Brève histoire de
la littérature chinoise pour la jeunesse
II. La littérature
chinoise pour la jeunesse 1949-1976
par Brigitte Duzan, 21 juin 2017
« Il n’existe en Chine aucune solution de continuité entre la
littérature des enfants, celle des adolescents et celle des
adultes. Branchées toutes trois sur le tronc de l’idéologie
officielle, nourries de la même sève, elles se ressemblent : la
Chine traite les enfants comme des hommes, et les hommes comme
des enfants. Connaître la littérature enfantine, c’est donc en
quelque manière connaître toutes les formes de l’activité
littéraire. Par là-même, le sujet gagne en intérêt, pour les
spécialistes de la Chine, ce qu’il perd en curiosité pour ceux
de la littérature enfantine. La déception de ces derniers
pourrait aller jusqu’à nier qu’il existe en Chine une
littérature enfantine digne de ce nom. Il suffira de leur
répondre d’un geste, comme Diogène à Zénon : qu’ils considèrent
… ces étalages de librairies assaillis de jeunes lecteurs qui,
les premiers peut-être dans l’histoire de leur famille,
éprouvent la fierté de savoir lire. Leur ferveur a souvent
frappé les photographes. Il vaut la peine de se pencher sur les
livres … qu’ils lisent si assidûment. »
Jean-Pierre
Diény, Le monde est à vous, avant-propos
La littérature chinoise pour la jeunesse se
distingue parce que l’enfance, en Chine, n’est pas
un monde à part, et encore moins dans la Chine de
Mao. Les histoires y sont simples, il y a peu de
contes de fées, peu d’histoires fantastiques.
Beaucoup sont éditées sous la forme de petits livres
illustrés dits
lianhuanhua
(连环画),
souvent liés à des dessins animés, pour lesquels les
années 1950, jusqu’au Grand Bond en avant, sont un
âge d’or ; mais on a parfois du mal à distinguer le
livre pour enfants du livre pour adultes, tout
simplement parce que la distinction n’existe pas, ou
du moins qu’elle n’est pas formalisée.
La tâche de la littérature pour enfants est
essentiellement éducative. Mais, dans ce contexte,
on peut noter une évolution thématique importante à
partir de 1950, qui va dans le sens d’un formatage
et d’un schématisme croissants, en lien avec le
durcissement idéologique qu’imposent les grands
mouvements politiques de la période, et surtout le
Grand Bond en avant : il faut insuffler chez les
enfants,
Le monde est à vous, la Chine
et les livres pour enfants
comme chez les adultes, un enthousiasme révolutionnaire
permettant de faire des miracles. L’embrigadement croissant
de la société se reflète aussi dans les livres pour enfants.
Vu le rôle qu’a joué la jeunesse chinoise dans le lancement de
la Révolution culturelle (sinon dans sa poursuite), la
littérature que ces jeunes ont lue prend une importance, et une
signification spéciales.
A/ Les années 1950
Le long voyage de la petite
hirondelle, rééd. 2004
Le secret de la calebasse magique
Les sujets des livres chinois pour enfants ont
nettement évolué du début des années 1950 à la
première moitié des années 1960. Dans les premières
années de la République populaire, les thèmes
dominants concernent la vie quotidienne des
enfants ; ce sont de courtes nouvelles qui racontent
la vie à la famille ou à l’école, et celle des
animaux familiers : « Le long voyage de la petite
hirondelle » (《小燕子万里飞行记》),
publié en 1950, « Notre mère campagnarde » (《我们的土壤妈妈》)
en 1951, ou encore « Petite sœur va à l’école » (《妹妹入学》)
[1]
sont des classiques de la littérature enfantine,
encore édités aujourd’hui.
Quelques auteurs s’efforcent de faire renaître le
conte pour enfant. C’est le cas de
Zhang Tianyi (张天翼)
et de son conte « Le secret de la calebasse
magique » (《宝葫芦的秘密》),
publié en mars1958
[2].
Adapté en lianhuanhua
en 1962, avec des illustrations de la dessinatrice de
Tianjin Zhang Luan (张鸾),
puis au cinéma une première fois en 1963
[3],
le conte a continué à connaître un grand succès.
Mais le contexte politique (mouvement antidroitier et lancement
du Grand Bond en avant) entraîne un changement de thématique.
