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« Le Dit du loriot », de Su Tong : une histoire de chaînes, métaphoriques bien sûr

par Brigitte Duzan, 30 juin 2017

 

Publié en Chine en août 2013, et couronné du neuvième prix Mao Dun en 2015, « Le Dit du loriot » (Huangque ji 《黄雀记》), pour reprendre le titre de la traduction française, [1] est, chronologiquement, dans l’œuvre de Su Tong (苏童), le roman qui fait suite à « La Berge » (He’an 《河岸》), en en prolongeant l’univers de détresse morale et de quête inaboutie de rédemption.

 

Su Tong livre ici un roman superbement structuré, riche en images métaphoriques récurrentes et d’un humour subversif, comme est subversive cette fable désenchantée où perce une satire mordante de la Chine entière, mais qui s’achève sur un ton apaisé.

 

L’univers de la Rue des Cédrèles

 

L’histoire se passe dans les années 1980, dans la rue des Cédrèles (香椿树街) d’une petite ville du sud de la Chine [2]

 

Huangque ji

Elle est complexe et il importe de ne pas en déflorer la teneur. En revanche, il est utile d’en faire ressortir tout ce qui peut ne pas apparaître au lecteur non prévenu, derrière le réseau d’images et de symboles où se lit le sens ultime de la fable.  

 

Plongée dans l’univers de Su Tong

 

Huangque ji, édition hongkongaise

 

Cette rue des Cédrèles (香椿树), ou Toon Street dans les traductions et commentaires en anglais, c’est tout l’univers de Su Tong en un mouchoir de poche, un « little postage stamp of native soil » comme chez Faulkner, univers fantasmé, métaphore du « sud du fleuve », une Chine du Sud qui vaut bien l’Italie du Sud de Dominique Fernandez, mais le baroque en moins. Ici pas de splendeur, ou du moins elle a disparu sous la pauvreté, la poussière et la moisissure.

 

Cet univers se trouve en germe dès les premières nouvelles de Su Tong, et c’est un univers décadent, comme l’a noté le critique Li Hua dans son analyse comparée des premières nouvelles de Su Tong et de Yu Hua (余华), qui appellent effectivement comparaison [3] : “Toon Street is a hallmark of Southern China, it is also a symbol of degeneration.”

  

Mais la rue des Cédrèles est bien plus que symbole spatial, évoquant la touffeur des terres méridionales, avec cet aspect de dégénérescence qui leur est lié, que ce soit chez Baudelaire, Faulkner ou Can Xue : la rue des Cédrèles est marqueur spatio-temporel. Car, si dégénérescence il y a, elle est liée autant à l’époque qu’au lieu dont il est question. Et ce temps des nouvelles de Su Tong, que l’on retrouve dans ce roman-ci, ce sont les années 1970, c’est-à-dire la seconde moitié de la Révolution culturelle, celle où la situation, en Chine, a littéralement "pourri".

 

Cet univers est en effet profondément marqué par les traumatismes qu’a subis toute la génération de Chinois qui ont vécu leur jeunesse pendant cette période, une période délétère marquée par la désillusion, l’amertume et la perte de repères dans un pays fermé, où l’avenir semblait

 

Rue des Cédrèles

totalement opaque, sinon bouché. Un avenir qui brusquement semble s’épanouir, dans les années 1980 du roman, mais dans l’accélération d’une modernité de façade où la soudaine accumulation de richesse désoriente et rend fou. 

 

Trois personnages en quête de sens

 

Cette nouvelle chronique de la rue des Cédrèles est celle d’un trio qui pourrait être classique : deux jeunes garçons et une fille. Les camarades Baorun (保润) et Liu Sheng (柳生), d’un côté, et de l’autre la jeune Xiannü (仙女), orpheline sans nom, autobaptisée Immortelle ou Fée, dérisoirement peut-être, mais c’est celle par qui le malheur arrive, et qui fait qu’histoire il y a à conter.

