Sortie
du 8ème numéro de Chutzpah /Tian Nan : à la
découverte d’auteurs et de nouvelles
par Brigitte Duzan, 21 juin 2012
Chutzpah/Tian Nan (《天南》),
le magazine littéraire lancé par
Ou Ning (欧宁)
le 1er avril 2011 a désormais plus d’un an
d’existence. Le numéro 8 vient de sortir, le 20 juin.
Tian Nan a
brillamment survécu aux concurrents, tous ces
nouveaux
magazines littéraires
lancés à peu près en même temps, dont le
magazine d’Annie Baobei (安妮宝贝)
qui a disparu début décembre 2011 et même
celui de Han Han (韩寒)
qui l’avait précédé.
La formule de
Tian Nan a été subtilement pensée, par le génie
protéiforme de son auteur,
Ou Ning (欧宁).
Le thème de chaque numéro est illustré par diverses
plumes, dont des auteurs étrangers qui ouvrent le
discours sur l’extérieur, et sur des croisements
culturels enrichissants. Quant aux nouvelles chinoises
publiées, une partie |
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Tian Nan numéro 8 |
–
voire la
totalité - est traduite en anglais, et les traductions
regroupées dans un supplément à part. De plus, beaucoup de ces
nouvelles, en chinois et dans leur traduction en anglais, sont
maintenant mises en ligne quelques mois après leur parution.
Tian Nan numéro 5 |
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Outre l’intérêt
même des textes traitant du thème choisi, Tian Nan est
ainsi devenu une véritable mine pour découvrir le
meilleur de la littérature chinoise actuelle, triée sur
le volet : une littérature jeune et vibrante, décapante
sans être forcément offensive, une littérature hors
cadre officiel, mais bien au-delà des « dissidents » ou
des « interdits » auxquels se limitent trop souvent
l’intérêt des éditeurs occidentaux, comme si
l’interdiction était garante de qualité.
Il s’agit en
outre d’une littérature considérée sous l’angle de la
forme courte : c’est la nouvelle qui est privilégiée.
C’est évidemment parce que c’est la forme qui se prête
le mieux à l’édition en magazine, mais aussi parce que
c’est stylistiquement la plus intéressante, joignant la
même exigence sur le fond et sur la forme.
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Partant de l’exemple britannique que l’on peut cependant étendre
à la France, la traductrice britannique Julia Lovell insistait
récemment sur ce point en soulignant une raison supplémentaire
de l’importance de la nouvelle dans le paysage littéraire de la
Chine d’aujourd’hui :
« Bien
que les éditeurs britanniques semblent avoir une prédilection
obsessionnelle pour le roman, ce sont les récits courts qui
illustrent bien mieux les talents des écrivains chinois. A
l’heure actuelle, la Chine n’est pas le genre d’endroit où les
écrivains se sentent encouragés à se consacrer pleinement au
développement du roman. Les auteurs font peu de révisions, les
éditeurs peu de relecture... La nouvelle est la forme littéraire
idéale pour un pays qui souffre d’un syndrome aigu de déficit
d’attention : elle est suffisamment longue pour saisir un
fragment significatif de cette nation déconcertante, mais (le
plus souvent) suffisamment brève pour empêcher les auteurs de
tomber dans le ressort mélodramatique ou la description
laborieuse. Pour comprendre comment, en Chine, les esprits
littéraires décryptent leur pays, le mieux est donc de lire
leurs nouvelles, pas leurs romans. »
Elle écrivait justement cet article pour souligner l’importance
d’une publication comme Tian Nan (1).
Nous en étions restés au
numéro 4. Depuis lors,
trois nouveaux numéros sont parus, plus le huitième
aujourd’hui :
-
Numéro 5 (décembre
2011) : La diaspora《离散之味》
Sommaire :
www.chutzpahmagazine.com.cn/CnNewDetails.aspx?id=198&type=wq
-
Numéro 6 (février 2012)
: Les révolutions
《革命》
Sommaire :
www.chutzpahmagazine.com.cn/CnNewDetails.aspx?id=224&type=wq
-
Numéro 7 (avril 2012) :
Enigmes policières / Uncrackable Cases
《谜案》
Sommaire :
www.chutzpahmagazine.com.cn/CnNewDetails.aspx?id=245&type=wq
-
Numéro 8 (juin 2012) :
Femmes Fatales
《致命的女人》
Sommaire :
www.chutzpahmagazine.com.cn/CnNewDetails.aspx?id=244
Le
dernier numéro comporte une nouvelle d’un auteur que nous avons
déjà présenté sur ce site :
Xu
Zechen (徐则臣) :
« Une brève histoire du temps » (《时间简史》).
Elle a
été traduite par Eric Abrahamsen, mais la traduction n’est pas
encore en ligne.
En
revanche, les nouvelles du numéro 5 (La diaspora《离散之味》)
sont en ligne, avec leurs traductions :
1.
Yan Ge (颜歌) :
Papa n’est pas mort《爸爸没有死》
www.chutzpahmagazine.com.cn/CnMagazineTextDetails.aspx?id=120
Traduction en
anglais : Dad is not dead
http://en.chutzpahmagazine.com.cn/EnMagazineTextDetails.aspx?id=74
2.
Ha Jin (哈金)
: Un plan de retraite
《养老计划》
www.chutzpahmagazine.com.cn/CnMagazineTextDetails.aspx?id=123
Traduction en anglais : A Pension Plan
http://en.chutzpahmagazine.com.cn/EnMagazineTextDetails.aspx?id=75
3.
Guo Xiaolu (郭小橹) : Image de Sakhaline《想象库页岛》
www.chutzpahmagazine.com.cn/CnMagazineTextDetails.aspx?id=122
Traduction en anglais : A Soul in Sakhalin
http://en.chutzpahmagazine.com.cn/EnMagazineTextDetails.aspx?id=76
4.
Li-Young Lee (李立扬):
La graine ailée《带翼的种子》
www.chutzpahmagazine.com.cn/CnMagazineTextDetails.aspx?id=121
Traduction en
anglais : The Winged Seed
http://en.chutzpahmagazine.com.cn/EnMagazineTextDetails.aspx?id=77
Il
y a par ailleurs dans ce numéro un texte intéressant de la
romancière Amy Tan (谭恩美) :
« La langue maternelle » (《母语》)
qui n’a
pas été traduit, mais mérite de l’être.
Tous ces auteurs vont faire l’objet d’une présentation sur
chinese shortstories dans les semaines qui viennent, nous
laissant guider par Tian Nan pour partir à la découverte d’un
pan stimulant de la littérature chinoise contemporaine.
Note
(1) The Key to
China, Prospect, 22 février 2012.
Ma traduction pour
l’extrait cité.
Julia Lovell fait partie de l’équipe qui traduit les nouvelles
publiées dans Tian Nan.
Elle faisait dans cet article une analyse comparée de deux
magazines qui publient des traductions en anglais de nouvelles
chinoises : Tian Nan et Pathway, publication officielle sur
laquelle nous reviendrons.
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