Même les auteurs qui avaient défendu le conte auparavant - comme
He Yi (贺宜),
par exemple - finissent par se ranger au courant dominant à
partir de la fin des années 1950 et se mettent à écrire des
histoires sur la lutte révolutionnaire et l’héroïsme en
proposant aux enfants des modèles de valeur morale et de
courage. Un slogan résume l’idée directrice :
古人动物漫天飞,可怜寂寞工农兵
Les cieux sont pleins d’anciens et d’animaux
Mais vides d’ouvriers, paysans et soldats.
Il faut donc leur donner voix. C’est une nouvelle littérature
pour enfants qui naît ainsi en doublant celle pour adultes,
dédiée aux oubliés de l’histoire, et en particulier aux héros de
l’enfance dont les aventures sont empruntées aux événements
récents : la guerre de résistance contre le Japon.
Hérités du
mouvement du 4 mai,
les contes et légendes sont courants jusqu’en 1956.
Ce sont souvent des récits amusants, des petites
comédies où la ruse du faible vient à bout de la
bêtise du plus fort. Ce sont souvent des contes de
nationalités tibétaines, mongoles ou autres, avec
une touche d’exotisme. Il y a même une comédie
musicale, publiée en 1954 par Qiao Yu (乔羽)
qui disait avoir reconstitué cette légende que sa
mère lui avait contée : l’histoire de trois sœurs,
« Les sœurs du verger » (《果园姐妹》),
qui réussissent à venir à bout du loup grâce à une
pêche, une châtaigne et un kaki surnaturels.
D’autres détournent la morale de l’histoire en la
rendant conforme aux dogmes en vigueur, la lutte
contre la féodalité ou la lutte des classes. De
toute façon, ils essuient un tir de barrage. En
1960, comme pour en terminer, les idées de l’auteur
de contes réputé Chen
Bochui (陈伯吹),
également historien et traducteur de la littérature
pour la jeunesse, sont prises sous le feu d’attaques
virulentes, et en particulier
Propos sur la littérature
pour enfants de Chen Bochui
son ouvrage fondamental, « Propos sur la littérature pour
enfants » (《儿童文学简论》),
d’abord publié dans une version courte en 1956, puis réédité
en 1959 dans une version révisée et complétée, en vingt
articles, dont un sur les contes : « Exploration des contes
de fées » (《试探童话》).
Pour cette dernière édition, cependant, il a été obligé
d’ajouter le romantisme révolutionnaire à la gamme des styles
qu’il préconisait pour assurer le caractère réaliste de récits
adaptés de la vie réelle. Sa vision des contes pour enfants,
héritière de celle de Lu Xun
et de ses proches, était fondée sur un imaginaire posant comme
principe de base qu’il existe un monde de l’enfance distinct de
celui des adultes, avec des phases de développement spécifiques,
et sur un style réaliste sans rapport avec le romantisme
révolutionnaire qui servait avant tout la cause de la lutte des
classes. Ses vues furent finalement taxées de révisionnisme, le
conte devenant un genre jugé subversif.
Le petit soldat Zhang
Ga
Avec le mouvement antidroitier s’amorce une ligne
idéologique centrée sur la lutte des classes comme
était centré sur la lutte des classes, et non sur la
psychologie de l’enfant, l’ensemble du système
éducatif. Considérant les enfants comme des « jeunes
adultes », cette idéologie va freiner le
développement de la littérature pour les jeunes en
prônant des modèles-types éloignés de la vie réelle,
bien que fondés au départ sur des faits avérés.
L’exemple-type est « Le petit soldat Zhang Ga »
(《小兵张嘎》),
de Xu Guangyao (徐光耀),
publié en 1961. L’histoire se passe en 1944, quand le
petit orphelin Zhang Ga est recueilli par des
soldats de la 8ème armée de route. Le
récit a été adapté de nombreuses fois, en
lianhuanhua, à la télévision et au cinéma. La
première adaptation cinématographique
date de 1963, et le film, réalisé par Cui Wei (崔嵬)
au studio de Pékin, est devenu aussi emblématique que le
récit
[4].
Zhang Ga est le type du jeune soldat vif et
sympathique qui combat contre l’envahisseur japonais
avec l’armée communiste en bravant le danger, à la
manière du jeune Haiwa (海娃)
de l’autre grand classique du genre, « La lettre
à plume » (《鸡毛信》),
réalisé par Shi Hui (石挥)
en 1954, sur un scénario du dramaturge et
réalisateur Zhang Junxiang (张骏祥)
[5].
