwCHoECAo
QAQ#v=onepage&q=%E6%B2%88%E5%BE%9E%E6%96%87%E5%AE%B6%E6%9B%B8%3A&f=false
(8) Ce roman a
également fait l’objet d’une adaptation cinématographique, par
le réalisateur Ling Zifeng (凌子风),
en 1984, sous le même titre (《边城》).
On le trouve en entier, en deux parties, sur le site 56.com :
边城上集
http://www.56.com/u46/v_MTUzNDk2MTE.html
边城下集
http://www.56.com/u38/v_MTUzNTAyMTk.html
Voir
:
http://www.chinesemovies.com.fr/cineastes_Ling_Zifeng.htm
A voir et lire en
complément :
1. Excellent
documentaire réalisé par CCTV10 avec des photos d’archives
rares, dont une de Shen Congwen adolescent avec ses frères et
sœurs et sa mère, l’une des seules photos où elle apparaît.
http://www.tudou.com/programs/view/qZCaPST7CHw/
Note : l’étranger
interviewé (qui parle un chinois remarquable) est le professeur
américain Jeffrey C. Kinkley,
traducteur et biographe de Shen Congwen. Outre sa traduction des
vingt quatre nouvelles publiées sous le titre « Imperfect
Paradise » citée plus haut, il est l’auteur d’une remarquable
monographie sur Shen Congwen, « The Odyssey of Shen Congwen »
(Stanford University Press, 1987),
dont certains détails de cette présentation sont extraits.
On ne
trouve guère plus le livre que d’occasion, mais on peut en lire
en ligne la version numérisée par google :
http://books.google.fr/books?id=ey2sAAAAIAAJ&printsec=frontcover&source=gbs_ge_summary_
r&cad=0#v=onepage&q&f=false
2. Traductions en
français :
- Un recueil de
nouvelles :
Nouvelles,
Collection Panda, Beijing, 1982
- Trois livres traduits
par
Isabelle Rabut :
Le Passeur du
Chadong
(traduction de « La ville frontalière » 《边城》),
Albin Michel 1990, 10-18 1995
Le Petit Soldat du
Hunan
(traduction de l’autobiographie
《从文自传》), Albin Michel, 1992
L’eau et les
nuages : comment je crée mes histoires et comment mes histoires
me créent (《水云,
我怎么创造故事,故事怎么创造我》),
Bleu de Chine, 1999
- Un recueil de
nouvelles traduit par Gilles Cabrero et
Marie Laureillard
:
Le périple de Xiang
et autres nouvelles,
Gallimard Bleu de Chine 2012, 320 p.
Douze récits contant un
voyage en bateau au Xiangxi durant l’hiver 1934, et cinq autres
récits écrits entre 1928 et 1949, autant de nouvelles reflétant
la fin d’un monde : celui de l’enfance de l’auteur.
- Une nouvelle : Autre
temps, autres mœurs, traduction de Xin yu jiu (《新与旧》),
dans le recueil Treize récits chinois 1918-1949, trad.
Martine Vallette-Hémery, éd. Philippe Picquier 1987, Picquier
poche 2000. Pp.127-141.
3. A lire sur ce
site :
La nouvelle
« Calme » (《静》)
L’adaptation
cinématographique de Xie Fei (谢飞)
:
« La jeune fille Xiaoxiao » (《湘女萧萧》)
Dans les « Repères historiques », l’article sur
le
jingpai
dont il considéré comme la figure de proue.
Gu Hua 古华
II. Gu Hua /Shen Congwen: similarités et
différences
4. A lire sur le site Paper Republic :
Traduction en anglais par Canaan Morse : The Young Couple《夫妇》
Traduction :
https://paper-republic.org/pubs/read/the-young-couple/
Texte original chinois :
http://www.saohua.com/shuku/shencongwen/ff02.htm
5. Les lettres :
Voir :
Shen Congwen : des
lettres à défaut de nouvelles
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