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                  | 
				
				Chi Zijian 
				迟子建 
				
				Présentation 
				par Brigitte 
				Duzan, 8 mai 2015, actualisé 11 avril 2019     
				 
					
						| 
						
						Chi Zijian est 
						la cadette, de quelques années, de
						
						
						Tie Ning (铁凝), 
						de 
						
						Wang Anyi (王安忆), 
						de 
						
						Chi Li (池莉), 
						mais il lui aura fallu attendre bien plus longtemps 
						qu’elles pour connaître leur notoriété. 
						Peintre du 
						Grand Nord, et non de la réalité urbaine et de ses 
						mutations, 
						
						comme ses consœurs, elle a longtemps 
						été à l’écart des grands courants littéraires et des 
						goûts des lecteurs. 
						
						  
						      
						
						Elle a pourtant 
						publié un nombre impressionnant de nouvelles, et été 
						lauréate de nombreux prix, dont trois fois du prix Lu 
						Xun. Mais c’est le prix Mao Dun, décerné à l’un de ses 
						romans en 2008, qui  l’a vraiment fait sortir de l’ombre 
						car, traduit en anglais, par Bruce Humes, sous le titre 
						« The Last Quarter of the Moon », l’ouvrage a eu un 
						succès tel qu’il a entraîné une série de traductions 
						dans d’autres langues.       
						 
						
						Il faut dire 
						que, traitant de la longue descente aux enfers  
						 |  | 
						
						 
						Chi Zijian |  
						
						des 
						Ewenki à un 
				moment où le thème devenait par ailleurs sujet
				d’étude et de documentaires, l’ouvrage a participé d’un 
				phénomène de mode. Il a contribué à populariser le nom de Chi 
				Zijian ; elle est pourtant bien meilleure dans le genre de la 
				nouvelle, courte ou moyenne, et c’est sous cet aspect qu’elle 
				reste à découvrir.  
				
				     
				 
				
				Native de Mohe 
				
				     
				 
				
				Née au Pôle Nord 
				     
				 
					
						| 
						
						 
						Le district de Mohe (en rose), au nord
						 
						de la préfecture de Daxing’anling (en 
						jaune),  
						à l’extrême nord du Heilongjiang 
						 |  | 
						Chi Zijian est née en 
						février 1964, le jour de la fête des Lanternes, dans le 
						nord de la province du Heilongjiang (黑龙江省), dans un 
						village nommé Beiji (北极村), c’est-à-dire, littéralement, 
						‘Pôle Nord’. C’est un district de la petite ville de 
						Mohe (漠河县), elle-même district administratif sous la 
						juridiction de la préfecture de Daxing'anling (大兴安岭). A 
						l’extrême nord-est de la Chine, c’est une région 
						inhospitalière, aux longs hivers glacials, le long du 
						fleuve Amur, à la frontière avec la Russie. 
 Sa mère, Li Xiaorong (李晓荣), était, dans les années 1950, 
						employée du bureau de poste de Mohe. Quant à son père, 
						Chi Zefeng (迟泽凤), il était directeur d’une petite école 
						du district, l’école
 |  
						de la Paix 
				
				éternelle (永安小学) ; 
				il a été emporté par la maladie pendant l’hiver 1985.       
				 
				
				Chi Zefeng avait une véritable vénération pour Cao Zhi (曹植), 
				troisième fils de Cao Cao (曹操), 
				écarté par son père de la succession de Cao Wei pour son 
				attitude excentrique, mais grand poète et célébré comme tel. Or, 
				Cao Zhi avait pour prénom social (字) 
				Zijian (子建), 
				c’est donc ainsi que Chi Zefeng appela sa fille : Chi Zijian (迟子建). 
				     
				 
				
				Elle a passé son enfance dans cette région de Mohe, aux côtés 
				d’une grand-mère qui lui racontait des histoires : ce sera une 
				inépuisable source d’inspiration pour ses écrits, avec la nature 
				et les gens autour d’elle. Elle l’a dit elle-même : si elle 
				n’était pas née là, n’y avait pas vécu, elle ne serait 
				vraisemblablement jamais devenue écrivain. 
				     
				 
				
				Etudes littéraires
				 
				     
				 
				En 
				1981, elle entre à l’Ecole normale du Daxing'anling (大兴安岭师范学校), 
				et commence à publier ses premiers récits en 1983, alors qu’elle 
				est encore étudiante.  
				     
