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« La Berge » : un
autre roman tout en symboles de Su Tong
par Brigitte Duzan, 16 juillet 2017
« La Berge », selon la traduction française, ou
« Boat to Redemption » dans la traduction en anglais
(Hé’àn
《河岸》)
,
est le septième roman de
Su Tong (苏童),
initialement publié en mars 2009 dans la revue
Shouhuo (收获),
et lauréat du prix littéraire Man Asia 2009.
Su Tong l’a publié trois ans après « Le mythe de
Meng » (Binu《碧奴》),
et cette genèse relativement longue reflète la
complexité de la narration dont il n’a trouvé la
forme définitive qu’au bout de plusieurs
réécritures. C’est avec ce roman que, parvenu à la
maturité (45 ans), il délaisse l’histoire ancienne
pour revenir, à travers le filtre de ses souvenirs,
vers celle qu’il a vécue enfant et adolescent :
lapériode de la Révolution culturelle jusqu’aux
lendemains de la chute de la Bande des Quatre, au
total treize années, de la seconde moitié des années
1960 à la fin des années 1970.
En ce sens, « La Berge » apparaît comme formant une
trilogie |
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Hé’àn |
informelle avec « Riz »
(《米》)
et
« Le
Dit du loriot » (《黄雀记》),
qui évoquent l’un la période sombre de l’après-1989, l’autre
la folie du décollage économique des années 1980.
Une trilogie qui pourrait être illustrée par l’image de « la
fenêtre que l’on ouvre » d’Éric-Emmanuel Schmitt :
« La fenêtre que l’on
ouvre sur le passé se découpe toujours dans le mur du présent.
Du paysage on n’aperçoit que ce que dévoile le
point
de vue actuel…. Toute histoire de jadis demeure contemporaine. »
(Plus tard, je serai un enfant - Éric-Emmanuel Schmitt)
Une narration en deux parties
Edition taïwanaise |
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L’histoire de« La Berge » se situe dans l’univers du
Jiangnan (江南),
le « sud du fleuve » (c’est-à-dire le bas Yangtsé)
qui est celui de l’enfance de Su Tong et celui de
ses nouvelles. C’est une région de vieille culture,
à l’identité ancrée dans un riche passé ; c’est
aussi une terre gorgée d’eau, pleine de lacs et de
canaux, et c’est l’eau qui forme le thème principal,
allégorique bien sûr, qui structure le roman
.
Histoire de trois personnages qui tient du récit des
origines, il est par ailleurs divisé en deux
parties, la première (seize chapitres) dominée par
les deux personnages masculins, père et fils, ce
dernier étant le narrateur, et la seconde (dix
chapitres et un épilogue) axée sur le sort du
personnage féminin, mais concluant sur celui des
personnages masculins, comme en un cycle. |
·
1ère partie :
de la rive à la rivière
Ku Dongliang et son père
Chute du père et exil sur le bateau
Ku Wenxuan (库文轩),
secrétaire du Parti du bourg de Youfang (油坊镇),
doit sa notoriété et sa carrière en grande partie à sa «
filiation révolutionnaire » avec la martyre Deng Shaoxiang (邓少香),
filiation fondée sur une origine qui tient du mythe, et en
l’occurrence à une marque de naissance en forme de poisson sur
le postérieur.
Au début de la Révolution culturelle, cependant, il est accusé,
après enquête, d’avoir usurpé son identité et il est en outre
dénoncé par sa femme pour ses mœurs dissolues, facilitées par le
prestige de ses fonctions. Brutalement déchu de celles-ci,
éliminé du Parti, il subit alors de violentes attaques et
séances de critique publique, puis est incarcéré. Pour échapper
à l’opprobre publique une fois libéré, il quitte alors la terre
ferme : il va se faire "réformer par le travail" sur la rivière
des Moineaux d’or (金雀河),
où ildevient batelier sur la péniche n° 7 de la flottille des
Tournesols (向阳船队).
Son fils, Ku Dongliang (库东亮),
le narrateur, a treize ans au moment où son père est condamné et
va vivre sur la rivière. Choqué par l’attitude de sa mère qui a
dénoncé son père en l’accusant publiquement des pires
ignominies, ildécide de suivre son père sur la barge. Après
s’être autocastré en réponse à la vindicte publique, ce dernier
continuera à vivre dans l’isolement, tout en exerçant une
surveillance étroite sur son fils.
Arrivée de l’étrangère
La narration prend un nouveau cours, plus vivant, avec l’arrivée
d’une femme, découverte cachée à fond de cale sous un manteau de
soldat et tenant dans ses bras une petite fille (fin du chapitre
9). L’enfant s’appelle Huixian (慧仙).
