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« Le Dit du
loriot », de Su Tong : une histoire de chaînes, métaphoriques
bien sûr
par Brigitte Duzan, 30 juin 2017
Publié en Chine en août 2013, et couronné du
neuvième prix Mao Dun en 2015, « Le Dit du loriot »
(Huangque
ji 《黄雀记》),
pour reprendre le titre de la traduction française,
est, chronologiquement, dans l’œuvre de
Su Tong
(苏童),
le roman qui fait suite à
« La Berge » (He’an 《河岸》),
en en prolongeant l’univers de détresse morale et de
quête inaboutie de rédemption.
Su Tong livre ici un roman superbement structuré,
riche en images métaphoriques récurrentes et d’un
humour subversif, comme est subversive cette fable
désenchantée où perce une satire mordante de la
Chine entière, mais qui s’achève sur un ton apaisé.
L’univers de la Rue des Cédrèles
L’histoire se passe dans les années 1980, dans la
rue des Cédrèles (香椿树街)
d’une petite ville du sud de la Chine
.
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Huangque ji |
Elle est complexe
et il importe de ne pas en déflorer la teneur. En revanche,
il est utile d’en faire ressortir tout ce qui peut ne pas
apparaître au lecteur non prévenu, derrière le réseau
d’images et de symboles où se lit le sens ultime de la
fable.
Plongée dans l’univers de Su Tong
Huangque ji, édition
hongkongaise |
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Cette rue des Cédrèles (香椿树),
ou Toon Street dans les traductions et commentaires
en anglais, c’est tout l’univers de Su Tong en un
mouchoir de poche, un « little postage stamp of
native soil » comme chez Faulkner, univers fantasmé,
métaphore du « sud du fleuve », une Chine du Sud qui
vaut bien l’Italie du Sud de Dominique Fernandez,
mais le baroque en moins. Ici pas de splendeur, ou
du moins elle a disparu sous la pauvreté, la
poussière et la moisissure.
Cet univers se trouve en germe dès les premières
nouvelles de Su Tong, et c’est un univers décadent,
comme l’a noté le critique Li Hua dans son analyse
comparée des premières nouvelles de
Su Tong
et de
Yu Hua (余华),
qui appellent effectivement comparaison
:
“Toon Street is a hallmark of Southern China,
it is also a symbol of degeneration.” |
Mais la rue des Cédrèles est bien plus que symbole
spatial, évoquant la touffeur des terres
méridionales, avec cet aspect de dégénérescence qui
leur est lié, que ce soit chez Baudelaire, Faulkner
ou
Can Xue : la rue
des Cédrèles est marqueur spatio-temporel. Car, si
dégénérescence il y a, elle est liée autant à
l’époque qu’au lieu dont il est question. Et ce
temps des nouvelles de Su Tong, que l’on retrouve
dans ce roman-ci, ce sont les années 1970,
c’est-à-dire la seconde moitié de la Révolution
culturelle, celle où la situation, en Chine, a
littéralement "pourri".
Cet univers est en effet profondément marqué par les
traumatismes qu’a subis toute la génération de
Chinois qui ont vécu leur jeunesse pendant cette
période, une période délétère marquée par la
désillusion, l’amertume et la perte de repères dans
un pays fermé, où l’avenir semblait |
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Rue des Cédrèles |
totalement opaque, sinon bouché. Un avenir qui brusquement
semble s’épanouir, dans les années 1980 du roman, mais dans
l’accélération d’une modernité de façade où la soudaine
accumulation de richesse désoriente et rend fou.
Trois personnages en quête de sens
Cette nouvelle chronique de la rue des Cédrèles est celle d’un
trio qui pourrait être classique : deux jeunes garçons et une
fille. Les camarades Baorun (保润)
et Liu Sheng (柳生),
d’un côté, et de l’autre la jeune Xiannü (仙女),
orpheline sans nom, autobaptisée Immortelle ou Fée,
dérisoirement peut-être, mais c’est celle par qui le malheur
arrive, et qui fait qu’histoire il y a à conter.