Les deux enfants sont des modèles de patriotisme et
d’enthousiasme qui deviennent courants dans la
littérature pour la jeunesse après le Grand Bond en
avant et la Grande Famine, à un moment où il s’agit
de
La lettre à plume, lianhuanhua
réinsuffler un
idéal révolutionnaire dans la population, en commençant par
les enfants.
B/ Première moitié des années 1960
A
ce stade du développement de la littérature chinoise pour les
jeunes, deux études permettent d’approfondir l’analyse pour les
années qui suivent, jusqu’à la Révolution culturelle : l’une de
Mao Dun, l’autre du sinologue français Jean-Pierre Diény
[6].
Poursuivant son étude de la littérature pour la jeunesse
commencée dans les années 1930, Mao
Dun (茅盾)
a réalisé en 1960 une étude sur les publications pour enfants
(livres et journaux) éditées cette année-là par deux des
principales maisons d’édition pour la jeunesse
[7].
Sur les quelque 90 récits qu’il a étudiés, la plupart sont
inspirés d’histoires vraies, dont le genre d’aventures de jeunes
héros dont il vient d’être question. Il se plaint de la rigidité
des modèles, du manque de réalisme des récits, de leur distance
de la vie réelle ; ses conclusions pèseront certainement dans
son dossier, il est en sursis.
Par
ailleurs, publié en 1971, l’ouvrage de Jean-Pierre
Diény «Le monde est à vous, la Chine et les
livres pour enfants » poursuit l’analyse sur
1964-1966 en arrivant à des conclusions semblables
[8].
Son analyse est fondée sur quelque 180 livres
achetés entre 1964 et 1966, » au hasard des
étalages, et sans aucun souci d’inventaire
systématique ». Une liste de 173 titres figure en
annexe de l’ouvrage, avec des dates de publication
s’échelonnant pour la grande majorité entre 1962 et
1965/6. On sait que librairies et maisons d’édition
ont fermé en août 1966 ; ils représentent donc un
tableau précieux de la littérature pour enfants à la
veille de la Révolution culturelle.
Plus que jamais, dans cette période, les livres pour
enfants doivent remplir une importante tâche
d’éducation, « [en secondant] les maîtres, moniteurs
et assistants qui encadrent la jeunesse. », et en
particulier deux fonctions qui sont assez générales
partout : vulgarisation du savoir et formation du
sens moral. Mais il n’y a pas de solution de
continuité avec les autres formes de propagande et
d’embrigadement des esprits destinées aux adultes,
si bien que les schémas narratifs pourraient aussi
bien s’appliquer ailleurs, et c’est l’un des
intérêts de l’étude de ces petits livres.
1.
Vulgarisation et éducation
Dans une première catégorie tombent des livres
proposant détente et instruction, comme ce
manuel datant de la guerre et réédité à Lanzhou en
1964, s’inspirant du Classique des trois caractères
(《三字经》)
[9] :
le « Livre des trois caractères pour enfants » (《儿童三字经》),
toujours réédité.
Mais il y a aussi des jeux sous forme de devinettes
(mí
谜)
en rythmes chantés ou scandés, proposant au jeune
lecteur de chercher le nom d’un animal, d’une
plante, d’un objet dont le dessin aide à trouver la
solution. Ainsi « Regarde, réfléchis, réponds », (《看看想想说说》),
publié en avril 1954 sous forme de lianhuanhua
(连环画/小人书),
avec titre en caractères et transcription pinyin.
Il y a beaucoup d’histoires d’animaux,comme
des fables, avec le même aspect moralisant - par
exemple l’histoire de « La petite abeille qui
voulait apprendre à chanter » (《小蜜蜂学唱歌》),
publiée en mars 1965, avec certains caractères
difficiles transcrits en pinyin : la petite abeille
demande aux oiseaux s’ils sont heureux, bien sûr
répondent-ils, parce que nous émouvons tout le monde
avec nos chansons ; alors la petite abeille prend
des cours de chant, fait beaucoup d’effort, et
finalement arrive à chanter comme les oiseaux.
