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Club de lecture du
Centre culturel de Chine
Compte rendu de la
quatrième séance de l’année 2017-2018
et annonce du
programme 2018-2019
par
Brigitte Duzan, 18 juin 2018
La quatrième séance du Club de lecture du Centre culturel de
Chine s’est tenue le l2 juin 2018, dans la médiathèque du Centre
et en présence du directeur des études, comme les précédentes.
C’était aussi la dernière séance de l’année scolaire en cours.
Nous y avons accueilli trois nouveaux membres, bienvenus bien
sûr.
Compte rendu de séance
Programme
La séance était consacrée à l’écrivain
Ge Fei (格非)
et principalement à « Poèmes à l’idiot » (《傻瓜的诗篇》),
nouvelle "moyenne" de 2001 qui marque l’apogée de
l’écriture avant-gardiste de cet auteur. Mais, pour
mieux cerner celle-ci, le programme de lecture avait
été étendu à quatre autres nouvelles de la fin des
années 1980 et du début des années 1990 traduites en
français et publiées en deux recueils : « Nuées
d’oiseaux bruns » et « Impressions à la saison des
pluies » :
- Nuées d’oiseaux bruns (《褐色鸟群》),
trad. Chantal Chen-Andro, Philippe Picquier, 1996
- Impressions à la saison des pluies (《雨季的感觉》),
trad.
Xiaomin Giafferri-Huang
et
Marie-Claude Cantournet-Jacquet, l’Aube, 2003.
- Poèmes à l’idiot (傻瓜的诗篇》),
trad.
Xiaomin Giafferri-Huang,
l’Aube, 2007 – avec, en postface, un
« dialogue » de la traductrice avec Ge Fei sur la
psychanalyse en Chine, datant de septembre 2006. |
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Poèmes à l’idiot, recueil des
meilleures
nouvelles de Ge Fei (1978-2000) |
Poèmes à l’idiot (傻瓜的诗篇》),
trad.
Xiaomin Giafferri-Huang,
l’Aube, 2007 |
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Il faut noter que les ouvrages en question, qui
étaient encore il y a quelques mois disponibles
d’occasion, avaient fini par être épuisés ; ils
n’étaient plus disponibles qu’en bibliothèque, et
encore fallait-il, dans la plupart des cas, les
faire venir de la réserve centrale. Dans ces
conditions, il faut souligner que tous les lecteurs
présents avaient lu soit un soit plusieurs titres,
voire la totalité pour certains, ce qui est vraiment
méritoire, mais donne aussi d’autant plus de prix à
ces traductions et à leur lecture.
Selon le protocole désormais bien établi, les
membres présents ont d’abord exposé et échangé leurs
impressions de lecture, avant que les principaux
points soient repris et commentés par Brigitte
Duzan. La principale traductrice de Ge Fei,
Xiaomin Giafferri,
habitant et enseignant à Nice, n’avait pu se
déplacer, mais elle avait été interviewée au
téléphone peu de temps auparavant ; Brigitte Duzan
avait ainsi pu préciser son parcours, recueillir ses
souvenirs de l’écrivain et donner des commentaires
sur ses traductions qui sont désormais en ligne. |
Impressions de lecture
Il est frappant de constater que l’ensemble des lecteurs a
apprécié ces textes, même si c’est à des degrés divers, en
fonction des goûts de chacun, et des textes trouvés, aussi.
Cette unanimité est d’autant plus frappante s’agissant d’un
auteur quand même relativement peu traduit, et de textes
relevant d’un style avant-gardiste très particulier.
La première lectrice à prendre la parole exprime son immense
plaisir à lire « Poèmes à l’idiot ». Texte riche et poétique,
percutant et déroutant, c’est le roman, dit-elle, qu’elle a
préféré de tous ceux lus dans l’année, au point de se demander
si elle ne voudrait pas le relire. Une autre lectrice,
d’ailleurs, frustrée d’avoir dû parcourir le livre très vite à
cause des impératifs de lecture en bibliothèque, affirme son
intention de le relire.
Pour le lecteur suivant, le plaisir est plus relatif, car la fin
lui a paru prévisible. Le dénouement a une certaine logique dans
une situation où on se demande quels sont véritablement les
malades. La limite étant floue, on peut basculer d’un état à un
autre. Ce lecteur avoue ne pas aimer les nouvelles dans leur
ensemble.