 

L’histoire ? Celle d’un viol, celui de Xiannü, commis par Liu Sheng, mais dont Baorun est accusé, condamné pour cela à dix ans de prison à la place de son copain. C’est une sorte de « Crime et châtiment » à la chinoise et cela aurait suffi à constituer l’intrigue d’un roman ordinaire ; ce n’est ici qu’un à-côté, mentionné en passant, évoqué tout au plus. Ce qui importe, c’est ce qui se passe autour, avant et après, ou qui ne se passe pas, car le passage du temps, dans la rue des Cédrèles, ne se mesure qu’à l’aune des signes de modernité dans les échoppes ; les esprits, eux, sont immuablement ancrés dans les mêmes anxiétés, déterminés par le même poids du passé, qui se traduit dans le récit par les mêmes images récurrentes.

 

Le destin de Baorun, irrémédiablement promis à la prison, celui de Liu Sheng, condamné en sursis mais rattrapé par son karma, et celui de leur égérie sans nom, qui finit par disparaître comme toutes les Xiannü, ou Nüxia, qui se respectent, mais celle-ci en laissant un bébé en souvenir derrière elle, tous ces destins ne sont là qu’en marge, en marge de celui du grand-père (celui de Baorun) : le véritable héros de l’histoire, survivant quand tous les autres ont péri ou disparu, sorte d’immortel sauvé par la folie, qui se retrouve in fine avec le bébé de Xiannü dans les bras, comme si seuls pouvaient survivre en ce monde pourri les vieillards qui ont perdu la mémoire et les bébés qui n’en ont pas encore.

 

Suivant la logique du déroulement de l’histoire, la narration est divisée en trois parties – comme trois nouvelles (zhongpian) - qui mettent l’accent tour à tour sur le sort de chacun des personnages : « Le printemps de Baorun » (保润的春天), partie introductive, « L’automne de Liu Feng » (柳生的秋天), pendant les dix ans de prison du précédent, et « L’été de miss Bai » (白小姐的夏天), avatar de Xiannü qui revient à la fin à son point de départ, pour y accoucher - l’été étant la saison des fruits et des moissons - mais d’un bébé qui n’est ni de l’un ni de l’autre, un bébé sans attaches ni racines.

 

Si la narration captive et séduit, cependant, c’est surtout par tout ce qu’elle ne dit pas, et qu’il faut capter, en saisissant les allusions, les symboles, les non-dits à lire entre les lignes, derrière les caractères, là où s’inscrit, finalement, toute l’histoire de la Chine. Comme le sens furtif des poèmes anciens. Comme le signifiant chez Lacan, qui est, à l’encontre de la lettre, dans le symbolique.

 

Une narration subversive, fondée sur l’humour et le symbole

 

Le roman se présente, dans sa forme, comme un Bildungsroman, un roman d’apprentissage dans la Chine de l’ouverture et du décollage économique des années 1980. Mais la forme est subvertie dès les premières pages.

 

Subversion des formes traditionnelles

 

Normalement, un roman de ce genre commence par une partie introductive décrivant le cadre spatio-temporel dans lequel va se dérouler le récit. Rien de cela ici : Su Tong entre de plain-pied dans sa narration, sans nous préciser ni le temps ni le lieu ; au contraire l’absence de précision place d’autant plus l’histoire en dehors du temps, et un temps cyclique basé sur le retour du printemps appelant une évocation poétique, aussitôt brisée par l’énoncé tout simple du fait banal à la source de l’histoire :

 

         每年春暖花开的时候,祖父都要去拍照

Chaque année, quand dans la douceur du printemps s’ouvrent les fleurs,

Grand-père allait se faire faire une photo.

 

C’est lors d’une de ces séances que se produit l’événement déclencheur, amené avec un humour subtil : grand-père « perd son esprit » (让祖父从此丢了魂). Ce ne serait pas grave s’il pouvait aller sur la tombe de ses ancêtres pour demander leur aide afin de le retrouver ; malheureusement, la tombe a été rasée par les Gardes rouges, et lui-même a brûlé les photos de son père et de son grand-père pour ne pas avoir d’ennuis, car l’un était traître à la nation et l’autre seigneur de guerre. Inutile de s’étonner qu’il ait « perdu l’esprit », lui explique-t-on.

 

C’est ainsi un être sans racines et sans mémoire, le grand-père. Il a juste réussi à préserver deux os raflés en catimini de la tombe ancestrale, qu’il a cachés dans une torche électrique, enterrée sous un troène. Il ne reste plus qu’à trouver lequel ; or, des troènes, il y en a partout, dans ce coin de terre. L’histoire est lancée. Le grand-père commence à creuser partout, s’attire la colère des voisins, et se fait envoyer à l’asile. Où son petit-fils Baorun va être chargé de s’occuper de lui. C’est « le printemps de Baorun ».

