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Su Tong 

IV. les nouvelles

par Brigitte Duzan, 4 septembre 2017, actualisé 6 novembre 2017

 

Introduction

 

Su Tong a commencé par écrire des nouvelles avant de se tourner vers le roman. Ce n’est pas rare parmi les auteurs de sa génération, mais lui continue de privilégier la nouvelle, et il est généralement considéré comme un maître dans le genre. Il en a écrit près de deux cents en une trentaine d’années.

 

Il commente souvent la différence qu’il y a pour lui entre ses nouvelles et ses romans. Ainsi, lors d’un entretien avec Zhang Xuexin (张学昕) publiée dans la revue Chinese Arts and Letters 2016/1 [1], il a déclaré : « quand j’écris des nouvelles courtes, j’écris pour moi ; quand j’écris des romans, j’écris pour Su Tong. »

 

Il explique souvent cette différence telle qu’il la conçoit par des métaphores. Ainsi, en mars 2015, lors d’une conférence à l’Université normale de Pékin :

 

Su Tong (photo zwbk.org)

 

短篇是唱诗的过程,长篇是自我施洗的过程。苏童曾在一篇访谈中这样描述创作短篇与长篇的不同感受。有一段时间,他喜欢用一张桌子上的舞蹈比喻短篇小说的美感,他说:如果一部好的长篇小说是一部气势恢宏的交响乐,那么短篇小说就是室内乐,短篇小说不是一个人的独角戏,长篇小说中诸多文学元素的相互作用,短篇小说中也都有。它虽然不像交响乐般华耀,但其复杂性、丰富性与协作性都能得到体现。

 

« Ecrire une nouvelle est un processus poétique, écrire un roman est un processus d’auto-baptême » a dit un jour Su Tong lors d’une interview pour expliquer la différence entre la nouvelle et le roman. Il aime utiliser une métaphore pour dépeindre l’esthétique de la nouvelle : « C’est comme danser sur une table ». Pour lui, « si un bon roman est comme une symphonie imposante, la nouvelle est plutôt un morceau de musique de chambre ; ce n’est pas une pièce avec un personnage unique – dans le roman, il y a beaucoup d’éléments littéraires qui interagissent entre eux, mais dans la nouvelle aussi. Bien qu’elle n’ait pas le brillant éclat d’une symphonie, elle est à la fois riche et complexe, et combine les éléments les plus divers. »

 

Le titre de la conférence était déjà une introduction à lui seul au monde de ses nouvelles : « aussi vaste qu’un univers » (像地球一样大的短篇小说) [2].

 

Si Su Tong se réfère pour les aspect stylistiques et formels à des antécédents littéraires comme les recueils de huabende la période Ming « San yan Er pai » (三言二拍) de Feng Menglong et Ling Mengchu (冯夢龙/凌濛初), il recrée dans ses nouvelles un univers qui est le sien.

 

Tout un univers

 

Univers personnel du souvenir

 

Souvenirs de la ruelle des mûriers,
tome 1 (1984-1989) de l’anthologie

des nouvelles publiée en 2008

 

La première nouvelle qui l’a fait connaître est « Souvenirs de la ruelle des mûriers » (桑圆留念). La nouvelle a d’abord été publiée par Han Dong (韩东) dans le journal Them/他们, et a ensuite circulé pendant quelques années sous le manteau, avant d’être publiée officiellement en mars1987, dans la revue Littérature de Pékin (《北京文学》), dont le rédacteur en chef était alors Li Tuo (李陀).

 

Le nom de la ruelle qui est le cadre de l’histoire est inspiré de celui d’une ruelle de Suzhou, de même que le pont mentionné dans le récit est aussi inspiré d’un pont du même quartier. Mais la ruelle est en fait une réminiscence de celle où il a grandi. C’est en l’écrivant qu’il s’est rendu compte qu’il avait dans ses souvenirs un matériau fantastique de fiction, fiction intime donc, traduite en nouvelles profondément ancrées dans son univers personnel.

