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Translating Pema Tseden : un colloque de trois jours à l’Université baptiste de Hong Kong

par Brigitte Duzan, 7 novembre 2018

 

C’est à l’Université baptiste de Hong Kong, du 1er au 3 novembre 2018, que s’est tenu un colloque original qui a réuni autour de Pema Tseden, accompagné de deux de ses assistants, une grande partie de ses traducteurs du monde entier, du tibétain ou du chinois.

 

Animée par des critiques et professeurs tant de littérature que de cinéma des organismes et départements universitaires coorganisateurs [1], la rencontre a permis de mieux apprécier en profondeur l’œuvre tant littéraire que cinématographique de Pema Tseden, replacée dans un contexte multiculturel, en profitant de ses commentaires personnels.

 

Les trois journées étaient encadrées par deux projections de films, la journée médiane étant spécifiquement consacrée aux traductions de ses nouvelles.

 

Translating Pema Tseden

 

1ère journée : cinéma

 

Jessica Yeung annonçant

le programme des journées

 

Après le lancement des deux dernières traductions de récits de Pema Tseden, l’une un recueil traduit en coréen, par le traducteur et éditeur Lim Dae Geun 임대근 , l’autre une traduction en espagnol de « Tharlo » par Maialen Marin-Lacarta, la première journée était consacrée à un film encore inachevé du réalisateur.

 

Il s’agit d’un documentaire intitulé « Mon petit lama » (我的小喇嘛), ce petit « lama » étant le moinillon du film de 2005 « Le silence des pierres sacrées » (《静静的嘛呢石》), dont Pema Tseden a suivi l’évolution des lendemains du film de 2005 jusqu’à aujourd’hui. L’enfant n’est pas resté au monastère ; il est revenu à la vie laïque, puis s’est marié, a eu un enfant, et en même temps a repris un mode de vie ancestrale, en élevant des moutons.

 

S’il reste encore à achever et peaufiner, le documentaire se présente déjà comme un superbe condensé de la vie dans les zones encore très reculées de l’Amdo, des difficultés à y trouver de quoi faire vivre une famille et y définir son identité en préservant sa langue, élément identitaire spécifique sur lequel le réalisateur met un accent particulier, d’autant plus significatif dans le cadre de ce colloque.

 

2ème journée : traduction

 

Cette journée était placée d’emblée sous le signe de la diversité, de langue et de culture : il s’agissait de traiter de la traduction au sens le plus large, dans ses divers aspects non seulement de passage d’une langue à l’autre, mais aussi et peut-être surtout de passage d’une culture à une autre, et d’un mode d’expression à un autre, de l’écriture littéraire à l’écriture cinématographique, autant d’interprétations et recréations qui sont aussi des modes de traduction.

 

My Little Lama

  

Les deux traductrices françaises en dialogue avec Pema Tseden

 

Représentatif de l’esprit de ces rencontres était le motto placé en exergue du programme : Thou art changed ! Une exclamation tirée d’un dialogue du « Songe d’une nuit d’été » (A Midsummer Night’s Dream) de

Shakespeare [2] qui résumait avec humour la problématique de toute traduction : le désir de « fidélité » au texte d’origine et l’horreur de le voir finalement défiguré….

 

Dans la première partie du programme, la traduction des nouvelles de Pema Tseden dans différentes langues était présentée par les traducteurs présents :

- Brigitte Duzan et Françoise Robin pour la traduction en français, la première du chinois, la seconde du tibétain, leur recueil commun, « Neige » publié chez Philippe Picquier en janvier 2013, faisant figure de précurseur ;

- Maialen Marin-Lacarta pour la traduction en espagnol de « Tharlo », parue en numérique :

- Lim Dae Geun 임대근 pour sa traduction et publication en coréen du recueil de 2014 « Pierres sacrées, silencieusement ciselées » (《嘛呢石,静静地敲》).

 

Le traducteur coréen et la traductrice espagnole

 

Les thèmes abordés portaient sur la difficulté de rendre la tonalité et le rythme de la langue d’origine, tout en cherchant à transmettre dans la langue cible le maximum de sens implicite dans des termes et expressions connotant une culture, des modes de vie et de pensée étrangers aux lecteurs des traductions.

 

Pema Tseden ouvrant les débats

 

La seconde partie de la journée, scandée par les échanges entre les participants et les commentaires de Pema Tseden en réaction aux différents propos, n’était plus centrée sur la traduction en tant que processus de passage d’une langue à l’autre, mais plutôt sur sa réception et son interprétation, le tibétologue Robbie Barnett traitant de la réception « politique » de l’œuvre de Pema Tseden, et les professeurs Kwai-cheung Lo et Jessica Yeung abordant respectivement la traduction en termes culturels, et en termes de passage de l’écran à la page écrite.

 

La suite du programme, le troisième jour, semblait venir en écho à ses propos.

 

3ème journée : cinéma

 

La troisième et dernière journée était en effet consacrée au dernier film de Pema Tseden, lauréat du prix du meilleur scénario à la dernière Biennale de Venise : « Jinpa » (撞死了一只羊), adapté de deux nouvelles, l’une de Pema Tseden lui-même, l’autre de Tsering Norbu, le titre chinois du film reprenant celui de sa propre nouvelle, « J’ai écrasé un mouton ». C’est donc un film qui, en tant qu’adaptation, est un parfait exemple du processus de « traduction » d’un mode d’écriture à un autre, et même d’une langue à une autre puisque les deux nouvelles

 

Jinpa, la beauté du titre au générique

étaient écrites en chinois tandis que le film est en dialecte tibétain.

 

Œuvre complexe, déroulant autant d’images subtiles que de sous-texte allusif, le film a fait l’objet, après sa projection, d’une discussion animée, reprise et approfondie par Pema Tseden qui a fourni quelques clefs de décryptage.

 

Et bientôt les actes du colloque

 

Au terme de ces trois journées, l’impression était celle d’un foisonnement d’idées méritant d’être préservées dans toute leur richesse. Ce sera l’objet d’une publication ultérieure.


 

 


[1] Initié par le Steering Committee for Contemporary Chinese Cultures and the Anthropocene Research Consortium, et coorganisé par le Centre de traduction, le Département des sciences humaines et d’écriture créative, ainsi que le Programme de culture littéraire de l’université. Il convient de particulièrement remercier et féliciter les maîtres d’œuvres de ces journées réglées de main de maître : Jessica Yeung et son équipe.

[2] Acte trois, scène 1. L’exclamation est provoquée par l’apparition de Bottom portant une tête d’âne.

 

 

 

     

   

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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