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Li Liuyi
李六乙
Présentation
par
Brigitte Duzan, 18 juin 2015, actualisé 27 mars 2019
Li Liuyi est l’un des grands dramaturges et metteurs en
scène contemporains chinois. L’une de ses particularités
est de revisiter les grandes œuvres du passé – mythes
grecs, épopée tibétaine, chuanqi, opéras
traditionnelset romans classiques chinois- en mêlant
dans ses mises en scènes tradition chinoise et
influences occidentales.
Sa dernière création est une adaptation pour la scène du
film mythique de Fei Mu (费穆)
« Printemps dans une petite ville » (《小城之春》).
Vers un théâtre universel
Nourri d’opéra
Li Liuyi (李六乙)
est né en 1962 à Chengdu, dans le Sichuan, |
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Li Liuyi |
dans une famille d’acteurs d’opéra. Il a donc passé son enfance,
pendant la Révolution culturelle, dans l’atmosphère très
particulière des troupes d’opéra de l’époque : ses souvenirs les
plus marquants des années 1970 sont des représentations de
yangbanxi (样板戏)
– ou "opéras modèles" – et en particulier son favori, « La
Légende de la lanterne rouge » (《红灯记》).
Il est fasciné par la magie et la poésie de la scène.
En 1982, il quitte son Chengdu natal pour entrer à l’Institut
central d’art dramatique de Pékin.
Retour au théâtre comme art pur
Dans les yangbanxi, c’est la politique qui est le sujet
essentiel des pièces ; cela étouffait toute créativité
artistique en enfermant l’expression dans un carcan de règles
figées. Le théâtre était devenu vecteur idéologique et outil au
service du pouvoir. Li Liuyi a voulu revenir à un théâtre
revisitant les grandes œuvres littéraires mondiales, et la
pensée profonde qu’elles reflètent, un théâtre, en même temps,
en prise sur la société, traduisant ses doutes, ses craintes,
ses aspirations, un théâtre proche de l’homme.
Il est parti de la pensée chinoise, de son esthétique et de sa
conception spécifique du temps et de l’espace, en y ajoutant une
nuance de la sensibilité occidentale envers la nature et les
valeurs humaines, afin d’atteindre un langage transcendant les
clivages nationaux.
Brecht pour commencer
Il est significatif que sa première mise en scène, en 1987, ait
été une adaptation de la pièce de 1938 de Bertolt Brecht « La
Bonne Âme du Se-Tchouan » (《四川好人》).
La pièce est une critique de la religion, du capitalisme et des
valeurs des Lumières, mais située dans la province du Sichuan,
comme lieu symbolique de l’exploitation des hommes par
d’autres : distanciation spatiale et temporelle.
C’est en même temps un modèle formel, représentatif du théâtre
épique de Brecht, avec intervention de personnages extérieur à
l’action pour l’expliquer aux spectateurs, autre distanciation,
formelle celle-là, qui rappelle le chœur du théâtre antique. Li
Liuyi y a rajouté sa griffe : il l’a traitée en opéra du
Sichuan.
Cette première mise en scène est une sorte de manifeste
artistique et esthétique. Li Liuyia
ensuite passé huit ans à faire des recherches sur l’opéra
traditionnel chinois à l’Institut de recherche sur l’opéra
chinois de l’Académie nationale des Arts.
Il a peu à peu affiné ses conceptions théâtrales pour en faire
une véritable méthodologie, qui puise aux sources du théâtre
grec autant qu’à celle du théâtre traditionnel chinois. Mais,
sur cette base conceptuelle, chacune de ses créations est une
expérimentation nouvelle : il renouvelle constamment son
inspiration thématique et son esthétique formelle.
Grandes mises en scène
Le pavillon aux pivoines,
Ballet national de Chine |
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Li Liuyi est aujourd’hui directeur du Théâtre des arts
du peuple, à Pékin (北京人民艺术剧院).
Il a plus d’une soixantaine de mises en scène à son
actif, qui couvrent les formes théâtrales les plus
diverses, théâtre parlé huaju et théâtre chanté :
mises en scène d’opéras traditionnels chinois dans leurs
diverses déclinaisons régionales, et même adaptés en
ballets,
et adaptations pour la scène des grandes œuvres de la
littérature chinoise et mondiale qui sont ses grandes
réussites de ces dernières années.
Mises en scène de ses propres pièces
Li Liuyi est l’auteur de courtes pièces de théâtre
huaju dans un style expérimental qui rappelle le
théâtre de l’absurde de Beckett, Ionesco ou Harold
Pinter – en particulier une pièce traduite par
Pascale Wei-Guinot
et publiée en France en 2004 : |
« Extrêmement mah-jong » (《非常麻将》)
est une pièce en un acte/une scène écrite en août 1998
et créée en février 2000 qui dépeint trois personnages
partenaires de mahjong, en attendant un quatrième qui
n’arrive pas ; dans l’attente, ils évoquent leur
souvenirs d’un passé mystérieux, et tentent de découvrir
ce que cachent les autres. Plane l’incertitude du
lendemain, dans une époque de transition, et celle des
raisons du retard de l’absent. Chacun semble aspirer
surtout à fuir la réalité.
C’est aussi bien une époque de transition pour
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Hua Mulan |
Li Liuyi qui s’oriente ensuite vers une recherche aux sources du
théâtre, dans une vision humaniste qui s’efforce de plus en plus
de lier tradition chinoise et esthétique occidentale.