Mais il y a aussi des livres sous forme d’anecdotes
ou de saynètes impliquant des animaux, et se
terminant par des questions, le tout illustré par de
très belles images. En
Regarde, réfléchis, réponds, avril
1964
La petite abeille apprend à chanter
La petite abeille qui voulait
apprendre à chanter
Pourquoi la mante
religieuse veut-elle manger des doryphores ?
particulier une série en deux parties : une première partie
où un animal se trompe, et où, à la page suivante, on
explique en quoi.
La collection du Grand-père Savant
Par exemple : pourquoi la mante religieuse (tángláng
螳螂)
veut-elle manger des doryphores de citrouilles (守瓜) ?
(《为什么螳螂要吃守瓜》).
Tout simplement parce qu’elle s’est trompée, elle a pris un
caractère pour un autre.
Sont ainsi traitées toutes sortes de questions, sur les plumes
du canard, la queue du lézard, la digestion de l’araignée, etc.
On trouve aussi une célèbre collection, également de
1964, faite de dialogues entre un vieil homme et
deux enfants de six ans : « Le Grand-père Savant » (Dòngnǎojīn
yéyé
《动脑筋爷爷》).
La petite fille est une curieuse qui n’arrête pas de
poser des questions (小问号),
et le petit garçon un candide ingénu (小天真).
Le grand-père a les cheveux blancs et des lunettes
rondes, et il apprend aux enfants à comprendre le
monde autour d’eux : vie animale et végétale,
transports, astronomie, etc. La collection a été
rééditée avec le même succès jusque dans les années
1990.
La collection des six "pourquoi",
1964
Les pourquoi du ciel, éd. 2009
On fait tout pour faciliter la lecture et l’alphabétisation,
en doublant les titres de leur transcription en
pinyin, et en en saupoudrant les textes au besoin.
Mais on apprend aussi les caractères de manière
imagée aux enfants. Par exemple, un petit fascicule
intitulé Dao (《刀》)
passe en revue les noms de toutes sortes de lames à
partir des réponses d’un père aux questions de son
fils qui possède une lance et un canif et se demande
combien il y a d’autres armes et outils dont le nom
comporte ce caractère.
Un gros effort de vulgarisation est destiné
aux enfants, mais touche aussi bien les adolescents,
voire des adultes. Il y a des petits livres sur les
bateaux, les ponts, les lampes, et sur les derniers
progrès techniques, comme des sections
d’encyclopédie. L’une de ces collections, publiée en
1964 et rééditée encore en 2009, est en six volumes,
chacun
répondant à des questions telles que pourraient en
poser des enfants : « Les pourquoi
du ciel » (《天空中的为什么》),
« Les pourquoi de la terre » (《地上的为什么》),
et ainsi de suite pour l’eau (《水里的为什么》),
le corps humain (《人体的为什么》),
la maison (《屋子里的为什么》),
et même… les superstitions : « Les pourquoi
de l’élimination des superstitions » (《破除迷信的为什么》).
Les ouvrages sur ce dernier thème mettent en général
l’accent sur l’opposition superstition / science,
comme l’explique Jean-Pierre Diény : « Les
superstitions étant nées de l’incapacité de l’homme
primitif à comprendre et maîtriser les phénomènes de
la nature, les progrès de la science entraînent
nécessairement leur déclin. » Donc développement
de l’instruction et élimination des superstitions
vont de pair, d’où la présence de ce thème dans la série des "pourquoi". Mais, en outre, la
superstition a un coût, social et économique, car elle
entrave la production et s’oppose à la lutte des classes,
donc au progrès social.
Questions et réponses sur
l’élimination
des superstitions, 1964
Eliminer les superstitions,
lianhuanhua 1976
La lutte
contre les superstitions et leur élimination est
donc l’objet de nombreux ouvrages dès les années
1950
[10],
et dans les années 1960, à la veille de la
Révolution culturelle, puis à nouveau à la fin des
années 1970. Ils ont des titres semblables :
« questions et réponses sur l’élimination des
superstitions » (《破除迷信问答百题》),
ou « élimination des superstitions » tout court.
C’est le cas du lianhuanhua de 1975
« Eliminer les superstitions » (《破除迷信》)
de Ximen Qiu (西门豹),
adapté par Zhang San (张参)
et illustré par Wang Yiqiu (王亦秋).