L’histoire ? Celle d’un viol,
celui de Xiannü, commis par Liu Sheng, mais dont Baorun est
accusé, condamné pour cela à dix ans de prison à la place de son
copain. C’est une sorte de « Crime et châtiment » à la chinoise
et cela aurait suffi à constituer l’intrigue d’un roman
ordinaire ; ce n’est ici qu’un à-côté, mentionné en passant,
évoqué tout au plus. Ce qui importe, c’est ce qui se passe
autour, avant et après, ou qui ne se passe pas, car le passage
du temps, dans la rue des Cédrèles, ne se mesure qu’à l’aune des
signes de modernité dans les échoppes ; les esprits, eux, sont
immuablement ancrés dans les mêmes anxiétés, déterminés par le
même poids du passé, qui se traduit dans le récit par les mêmes
images récurrentes.
Le destin de Baorun, irrémédiablement promis à la prison, celui
de Liu Sheng, condamné en sursis mais rattrapé par son karma, et
celui de leur égérie sans nom, qui finit par disparaître comme
toutes les Xiannü, ou
Nüxia,
qui se respectent, mais celle-ci en laissant un bébé en
souvenir derrière elle, tous ces destins ne sont là qu’en marge,
en marge de celui du grand-père (celui de Baorun) : le véritable
héros de l’histoire, survivant quand tous les autres ont péri ou
disparu, sorte d’immortel sauvé par la folie, qui se retrouve in
fine avec le bébé de Xiannü dans les bras, comme si seuls
pouvaient survivre en ce monde pourri les vieillards qui ont
perdu la mémoire et les bébés qui n’en ont pas encore.
Suivant la logique du déroulement de l’histoire, la narration
est divisée en trois parties – comme trois nouvelles (zhongpian) - qui mettent l’accent tour à tour sur le sort de
chacun des personnages : « Le printemps de Baorun » (保润的春天),
partie introductive, « L’automne de Liu Feng » (柳生的秋天),
pendant les dix ans de prison du précédent, et « L’été de miss
Bai » (白小姐的夏天),
avatar de Xiannü qui revient à la fin à son point de départ,
pour y accoucher - l’été étant la saison des fruits et des
moissons - mais d’un bébé qui n’est ni de l’un ni de l’autre, un
bébé sans attaches ni racines.
Si la narration captive et séduit, cependant, c’est surtout par
tout ce qu’elle ne dit pas, et qu’il faut capter, en saisissant
les allusions, les symboles, les non-dits à lire entre les
lignes, derrière les caractères, là où s’inscrit, finalement,
toute l’histoire de la Chine. Comme le sens furtif des poèmes
anciens. Comme le signifiant chez Lacan, qui est, à l’encontre
de la lettre, dans le symbolique.
Une narration subversive, fondée sur l’humour et le symbole
Le roman se présente, dans sa forme, comme un Bildungsroman, un
roman d’apprentissage dans la Chine de l’ouverture et du
décollage économique des années 1980. Mais la forme est
subvertie dès les premières pages.
Subversion des formes traditionnelles
Normalement, un roman de ce genre commence par une partie
introductive décrivant le cadre spatio-temporel dans lequel va
se dérouler le récit. Rien de cela ici : Su Tong entre de
plain-pied dans sa narration, sans nous préciser ni le temps ni
le lieu ; au contraire l’absence de précision place d’autant
plus l’histoire en dehors du temps, et un temps cyclique basé
sur le retour du printemps appelant une évocation poétique,
aussitôt brisée par l’énoncé tout simple du fait banal à la
source de l’histoire :
“每年春暖花开的时候,祖父都要去拍照”
Chaque année, quand dans la douceur du printemps s’ouvrent les
fleurs,
Grand-père allait se faire faire une photo.
C’est lors d’une de ces séances que se produit l’événement
déclencheur, amené avec un humour subtil : grand-père « perd son
esprit » (让祖父从此“丢了魂”).
Ce ne serait pas grave s’il pouvait aller sur la tombe de ses
ancêtres pour demander leur
aide afin de le retrouver ;
malheureusement, la tombe a été rasée par les Gardes rouges, et
lui-même a brûlé les photos de son père et de son grand-père
pour ne pas avoir d’ennuis, car l’un était traître à la nation
et l’autre seigneur de guerre. Inutile de s’étonner qu’il ait
« perdu l’esprit », lui explique-t-on.
