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Chinese Arts and Letters, second semestre 2017 : plus de 200 pages d’analyses et de traductions

par Brigitte Duzan, 1er janvier 2018 

 

Publiée par l’Ecole des langues et cultures étrangères de l’Université de Nankin, la revue Chinese Arts and Letters (CAL) en est à son huitième numéro semestriel.

 

Le second numéro de l’année 2017 est tout aussi riche que les précédents.

 

1. Il s’ouvre sur un auteur auquel on ne se serait pas attendu : Zhou Meisen (周梅森), le grand auteur de romans anti-corruption depuis la fin des années 1990 avec Zhang Ping (张平) et Lu Tianming (陆天明). Zhou Meisen a récemment fait la une de l’actualité quand est sorti son dernier roman, « Au nom du peuple » (《人民的名义》), un bestseller vendu à un million d’exemplaires, et encore plus quand a été diffusée à la télévision la série éponyme dont il a lui-même signé l’adaptation : une série culte dont on estime qu’elle a été vue par près de 30 millions de téléspectateurs et internautes.

 

Chinese Arts and Letters,

second semestre 2017

 

Ce succès est évidemment à replacer dans le cadre de la lutte anti-corruption initiée par le président Xi Jinping depuis 2012 : il est en grande partie instrumentalisé par le pouvoir. On en oublierait que Zhou Meisen a été célébré auparavant comme un auteur dénonçant hardiment les faits de corruption en les enrobant dans des fictions tirées de son expérience personnelle, et qu’il s’est bâti toute une légende autour de sa passion pour Balzac.

 

Zhou Meisen, Au nom du peuple

 

C’est ce personnage haut en couleur que tente de restituer CAL (fidèle jusqu’ici aux écrivains natifs de sa propre province du Jiangsu), avec deux textes de Zhou Meisen, traduits en anglais, une critique et un entretien :

-    un extrait de son roman « Au nom du peuple » 《人民的名义》(节选), traduit par Jeremy Tiang (pp. 7-38)

-    son « Hommage à Balzac » 《向老巴尔扎克致敬》, traduit par Tasha Epsetein (pp. 39-43)

-    un essai critique de He Shaojun (贺绍俊), traduit par Denis Mair : From New Historical Fiction to New Political Fiction, a study guide to Zhou Meisen  (pp. 44-63)

-    un entretien de Shu Jinyu (舒晋瑜) avec l’auteur, traduit par Tasha Epsetein : Zhou Meisen, One Step Closer to Balzac (pp. 64-77).

 

Le reste de la revue est divisée en articles et traductions de nouvelles, courts textes de prose et poèmes, en terminant sur quelques pages consacrées à un peintre.

 

2. Ce numéro comporte deux articles de réflexion et d’analyse : l’un sur la littérature dite nativiste, ou du terroir (xiangtu wenxue 乡土文学), dans les années 1920-1930 (pp. 78-106), l’autre sur la fête des Lanternes à l’époque Song (pp. 107-126).

 

Le premier article – Nationalism, Individualism and Class: Intersecting Itineraries for Xiangtu Literature in Republican-Era Literary Criticism – est de Mark McConaghy, PhD in modern Chinese cultural history à l’université de Toronto (Department of East Asian Studies ) dont les recherches portent, en particulier, sur la littérature nativiste des années 1920. Son article est passionnant, opposant les différentes approches du concept de xiangtu chez trois des grandes figures de la littérature chinoise de la période républicaine : Lu Xun (魯迅), son frère Zhou Zuoren (周作人) et Mao Dun (茅盾).

 

Il fait ainsi ressortir les trois traits essentiels qui caractérisent l’élaboration et l’utilisation du concept de xiangtu chez chacun des trois écrivains :

-    chez Lu Xun, utilisation du pays ancestral pour critiquer l’identité nationale et ses symptômes pathologiques, dans le contexte des désillusions des années 1920 ;

-    chez Zhou Zuoren, au contraire, vision de l’homme moderne comme individu participant d’une culture globale progressiste, mais trouvant sa force, au quotidien, dans les "conditions locales" (fengtu 风土) et la "saveur locale" (quwei 趣味), tous éléments hérités du passé (et pas forcément le passé rural) mais colorant le présent :

-    autant d’éléments redéfinis par Mao Dun, à partir de 1925, en termes de conflits de classes.

 

Le second article est de Han Lifeng (韩丽枫), enseignante à l’Ecole des langues étrangères de l’Université normale de Nankin. Son article analyse les rites spécifiques développés sous l’empereur Huizong des Song (宋徽宗) pour célébrer la fête des Lanternes, son propos étant de montrer l’ambivalence entre une période sombre où l’empire était au bord de l’effondrement, juste avant l’invasion des Jürchen [1], et la splendeur des fêtes dont l’empereur se servait pour afficher urbi et orbi son souci d’être proche du peuple et sa bienveillance envers lui. Pour la fête des Lanternes était créé un univers de lumière et de plaisir qui, une fois la dynastie repliée dans le Sud, a contribué à nourrir une nostalgie d’un brillant passé révolu, sentiment déconnecté de la réalité, mais préservé dans la littérature et la peinture, à l’encontre de l’historiographie officielle.

 

 

Le tableau « Les grues de bon augure » de l’empereur Huizong cité dans l’article de Han Lifeng
Ici avec l’inscription au dos décrivant l’événement qui a inspiré le tableau

 

 

3. Les cinquante pages suivantes sont consacrées à quatre nouvelles traduites en anglais par Luisetta Mudie, deux de Bi Feiyu (毕飞宇) et deux de Ye Zhaoyan (叶兆言), deux auteurs qui ont déjà fait la une de numéros précédents de CAL.

 

De Bi Feiyu :

- Leftover Man 《男人还剩下什么》, nouvelle de 1995, pp. 127-137 ;

- Wang Family Village, the World 《地球上的王家庄》, nouvelle de 2002, pp. 138-147.

 

De Ye Zhaoyan :

- The Nighthawk 《夜游者侯冰》, nouvelle de 1995, pp. 148-162 ;

- Purple Cloud Lake 《紫霞湖》, nouvelle de 2012, pp. 163-177.

 

4. Ces nouvelles sont complétées par un texte de prose et des poèmes :

- The Little Hand Reaching for the Night Sky 《伸向夜空的小手》, de Zhao Yiru (赵翼如) [2], traduit par Florence Woo, pp. 178-184 ;

- Huit poèmes de Cheqianzi (车前子) [3] traduits par Nicky Harman, pp. 185-192.

 

5. Le numéro se termine sur un texte du peintre Chen Shining (陈世宁) et une présentation de son œuvre.


 

[1] Il est question de la fête des Lanternes de 1126 : l’empereur Huizong a abdiqué en faveur de son fils un mois plus tôt alors que les Jürchen étaient aux portes de la capitale, Kaifeng, qui tombera le 3ème mois de 1127.  

[2] Ecrivaine du Jiangsu née en 1955, diplômée de l’Université normale de Nankin, membre de l’Association des écrivains, principalement auteure d’essais sanwen.

[3] Poète né en 1963 à Suzhou, qui vit à Pékin depuis 1998. Considéré comme inclassable et imprévisible.

 

     

   

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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