C’est le seul bémol de la séance, dont Ge Fei sort grand
vainqueur, même si certains ont préféré
Wang
Anyi ou
Su
Tong, au programme, respectivement, de la
deuxième et de la
première
séance du club de
lecture – mais une lectrice précise bien : la Wang Anyi du
« Chant des regrets éternels » (《长恨歌》) !
Su Tong n’est pas sans rappeler Ge Fei, par certains thèmes et
un style parfois elliptique. Mais, ce qui a emporté l’adhésion,
c’est le plaisir de découvrir l’onirisme des nouvelles de Ge
Fei, l’impression de flotter entre rêve et réalité. Une lectrice
souligne aussi le cheminement fascinant de la mémoire, dans ses
nouvelles, l’opposition mémoire/oubli, et un mode narratif
rappelant celui de Robbe-Grillet. Une autre, qui a commencé par
la lecture de « La barque égarée » (《迷舟》),
dans le recueil « Nuée d’oiseaux bruns », a été très sensible au
style poétique, des descriptions de la nature en particulier,
qui lui a rappelé certains textes de Julien Gracq.
L’un des lecteurs commente également sa lecture d’une nouvelle
qu’il a encore préférée à celles au programme : « Coquillages »
(《蚌壳》).
Lue après « Poèmes à l’idiot », la nouvelle lui a semblé encore
plus intéressante dans sa narration elliptique, ses personnages
à peine esquissés dont on comprend peu à peu l’identité. En
outre, elle est aussi en lien avec les théories freudiennes. A
cet égard,
Xiaomin Giafferri a
expliqué que, à l’origine, cette nouvelle devait être publiée
dans un même recueil avec « Poèmes à l’idiot » - les autres
nouvelles de Ge Fei étant également publiées deux par deux.
Néanmoins, « Poèmes à l’idiot » a semblé justifier une
publication séparée à l’éditeur qui a donc publié
« Coquillages » séparément aussi, l’année suivante.
La postface ajoutée après « Poème à l’idiot » a semblé très
utile pour mieux comprendre la psychanalyse en Chine. A cet
égard,
Xiaomin Giafferri a
précisé lors de son interview préalable à la séance du club
qu’elle a posé ces questions pour éclairer sa propre lanterne,
et que la question devrait aujourd’hui être actualisée
.
L’une des nouvelles venues au club, faute d’avoir trouvé à temps
l’un des recueils au programme, a lu le roman « Une jeune fille
au teint de pêche » (《人面桃花》),
qu’elle a beaucoup aimé, en particulier pour l’imagination
narrative, mais aussi toutes les références dont le texte
abonde. C’est quand même une traduction dont la lecture est
gênée par les multiples fautes.
Commentaires de Brigitte Duzan
Brigitte Duzan s’est déclarée ravie que les nouvelles de
Ge Fei
aient été si unanimement appréciées. C’était un défi de
proposer cet auteur, de proposer essentiellement des nouvelles
après les grands romans programmés précédemment et de proposer
des nouvelles d’un style réputé quand même assez difficile.
L’expérience montre donc que si le réalisme est apprécié,
l’originalité aussi, et que les nouvelles ont leur public.
En complément, il est intéressant d’approfondir la discussion
menée pendant la séance, grâce à une
analyse des nouvelles et
une
présentation du roman « Une jeune fille au
teint de pêche »
dont la traduction mériterait d’être révisée et rééditée.
Note complémentaire
Une lectrice a demandé le sens de la dédicace à la fin de la
nouvelle « Vert-Jaune » (《青黄》) :
Je dédie ce texte au maître du Pavillon de la Pleine
Lune. (traduction Giafferri-Cantournet)
C’est la traduction du texte original :
此文献给仲月楼公。
(仲月
zhòngyuè
désigne le deuxième mois de chaque saison du calendrier
lunaire).
D’autres nouvelles de Ge Fei sont dédiées à ce même personnage.
Interrogée, Xiaomin Giafferri a répondu ne pas savoir à qui se
réfère cette dédicace et ne pas se souvenir d’avoir posé la
question. Elle reste donc entière, en attendant de pouvoir
interroger directement l’auteur.
Et dans l’attente, on pourrait presque écrire une courte
nouvelle pour imaginer qui peut bien se cacher derrière ce
mystérieux pseudonyme plein de poésie…
Programme 2018-2019
L’expérience du club va se poursuivre l’année prochaine.
La séance s’est donc terminée par une présentation du
programme de l’année prochaine,
avec l’annonce des deux premières séances de la rentrée : les 16
octobre et 4 décembre.
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