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Pema Tseden
万玛才旦
1969-2023
Présentation
par
Brigitte Duzan, 6 août 2015,
actualisé 8 mai 2023
Chef de
file d’un cinéma tibétain aujourd’hui en plein essor,
Pema Tseden est en outre écrivain depuis plus de
vingt ans, auteur de nouvelles dont il a publié
plusieurs recueils les seules cinq dernières années
écoulées.
L’écriture d’abord
Né en 1969, il a commencé à écrire à partir du début
des années 1990, des articles sur la culture et
l’art tibétains, et des nouvelles. Il a d’abord
écrit en tibétain et en chinois et a continué
longtemps, traduisant parfois ses récits du tibétain
en chinois, comme son ouvrage sur un grand maître du
bouddhisme tibétain publié en 2006 ou son récit
publié en 2009, « Une histoire inachevée » (《说不完的故事》).
Ses premières nouvelles écrites en tibétain ont été
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Pema Tseden
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Une histoire inachevée
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publiées à partir de la fin des années 1990 dans les
revues littéraires
tibétaines comme Lettres et arts populaires ou Light
Rain. Dans certains de ces récits, il fait des
expériences sur la structure narrative. C’est le
cas, par exemple, de « Chödron et son fils » qui
superpose plusieurs manières de conter la même
histoire : celle d’une mère et de son fils qui a été
condamné à mort pour vol, contée par un narrateur à
la première personne, et par les villageois. La
narration mêle ainsi fiction et réel, qui sont tous
deux également fictionnels, comme le souligne la
conclusion où le narrateur promet d’écrire une
version de cette histoire basée sur les faits
« réels ».
Un procédé
similaire est repris dans la nouvelle « L’interview
d’Akhu Thöpa »
,
qui nous conte une quête inaboutie, celle d’un vieil
homme qui a, dans le passé, recueilli, mis en forme
et transcrit des textes et |
des chants de la
littérature populaire et orale, et qu’un journaliste tente
de retrouver car son journal veut lui rendre hommage. La
quête restera inaboutie, car
Akhu Thöpa restera introuvable, mais elle aura permis de
recueillir des témoignages de ses proches ; ce sont
cependant autant d’informations différentes que
d’interlocuteurs, sur un personnage dont l’identité même est
brouillée par un contexte politique fluctuant qui déforme la
perception des choses.
Publiée en 1999, « Neige » est une autre expérience stylistique,
qui reprend une forme de réalisme magique semblable à celui des
nouvelles de
Tashi Dawa (扎西达娃)
.
Comme lui, Pema l’utilise comme mode critique : la nouvelle est
une satire de l’évolution de la société tibétaine sous l’emprise
du développement de l’économie marchande.
Mais certaines de ces nouvellesont été publiées dans les deux
langues, et parfois d’abord en chinois. C’est le cas de la
nouvelle « La vie en ville » publiée dans la revue tibétaine
Light Rain en 2003, qui a d’abord été publiée en chinois (chengshi
shenghuo
《城市生活》),
et rééditée en 2014 dans le recueil « Le léger battement des
pierres sacrées » (《嘛呢石,静静地敲》).
Elle décrit les tensions identitaires des Tibétains de la jeune
génération, pris entre le désir de respecter les traditions
anciennes et une vie moderne où elles n’ont plus leur place.
Le conflit tradition/modernité est illustré dans cette nouvelle
à travers la perpétuation, par un jeune couple installé en
ville, de la pratique du tsetar (ou libération de la vie)
qui consiste à libérer des animaux autrement condamnés. Pour
assurer un parfait rétablissement à leur fils qui sort de
l’hôpital, un jeune couple libère des poissons dans un parc de
la ville, sous les yeux étonnés des passants. Et eux-mêmes
finissent par avoir des doutes sur le bien-fondé de leur action,
les poissons étant destinés à être repêchés tôt ou tard…
C’est une nouvelle qui représente une transition vers une
réflexion multiforme sur la société tibétaine moderne, ses
tensions entre vie nomade et vie urbaine, vie traditionnelle et
vie moderne, et sur la place du bouddhisme dans une société de
plus en plus matérielle, comme dans le reste du monde.
Du tibétain au chinois
Son recueil de 2011, « Le rêve du baladin » (《流浪歌手的梦》),
comportait encore des nouvelles écrites à l’origine dans
les deux langues. Mais il n’écrit plus aujourd’hui que
des nouvelles en chinois : c’est tout simplement la
langue qui convient le mieux à l’expression de ce qu’il
a à dire et raconter.