La nouvelle publiée peu après est caractéristique de la génèse de cet univers : c’est « La fuite en 1934 » (一九三四年的逃亡), publiée dans la revue Harvest (Shouhuo《收获》)

en mai 1987, donc deux mois après la précédente : Su Tong y raconte l’histoire de sa famille pour en arriver à une interprétation fictive de leur passé, évoqué à travers ses souvenirs et replacé dans le contexte des événements historiques réels de l’époque de ses grands-parents, comme l’épidémie de choléra de 1934 et les inondations de 1935 ; ces événements déterminent des événements cruciaux du récit, en impliquant un fatalisme, une soumission au destin qui nie la liberté du narrateur de recréer le passé à sa guise.

 

Univers saturé d’eau du Jiangnan

 

L’univers de Su Tong mis en place de nouvelle en nouvelle à partir de cette fin des années 1980, pionnière à bien des égards, c’est le Sud, comme celui de Faulkner souvent cité en référence car grande a été l’influence de Faulkner sur la littérature chinoise à l’époque. Mais celui de Su Tong est un autre Sud : c’est le Jiangnan (江南), le « sud du fleuve », sud du Yangtse qui représente traditionnellement en Chine une frontière entre deux mondes et deux cultures. 

 

Ce n’est pas le Sud chaud et lumineux de Faulkner, c’est un Sud gorgé d’eau et saturé de brumes, aussi yin que celui de Faulkner est yang, auquel sont associés une atmosphère désolée et le sentiment d’un passé révolu, avec ses traditions et sa culture. C’est un univers de villages plantés ou bordés de cèdrèles (香樁), d’érables (枫树), de saules pleureurs (垂杨柳) et de peupliers (白杨), traversés par une rivière et noyés dans la pluie et la brume qui sont aussi celles du souvenir.

 

C’est un espace spirituel personnel, recréé par la littérature en partant de la vie et de l’enfance, comme des sortes de prototypes émergeant du passé, un espace de l’âme poétique et nostalgique,recrééd’abord dans les nouvelles, puis dans les romans.

 

Double symbolique : de l’eau et de l’étrange

   

La fuite en 1934

 

Les saules pleureurs 4ème tome

(2000-2006) de l’anthologie des nouvellespubliée en 2008

 

 

C’est un univers littéraire marqué par toute une symbolique de l’eau, avec ses bateaux, ses ponts et ses châteaux d’eau [3].

  

La folle sur le pont

 

En témoigne la récurrence de ces éléments à la fois structurels et symboliques dans ses histoires. Ponts et bateaux sont récurrents dans les nouvelles d’abord : dans « La folle sur le pont » (《桥上的疯妈妈》), « Le génie des eaux » (《水鬼》) ou « Les bateaux pastèques » (《西瓜船》), entre autres. Mais aussi dans ses romans ensuite : l’eau était le véritable thème central de « Riz » (《米》) ; joint à celui du bateau, il estaussi le thème principal structurant « La Berge » (《河岸》), le bateau étant l’alternative à la rive.

 

Quant au thème du château d’eau (水塔), on le trouve dès l’une de ses premières nouvelles, initialement publiée en 1988 : « Mort sans sépulture » (《死无葬身之地》) [4] . C’est une nouvelle qui s’inscrit dans le mouvement avant-gardiste de la fin des années 1980, structurée en très courts chapitres formant une ligne narrative non linéaire [5]. C’est

au château d’eau qu’intervient le suicide au centre du récit (fragment 3), et bien sûr un jour de pluie.

 

C’est une histoire étrange, une histoire « de l’étrange » comme on dit des « Contes du Liaozhai » (《聊斋志异》) de Pu Songling (蒲松龄) [6], qui relève de ces « Annales de l’étrange » (zhiguai 志怪) récurrentes dans la littérature fantastique chinoise depuis au moins l’époque des Six Dynasties (au 3ème siècle).

 

C’est aussi un étrange « entre Fafka et Borgès », autres influences de Su Tong. Etrange qui vient du flou du récit : on ne sait trop qui s’est pendu ni pourquoi ni combien il y avait de cordes pour se pendre, et tandis qu’on se pose ces questions, intervient un fragment d’un autre récit qui relate la mort d’un vieil homme au village… En même temps, l’auteur est posé en termes ambigus, comme un alter ego de Su Tong, ce qui donne un effet de mise en abîme.

