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Club de lecture du
Centre culturel de Chine
Année 2018-2019
Compte rendu de la
deuxième séance
et annonce des
séances suivantes
par Brigitte Duzan, 6 décembre 2018
La deuxième séance de l’année 2018-2019 du Club de
lecture du Centre culturel de Chine s’est tenue le
mardi 4 décembre 2018, dans la médiathèque du
Centre, deuxième séance consacrée à l’écrivain
Liu Xinwu (刘心武).
Découverte
Le sentiment généralement exprimé en début de séance
était le plaisir de découvrir un auteur il est vrai
peu connu en France, non qu’il n’ait pas été
traduit, mais parce que la plupart des traductions
ont été publiées par un éditeur qui a disparu depuis
lors, et que l’édition originale est donc disponible
seulement d’occasion ou en prêt dans quelques
bibliothèques ; les rééditions en folio sont
cependant disponibles (voir ci-dessous).
A ce
propos, il est tenu compte de la disponibilité des
titres lors de l’établissement du programme, mais la
situation peut |
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Liu Xinwu |
évoluer ensuite. C’est certes un problème pour le Club de
lecture : l’objectif étant de faire connaître et apprécier des
auteurs et des œuvres d’importance majeure dans la littérature
chinoise moderne et contemporaine, et non les succès commerciaux
ou les titres médiatisés, la disponibilité des traductions en
français peut poser un problème
.
Mais cela n’a pas empêché la découverte de Liu Xinwu, et une
découverte bienvenue à une exception près : celle d’un membre du
Club qui n’aime pas les nouvelles, n’y trouvant pas les
développements narratifs attendus. Or,
les textes programmés
étaient des nouvelles, de longueurs diverses. C’est en effet ce
qui constitue l’essentiel de l’œuvre de fiction de l’auteur,
depuis le célèbre « Professeur principal » publié en 1977, même
si certaines des nouvelles, publiées séparément, sont des
chapitres de romans conçus par Liu Xinwu sur le modèle des
romans dits « à chapitres » de la littérature classique qu’il
affectionne
.
Qui plus est, certains titres ayant été remplacés par d’autres,
plus faciles à trouver, les lectures ont été finalement bien
plus étendues qu’initialement prévu, ce qui a donné une vision
plus large de l’œuvre de l’auteur, et positive dans l’ensemble,
à quelques nuances près.
Six titres lus :
La Cendrillon du canal, trad. Roger Darrobers, Bleu de Chine, 1996 /
Folio, 2012*
Poisson à face humaine, trad. Roger Darrobers, Bleu de Chine, 2004 /
Folio, 2012*
* les deux titres sont regroupés dans le même folio (collection à 2€),
sous le titre du premier
Poussière et sueur, trad. Roger Darrobers, Bleu de Chine, 2004 / Folio,
2012
La Démone bleue, trad. Roger Darrobers, Bleu de Chine 2005
Dés de poulet façon mégère, trad. Marie Laureillard, Bleu de
Chine 2007
Ruyi/Le Talisman, trad. R.Y.L.Yo, édition bilingue, You
Feng, 1999.
Réactions et impressions de lecture
Parmi les quatre premiers titres, « La Cendrillon du canal » et
« Poussière et sueur » ont frappé par la qualité presque
documentaire de ces récits, offrant un aspect très vivant de la
vie réelle d’une frange de la société pékinoise, en marge de la
grande histoire.
Poussière et sueur |
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Dans le cas de « Poussière et sueur », il s’agit,
déjà, de migrants venus de la campagne trouver un
travail en ville, toujours précaire, et toujours mal
payé. Beaucoup de sueur, donc, mais aussi beaucoup
d’humour, dans ce récit, et des anecdotes bienvenues
qui allègent la peinture d’existences écrasées par
le poids du destin. Le texte a été rapproché de ceux
de Lao She offrant une peinture similaire des
petites gens de Pékin.