Jean-Pierre Diény décrit les différentes sortes de
« superstitions » dont il s’agit, qui tombent dans quelques
rubriques simples : expulsion des dieux, célestes, souterrains
ou marins ; croyances concernant les âmes des morts ; phénomènes
étranges attribuables aux esprits et superstitions liées au
monde animal. Mais là, on sent la charge se faire plus
hésitante, réticente, car on touche aux grands classiques, aux
mythes, et en particulier ceux de l’enfance.
Le sujet de la lutte contre les superstitions a été repris dès
les débuts de l’ouverture, au début des années 1980
[11],
preuve, s’il en était, que les superstitions n’avaient pas été
éradiquées pendant la période maoïste, malgré tous les efforts
déployés. Mais le plus étonnant est qu’on trouve encore des
manhua éditées dans les années 2000 sur l’éradication des
superstitions, témoin celui-ci, publié en septembre 2001, pour
un public mixte de jeunes et d’adultes :
La littérature chinoise pour enfants, et pour les
jeunes en général, est « massivement moralisante »,
nous dit Jean-Pierre Diény, mais elle ne l’est pas
plus que pour les adultes. Toute la Chine, sous Mao,
est sous l’emprise d’une immense entreprise de
moralisation. Et cela a commencé bien avant 1949,
avec des caractéristiques particulières.
a) L’école, partout, a pour mission de socialiser
l’enfant. En Chine populaire, elle doit lui
apprendre à se mettre au service de la
collectivité et à devenir un bon serviteur du
Etre de bons enfants du président
Mao, peinture 1962
peuple. Pour les adultes, le principe est formulé et imagé
dans le discours du 8 septembre 1944 de Mao « Servir le
peuple » (为人民服务),
devenu slogan politique immanent, mais la lutte contre
l’individualisme bourgeois a commencé dès les Causeries sur
les lettres et les arts à Yan’an, en 1942.
La première chose à apprendre, collectivement, c’est
l’honnêteté, et une honnêteté scrupuleuse qui pousse les enfants
à organiser de véritables opérations de commandos pour retrouver
le propriétaire d’un objet perdu, comme dans l’histoire « Les
enfants honnêtes » (《诚实的孩子》) :
pour ne pas déranger les agents de police déjà surchargés de
travail, un groupe d’enfant écument Shanghai en sonnant à toutes
les portes des homonymes de la personne dont le nom est indiqué
dans le porte-monnaie qu’ils ont trouvé.
Le thème des « enfants honnêtes » a donné lieu par la suite à
une pléthore d’histoires vertueuses qui traitent le sujet plutôt
sous l’angle de l’honnêteté morale et intellectuelle : apprendre
à dire la vérité en toutes circonstances. Certaines de ces
histoires ont été adaptées en dessins animés, y compris dans une
série sous-titrée en anglais :
An Honest Child /《诚实的孩子》
Le gardien des jujubiers, 1963
Mais, au début de la République populaire, il s’agit
surtout d’inciter au respect de la propriété
collective, et les enfants sont désignés comme
gardiens des biens de leur village ou de leur
commune. Ce qui ne doit pas pour autant les empêcher
d’être généreux envers les nécessiteux qui seraient
tentés de voler ces biens précieux.
C’est le cas de l’histoire du « Gardien des
jujubiers » (《看枣记》),
traitée en lianhuanhuapublié en
1963 : l’enfant préposé à la garde des jujubiers de
sa brigade empêche une femme de venir en voler, mais
c’était pour son enfant malade, alors le valeureux
petit gardien lui en apporte de son propre jujubier
[12].
C’est un thème d’autant plus inépuisable qu’il
reprend des histoires (plus ou moins) vraies, donc
transmises avec le cachet de l’authenticité. L’idéal
est de devenir « de bons enfants du président Mao »
(做毛主席的好孩子),
thème, décliné d’abord en affiches, qui dépasse le
seul thème de l’honnêteté. Tel est le cas de
l’histoire célèbre de Liu Wenxue (刘文学),
dont l’une des versions est un lianhuanhua
intitulé « Liu Wenxue, le bon enfant du président
Mao » (《毛主席的好孩子,
刘文学》),
publié en 1960, et réédité en livre pour la jeunesse
cinq ans plus tard, dans une iconographie beaucoup
plus naturelle.