 

Humour et symbolique

 

La subversion est double, la subversion narrative couvrant une subversion politique latente, et d’autant plus subtile qu’elle est fondée sur l’humour, un humour décapant qui se moque de tout, et fait passer sous et par le rire la satire sociale et politique. En ce sens, Su Tong se rapproche de Yu Hua, auquel il est souvent comparé, mais aussi à bon nombre des écrivains de la génération « post’70 » dont l’humour est l’arme de combat habituelle, chacun à sa manière.   

 

Liée à ce style humoristique est la construction du récit sur la base de symboles récurrents, qui, habilement maniés, sont autant d’éléments satiriques qui se moquent à plaisir – mais à mots couverts -  de la société et de l’histoire politique récente. Etant récurrents, ils servent en même temps à baliser le récit et lui donner une unité fondée sur le principe du cycle, cycle narratif correspondant au cycle du temps dans la grande tradition chinoise.

 

-   Premier motif symbolique : la folie, liée à la perte de l’esprit “丢魂”

 

La folie est d’abord celle du grand-père qui a « perdu son esprit », mais elle est finalement très répandue dans toute la rue. Nombreux sont ceux qui en sont atteints, c’est comme un signe des temps : la folie est un refuge pour les généraux à la retraite et contre l’autre folie qu’est la course à la richesse. Dans l’asile du grand-père se côtoient un ancien de la Longue Marche qui tire comme il respire, et un nouveau riche plein de phobies et accro au sexe. Celui-ci fait l’objet de recherches particulières car aucun traitement n’agit sur lui. Du coup l’équipe médicale l’a pris comme cas d’école pour écrire un article intitulé « L’explosion de la richesse et le syndrome des troubles mentaux chez les riches » (《财富的暴增与财富拥有者的精神紊乱综合症》).

 

Ce n’est pas nouveau chez Su Tong. Les maladies congénitales côtoient la folie dans ses nouvelles, le plus beau portrait de folle étant celui de la « Mère folle sur le pont » (《桥上的疯妈妈》) dont on devine entre les lignes que sa folie est due aux persécutions qu’elle a subies. Personnage qui, à son tour, évoque une petite fille un peu folle sur un autre pont, celle du « Génie des eaux » (《水鬼》). Et cette nouvelle, d’ailleurs, résonne à la fin du « Dit du loriot » où l’on retrouve les mêmes ouvriers migrants travaillant dans l’eau, et ici sauvant Xiannü de sa noyade suicidaire, dans la même atmosphère de conte fantastique.

 

Ce motif de la perte de l’esprit est lié à celui de la photo (照片) qui l’amène.

 

-   Motif secondaire de la folie : la photo “照片”

 

La photo du grand-père est le motif introductif du roman : le photographe s’est trompé et a donné une autre photo à Baorun qui venait chercher celle de son grand-père ; la véritable étant égarée, le grand-père obtient en compensation que le photographe lui en tire plusieurs, et c’est au cours de l’une de ses séances que se produit, comme un flash, l’accident cérébral se traduisant par « la perte de l’esprit ».

 

Perte de l’esprit évidemment symbolique, qui recouvre la perte de mémoire historique, et en particulier tout ce qui concerne ses ancêtres, chose gravissime dans un pays où le culte des ancêtres fait partie des devoirs filiaux primordiaux et qui se traduit par la perte des racines et des repères sociaux.

 

-   Deuxième motif symbolique : les cordes “绳索”

 

Pour éviter que le grand-père n’aille creuser des trous partout à la recherche de la torche contenant les deux os ancestraux qui l’aideraient à retrouver son esprit envolé, et surtout éviter par là-même d’avoir à payer les compensations correspondantes, Baorun finit un jour par l’attacher. Et, de fil en aiguille, il développe tout un art des nœuds. C’est sans doute la trouvaille la plus formidable du roman où le symbole se déploie en satire corrosive de la société chinoise, avec cordes réelles et cordes abstraites, ces dernières étant les cordes du destin.