				 
				En 
				1988, elle est admise à l’Université du Nord-Ouest (西北大学) 
				à Xi’an, dans le Shaanxi, dans le département de littérature 
				chinoise, et plus spécialement dans la classe d’écriture (中文系作家班). L’année suivante, elle va se perfectionner à l’Université normale de 
				Pékin (北京师范大学), 
				puis à l’Institut Lu Xun (鲁迅文学院). 
				C’est une voie royale, en Chine, pour un jeune écrivain. 
				 
				     
				 
				
				Mais elle ne quitte pas sa région natale : en 1990, à la fin de 
				ses études, elle entre à la branche du Heilongjiang de 
				l’Association des écrivains chinois. Elle vit toujours à Harbin, 
				la capitale de la province.  
				          
				 
					
						| 
				
				Romancière du Grand 
				Nord 
				 
						  
						
						Le nom de Chi 
						Zijian est maintenant lié au roman qui lui a valu le 
						prix Mao Dun en 2008, mais qu’elle a achevé d’écrire, 
						après une dernière révision, en juillet 2005. Cependant, 
						ce sont bien plus ses nouvelles qui constituent une 
						œuvre foisonnante, formant tout au long d’une trentaine 
						d’années un univers très personnel fondé sur la terre et 
						les gens de sa région natale. |  | 
						
						 
						En 2008 remise du prix Mao Dun |  
				     
				 
						
						2008 Prix Mao 
						Dun : La rive droite de l’Argun 
				  
				Le 
				prix Mao Dun, donc, lui a été décerné pour « La rive droite de 
				l’Argun » (《额尔古纳河右岸》), 
				que l’éditeur de la traduction en anglais a préféré appeler 
				« The Last Quarter of the Moon », en suivant le choix préalable 
				de l’éditeur de la traduction en italien. L’idée de ce titre est 
				inspirée des dernières pages du roman, une dernière partie très 
				brève, en forme d’épilogue, intitulé « Croissant de lune »
				(尾声:半个月亮)
				
				
				 
				- parvenue au bout de son histoire, la narratrice, une vieille 
				femme restée seule  
					
						| 
						
						dans les montagnes, alors que le 
						reste du village a été déserté, contemple la lune qui 
						vient de se lever – passage poétique caractéristique du 
						style de Chi Zijian :  
						
						月亮升起来了,不过月亮不是圆的,是半轮,它莹白如玉。它微微弯着身子,就像一只喝水的小鹿。… 
						
						我抬头看了看月亮,觉得它就像朝我们跑来的白色驯鹿;而我再看那只离我们越来越近的驯鹿时,觉得它就是掉在地上的那半轮淡白的月亮。… 
						
						La lune s’est 
						levée, mais elle n’est pas ronde. C’est une demi-sphère, 
						d’un blanc brillant comme du jade, légèrement incurvée 
						comme un faon courbé pour boire. […] 
						 
						
						Je lève la tête 
						pour regarder la lune, et il me semble voir un renne 
						blanc courant vers nous ; et quand je le regarde à 
						nouveau, je le vois s’approcher de plus en plus, comme 
						si ce pâle croissant de lune était en train de tomber 
						sur terre… |  | 
						
						 
						La Rive droite de l’Argun |  
				     
				 
				Ce 
				‘dernier croissant de lune’ évoque aussitôt une histoire de 
				déclin et de chute finale. C’est celle des Ewenki, le peuplede 
				la chaîne du Grand Khingan, ou Daxing’anling (大兴安岭), 
				qui est au cœur du roman. Ces Ewenki ont été, en Chine et 
				ailleurs, le sujet d’études ethnologiques et de documentaires 
				qui ont contribué à faire connaître leur mode de vie, leurs 
				croyances et coutumes, et les raisons pour lesquelles ce peuple, 
				lié à une écologie délicate et une économie très particulière 
				fondée sur l’élevage du renne, est aujourd’hui menacé de 
				disparition 
				
				.
				 