C’est ainsi un être sans racines et sans mémoire, le grand-père.
Il a juste réussi à préserver deux os raflés en catimini de la
tombe ancestrale, qu’il a cachés dans une torche électrique,
enterrée sous un troène. Il ne reste plus qu’à trouver lequel ;
or, des troènes, il y en a partout, dans ce coin de terre.
L’histoire est lancée. Le grand-père commence à creuser partout,
s’attire la colère des voisins, et se fait envoyer à l’asile. Où
son petit-fils Baorun va être chargé de s’occuper de lui. C’est
« le printemps de Baorun ».
Humour et symbolique
La subversion est double, la subversion narrative couvrant une
subversion politique latente, et d’autant plus subtile qu’elle
est fondée sur l’humour, un humour décapant qui se moque de
tout, et fait passer sous et par le rire la satire sociale et
politique. En ce sens, Su Tong se rapproche de
Yu
Hua, auquel il est souvent comparé, mais aussi
à bon nombre des écrivains de la
génération « post’70 »
dont l’humour est l’arme de combat habituelle, chacun à sa
manière.
Liée à ce style humoristique est la construction du récit sur la
base de symboles récurrents, qui, habilement maniés, sont autant
d’éléments satiriques qui se moquent à plaisir – mais à mots
couverts - de la société et de l’histoire politique récente.
Etant récurrents, ils servent en même temps à baliser le récit
et lui donner une unité fondée sur le principe du cycle, cycle
narratif correspondant au cycle du temps dans la grande
tradition chinoise.
-
Premier motif symbolique : la folie, liée à la perte de
l’esprit “丢魂”
La folie est d’abord celle du grand-père qui a « perdu son
esprit », mais elle est finalement très répandue dans toute la
rue. Nombreux sont ceux qui en sont atteints, c’est comme un
signe des temps : la folie est un refuge pour les généraux à la
retraite et contre l’autre folie qu’est la course à la richesse.
Dans l’asile du grand-père se côtoient un ancien de la Longue
Marche qui tire comme il respire, et un nouveau riche plein de
phobies et accro au sexe. Celui-ci fait l’objet de recherches
particulières car aucun traitement n’agit sur lui. Du coup
l’équipe médicale l’a pris comme cas d’école pour écrire un
article intitulé « L’explosion de la richesse et le syndrome des
troubles mentaux chez les riches » (《财富的暴增与财富拥有者的精神紊乱综合症》).
Ce n’est pas nouveau chez Su Tong. Les maladies congénitales
côtoient la folie dans ses nouvelles, le plus beau portrait de
folle étant celui de la « Mère folle sur le pont » (《桥上的疯妈妈》)
dont on devine entre les lignes que sa folie est due aux
persécutions qu’elle a subies. Personnage qui, à son tour,
évoque une petite fille un peu folle sur un autre pont, celle du
« Génie
des eaux » (《水鬼》).
Et cette nouvelle, d’ailleurs, résonne à la fin du « Dit du
loriot » où l’on retrouve les mêmes ouvriers migrants
travaillant dans l’eau, et ici sauvant Xiannü de sa noyade
suicidaire, dans la même atmosphère de conte fantastique.
Ce motif de la perte de l’esprit est lié à celui de la photo (照片)
qui l’amène.
-
Motif secondaire de la folie : la photo “照片”
La photo du grand-père est le motif introductif du roman : le
photographe s’est trompé et a donné une autre photo à Baorun qui
venait chercher celle de son grand-père ; la véritable étant
égarée, le grand-père obtient en compensation que le photographe
lui en tire plusieurs, et c’est au cours de l’une de ses séances
que se produit, comme un flash, l’accident cérébral se
traduisant par « la perte de l’esprit ».
Perte de l’esprit évidemment symbolique, qui recouvre la perte
de mémoire historique, et en particulier tout ce qui concerne
ses ancêtres, chose gravissime dans un pays où le culte des
ancêtres fait partie des devoirs filiaux primordiaux et qui se
traduit par la perte des racines et des repères sociaux.
