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Sortie du numéro 3
de la revue Jentayu : un florilège de dieux et démons
par
Brigitte Duzan, 1er février 2016
C’est un
parcours à la rencontre des esprits et fantômes de la
littérature asiatique que nous propose la revue
littéraire Jentayu dans son troisième numéro (hiver
2015-2016).
Revue couvrant la littérature asiatique au sens large,
elle offre dans ce numéro trois textes traduits du
chinois, sur les quatorze du sommaire, qui vont du Népal
à l’Indonésie et la Malaisie en passant par la Birmanie,
le Laos et la Thaïlande.
Mais les trois
récits « chinois » sont eux-mêmes très divers, allant du
classique à la science-fiction et de la Chine
continentale à Taiwan
.
La nouvelle qui ouvre la revue est de
Su Tong (苏童) :
« Le génie des eaux » (《水鬼》),
une nouvelle parue dans un recueil de 2004.
C’est une rêverie poétique à la manière subtile de
Su Tong, à |
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Jentayu, n° 3 |
la frontière floue entre réalité et songe éveillé. L’auteur
évoque un fantasme né dans l’esprit d’une petite fille : un
esprit des eaux qui vient meubler l’ennui de ses journées
d’enfant solitaire, mais qui n’est peut-être pas un fantasme,
puisqu’il lui a laissé, un soir, une fleur de lotus rouge…
La seconde nouvelle traduite du chinois (p. 43) est une nouvelle
de science-fiction, et d’un auteur féminin, ce qui n’est pas
courant dans ce domaine, en Chine ou ailleurs : « La parade
nocturne des fantômes » (《百鬼夜行街》)
de
Xia
Jia (夏笳),
parue en 2010.
On est là dans un genre de science-fiction très « soft », une
science-fiction qui puise dans des sources littéraires
classiques aussi bien que dans la culture populaire. Le titre
fait référence à une croyance populaire japonaise, tandis que
l’histoire du petit garçon au centre du récit évoque un
conte fantastique de Pu Songling (蒲松龄),
« Nie Xiaoqian » (《聂小倩》).
C’est l’une des meilleures nouvelles de
Xia Jia.
Présentation par le traducteur :
http://editions-jentayu.fr/numero-3/xia-jia-parade-nocturne-cent-fantomes/
Le troisième texte traduit du chinois (p. 157) est de la
romancière taïwanaise
Li Ang
(李昂) :
« Le fantôme de la mangrove » (《林投丛的鬼》),
tiré d’un recueil paru en 2004 intitulé « Les fantômes
visibles » (《看得见的鬼》).
On connaît surtout
Li Ang pour ses textes
coup-de-poing, en faveur de la cause féminine en particulier. Ce
texte-ci ressort de sa veine poétique, et de sa quête
identitaire, à la recherche d’un passé enfoui dans les limbes de
sa petite ville natale, dont elle a fait la série des
« Histoires de Lucheng » (《鹿城故事》),
commencée en 1973. C’est à la fois l’évocation de l’histoire des
lieux, cette mangrove envahissante à la frontière mouvante entre
fleuve et océan, et celle des fantômes qui l’habitent.
Présentation par la traductrice :
http://editions-jentayu.fr/numero-3/li-ang-fantome-de-la-mangrove/
Ce qui est frappant, dans ce nouveau numéro de Jentayu,
peut-être plus que dans les précédents, c’est l’unité des
pensées et croyances évoquées, dans une ère géographique
pourtant très vaste. Le fantôme de la mangrove est proche du
génie des eaux de
Su Tong, le mythe de Chang’e
revisité par Zen Cho (représentante des lettres malaises vivant
à Londres, p. 31) est traité d’une manière proche de
l’imaginaire de
Xia Jia, le Vieux ficus de
Shoim Anwar (Indonésie, p. 21) pourrait figurer parmi les arbres
de la mangrove de
Li Ang, et la Vieille (p. 115),
bien que thaï, ressemble à une foule de ses consœurs chinoises…
On a vraiment l’impression d’un corpus de croyances et
traditions populaires qui se ressemblent et se répondent,
au-delà des frontières et des divisions imposées par la
géographie, l’histoire, la politique ou la religion.
Présentation du numéro
http://editions-jentayu.fr/numero-3/terres-de-spiritualite/
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