La trilogie des héroïnes
Liang Hongyu |
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Au début des années 2000, il a entrepris la mise en
scène d’une « trilogie des héroïnes » (女性三部曲),
trois pièces basées sur des personnages féminins
légendaires qui ont inspiré nombre d’opéras et de films
:
Hua Mulan (花木兰),
Mu Guiying (穆桂英),
et Liang Hongyu (梁红玉).
Si la première est très connue, les deux autres le sont
peut-être moins : Mu Guiying est l’héroïne de la famille
des |
généraux Yang (杨家将),
indéfectibles
soutiens de la dynastie des Song, et Liang Hongyuune autre
femme
général de la même dynastie.
Les grands classiques
Au début des années 2010, Li Liuyi a mis en scène toute
une série d’adaptations de grands classiques de la
littérature chinoise, en commençant par « Ma vie » (《我这一辈子》)
d’après la nouvelle de
Lao She (老舍)
et « La forteresse assiégée » (《围城》)
d’après le roman de
Qian Zhongshu (钱钟书).
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L’homme de Pékin |
Famille, avec Zhu Xu |
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Pour le centième anniversaire de la naissance de Cao Yu
(曹禺),
en septembre 2010, il met en scène la
cinquième de ses pièces, « L’homme de Pékin » (《北京人》),
et, en juillet 2011, sa pièce
« Famille » (《家》)
d’après le roman de
Ba Jin (巴金),
avec, dans l’un des rôles principaux, Xhu Xu (朱旭),
le « roi des masques » de Wu Tianming (吴天明). |
Savage Land |
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En décembre 2010, Li Liuyi adapte en opéra de Pékin le
célèbre roman de
Zhang Ailing (张爱玲)
« La Cangue d’or » (《金锁记》)
qui avait déjà fait l’objet d’une adaptation en opéra en
2008,
par la compagnie Guoguang de Taiwan (国立国光剧团).
En octobre 2012, il crée « The
Savage Land » (《原野》),
un opéra en chinois, mais de style occidental,
sur un livret adapté par la fille de Cao Yu,
Wan Fang (万方),
de la pièce éponyme écrite en 1937 par le dramaturge :
une sorte d’opéra vériste se déroulant dans la Chine des
années 1920, qui a suscité de vives controverses.
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En 2012, Li Liuyi lance un projet de double trilogie qui
représente l’essence de ses conceptions en matière de
théâtre et qu’il a intitulée
“Li Liuyi • China Made” ;
il est pour cela remonté aux sources du théâtre :
tragédie grecque avec la trilogie « Antigone »,
« Œdipe-roi » et « Prométhée », et épopée populaire avec
la trilogie fondée sur le poème épique tibétain « Le Roi
Gesar ». Un théâtre résolument transnational, visant à
l’universel. |
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Antigone |
Oedipe-Roi, Centre national des arts du
spectacle, Pékin avril 2013 |
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Entre-temps, en mai 2011, il a produit une pièce de
théâtre adaptée du roman écrit en 1996 par
Shi Tiesheng (史铁生) :
« Notes on Principles » (wuxubiji《务虚笔记》) ;
c’est une quête de soi et une réflexion sur la vie par
cinq personnages désignés par des lettres de l’alphabet,
qui discutent sur la souffrance, les rêves et la
réalité.
La pièce, « Impressions of Love » (《爱情的印象》),
a été
écrite et mise en scène par Li Jianming (李健鸣),
avec, dans le rôle principal féminin, |
l’actrice Zhou Yun (周韵)
dont c’est une remarquable incursion hors du cinéma.
Avec les mises en scènes de Li Liuyi, on a l’impression de
feuilleter un manuel de littérature en revisitant les grandes
œuvres, les poèmes épiques et les légendes. Mais récemment,
début 2015, il a investi aussi le domaine du cinéma et de ses
mythes propres.
Printemps dans une petite ville
Sa plus récente mise en scène est en effet une
adaptation qu’il rêvait de faire depuis longtemps du
film mythique de Fei Mu (费穆)
sorti en 1948 : « Printemps dans une petite ville »
(《小城之春》)
.
C’est grâce à la fille du réalisateur, la cantatrice
Barbara Fei (费明仪),
qu’il a |
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Printemps dans une petite ville, mise en
scène Li Liuyi |
pu réaliser son rêve ; elle lui a effet confié les archives de
son père concernant le film, et en particulier
Li Liuyi (2ème à partir de la g.) avec
Barbara Fei
à sa gauche, encadrés par les acteurs Lei
Jia
et Han Qing (à g. et à dr.), et l’actrice
Lu Fang |
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le scénario de Li Tianji (李天济)
adapté d’une courte pièce de théâtre de lui.
La pièce de Li Liuyi a été créée le 10 avril 2015 au
Grand Théâtre du Centre culturel de Hong Kong (香港文化中心大剧院),
comme un hommage au réalisateur :
“A Tribute to Mr. Fei Mu – The Small Town Revisited”….
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La Maison de thé
En 2017, Li Liuyi a
mis en scène la célèbre pièce de
Lao
She (老舍)
« La Maison de thé » (Chaguan
《茶馆》) et
pour la première fois un metteur en scène du Théâtre des arts du
peuple de Pékin a monté la pièce en collaboration avec un autre
théâtre, en l’occurrence le Théâtre des arts du peuple du
Sichuan (四川人民艺术剧院).
Lui-même originaire de Chengdu, Li Liuyi a pour l’occasion
traduit la pièce en dialecte du Sichuan.
Détails sur la mise en
scène, avec vidéos du spectacle :
http://u.osu.edu/mclc/online-series/ammirati/
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