Ce qui illustre peut-être le mieux l’impérieuse
nécessité de ce choix, c’est le recueil de nouvelles
traduites par moi-même et la tibétologue Françoise
Robin, recueil publié en janvier 2013 aux éditions
Philippe Picquier. Sous le titre « Neige », il regroupe
trois nouvelles traduites du tibétain, et quatre
traduites du chinois :
- Traduites
du tibétain : Neige, Hommes et chien, L’interview d’Akhu
Thöpa,
- Traduites
du chinois : Tharlo, Le neuvième homme, Les dents
d’Urgyän, Huit moutons. |
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Le rêve du baladin |
Les réflexions suggérées par ces
nouvelles, et leur
analyse comparée, éclairent un processus d’évolution assez
typique, qui est toujours actuel.
Réflexions croisées des traductrices :
http://www.chinese-shortstories.com/Actualites_77.htm
De l’expression écrite à l’expression cinématographique
Par ailleurs, Pema Tseden avait toujours considéré le champ
de l’écriture et celui du cinéma comme deux modes
d’expression totalement différents, qui ne se recoupaient
pas. A la fin du recueil publié en 2011 figure la nouvelle
« A la recherche de Drime Kunden » (《寻找智美更登》),
qu’il a écrite après avoir terminé son film « The
Search » dont elle a gardé le titre chinois – et non
l’inverse.
La légère palpitation des pierres sacrées |
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De même, le recueil de nouvelles publié en 2014, « La
légère palpitation des pierres sacrées » (《嘛呢石,静静地敲》),
fait écho, dix ans plus tard, à son premier long métrage
« Le Silence des pierres sacrées » (《静静的嘛呢石》),
comme pour en approfondir le sens, et ce dès le titre :
silence peut-être, mais habité.
Cette optique de distanciation entre l’écriture et le
cinéma est le sens des quelques lignes écrites pour la
préface du recueil, citée dans l’article ci-dessus :
l’écriture considérée comme expression d’un espace
intérieur, espace de paix à préserver dans le maelstrom
de la vie quotidienne, espace de lenteur opposé au
mouvement perpétuel dans lequel on est emporté…
Avec son film « Tharlo » (《塔洛》),
présenté en première mondiale dans la section Orizzonti
de la 72ème Biennale de Venise, en septembre
2015, |
phase créative
qu’il semble amorcer : « Tharlo » est adapté de sa nouvelle
éponyme, qui figure parmi celles traduites dans le recueil
« Neige ». C’est la première fois. L’expression
cinématographique vient s’inspirer de la création
littéraire, pour la dépasser et lui insuffler un sens plus
profond en lui conférant valeur allégorique.
Sur « Tharlo », le film, voir :
http://www.chinesemovies.com.fr/films_Pema_Tseden_Tharlo.htm
À la fin du mois de mars
2023, il a achevé le tournage d’un nouveau film, intitulé
« Un inconnu » (《陌生人》),
adapté de sa nouvelle éponyme,
dont le rôle principal est interprété par l’acteur Huang
Xuan (黃轩)…
Et soudain, le 8 mai 2023
au petit matin, on a appris
qu’il
venait soudain de nous quitter.
Recueils de nouvelles écrites en chinois
2011
《流浪歌手的梦》
(Le rêve du baladin)
2014
《嘛呢石,静静地敲》
(La
légère palpitation des pierres sacrées)
2015
《死亡的颜色》
(La couleur de la mort)
Traductions en français
-
Neige, recueil de sept nouvelles, dont trois traduites du
tibétain (par Françoise Robin) et quatre du chinois (par
Brigitte Duzan), éditions Philippe Picquier, janvier 2013.
Réédition en poche, 2016.
- J’ai écrasé un mouton 《撞死了一只羊》, recueil
de huit nouvelles traduites du chinois par Brigitte Duzan,
éd. Picquier, août 2022.
A écouter en complément
Un entretien télévisé du 29 juillet 2015 où il témoigne de
l’importance qu’a pour lui la littérature, et où il parle en
particulier … de
Jia Pingwa (贾平凹) :
http://v.qq.com/boke/page/j/0/6/j0160a393e6.html
A lire en complément
-
Translating Pema Tseden : un
colloque de trois jours à l’Université baptiste de Hong Kong
-
La couleur de
la mort 《死亡的颜色》
(texte chinois, traduction révisée partielle et synthèse des
passages non traduits)
Nouvelle publiée en chinois dans le magazine littéraire Fang
Cao, troisième numéro [mai-juin] de 2013 (芳草·文学杂志2013年第03期.
Traduction en français publiée dans le magazine Books, n°
46, en août 2013.
-
Revised
foreword to the pocket edition of Neige
-
Succès du
recueil « Neige » dans le groupe de lecture
Voix au chapitre
-
《撞死了一只羊》 « J’ai écrasé
un mouton »
Hommage à Pema Tseden à l’occasion de la journée
commémorative organisée par l’Institut des Beaux-Arts de
Chine, le 25 juin 2023 : histoire de ses traductions en
français.
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