 

Cependant, ce sont les vraies cordes qui forment le cœur de la symbolique narrative du roman. Elles sont belles, les cordes, dans les mains de Baorun, ce sont des œuvres d’art, de toutes les couleurs, et de tous matériaux, nylon, métal, acier… Mais c’est dans la description de la technique des nœuds, plus ou moins serrés en fonction des besoins, que l’humour de Su Tong fait feu de tout bois. Les deux principaux sont les « nœuds démocratiques » (民主结) qui laissent respirer et les « nœuds légalistes » (法治结) qui ne laissent aucune liberté de mouvement [4]. Surtout, le fait de les ligoter calme les patients de l’asile qui finalement s’y habituent et sont même demandeurs : les cordes exercent un pouvoir d’attraction.

 

Le thème donne lieu à des scènes d’anthologie, en particulier quand, à la fin de la première partie, le grand-père parvient à s’enfuir et revient chez lui, où l’on essaie de l’attacher aussi bien que le faisait Baorun (qui a alors été envoyé en prison) pour le ramener dans sa chambre à l’asile ; mais les nœuds sont trop serrés, ils blessent le grand-père qui se débat en hurlant : je veux des nœuds démocratiques !

 

Si cette satire a réussi à passer la censure, c’est sans doute parce qu’elle est traitée comme une farce, terriblement drôle.

 

-   Troisième motif symbolique : le château d’eau “水塔”

 

Le château d’eau intervient dès la première partie du récit comme lieu du crime, ce viol qui va changer le destin des trois jeunes, en ensevelissant leur jeunesse. Il fait partie des bâtiments de l’asile et lui aussi est un sous-produit, pour ainsi dire, du thème des nœuds car c’est parce que Baorun a ligoté Xiannü pour se venger de son mépris pour lui que Liu Sheng l’a violée.

 

Ensuite, dans la seconde partie, le château d’eau devient un temple bouddhiste où des fidèles vont brûler de l’encens pour chasser les mauvais esprits des vieillards internés. Mais il est au départ réservé au jeune richard qui fait une crise de mysticisme et veut sa chapelle privée. Le bouddhisme est présenté comme ces superstitions que Mao a voulu éradiquer, sans y parvenir.

 

Enfin, le château d’eau désaffecté devient un refuge, en particulier pour Baorun qui y trouve un endroit où dormir à sa sortie de prison, en s’installant un lit sous la statue bienveillante du bouddha.

 

A la fin, le grand-père reste seul avec dans les bras le bébé que Xiannü lui a confié en partant ; son fils est mort, sa bru est revenue chez ses parents et s’est remariée, Liu Sheng est mort lui aussi, et Baorun condamné pour son meurtre ; c’est le grand-père qui leur survit, comme si la folie, justement, l’avait préservé des avanies du monde.

 

Il reste assis en bas du château d’eau, avec le bébé qui a cessé de hurler, comme sous la bienveillante protection du bouddha. Le passé est définitivement aboli, dans la réalité comme dans la mémoire. La vie peut continuer, dans la plus heureuse insanité. Se profile alors une quatrième partie: « L’hiver de grand-père » (祖父的冬天). Un hiver virtuel qui ne ferme pas le cycle, mais ouvre le roman sur l’éternité.

 

C’est une fois le roman achevé que se comprend mieux la symbolique du titre.

 

-   Symbolique du titre 

 

Le passereau jaune qu’est le huángquè (黄雀) du titre est une référence à une expression chinoise à valeur de dicton, de type chengyu [5] soulignant au départ les dangers inhérents à toute opération prédatrice, et, dans un sens plus général, les périls qu’il faut affronter pour mener à bien un objectif :

 

螳螂捕蝉,黄雀在后

La mante religieuse attrape la cigale,

mais l’oiseau jaune est dans son dos [6].

 

A la fin du roman, Xiannü apparaît bien comme la mante religieuse (tangláng 螳螂), Liusheng comme la cigale (chán) et Baorun comme l’oiseau jaune (huángquè 黄雀). Mais, dans la paix retrouvée de cette conclusion laissée ouverte, en bas du

 

La mante religieuse attrape la cigale,

mais l’oiseau jaune est dans son dos

château d’eau transformé en temple bouddhiste, l’animal chán de la fable se mue en méditation chán qui appelle à la sérénité : c’est le mot de la fin [7], tandis que l’histoire du grand-père se poursuit comme une légende.