Après la disparition soudaine et mystérieuse de sa mère, qui
s’est peut-être jetée à l’eau et noyée, la petite fille est
recueillie par une famille de mariniers de la même flottille.
Vive et délurée, elle devient l’objet de toutes les attentions
de Ku Dongliang qui note avec amour les menus faits et gestes
quotidiens de la gamine dans un petit carnet comme celui dans
lequel sa mère avait noté les infidélités de son père. C’est un
amour candide, qui rompt la solitude du jeune garçon.
·
2ème partie :
de la rivière à la rive
Gloire éphémère de Huixian et mort du père
Adolescente, Huixian est remarquée par le chef de l’une de ces
troupes de chant et de danse qui existaient dans chaque ville et
jusqu’à chaque bourg, Vu qu’elle a une belle prestance mais pas
de formation, et qu’elle a des soutiens en haut lieu, on en fait
l’incarnation sur la scène locale de l’héroïne révolutionnaire
Li Tiemei (李铁梅),
martyre parce que son père l’était, martyre et descendante de
martyre
,
donc en quelque sorte l’antithèse de Deng Shaoxiang dont les
faits d’armes ne sont pas avérés. Le rôle, cependant, ne demande
rien d’autre que rester immobile des heures durant en tenant
haut son fanal rouge.
Huixian devient donc Li Tiemei dans la vie aussi bien qu’à la
scène, célébrité populaire aussi indissociable de sa natte et sa
lanterne rouge que le personnage de l’opéra. Mais ce rôle lui
permet de quitter les bateaux et de revenir sur la terre ferme.
Son heure de gloire est éphémère, surtout quand ses soutiens
disparaîtront dans les remous de la politique troublée du
moment, mais elle sera le lien avec la terre que Ku Dongliang
avait perdu.
Retour sur terre de Ku Dongliang et mort du père
Poussé par son amour transi, Ku Dongliang part sur les traces de
Huixian, mais son retour sur terre se traduit par des
catastrophes : il est un intrus dont l’impuissance se traduit
par un déchaînement de violence qui attire sur lui la vindicte
publique.
Repoussé de tous côtés et torturé par l’idée d’être un mauvais
fils, il en vient à concevoir une idée folle : celle de
rapporter à son père, sur la barge, la stèle qui doit être
érigée devant un monument en cours de construction à la gloire
de la martyre Deng Shaoxiang dont son père n’a cessé depuis
treize ans de revendiquer la filiation.
Dans un processus qui tient du miracle, il parvient à traîner la
stèle jusque sur le bateau, mais c’est pour que son père,
initialement très ému, s’aperçoive que son nom a été gratté : on
sent juste du bout des doigts l’endroit où il avait été gravé.
Les recherches d’un jeune historien ont détruit la légende en
prouvant que Li Tiemei n’avait pas d’enfant, mais en avait
emprunté un pour camoufler les armes qu’elle devait faire passer
aux clandestins. Le père n’a plus rien à attendre, il a
définitivement perdu tout espoir de retrouver sa filiation, donc
une identité. Il se jette à l’eau en s’attachant à la stèle.
Ku Dongliang reste seul, sans plus de liens ni de racines.
Huixian se marie en lui laissant en cadeau sa lanterne. Enfin,
condamné pour ses pugilats antérieurs, il est définitivement
interdit sur terre, condamné à une vie d’errance sur l’eau,
éternel exilé entre berge et barge, entre la rive (àn
岸)
et la rivière (hé
河)
comme le soulignent les deux caractères du titre chinois. Il n’y
a pas de rédemption à attendre pour les marginaux et les
rebelles.
Un réseau dense de symboles
« La Berge » semble, à première lecture, un Bildungsroman assez
classique, l’histoire assez simple d’un jeune garçon en rupture
avec sa mère et en conflit avec son père, qui passe son
adolescence et sa jeunesse à se chercher une identité, mais
finit en paria, comme son père avant lui.
Cependant, rien chez Su Tong n’est anodin ; son art narratif est
fondé sur l’allusion et le symbole, dans la grande tradition
littéraire chinoise. Et ce roman, en particulier, recèle tout un
réseau d’images qui en font un ouvrage bien plus complexe qu’il
n’apparaît de prime abord : une satire subtile et désenchantée
de l’époque de la Révolution culturelle émanant de souvenirs
personnels reconstruits.