-
Deuxième motif symbolique : les cordes “绳索”
Pour éviter que le grand-père n’aille creuser des trous partout
à la recherche de la torche contenant les deux os ancestraux qui
l’aideraient à retrouver son esprit envolé, et surtout éviter
par là-même d’avoir à payer les compensations correspondantes,
Baorun finit un jour par l’attacher. Et, de fil en aiguille, il
développe tout un art des nœuds. C’est sans doute la trouvaille
la plus formidable du roman où le symbole se déploie en satire
corrosive de la société chinoise, avec cordes réelles et cordes
abstraites, ces dernières étant les cordes du destin.
Cependant, ce sont les vraies cordes qui forment le cœur de la
symbolique narrative du roman. Elles sont belles, les cordes,
dans les mains de Baorun, ce sont des œuvres d’art, de toutes
les couleurs, et de tous matériaux, nylon, métal, acier… Mais
c’est dans la description de la technique des nœuds, plus ou
moins serrés en fonction des besoins, que l’humour de Su Tong
fait feu de tout bois. Les deux principaux sont les « nœuds
démocratiques » (民主结)
qui laissent respirer et les « nœuds légalistes » (法治结)
qui ne laissent aucune liberté de mouvement
.
Surtout, le fait de les ligoter calme les patients de l’asile
qui finalement s’y habituent et sont même demandeurs : les
cordes exercent un pouvoir d’attraction.
Le thème donne lieu à des scènes d’anthologie, en particulier
quand, à la fin de la première partie, le grand-père parvient à
s’enfuir et revient chez lui, où l’on essaie de l’attacher aussi
bien que le faisait Baorun (qui a alors été envoyé en prison)
pour le ramener dans sa chambre à l’asile ; mais les nœuds sont
trop serrés, ils blessent le grand-père qui se débat en
hurlant : je veux des nœuds démocratiques !
Si cette satire a réussi à passer la censure, c’est sans doute
parce qu’elle est traitée comme une farce, terriblement drôle.
-
Troisième motif symbolique : le château d’eau “水塔”
Le château d’eau intervient dès la première partie du récit
comme lieu du crime, ce viol qui va changer le destin des trois
jeunes, en ensevelissant leur jeunesse. Il fait partie des
bâtiments de l’asile et lui aussi est un sous-produit, pour
ainsi dire, du thème des nœuds car c’est parce que Baorun a
ligoté Xiannü pour se venger de son mépris pour lui que Liu
Sheng l’a violée.
Ensuite, dans la seconde partie, le château d’eau devient un
temple bouddhiste où des fidèles vont brûler de l’encens pour
chasser les mauvais esprits des vieillards internés. Mais il est
au départ réservé au jeune richard qui fait une crise de
mysticisme et veut sa chapelle privée. Le bouddhisme est
présenté comme ces superstitions que Mao a voulu éradiquer, sans
y parvenir.
Enfin, le château d’eau désaffecté devient un refuge, en
particulier pour Baorun qui y trouve un endroit où dormir à sa
sortie de prison, en s’installant un lit sous la statue
bienveillante du bouddha.
A la fin, le grand-père reste seul avec dans les bras le bébé
que Xiannü lui a confié en partant ; son fils est mort, sa bru
est revenue chez ses parents et s’est remariée, Liu Sheng est
mort lui aussi, et Baorun condamné pour son meurtre ; c’est le
grand-père qui leur survit, comme si la folie, justement,
l’avait préservé des avanies du monde.
Il reste assis en bas du château d’eau, avec le bébé qui a cessé
de hurler, comme sous la bienveillante protection du bouddha. Le
passé est définitivement aboli, dans la réalité comme dans la
mémoire. La vie peut continuer, dans la plus heureuse insanité.
Se profile alors une quatrième partie: « L’hiver de grand-père »
(祖父的冬天).
Un hiver virtuel qui ne
ferme pas le cycle, mais ouvre le roman sur l’éternité.