Liu Wenxue, le bon enfant du
président Mao (lianhuanhua1960)
Gardien de la propriété collective, Liu Wenxue est
devenu jeune martyr à l’âge de quatorze ans, en
novembre 1959, tué par un ancien propriétaire qu’il
avait pris, une nuit, en train de voler des piments
dans un champ communal. Célébrées dans des poèmes
autant que dans des livres pour enfants, sa valeur
morale et son abnégation rejoignent celles des
modèles comme Lei Feng (雷锋)
ou la jeune espionne Liu Hulan (刘胡兰),
elle aussi morte à quatorze ans, en 1947
[13].
Lei Feng, un des quelque quarante
lianhuanhua sur son histoire
b) De telles histoires sont typiques de la
littérature pour enfants de cette époque, et on
pourrait multiplier les exemples. S’ajoute à
l’héroïsme spontané un parfait désintéressement,
qui est d’autant plus encouragé que le pouvoir en a
besoin pour compenser la suppression des
« stimulants matériels » dans le travail et la vie
professionnelle.
Il n’y a plus d’esprit de compétition, mais goût
du service rendu et de l’entraide, éventuellement
doublé d’un esprit de sacrifice, ce qui donne une
sorte de grandeur nouvelle à la grisaille du
quotidien. Lei Feng est toujours là pour insuffler
une bonne dose d’abnégation aux enfants qui vont le
voir au cinéma après avoir lu les lianhuanhua
racontant sa vie exemplaire.
Liu Wenxue, le bon enfant du
président Mao (éd. 1965)
Liu Hulan, modèle d’héroïsme pour
les enfants, affiche de mai 1954
(collection Landsberger)
L’Horloge, lianhuanhua
Mais c’est sans doute la démonstration du besoin
d’entraide qui donne les histoires les plus
originales, surtout quand elles sont couplées avec
une leçon de modestie, comme « L’Horloge » (《标准钟》)
datant de 1965 et citée par J.P. Diény (p. 34) ; le
récit ne va pas plus loin que l’anecdote cachée
derrière la leçon, mais elle sent l’histoire vraie,
certainement plus que l’histoire précédente dans la
même page, « A qui la palme ? » (《谁的本领大》),
tirée d’un dessin animé comme beaucoup de ces
histoires d’animaux à valeur allégorique. En
l’occurrence, un petit faon et un petit singe veulent chacun
prouver qu’il est le meilleur, en rapportant un fruit à
l’ours qui doit les départager ; mais sans le faon, le singe
ne peut traverser la rivière, sans le singe le faon ne peut
attraper le fruit dans l’arbre. L’histoire a par la suite
été déclinée avec des protagonistes différents.
« L’horloge » suit un tracé narratif plus original,
et plus ancré dans la vie quotidienne : un jeune
garçon a pour mission, tous les matins à six heures,
de prévenir d’un coup de sifflet les villageois
qu’il est l’heure d’aller aux champs. Il est d’une
telle régularité qu’on l’a surnommé l’Horloge, et
qu’il s’en enorgueillit. Au point qu’il finit un
jour par rater l’heure. Son petit frère tente en
vain de le
A qui la palme ?
tirer du lit, et, en désespoir de cause, prend sa place. Le
plus grand se fait semoncer, mais les deux frères vont
désormais faire équipe pour mieux assurer le service.
3.
Schémas narratifs
L’éducation de la jeunesse est en grande partie
politique, comme celle de leurs aînés. Pour cela, il
faut éveiller leur conscience de classe. A la jeune
génération, il convient de rappeler les luttes du
passé, qu’ils n’ont pas vécues, et celles qu’ils
doivent mener pour bâtir l’avenir. Pour bien agir,
ils doivent comprendre qui sont leurs amis et qui
sont leurs ennemis.
Lutte des classes et ennemis du peuple
a) La Chine reste un monde dual où la féodalité a
maintenu les paysans dans la misère, et où ceux
d’aujourd’hui s’opposent aux (anciens)
La Fille aux cheveux blanc,
lianhuanhua
illustré par Hua Sanchuan, 1965
propriétaires terriens, exploiteurs et
oppresseurs dont l’image est véhiculée ad libitum par le
Parti. Un exemple qui date de la période de Yan’an est l’un
des grands classiques des débuts de la République
populaire : « La fille aux cheveux blancs » (《白毛女》),
dont l’argument est le suivant :
“旧社会把人逼成鬼、新社会把鬼变成人”
L’ancienne société transformait les hommes en
fantômes,
La nouvelle société transforme les fantômes en hommes.