 

Le titre choisi par Su Tong donne donc tout de suite l’atmosphère du roman où chacun est une proie désignée, et une victime certaine, à un moment ou un autre, les rôles pouvant se retourner et personne n’en sortant indemne, la seule échappatoire, et encore provisoire, étant dans la folie. Traduite en termes métaphoriques appliqués à la Chine entière, l’histoire en est d’autant plus sombre, mais la fin ouvre sur une méditation apaisée.

 

-   Symbolique du nom de Xiannü : 仙女

  

L’immortelle Xiannü He Xiangu

 

Il faut encore ajouter quelques mots sur le nom de Xiannü car il n’est pas anodin : c’est l’une des nombreuses allégories du texte [8].

 

Ce nom évoque tout de suite les immortels de la légende taoïste (), et en particulier le célèbre groupe des Huit Immortels (八仙) qui comportait une femme : He Xiangu (何仙姑).

 

Accessoirement, deux des plus anciennes histoires ayant trait aux Huit Immortels sont liées à la Tour Yueyang (岳阳楼), dont une pièce de la période yuan du dramaturge Ma Zhiyuan (马致远) [9]. Située sur les bords du lac Dongting, dans le Hunan, cette tour est l’une des « trois grandes tours » du Jiangnan (le sud du fleuve de Su Tong), et n’est pas sans rapport avec le château d’eau du roman.

 

Mais le nom de Xiannü a aussi un lien avec le thème des cordes. C’est en effet le nom chinois d’Andromède. Or, Andromède, dans la mythologie gréco-latine, c’est la "femme enchaînée" (mulier catenata), épouse de Persée et fille de Céphée et Cassiopée ; celle-ci se vantant urbi et orbi de la

 

La tour Yueyang (par Xia Yong, dynastie des Yuan)

beauté de sa fille qu’elle disait plus belle que les Néréides, celles-ci demandèrent à Poseidon de punir Cassiopée, et, pour éviter de voir son royaume détruit par le monstre Cetus, le roi Céphée accepta de lui sacrifier Andromède. Elle fut donc enchaînée sur un rocher pour être livrée au monstre, mais sauvée in extremis par Méduse qui changea celui-ci en pierre.

 

Or Xiannü est elle aussi "femme enchaînée", enchaînée par son destin comme les autres, mais elle, elle le dit expressément :

 

有一根绳子伴随着她的生活。有一根绳子,至今仍然捆绑着她的身体,还有灵魂。她犟不过命运,她的命运由绳套控制,那诡异的绳套在一个个男人手上传递,最终交到了柳生手上。她被套住了。绳套对她说,留在这里。绳套对她说,你丢了魂,一切听我的。

Toute son existence avait été liée par une corde. Et une corde la ligotait toujours, corps et âme. Elle ne pouvait échapper à ce destin obstiné, contrôlé par une corde, une corde étrange qui passait des mains d’un homme à celles d’un autre, et finalement se retrouvait dans celles de Liu Sheng. Elle était enchaînée. La corde lui disait, reste ici. La corde lui disait, tu as perdu l’esprit, tu dois m’obéir en tout.

Troisième partie, chapitre 7 Le réveil 苏醒, dernier alinéa

 

Andromède enchaînée

(manuscrit du 4è/3è siècle avant JC)

  

Le roman de Su Tong est fascinant. L’histoire est apparemment simple, mais le texte sous-jacent est d’une infinie subtilité, à débusquer dans les mille et un détours d’une pensée lovée dans la langue.

 


 

Traduction en français

 

Le Dit du loriot, tr. François Sastourné, éditions du Seuil, septembre 2016

 

La traduction ne comportant pas la table des matières, la voici, elle permet de visualiser la construction du texte :

 


 

Table des matières

51 chapitres en trois parties (19. 16. 16)

 

上部保润的春天
1. 照片
2. 魂
3. 手电筒
4. 祖宗与蛇
5. 祖父的头发
6. 井亭医院
7. 祖父、父亲和儿子
8. 四月
9. 柳生来了
10. 花匠的孙女
11. 讨债
12. 家
13. 兔笼
14. 会合
15. 白色吉普车
16. 拘留所
17. 藕香亭
18. 捞人
19. 回家