C’est une fois le roman achevé que se comprend mieux la
symbolique du titre.
-
Symbolique du titre
Le passereau jaune qu’est le huángquè
(黄雀)
du titre est une référence à une expression chinoise
à valeur de dicton, de type
chengyu
soulignant
au départ les dangers inhérents à toute opération
prédatrice, et, dans un sens plus général, les
périls qu’il faut affronter pour mener à bien un
objectif :
螳螂捕蝉,黄雀在后
La mante religieuse attrape la cigale,
mais l’oiseau jaune est dans son dos
.
A la fin du roman, Xiannü apparaît bien comme la
mante religieuse (tangláng
螳螂),
Liusheng comme la cigale (chán
蝉)
et Baorun comme l’oiseau jaune (huángquè
黄雀).
Mais, dans la paix retrouvée de cette conclusion
laissée ouverte, en bas du |
|
La mante religieuse attrape la
cigale,
mais l’oiseau jaune est dans son dos |
château d’eau transformé en temple bouddhiste, l’animal
chán
蝉
de la fable se mue en méditation chán
禅
qui appelle à la sérénité : c’est le mot de la fin,
tandis que l’histoire du grand-père se poursuit comme une
légende.
Le titre choisi par Su Tong donne donc tout de suite
l’atmosphère du roman où chacun est une proie désignée, et une
victime certaine, à un moment ou un autre, les rôles pouvant se
retourner et personne n’en sortant indemne, la seule
échappatoire, et encore provisoire, étant dans la folie.
Traduite en termes
métaphoriques appliqués à la Chine entière, l’histoire
en est d’autant plus sombre, mais la fin ouvre sur une
méditation apaisée.
-
Symbolique du nom de Xiannü : 仙女
L’immortelle Xiannü He Xiangu |
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Il faut
encore ajouter quelques mots sur le nom de Xiannü
car il n’est pas anodin : c’est l’une des nombreuses
allégories du texte
.
Ce nom évoque tout de suite les immortels de la
légende taoïste (仙),
et en particulier le célèbre groupe des Huit
Immortels (八仙)
qui comportait une femme : He Xiangu (何仙姑).
|
Accessoirement, deux des plus anciennes histoires
ayant trait aux Huit Immortels sont liées à la Tour
Yueyang (岳阳楼),
dont une pièce de la période yuan du
dramaturge Ma Zhiyuan (马致远)
.
Située sur les bords du lac Dongting, dans le Hunan,
cette tour est l’une des « trois grandes tours » du
Jiangnan (le sud du fleuve de Su Tong), et n’est pas
sans rapport avec le château d’eau du roman.
Mais le nom de Xiannü a aussi un lien avec le thème
des cordes. C’est en effet le nom chinois
d’Andromède. Or, Andromède, dans la mythologie
gréco-latine, c’est la "femme enchaînée" (mulier
catenata), épouse de Persée et fille de Céphée
et Cassiopée ; celle-ci se vantant urbi et orbi de
la |
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La tour Yueyang (par Xia Yong,
dynastie des Yuan) |
beauté de sa fille qu’elle disait plus belle que les
Néréides, celles-ci demandèrent à Poseidon de punir
Cassiopée, et, pour éviter de voir son royaume détruit par
le monstre Cetus, le roi Céphée accepta de lui sacrifier
Andromède. Elle fut donc enchaînée sur un rocher pour être
livrée au monstre, mais sauvée in extremis par Méduse qui
changea celui-ci en pierre.
Or Xiannü est elle aussi "femme enchaînée", enchaînée par son
destin comme les autres, mais elle, elle le dit expressément :
有一根绳子伴随着她的生活。有一根绳子,至今仍然捆绑着她的身体,还有灵魂。她犟不过命运,她的命运由绳套控制,那诡异的绳套在一个个男人手上传递,最终交到了柳生手上。她被套住了。绳套对她说,留在这里。绳套对她说,你丢了魂,一切听我的。
Toute son existence avait été liée par une corde. Et
une corde la ligotait toujours, corps et âme. Elle
ne pouvait échapper à ce destin obstiné, contrôlé
par une corde, une corde étrange qui passait des
mains d’un homme à celles d’un autre, et finalement
se retrouvait dans celles de Liu Sheng. Elle était
enchaînée. La corde lui disait, reste ici. La corde
lui disait, tu as perdu l’esprit, tu dois m’obéir en
tout.