				     
				 
					
						| 
						
						 
						Avec les trois autres finalistes du prix 
						Mao Dun (de g. à dr.  
						Zhou Daxin 周大新, Jia Pingwa 贾平凹, Chi 
						Zijian et Mai Jia 麦家) |  | 
						
						C’est une 
						tragédie des temps modernes, en grande partie entraînée 
						par les changements de modes de vie induits par la 
						politique gouvernementale d’exploitation de la forêt et 
						de développement à marche forcée, sans prise en compte 
						des contraintes économiques locales, ni des données 
						environnementales et humaines. Avec un peuple, c’est 
						toute une culture qui disparaît, et c’est le sujet du 
						roman, narré à la première personne par cette vieille 
						femme parvenue à ses quatre-vingt-dix  |  
						
						
						ans, qui assiste à la mort lente – et 
				programmée – du village entier. 
				  
				
						     
				 
					
						| 
						
						Dans un essai 
						intitulé « Des montagnes à la mer » (《从山峦到海洋》), 
						Chi Zijian a expliqué la longue genèse de son roman : 
						comment uneamie lui a envoyé un article paru dans la 
						presse racontant la fin tragique d’une Ewenki, peintre 
						de talent, qui était partie vivre en ville, comme les 
						autres, à la suite de la politique de relogement du 
						début des années 2000, et qui, déprimée, est finalement 
						revenue dans sa forêt natale pour se jeter dans la 
						rivière… l’amie avait griffonné en marge de l’article : 
						« écris cette histoire, toi seule peut le faire comme il 
						faut… ».  
						
						     
						 
						
						Chi Zijian explique qu’elle en 
						avait déjà l’idée, qui lui était venue après un voyage 
						en Australie, où elle avait constaté l’impact désastreux 
						de la politique de relogement des aborigènes en ville. 
						Les Ewenki étaient dans le même cas. Le court article 
						qu’elle écrivit à son retour en Chine, « Le crépuscule 
						des aborigènes », était l’introduction à son long 
						travail de recherche pour son roman 
						
						
						.
						 |  | 
						
						 
						Les essais de Chi Zijian |  
				     
				 
				
				1991-2015 : Six romans     
				 
					
						| 
						
						 
						Manchukuo (1er tome) |  | 
						
						C’était le 
						cinquième roman de Chi Zijian, le premier, « Sous 
						l’arbre » (《树下》), 
						paru dès 1991, et le troisième, paru en 2000, 
						« Manchukuo » (《伪满州国》), 
						étant le résultat d’un travail de recherche de plusieurs 
						années sur l’état fantoche instauré par les Japonais en 
						1932, qui recouvrait le Heilongjiang.  
						
						     
						 
						
						Très bien 
						écrit, « La rive droite de l’Argun » donne le sentiment 
						d’une immersion dans un monde autre, un univers étrange 
						peuplé d’esprits et de forces occultes ; c’est une 
						vision en profondeur d’un peuple et de sa culture avant 
						qu’ils ne disparaissent avec leurs rennes et les forêts 
						qui les habitaient.    |  
				     
				 
					
						| 
						
						Il a été suivi, 
						en 2010, de « Corbeaux sur la neige» (《白雪乌鸦》), 
						qui est, un peu comme « Manchukuo », un récit inspiré 
						d’un fait historique, mais basé sur des documents et 
						rapports non officiels : l’épidémie de peste pulmonaire 
						à Harbin dans les années 1910-1911 
						
						
						. 
						Chi Zijian imagine des histoires d’amour, de rancœur et 
						de vengeances sur fond d’épidémie.  
						
						     
						 
						
						En janvier 
						2015, elle a publié un sixième roman, « Les sommets des 
						montagnes » (《群山之巅》),     
						 
						
						On peut 
						cependant préférer les nombreuse nouvelles que la 
						romancière a publiées depuis plus d’une trentaine 
						d’années, et qui forment un autre monde, plus quotidien, 
						plus divers et plus personnel, mais reflétant un 
						imaginaire où l’étrange affleure dans la moindre faille 
						du quotidien.  |  | 
						
						 
						Corbeaux sur la neige |  
				     
				 
					
						| 
						
						 
						Présentation du sixième roman |  |  |  
				     
				 
				
				1985-2015 : Trente ans 
				de nouvelles 
				     
				 
					
						| 
						
						Sur la 
						profusion de nouvelles publiées par Chi Zijian depuis 
						trente ans, trois ont été couronnées du prix Lu Xun : en 
						1996, « L’enclos à bétail par temps de brume » (《雾月牛栏》), 
						en 
						
						2000 « Laver la poussière à l’eau claire » (《清水洗尘》) 
						et, en 2007, « Toutes les nuits du monde » (《世界上所有的夜晚》). 
						