 

Ce jeu sur le réel et l’illusion, la réalité et le fantasme, est à différents niveaux et de différentes manières une quasi constante dans l’œuvre de Su Tong ; il a déclaré se placer, pour écrire, à la limite floue, l’écart entre la recherche du réel et l’inversion du réel (追求真实翻转真实的差异), le réel et l’envers du réel.

 

En fait, ses nouvelles sont comme une matrice de ses romans qui, même quand ils affectent un style réaliste, sont en fait métaphoriques. On peut considérer les deux caractères du titre de sa nouvelle « Le génie des eaux » (《水鬼》) comme une image de cet univers métaphorique : symbolique de l’eau (shui ) et univers de l’étrange (gui ) [7].

 


 

Nouvelles courtes et moyennes中、短篇小说

Avec année de publication et éditeur

(source : baidu)

 

Années 1980  80年代创作

 

 

 

第八个铜像

1983

《青春》第七期

空地上的阳光

1984

《青年作家》第四期

白洋淀红月亮

1986

《钟山》第一期

祖母的季节

1986

《十月》第四期

桑园留念

1987

《北京文学》第二期

飞越我的枫杨树故乡

1987

《上海文学》第二期

一九三四年的逃亡

1987

《收获》第五期

算一算屋顶下有几个人

1987

《钟山》第五期

蓝白染坊

1987

《花城》第五期

故事:外乡人父子

1987

《北京文学》第八期

丧失的挂花生之歌

1987

《作家》第八期

周梅森的现在进行时

1988

《中国作家》第二期

乘滑轮车远去

1988

《上海文学》第三期

水神诞生

1988

《中外文学》第三期

死无葬身之地

1988

《中外文学》第三期

你好,养蜂人

1988

《北京文学》第四期

井中男孩

1988

《花城》第五期

怪客

1988

《作家》第五期

祭奠红马

1988

《中外文学》第五期

罂粟之家

1988

《收获》第六期

平静如水

1989

《上海文学》第一期

杂货店的女人

1989

《时代文学》第二期

仪式的完成

1989

《人民文学》第三期

舒农或者南方生活

1989

《钟山》第三期

1989

《青年文学》第三期

南方的堕落

1989

《时代文学》第五期

妻妾成群

1989

《收获》第六期

 

Années 1990  90年代创作

 

 

 

已婚男人杨泊

1990

《作家》第四期

棉花地、稻草人

1990

《青春》第四期

妇女生活

1990

《花城》第五期

女孩为什么哭泣

1990

《时代文学》第五期

狂奔

1991

《钟山》第一期

我的棉花、我的家园

1991

《作家》第一期

吹手向西

1991

《上海文学》第二期

另一种妇女生活

1991

《小说界》第四期

离婚指南

1991

《收获》第五期

像天使一样美丽

1991

《小说林》第六期

木壳收音机

1991

《人民文学》第七、八期

西窗

1992

《漓江》春号第一期

十九间房

1992

《钟山》第三期

回力牌球鞋

1992

《作家》第四期

沿铁路行走一公里

1992

《时代文学》第五期

来自草原

1992

《芳草》第五期

园艺

1992

《收获》第六期

刺青时代

1993

《作家》第一期

烧伤

1993

《花城》第一期

一个朋友在路上

1993

《上海文学》第一期

狐狸

1993

《小说家》第二期

仄呢绒鸭舌帽

1993

《小说家》第二期

第五条路

1993

《新生界》第四期

1993

《收获》第六期

与哑巴结婚

1994

《花城》第二期

什么是爱情

1994

《江南》第三期

美人失踪

1994

《作家》第三期

小莫

1994

《大家》第三期

民丰里

1994

《啄木鸟》第四期

肉联工厂的春天

1994

《收获》第五期

桥边茶馆

1994

《青年文学》第七期

一个叫板墟的地方

1994

《青年文学》第七期

一朵云

1994

《山花》第十期

饲养公鸡的人

1995

《钟山》第一期

那种人(二篇)