Troisième partie, chapitre 7 Le réveil
苏醒,
dernier alinéa |
|
Andromède enchaînée
(manuscrit du 4è/3è siècle avant JC) |
Le roman de Su Tong est fascinant. L’histoire est apparemment
simple, mais le texte sous-jacent est d’une infinie subtilité, à
débusquer dans les mille et un détours d’une pensée lovée dans
la langue.
Traduction en français
Le Dit du loriot, tr. François Sastourné, éditions du Seuil,
septembre 2016
La traduction ne comportant pas la table des matières, la voici,
elle permet de visualiser la construction du texte :
Table des matières
51 chapitres en trois parties (19. 16. 16)
上部保润的春天
1. 照片
2. 魂
3. 手电筒
4. 祖宗与蛇
5. 祖父的头发
6. 井亭医院
7. 祖父、父亲和儿子
8. 四月
9. 柳生来了
10. 花匠的孙女
11. 讨债
12. 家
13. 兔笼
14. 会合
15. 白色吉普车
16. 拘留所
17. 藕香亭
18. 捞人
19. 回家
中部柳生的秋天
1. 侥幸岁月
2. 特二床
3. 幽灵的声音
4. 空屋
5. 公关小姐
6. 香火庙
7. 羞耻
8. 水塔风波
9. 麻烦
10. 马戏团
11. 白马
12. 后悔
13. 回家
14. 全家福
15. 旧货交易
16. 扫墓
下部白小姐的夏天
1. 六月
2. 庞先生
3. 另一个人
4. 顺风旅馆
5. 水塔与小拉
6. 公路
7. 苏醒
8. 房客
9. 房东
10. 门外
11. 柳生和庞先生
12. 两个人的夜晚
13. 柳生的婚礼
14. 天井里的水
15. 突围
16. 红脸婴儿 |
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Le printemps de Baorun
La photo
L’esprit
La torche électrique
Les aïeux et le serpent
Les cheveux de grand-père
L’hôpital de Jingtiing
Le grand-père, le père et le fils
Avril
Liu Sheng entre en scène
La petite-fille du jardinier
Le recouvrement de la dette
La maison
La cage des lapins
Rencontre
La jeep blanche
Le centre de détention
Le pavillon du parfum des lotus
Tentative de sauvetage
Retour à la maison
L’automne de Liu Sheng
Le temps de la chance
La chambre spéciale n° 2
La voix d’un esprit
La maison vide
La chargée de relations publiques
Le temple
La honte
Tempête dans un château d’eau
Les ennuis
Le cirque
Le cheval blanc
Regrets
Retour à la maison
Photo de famille
Braderie
Le nettoyage de la tombe
L’été de miss Bai
Juin
Monsieur Pang
Quelqu’un d’autre
L’auberge du BonVent
Le château d’eau et le xiaola
Sur la route
Le réveil
La locataire
Le propriétaire
Devant la porte
Liu Sheng et monsieur Pang
Une nuit à deux
Le mariage de Liu Sheng
L’eau de la cour
Briser le siège
Le bébé au visage rouge |
A lire en complément
La chronique de Maurice Mourier, avec des illustrations de Maud
Roditi
https://www.en-attendant-nadeau.fr/2016/12/06/chine-pauvres-su-tong/
Il se trouve que l’expression évoque aussi une vaste
opération menée à la suite des événements de Tian’anmen,
en juin 1989, pour aider les militants et étudiants
ayant participé au mouvement à fuir la Chine pour
échapper à la répression qui s’est alors abattue sur le
pays : l’opération a été désignée du nom de code
« Opération Yellowbird » ; Hong Kong, alors encore sous
souveraineté britannique, en a été la plaque tournante,
et le consulat de France en particulier.
他很安静,与传说并不一样
(il [le bébé] était paisible, contrairement à ce que
l’on disait)
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