·
Symbolique de l’eau
L’eau comme lieu d’instabilité
La narration est construite sur un clivage entre la terre et
l’eau, l’une comme lieu propice à l’établissement d’une société
stable, encadrée et policée, et l’autre comme élément fluide,
donc impossible à contrôler et inquiétant, refuge des marginaux
et des rejetés du système, c’est-à-dire de la société à terre.
L’eau peut même se déchaîner en période d’inondation et tout
emporter sur son passage. On voit se profiler là l’image des
foules se précipitant pour aller voir Mao au début de la
Révolution culturelle, et celle des hordes de Gardes rouges se
répandant partout pour faire régner la terreur. La disparition
de la mère de Huixian, soupçonnée de s’être jetée à l’eau,
évoque les vagues de suicide qui se sont multiplié à partir de
l’été 1966.
Tout le roman est une satire à mots couverts de la Révolution
culturelle, avec une image secondaire de l’exil sur les bateaux.
L’eau comme exil
Les mariniers sur leurs flottilles sont un peuple errant, une
menace pour l’ordre terrestre, ce qu’on appelait autrefois
liúmín (流民)
avec ce même caractère désignant le cours de l’eau, et c’était
la bête noire de l’empire. Ils ne peuvent descendre à terre que
sous contrôle étroit de la sécurité publique, et parlent même un
sabir ponctué d’expressions malvenues dans la société policée de
la rive.
L’exil du père est l’exil des contrerévolutionnaires aux quatre
coins de la Chine, mais aussi, dans les années 1960, celui des
jeunes instruits envoyés à la campagne, et des professionnels
relégués à l’intérieur avec leurs usines dans le cadre de
la« troisième ligne de défense », et dont certains – comme Ku
Dongliang - ne rentreront jamais chez eux, en ville, faute de
pouvoir obtenir le hukou nécessaire.
L’eau comme thème récurrent dans l’œuvre de Su Tong
Emanant de cette terre parsemée de lacs et sillonnée de rivières
et de canaux qu’est le Jiangsu de Su Tong, l’eau apparaît comme
un thème récurrent dans son œuvre. Lui-même a reconnu son
importance :
“我对河流和水的亲近感,不是来自浪漫的文学想象,也无关个人的美学形态,而是和自己的成长经历有关,我要表达的欲望是源自内心和血液。”
« Je me sens très proche de l’eau, c’est un sentiment d’intimité
qui n’a rien à voir avec le romantisme, ni avec une esthétique
personnelle, mais qui vient de l’expérience de mes années de
croissance ; ce que je souhaite exprimer, c’est l’émanation de
mon monde intérieur le plus profond. »
Le thème de l’eau est illustré par des images qui se répondent
d’une nouvelle à l’autre, et des nouvelles aux romans. C’est le
cas du pont, par exemple, comme point d’observation privilégié
sur l’eau, dans « La folle sur le pont » (《桥上的疯妈妈》)
ou
« Le
génie des eaux » (《水鬼》),
cette dernière nouvelle en particulier formant comme un réseau
d’images que l’on retrouve au gré des pages de Su Tong, comme
émanant de son inconscient.
Ainsi dans « La Berge » retrouve-t-on deux fois des images
rappelant cellesdu « Génie des eaux » :
l’une, dans le chapitre Les mariniers (船民)
de la première partie, décrit des ouvriers enfonçant des pieux
dans l’eau et creusant des tranchées pour construire les
fondations d’une centrale hydroélectrique ; dans l’autre,
poétique et onirique, à la fin du chapitre intitulé Le cours
de la rivière (河流),
Su Tong évoque la martyre révolutionnaire Deng Shaoxiang :
春风就是春风,它从河上吹来,松软的,小心翼翼的,带着草木的的清香,邓少香的名字在水上苏醒过来,我会感觉到女烈士的幽魂频频造访我们的驳船,她黎明出水,沐浴着春风,美丽而轻盈,从船尾处袅袅地爬上来,坐在船尾,坐在一盏桅灯下面,从后舱的舷窗里,我多次看见过一个淡蓝色的湿润的身影,端坐不动,充满温情,那些四月的早晨,我一醒来就去船尾察看女烈士留下的痕迹,她留下了一滩滩晶莹的碎珠似的水迹,还有一次,桅灯下竟然出现了一朵神奇的湿漉漉的红莲花。
Fidèle à elle-même, la brise printanière soufflait sur la
rivière, légère et réservée, porteuse de mille senteurs d’herbes
et de bois. Elle réveillait sur son passage le nom de Deng
Shaoxiang et j’avais l’impression que l’âme de la martyre venait
nous rendre visite sur notre barge. Emergeant de l’eau à l’aube
avec une grâce éthérée, baignée dans les effluves
printanières,elle grimpait légèrement à la poupe du bateau et
s’y asseyait sous la lampe tempête. Par le hublot de la cabine,
j’ai souvent vu, assise sur le pont sans bouger, une silhouette
bleu pâle, ruisselante et pleine de tendresse. Les matins
d’avril, dès mon réveil, j’allais à la poupe observer les traces
laissées par la martyre,quelques gouttelettes d’eau comme des
éclats de perles translucides ; une fois, même, j’ai vu
affleurer sous la lumière de la lampe une mystérieuse fleur de
lotus rouge dégoulinant d’eau.