1995

《花城》第三期

种了盆仙人掌

1995

《特区文学》第三期

十八相送

1995

《芙蓉》第四期

把你的脚捆起来

1995

《上海文学》第五期

蝴蝶与棋

1995

《大家》第五期

三盏灯

1995

《收获》第五期

亲戚们谈论的事情

1995

《大家》第六期

玉米爆炸记

1995

《长江文艺》第七、八期

花生牛轧糖

1995

《湖南文学》第七、八期

流行歌曲

1995

《广州文艺》第八期

棚车

1995

《东海》第九期

小猫

1995

《东海》第九期

犯罪现场

1996

《花城》第一期

霍乱

1996

《天涯》第一期

公园

1996

《作家》第一期

表姐来到马桥镇

1996

《萌芽》第一期

声音研究

1996

《收获》第二期

红桃Q

1996

《收获》第三期

新天仙配

1996

《收获》第三期

灼热的天空

1996

《大家》第五期

世界上最荒凉的动物园

1996

《山花》第六期

两个厨子

1996

《收获》第六期

天使的粮食

1996

《北京文学·精彩阅读》第十一期

告诉他们,我乘白鹤去了

1997

《收获》第一期

海滩上的一群羊

1997

《上海文学》第三期

神女峰

1997

《小说家》第四期

八月日记

1997

《雨花》第九期

他母亲的儿子

1997

《雨花》第九期

小偷

1998

《收获》第二期

过渡

1998

《人民文学》第三期

人造风景

1998

《十月》第五期

开往瓷厂的班车

1998

《花城》第六期

群众来信

1998

《收获》第五期

向日葵

1999

《大家》第一期

拱猪

1999

《上海文学》第一期

古巴刀

1999

《作家》第一期

水鬼

1999

《收获》第一期

巨婴

1999

《大家》第二期

你丈夫是干什么的

1999

《大家》第三期

新时代的白雪公主

1999

《大家》第四期

肉身凡胎的世界

1999

《东海》第五期

独立纵队

1999

《大家》第五期

奸细

1999

《大家》第六期

天赐的亲人

1999

《青年文学》第八期

大气压力

1999

《人民文学》第十期

驯子记

1999

《钟山》第四期

 

Années 2000  2000年以后创作

 

 

 

一棵歪歪斜斜的树

2000

《短篇小说》第一期

露天电影

2000

《科技致富向导》第一期

遇见司马先生

2000

《钟山》第五期

白杨和白杨

2000

《作家》第七期

七三年冬天的一个夜晚

2000

《天涯》第七期

桂花连锁集团

2000

《收获》第二期

2001

《收获》第一期

女同学们二三事

2001

《花城》第四期

小舅理生

2002

《山花》第七期

点心

2002

《书城》第十期

白雪猪头

2002

《钟山》第一期

人民的鱼

2002

《北京文学》第九期

茨菰

2007

《钟山》第四期

香草营

2010

《小说月报》第八期

 


 

[1] « Feel My Own Gaze in the World of Fiction – A Dialogue on Short Stories, an Interview with Su Tong », by Zhang Xuexin, tr. Jesse Field, Chinese Arts and Letters 2016/1,pp. 52-64.

[2] Voir l’article détaillé du Quotidien du peuple en ligne :

http://edu.people.com.cn/n/2015/0328/c1053-26763765.html

[3] Symbolique de l’eau qu’a totalement subvertie Zhang Yimou dans son adaptation cinématographique d’« Epouses et concubines » (《妻妾成群》), en l’inversant.

Voir l’analyse du film : http://www.chinesemovies.com.fr/films_Zhang_Yimou_Epouses_et_concubines.htm

[4] Titre d’une pièce de Sartre de 1946.

[5] Récit en onze fragments non chronologiques autour de trois thèmes (le village, le(s) récit(s), l’auteur) :

1/ Le village 乡村 2/  Cet homme me ressemble beaucoup. L’auteur 那个男人很像我。作家

3/ Le pendu dans le château d’eau. L’histoire 吊死在水塔里的是个男人。故事

4/Le village 乡村 5/   L’histoire 故事 6/ L’auteur 作家7/ L’enquête 调查 /

8/ L’histoire 故事  9/ L’auteur 作家10/ Le village 乡村 11/   L’auteur 作家

[6] Traduit « Chroniques de l’étrange » par André Lévy.

[7] Les gui étant eux-mêmes métaphore : voir « Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui », tome 1, Avant-propos, p. 9.

 

 

 

     

 

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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