Un autre lecteur, bien que regrettant d’avoir eu le
sentiment « d’avoir déjà lu cela quelque part », a
quand même trouvé que c’était écrit de manière
originale, en présentant un aspect universel. Il a
fait un parallèle intéressant entre les deux
personnages féminins de « La Cendrillon du canal »,
d’une part, et de « Poisson à face humaine » d’autre
part, l’une étant démunie de tout, l’autre ayant
apparemment tout ce qu’elle pourrait souhaiter, mais
découvrant soudain, au hasard d’une trajet en taxi,
qu’il lui manque en fait l’essentiel : l’amour perdu
de l’homme qui, justement, la conduit. |
Quant à « La Démone bleue », elle a marqué ses
lecteurs par l’audace, selon certains, d’une
confession personnelle qui, pour une autre lectrice,
entraîne en retour beaucoup de sympathie. Le style
« sans gras » ajoute au caractère poignant de la
confession de l’auteur qui ne cherche ni excuse ni
faux-semblants. Superbe image : la figure
fantastique du yaksa entrevu dans le temple
revient hanter l’auteur, son visage bleu faisant
écho à celui de la jeune voisine atteinte d’une
maladie qui lui sera fatale et perpétuant le
sentiment de culpabilité à son égard.
Les « Dés de poulet façon mégère » ont emporté
l’adhésion de tous ceux qui ont lu le texte. Cette
façon de présenter le monde pékinois, voire chinois,
à travers les clients qui fréquentent un petit
restaurant, et les plats qu’ils commandent a été
jugée très réussie. Présentant le récit, l’une des
lectrices a fort justement fait remarquer que les
plats présentés vont du plus simple, l’émincé de
foie à l’ail, |
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La Démone bleue |
au plus compliqué, celui du titre, et que cette gradation est
parallèle à celle des personnages dépeints : Liu Xinwu commence
par les plus modestes, un couple de migrants venus travailler en
ville, un vigile et une serveuse, pour terminer par la
« patronne ». Il y a unité de temps et de lieu, le récit est
bien enlevé, et en outre illustré de savoureux dessins.
Cependant, c’est « Le Talisman » (ou Ruyi《如意》),
qui a été plébiscité. L’un des participants a confié l’avoir lu
trois fois, la première étant, dans la même édition bilingue de
You Feng, lors de ses études de chinois : un texte redécouvert
sous un jour nouveau, avec le recul du temps.
Reprise des commentaires en conclusion
Reprenant les diverses questions soulevées par les participants,
Brigitte Duzan a tenté, pour conclure, d’en renouer les fils en
les rattachant aux grands thèmes de l’œuvre de Liu Xinwu.
1. L’un des thèmes récurrents apparus au cours des divers
commentaires est l’humanisme qui se dégage
de ces divers récits. C’est l’une des caractéristiques de la
littérature chinoise du début des années 1980, en réaction à la
période précédente. L’humanisme n’est pourtant pas totalement
accepté, il reste une marque « bourgeoise », critiquée, jusqu’à
causer des attaques virulentes contre certains auteurs et
cinéastes.
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« Ruyi » en particulier déclencha une vague de critiques
à l’égard d’un humanisme relevant du sentimentalisme le plus
bourgeois : comment accepter un héros qui n’obéit qu’à son cœur
et à ses principes humains sans se soucier de la ligne
politique ? L’auteur n’aurait pas dû défendre l’attitude du
vieux concierge, mais dénoncer ses limites et ses
contradictions, lui a-t-il été reproché.
Pourtant, non seulement l’humanisme, justement, était à
l’avant-garde de la nouvelle littérature, mais les cinéastes
s’en emparèrent aussi, et l’adaptation de « Ruyi » au
cinéma est l’un des grands films de cette « seconde période des
Cent Fleurs » au cinéma que furent les années 1978-1981.
2. L’autre caractéristique frappante de ces nouvelles,
unanimement notée, est le réalisme du tableau de
la société pékinoise telle qu’elle est dépeinte dans son cadre
et ses lieux de vie. C’est le style que Liu Xinwu a
graduellement adopté dans la première moitié des années 1980,
donnant à ses romans le nom de « romans-réalité » comme on dit
télé-réalité.
C’était en grand partie sous l’inspiration d’un style littéraire
hyperréaliste qui s’est
développé surtout vers 1985 et que l’on a appelé « littérature
de reportage ».
3. Toutes ces nouvelles sont aussi caractérisées par une
construction commune, fondée sur le double principe unité
de lieu-unité de temps inspiré du théâtre. En ce sens,
un récit comme « Dés de poulet façon mégère » est à rapprocher
de la célèbre pièce de Lao She « La Maison de thé » ou
Chaguan, la différence étant que Chaguan se passe sur
une période de cinquante ans alors que les nouvelles de
Liu Xinwu se déroulent en général sur une journée, et dans un
endroit bien précis de la capitale, les anciennes douves, par
exemple, pour la Cendrillon du canal (ce canal étant celui « qui
protège la ville », à l’extérieur des anciennes murailles).