Et c’est aussi une fleur de lotus rouge que tient fermement la
fillette à la fin du « Génie des eaux », comme une manifestation
tangible des mystères de l’eau et de ses dangers…
·
Symbolique liée aux questions identitaires
Identité liée à l’ascendance familiale
Les conclusions de l’enquête qui privent Ku Wenxuan de ses
origines de fils de martyre révolutionnaire en le traitant
d’usurpateur le privent en même temps de son identité : il n’est
plus que fils d’un bandit et d’une prostituée. En revanche,
celui à qui échoie l’honneur de cette glorieuse ascendance est
l’idiot du village, ce qui est évidemment ironique.
Nous sommes au début de la Révolution culturelle, quand
l’identité de chacun était déterminée par sa situation
familiale. Sans famille, donc sans racines, tout être devenait
par définition problématique. Ku Wenxuan n’a donc plus sa place
sur la terre ferme, et doit s’exiler sur l’eau. Déchu de son
identité, il entraîne son fils avec lui, ipso facto.
Identités "suspendues"
Huixian est un peu dans le même cas : sa mère a disparu, on ne
connaît pas son père, elle aussi a un problème d’identité. C’est
pourquoi, quand elle est affectée sur la rive à la troupe de
danse, puis à l’administration, elle est littéralement
« suspendue » (被“挂”),
de même dans le salon de coiffure « pour le peuple ». A la femme
qui vient lui rapporter les ragots qui courent sur son compte –
qu’elle a été « suspendue » au bas de l’échelle, elle réplique :
“挂”多久是多久,“挂”一辈子也不怕。要你操什么心?我从小就被“挂”惯了,不怕“挂”!
On peut bien me "suspendre" longtemps, et même toute une vie, ça
ne me fait pas peur. Et toi, qu’est-ce que cela peut te faire ?
J’ai l’habitude qu’on me "suspende" depuis que je suis toute
petite, alors ça ne m’effraie pas.
Cette " suspension" est à l’image du traitement subi par ceux
qui ont été condamnés et rayés du Parti lors d’une campagne ou
d’une autre, les droitiers en particulier, qui ont été
"suspendus" pendant plus de vingt ans, avant d’être réhabilités
au début de la période d’ouverture.
Assimilation à un rôle-modèle
Le rôle de Li Tiemei que Su Tong a choisi pour
Huixian fournit une autre symbolique, liée aux
opéras modèles. Li Tiemei est l’héroïne de l’opéra
modèle « La lanterne rouge » (《红灯记》),
adapté d’un film de 1963. En fait, l’opéra a été
finalisé avant le début de la Révolution culturelle,
mais formellement incorporé aux représentations
d’opéras modèles à la fin de 1966. L’opéra est
ensuite devenu l’un des plus importants des opéras
nouveau style de Jiang Qing, et il sera l’un des
premiers à être choisi pour être adapté au cinéma,
en 1968.
L’opéra et son personnage fonctionnent donc comme
des marqueurs temporels, indiquant le début |
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Li Tiemei, sa natte et sa lanterne
rouge |
de la Révolution culturelle. Par ailleurs, l’engouement
général pour le personnage retombe directement sur Huixian,
dont la longue natte, en particulier, devient symbolique.
Quand elle voudra la faire couper, ce sera presque considéré
comme un crime de lèse-majesté. Elle y perd l’aura du
personnage, mais ses cheveux courts l’émancipent du rôle, et
lui donnent une certaine indépendance qui évoque la fin
d’une époque.
Il n’y a plus de Li Tiemei dans la Chine de l’ouverture. Il ne
reste plus à Huixian qu’à se marier pour finir par trouver sa
place dans le monde de la rive, sur terre. A ce moment-là, tout
est rentré dans l’ordre. Seul Dongliang reste banni.
Genèse du roman
Le roman n’a pas été facile à écrire : il aura fallu trois
années à Su Tong pour le terminer. Il est né d’une visite à
Suzhou qui a soudain fait remonter des souvenirs lointains.