中部柳生的秋天
1. 侥幸岁月
2. 特二床
3. 幽灵的声音
4. 空屋
5. 公关小姐
6. 香火庙
7. 羞耻
8. 水塔风波
9. 麻烦
10. 马戏团
11. 白马
12. 后悔
13. 回家
14. 全家福
15. 旧货交易
16. 扫墓

下部白小姐的夏天
1. 六月
2. 庞先生
3. 另一个人
4. 顺风旅馆
5. 水塔与小拉
6. 公路
7. 苏醒
8. 房客
9. 房东
10. 门外
11. 柳生和庞先生
12. 两个人的夜晚
13. 柳生的婚礼
14. 天井里的水
15. 突围
16. 红脸婴儿

 

Le printemps de Baorun
La photo
L’esprit
La torche électrique
Les aïeux et le serpent
Les cheveux de grand-père
L’hôpital de Jingtiing
Le grand-père, le père et le fils
Avril
Liu Sheng entre en scène
La petite-fille du jardinier
Le recouvrement de la dette
La maison
La cage des lapins
Rencontre
La jeep blanche
Le centre de détention
Le pavillon du parfum des lotus
Tentative de sauvetage
Retour à la maison

L’automne de Liu Sheng
Le temps de la chance
La chambre spéciale n° 2
La voix d’un esprit
La maison vide
La chargée de relations publiques
Le temple
La honte
Tempête dans un château d’eau
Les ennuis
Le cirque
Le cheval blanc
Regrets
Retour à la maison
Photo de famille
Braderie
Le nettoyage de la tombe

L’été de miss Bai
Juin
Monsieur Pang
Quelqu’un d’autre
L’auberge du BonVent
Le château d’eau et le xiaola
Sur la route
Le réveil
La locataire
Le propriétaire
Devant la porte
Liu Sheng et monsieur Pang
Une nuit à deux
Le mariage de Liu Sheng
L’eau de la cour
Briser le siège
Le bébé au visage rouge

 


 

A lire en complément

 

La chronique de Maurice Mourier, avec des illustrations de Maud Roditi

https://www.en-attendant-nadeau.fr/2016/12/06/chine-pauvres-su-tong/

 

 


[1] Traduction en français, par Françoise Sastourné, parue au Seuil en septembre 2016. En anglais, dans la traduction de William Goldblatt, le titre est devenu « Tale of the Siskin ». Une traduction littérale serait : « Chronique de l’oiseau jaune ».

[2] On peut lire le texte original chinois en ligne : http://www.99lib.net/book/3956/index.htm

[3] Contemporary Chinese Fiction by Su Tong and Yu Hua : Coming of Age in Troubled Times, by Li Hua, Brill 2011. Les nouvelles de Su Tong analysées par Li Hua vont de 1984 à 1991.

[4] Celles-ci étant évidemment une référence au légisme (法家) de Han Fei, c’est-à-dire au gouvernement par la loi, et la force répressive, qui a été la base du système de gouvernement du Premier Empereur.

[5] Expression consacrée généralement de quatre caractères, d’origine littéraire, et utilisée couramment pour traduire une idée de sagesse populaire, comme une sorte de diction.

[6] Il se trouve que l’expression évoque aussi une vaste opération menée à la suite des événements de Tian’anmen, en juin 1989, pour aider les militants et étudiants ayant participé au mouvement à fuir la Chine pour échapper à la répression qui s’est alors abattue sur le pays : l’opération a été désignée du nom de code « Opération Yellowbird » ; Hong Kong, alors encore sous souveraineté britannique, en a été la plaque tournante, et le consulat de France en particulier.

Voir l’article du Monde à ce sujet : http://mobile.lemonde.fr/televisions-radio/article/2016/06/02/

en-chine-la-fascinante-operation-yellow-bird_4930782_1655027.html

Mais le propos de Su Tong est autre, reprenant l’allégorie du chengyu à la base.

[7] 他很安静,与传说并不一样 (il [le bébé] était paisible, contrairement à ce que l’on disait)

[8] Traduit Princesse dans la traduction en français, ce qui affaiblit la portée allégorique du texte.

[9] Le titre entier étant « L’immortel Lü Dongbin s’enivre trois fois dans la tour Yueyang » (呂洞賓三醉岳陽樓).

 

     

 

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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