						
						       
						
						
						La première nouvelle dépeint un enfant devenu légèrement 
						anormal après avoir été frappé, et qui vit 
						 |  | 
						
						 
						Trente ans de nouvelles |  
				
				
				depuis lors, l’esprit perdu dans une brume permanente, dans 
				l’enclos des vaches, sous leur protection. La seconde décrit la 
				coutume du bain familial annuel, vue du point de vue d’un autre 
				enfant, qui déteste avoir à s’y plier, car il doit se laver dans 
				l’eau sale de ceux qui sont passés avant lui… mais Chi Zijian le 
				décrit, cette année-là, écoutant les bruits venant de la 
				baignoire au moment du bain de ses parents, qui le font rougir 
				d’aise sans qu’il sache trop pourquoi.  
				
				       
					
						| 
						
						 
						La neige omniprésente |  | 
						
						C’est la 
						troisième nouvelle, cependant, qui est particulièrement 
						réussie car elle dépeint l’univers douloureux d’une 
						petite ville minière où les morts sont légion, ville 
						visitée par une femme qui vient de perdre son mari ; si 
						le récit touche profondément, c’est par la symbiose 
						affective ressentie par la narratrice avec les gens 
						autour d’elle qui ont eux aussi perdu un être cher – Chi 
						Zijian a écrit son récit pour tenter de faire le deuil 
						de son mari, décédé en 1998 dans un accident de 
						voiture ; la douleur des gens que rencontre la 
						narratrice répond 
						 |  
						
						à la sienne, et 
				leurs
				croyances, qui sont autant de stratégies pour la vaincre, 
				l’aident à faire de même : les morts sont omniprésents pour 
				aider les vivants. 
				     
				 
				En 
				fait, c’est une nouvelle de la maturité de l’auteur. La première 
				nouvelle qui lui a valu un début de reconnaissance est le « Conte 
				du village du Grand Nord » (《北极村童话》),
				
				publié en février 1986 dans la revue Littérature du peuple (《人民文学》). 
				Basé sur des souvenirs d’enfance, il raconte l’histoire 
				d’une petite fille 
				insupportable et désobéissante, confiée à sa grand-mère.La 
				rencontre de la vieille voisine Nainai (奶奶) 
				égaie le quotidien de l’enfant, et lui apporte à la fois une 
				part de chaleur et une aura de mystère, comme si, derrière 
				chaque vieille personne du village, se cachait une histoire 
				secrète.  
				     
				 
					
						| 
						
						On retrouve un 
						secret de ce genre dans l’une des dernières nouvelles 
						publiées par la romancière :
						
						
						
						« Bonsoir, 
						la rose » 
						(《晚安玫瑰》), 
						une nouvelle ‘moyenne’ initialement publiée dans 
						Littérature du peuple en mars 2013 qui a été traduite en 
						français et publiée en mai 2015 chez Philippe Picquier. 
						
						     
						 
						
						Certains récits 
						constituent de véritables petits romans policiers, sur 
						fond d’histoire, ou tout simplement de vie au 
						quotidien ; ce n’est pas seulement chaque vieille 
						personne qui cache un passé trouble, un secret intime, 
						mais en fait tout le monde, derrière les apparences 
						mornes et banales du quotidien. 
						            
						 
						Il en est ainsi, par 
						exemple, de « Neuf pensées » (《九朵蝴蝶花》), 
						initialement publiée en juin 1997 dans la revue Dajia 
						(《大家》) : neuf pensées comme neuf femmes qui ont été 
						assassinées dans un même quartier après avoir été 
						violées. La mort de la neuvième coïncide avec la 
						peinture  |  | 
						
						 
						Voyage au pays des nuits blanches, 
						 
						août 2014 |  
						d'une aquarelle représentant neuf 
						pensées,peinte par une jeune voisine… c’est une intrigue 
				policière où se croisent un homme qui se dit 
				contaminé par le sida, un médecin de maladies vénériennes lié à 
				l’artiste peintre, et le frère jumeau du mari de la dernière 
				victime qui figure au rang des suspects…  
				     
				 
				Le 
				plus souvent, les nouvelles de Chi Zijian sont des condensés de 
				vie et de coutumes locales, et des portraits de personnages qui 
				forment une galerie colorée, avec des conclusions sanglantes, 
				inattendues, voire poétiques. C’est le cas de « La Danseuse 
				de Yangge » (《秧歌》), 
				publiée en janvier 1992, dans la 
				revue Shouhuo (《收获》), qui conte l’arrivée, au moment des fêtes 
				du Nouvel An, d’une troupe de yangge 
				
				 
				
				dans un village du Grand Nord ; la star de 
				la troupe attire les regards et les convoitises … et la jalousie 
				d’une jeune paysanne.  
				