Souvenirs personnels
C’est en 2006, alors que sa fille allait partir étudier à
l’étranger, que Su Tong est revenu avec elle à Suzhou pour aller
visiter la vieille maison familiale. Soudain, au bord d’un
canal, il voit passer,très vite, une flottille de vieilles
barges (bóchuán
驳船船队).
En un instant, les bateaux lui rappellent soudain de vagues
souvenirs ; c’est très flou, mais il se dit aussitôt : je vais
écrire un livre sur ces bateaux, et les hommes sur les bateaux (“我就写船和船上的人!”).
Long processus d’écriture
Par la suite, le roman a cependant suivi un processus complexe
d’écriture ; le manuscrit initial et la version finale n’ont
pratiquement rien à voir
.
Cet année-là, Su Tong a passé trois mois à Leipzig, en
Allemagne ; c’est là, dans un environnement paisible, loin de
tout souci, qu’il a écrit les 70 ou 80 000 caractères du
manuscrit initial. Mais, rentré chez lui, après relecture, il
décide de le réécrire en entier. La seconde version subit le
même sort. S’ensuit une douloureuse période de réflexion de deux
mois après laquelle il décide de passer d’une narration à la
troisième personne à un récit à la première personne, et là,
tout devient soudain fluide.
C’est la narration à la première personne qui donne toute sa vie
à l’histoire, en donnant une grande intensité aux sentiments de
Ku Dongliang, et à ses rapports avec son père et Huixian.
Liens avec le roman suivant
En même temps, de même que la symbolique de l’eau est récurrente
dans toute l’œuvre de l’auteur, certaines clés de la thématique
et de la symbolique rapprochent « La Berge » du roman suivant,
« Le
Dit du loriot ».
Il y a quelques thèmes communs qui soulignent la continuité
narrative entre les deux romans,
« Le
Dit du loriot »
poursuivant la narration dans la décennie suivante. Le premier
lien qui frappe est dans le nom de la rivière, dans « La Berge »
: la rivière des Moineaux d’or (jinquehe
金雀河).
Ce nom rappelle le titre du
« Dit
du loriot »,
littéralement « Chronique de l’oiseau (ou moineau) jaune » (huangqueji《黄雀记》).
Surtout le thème des cordes, central dans
« Le
Dit du loriot »,
apparaît à la fin de « La Berge » : Ku Dongliang attache son
père pour l’empêcher de se jeter à l’eau pendant qu’il va au
bourg. Et le père s’attache à la stèle avec les mêmes cordes
pour, effectivement, se jeter à l’eau à la fin.
Le premier roman annonce le second. Comme si, en rendant tout
espoir de rédemption impossible dans le premier, Su Tong était
obligé de poursuivre sa narration en cherchant une issue, même
improbable.
Table des matières
1ère partie 上篇
Le fils
儿子
L’isolement
隔离
Le style de vie
生活作风
Le cours de la rivière
河流
Le paradis
天堂
Les mots
字
Le quai
码头
Les mariniers
船民
Vent d’est n° 8
东风八号
Recherche
寻人
Le sofa
沙发
Huixian
慧仙
Le tirage au sort
抓阄
La mère
母亲
La voix de la rivière
河水之声
Célébration fluviale
河祭
2ème partie 下篇
La jeune fille
少女
La lanterne rouge
红灯
Célébrité
名人
Le salon de coiffure du peuple
人民理发店
Une coupe de cheveux
理发
Une journée
一天
Le châtiment
惩罚
La barge orpheline
孤船
La stèle
纪念碑
Descendre
下去
Le poisson
鱼或尾声
Li Tiemei :
héroïne de l’opéra modèle « La lanterne rouge » (《红灯记》),
adapté d’unfilm intitulé « There Will be Followers » (《自有后来人》)
réalisé en 1963 au studio de Changchun par Yu Yanfu (于彦夫) ;
le film est lui-même inspiré d'un roman de Qian
Daoyuan (钱道源)
initialement publié en 1958 et basé sur une histoire
vraie d'agents secrets communistes pendant la guerre de
résistance contre le Japon.
Fille du martyre révolutionnaire Li Yuhe (李玉和),
Li Tiemei apprend de sa grand-mère comment ses parents
se sont sacrifiés pour la cause révolutionnaire et
décide de suivre leur exemple. Li Tiemei est représentée
habillée de rouge, avec une longue natte et tenant à la
main une lanterne rouge.
Voir les films de Wang Xiaoshuai (王小帅)
« Shanghai Dreams » (《青红》)
et « Red Amenesia » (《闯入者》) :
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