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Liu Xinwu admirait d’ailleurs beaucoup Lao She ; il a écrit une
pièce de théâtre sur sa disparition, au tout début de la
Révolution culturelle : « La mort de Lao She ». Les personnages
des nouvelles, le réalisme du récit, chez Liu Xinwu, rappellent
les tableaux pékinois de Lao She, de même que les portraits de
« personnages ordinaires » de
Feng Jicai – de là, en partie,
cette impression de « déjà vu » mentionnée. Mais il y a une
grande différence entre Liu Xinwu et
Lao She :
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celui-ci mettait dans la bouche de ses personnages la langue
pittoresque des hutongs de Pékin tandis que Liu Xinwu, lui,
écrit dans un style raffiné proche de la langue classique des
grands romans qu’il affectionne, et le Hongloumeng (Le Rêve dans le pavillon
rouge) en premier lieu.
4. Tous ces récits ont en outre une forte teneur
autobiographique, comme l’ont senti bon nombre de
participants. Et cet aspect personnel est lié au réalisme de
l’écriture. En même temps, il y a, au fond de tout cela, une
profondeur de sentiments qui transparaît dans toute sa force
dans « Ruyi », et plus encore dans le film qui en est
adapté, par la grâce des interprètes.
Notes complémentaires sur Liu Xinwu et son œuvre :
http://www.chinese-shortstories.com/Auteurs_de_a_z_Liu_Xinwu.htm
Prochaines séances
La prochaine séance aura lieu le mardi 12 février et sera
consacrée à
Jia Pingwa (贾平凹),
l’un des plus grands écrivains chinois de la génération née au
début des années 1950.
Le programme de lecture tend à la découverte de deux aspects de
son œuvre : des nouvelles représentatives de ses écrits des
années 1980 et un roman récent, paru en Chine en 2011 :
-
L’art perdu des fours anciens, trad. Bernard et Li Bourrit,
Gallimard coll. Du monde entier, novembre 2017, 1150 p.
-
Le Porteur de jeunes mariées, traducteurs multiples, Stock,
coll. Bibliothèque Cosmopolite, 1995, 310 p. Recueil de trois
nouvelles de 1990 formant une sorte de trilogie.
La séance suivante, consacrée à l’écrivaine
Chi Zijian (迟子建),
est fixée au mardi 9 avril.
J’en profite pour signaler une marche à suivre
très simple pour rechercher un livre épuisé.
1/ Il faut d’abord s’assurer qu’il est bien épuisé. On
dispose pour cela du site Paris Librairies qui réunit
une centaine de librairies parisiennes et indique celles
où l’on peut trouver le livre recherché :
https://www.parislibrairies.fr/
2/ S’il est épuisé, on peut le trouver en bibliothèque :
-
d’une part,
pour emprunter un livre, on peut le rechercher sur le
site central des bibliothèques de la ville de Paris ; il
est indiqué dans quelles bibliothèques il est
disponible. On peut le réserver.
https://bibliotheques.paris.fr/Default/form.aspx?SC=CATALOGUE
- d’autre
part, on peut le consulter à la Bpi du Centre Pompidou
qui a un fond très riche, ou à la BnF, site
François-Mitterand, qui dispose en principe de tous les
livres publiés du fait du dépôt légal.
3/ Enfin, aujourd’hui, l’achat d’occasion sur
internet est une solution précieuse à ne pas refuser ou
négliger, en tenant compte des délais de livraison.
Voir les explications de Roger Darrobers en postface de
sa traduction de « La Démone bleue ».
Il faut rappeler à ce propos que la nouvelle est une
forme essentielle et fondatrice de la littérature
chinoise, remontant aux origines de la littérature de
fiction, sous les Tang mais même bien avant : le récit
de fiction est désigné du terme de xiaoshuo, qui
peut être long (c’est le roman) ou court (c’est la
nouvelle), avec une forme intermédiaire qui correspond à
ce que les Anglais appellent novella et pour
laquelle la langue française n’a pas de terme
spécifique ; les éditeurs français titrent souvent
roman court, ce qui peut être trompeur.
Pour plus de précisions, voir :
Brève histoire du xiaoshuo et de ses diverses
formes, de la nouvelle au roman
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