				       
				 
				
				Un autre exemple d’évocation de la 
				vie locale des années 1980-90 est « La Fabrique d’encens » 
				(《香坊》), nouvelle publiée en mars 1993 dans la revue
				
				
				Zhongshan (《钟山》)
				qui conjugue 
				suspense et poésie.
				
				
				Le maître de la fabrique en question possède un trépied d'encens 
				aux huit dragons qui est sa fierté : on dit que, baignés dans 
				les nuages d'encens, les dragons prennent vie... Or, un jour, un 
				colporteur de ses clientslui propose d’héberger sa jeune 
				maîtresse contre l’achat de son stock de bâtons d’encens. 
				L'affaire est conclue. Mais un soir, le trépied disparaît, 
				volépar le cocher du colporteur. Dès lors, le malheur s'abat sur 
				la famille. On découvre le cadavre du colporteur dans un bois et 
				sa jeune maîtresse se donne la mort de tristesse, dans une pièce 
				inondée de parfum d'encens. 
				
				
				       
				
				Dans l’ensemble, ce qui frappe, dans beaucoup des récits de Chi 
				Zijian, c’est son aptitude à nous dépeindre un monde proche de 
				la nature et empreint d’une grande spiritualité, où les émotions 
				humaines sont d’autant plus riches qu’elles sont le reflet de 
				forces naturelles immanentes auxquels l’homme est soumis, mais 
				qui gardent leur part de mystère. Et ces forces occultes se 
				répondent, d’un bout de l’univers à l’autre.   
				     
				 
				
				C’est le thème  de l’une de ses plus belles nouvelles à ce 
				jour : « Pluie fine au crépuscule sur la mer de Grieg » (《格里格海的细雨黄昏》), 
				publiée dans la revue Tianya (《天涯》) 
				en mars 2001. C’est l’histoire d’une femme chinoise, écrivain, 
				qui, en voyage, visite l’ancienne maison du compositeur 
				norvégien Edvard Grieg, et à laquelle la visite rappelle les 
				sons et mouvements mystérieux entendus dans une maison qu’elle 
				avait louée dans le nord de la Chine et où elle a vécu quelques 
				mois ; la maison était hantée par le fantôme de son ancien 
				propriétaire qui adorait la musique et par les sons qu’il tirait 
				de phénomènes naturels, comme la neige fondant du toit au 
				printemps et tombant dans des réceptacles différents placés 
				autour de la maison… C’est en regardant la pluie tomber sur la 
				mer tout en écoutant la musique de Grieg, dans sa maison, 
				qu’elle a compris que les sons entendus dans la hutte du nord de 
				la Chine, et qui l’obsédaient, étaient en fait le chant d’un 
				esprit habité par une formidable passion pour la vie. 
				 
				     
				 
				
				L’univers de Chi Zijian est un univers intemporel, au plus près 
				de la nature qui lui donne sa force et son mystère. On songe à
				
				
				Xiao Hong (萧红), 
				elle aussi originaire du Heilongjiang, et à ses « Contes de la 
				rivière Hulan » (《呼兰河传》) ; on songe également, bien sûr, à 
				
				Shen Congwen (沈从文) 
				dont l’univers est très proche, bien que plus méridional. Mais 
				c’est aussi un univers où le surnaturel a sa place, et on ne 
				peut s’empêcher de penser aussi, par moments, à Pu Songling. 
				     
				 
				
				D’autant plus que, comme chez ce dernier, ce qui fait la qualité 
				de ces nouvelles, c’est la forme autant que le fond. Chi Zijian 
				maîtrise parfaitement la nouvelle « moyenne », qui permet de 
				raconter une histoire avec une intrigue substantielle, mais en 
				soignant le style. On pourrait dire de ses récits ce que le 
				commentateur Feng Zhenluan (冯镇峦), 
				au dix-neuvième siècle, a dit des « Contes étranges » de Pu 
				Songling (蒲松龄)
				
				
				 
				: qu’il faudrait être un fieffé sot pour ne les lire que pour 
				l’histoire, et non, aussi, pour le style. 
				  
 
				
				
				       
				
				Bibliographie sélective 
				
				
				       
				
				Romans 
				
				1991 Sous l’arbre《树下》 
				
				1994 Cloches du matin au crépuscule 
				
				《晨钟响彻黄昏》 
				
				2000 Manchukuo 《伪满州国》 
				
				2003 Beau temps avec passages nuageux 
				
				《越过云层的晴朗》* 
				
				2006 La Rive droite de l’Argun / The Last Quarter of the Moon 《额尔古纳河右岸》 
				** 
				
				2010 Corbeaux sur la neige 
				《白雪乌鸦》 
				
				2015 Les sommets des montagnes 
				
				《群山之巅》 
				* en 
				souvenir de son premier mari, 
				
				Huang Shijun (黄世君), 
				épousé en 1998 et 
				mort en 2002 dans un accident de 
				voiture ; le récit est conté par un chien mourant qui se 
				souvient de sa vie avec ses six différents maîtres. 
				
				
				** prix Mao Dun en 2008. 
				     
				 
				
				Recueils de nouvelles 
				
				2002 En accompagnant la pluie 
				
				《与水同行》 
				
				2008 Paysage originel 
				
				《原始风景》 
				
				2008Toutes les nuits du monde 
				《世界上所有的夜晚》 
				
				2008 Danse 《起舞》 
				
				2009 Coucher de soleil à Wanyao 《日落碗窑》 
				
				2010 Un fantôme en peinture 《鬼魅丹青》 
				     
				 
   
				Traductions en 
				français 
				  
				
				
				       1. 
				Romans 
				- 
				Le dernier quartier de 
				lune, tr. Yvonne André et Stéphane Levêque, Philippe Picquier, 
				2016, 368 p., Picquier poche 2019, 480 p. 
				- A la cime des 
				montagnes, tr. Yvonne André et Stéphane Levêque, Philippe 
				Picquier, 2019, 464 p. 
				  
				
				
				       
				2.  Nouvelles 
				Traduites et publiées 
				deux par deux dans cinq recueils, trois publiés chez Bleu de 
				Chine et deux, plus récents, chez Philippe Picquier.  
				  
				Editions Bleu de 
				Chine 
				-
				La Danseuse de Yangge, deux nouvelles traduites par Chun 
				Dong, septembre 1997, 137 p.  
				
				1)
				
				La 
				Danseuse de Yangge 《秧歌》 
				2) 
				Voyage au pays des nuits blanches 《向着白夜旅行》 
				-
				Le Bracelet de Jade, deux 
				nouvelles traduites par Chun Dong, mars 2002, 105 p. 
				
				1)
				
				Le 
				Bracelet de Jade 《磨坊》 
				2) 
				Pour six plats d’argent 《白银那》 
				
				 -
				
				La 
				Fabrique d’encens, 
				deux récits 
				traduits par Chun Dong, octobre 
				2004, 160 p.1) Neuf pensées 《九朵蝴蝶花》
 
				2)
				
				La 
				Fabrique d’encens 
				《香坊》
				 
				  
				Editions Philippe 
				Picquier 
				- Toutes les nuits 
				du monde, deux récits traduits du chinois par Stéphane 
				Levêque avec le concours d’Yvonne André, octobre 2013, 176 p. 
				1) Enfance au village 
				du Grand Nord 
				《北极村童话》
				 
				2) Toutes les nuits du 
				monde 《世界上所有的夜晚》 
				- 
				
				
				Bonsoir, la rose 
				(《晚安玫瑰》), 
				traduit du chinois par Yvonne André, mai 2015, 192 p. 
				  
				
				
				       
					    
					 
 
						 
						
						 
						 
						
						
						 
						La peste pulmonaire est la forme la plus grave de peste, 
						car elle est très contagieuse et qu’on ne peut la 
						soigner que si elle est diagnostiquée dans les 24 
						heures. L’épidémie de 1910-1911 en Mandchourie a été la 
						plus dévastatrice de l’histoire de cette maladie : elle 
						a fait au total quelque 60 000 morts. En même temps, 
						cette épidémie a marqué un tournant dans l’histoire de 
						la médecine chinoise.  
						 
						             
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