Mais « La fille aux cheveux blancs » n’est pas une histoire pour
enfants, direz-vous. Elle a pourtant été adaptée en
lianhuanhua, en particulier en 1965, avec des illustrations
de toute beauté de Hua Sanchuan (华三川),
peintre spécialiste de lianhuanhua né en 1930 et disparu
en 2004.
Bien des histoires pour enfants en copient des éléments
narratifs, et en particulier la fin. Mais les récits perdent en
fraîcheur ; le thème participe de la chasse aux sorcières de la
Réforme agraire, devenue réforme fondatrice du Parti, et en tant
que telle dotée de son propre récit mythique
[14].
La foule des abominables
propriétaires
Parus en 1964 et 1965, des livres comme
« Détestables propriétaires terriens » (《可恨的地主》)
ou sa variante « La foule des abominables
propriétaires » (《万恶的地主》)
tombent dans la caricature, mais rappellent que Mao
a repris la direction politique en main à la réunion
du 8ème
Comité central du Parti de septembre 1962 : il y a
annoncé son programme à venir, qui prévoit de
« former la jeunesse à la révolution » et
« d’anéantir l’instinct de propriété des paysans ».
Il lance : « N’oubliez jamais la lutte des classes !
» (千万不要忘记阶级斗争!).
La reprise des thèmes de la Réforme agraire annonce les
exactions des débuts de la Révolution culturelle. On est frappé
de voir à quel point les images sont les mêmes, le vocabulaire
aussi : les paysans sont chargés de persécuter les propriétaires
comme on persécutera les intellectuels ensuite (doudizhu
“斗地主”).
b) La lutte des classes se décline aussi dans le monde ouvrier,
et là on appelle un chat un chat : il y a une collection
intitulée « N’oublions pas la lutte des classes » (千万不要忘记阶级斗争)
où les méchants ennemis de classe sont les capitalistes.
Un livre de 1965 en retrace les « diableries », à travers cinq
histoires shanghaïennes données pour vraies afin de justifier
encore plus la nécessité de la lutte : « Les diableries des
capitalistes » (《资本家的规划》).
Il faut dire que quelques-unes sont savoureuses, dont celle des
« bons de cierge » que les ouvriers devaient acheter pour offrir
au patron qui allait les embaucher, et que celui-ci rendait au
marchand de cierges pour en empocher le prix rubis sur l’ongle ;
ou encore celle du charlatan surnommé Le Tigre devenu, avant la
Libération, propriétaire de l’une des plus importantes
pharmacies de Shanghai, avec filiales et fabriques de
médicaments, qui disposait de cinq tampons à apposer sur les
ordonnances pour indiquer le prix à demander, en fonction de
l’urgence de la situation – entreprise qui a survécu jusqu’en
1956 avant de devenir mixte.
c) Parmi les ennemis de classe figurent aussi les
étrangers, qui n’ont pas seulement détruit le Palais
d’été. Ils s’en sont pris aussi aux enfants chinois, en
particulier à travers les institutions charitables et missions
religieuses. Dieu et l’Amérique vont de pair. Certains récits
rapportent des faits, accumulent les statistiques de mortalité
et les descriptions des sévices infligés. Ainsi le petit livre
de 1964 « Les orphelins » (《孤儿》)
rapporte les témoignages, revendiqués comme authentiques, de
trois anciens pensionnaires des orphelinats étrangers de
Shanghai. Mais la propagande utilise ensuite librement ces
récits, en les enjolivant à loisir.
Cette antipathie à l’égard des religieux étrangers n’est pas
nouvelle. Des incidents ont constamment éclaté en Chine. Encore
en 1870, à Tianjin, des habitants ont attaqué un orphelinat
français et ont tué dix religieuses : la rumeur avait couru que
des enfants avaient été kidnappés.
C’est la connaissance de ce passé, liée à une claire
distinction entre amis et ennemis du peuple, qui
permet de continuer la lutte sous la direction
éclairée du Parti et du président Mao, et même
plutôt le premier d’abord à la veille de la
Révolution culturelle.
Même les schémas narratifs, comme le montre
Jean-Pierre Diény, sont construits selon le
principe de la lutte, toute intrigue étant un
combat, contre les autres ou contre soi-même, et
avec l’objectif de résoudre les contradictions. Et
les enfants sont en première ligne.
Continuation exaltée de la lutte
A la veille de la Révolution culturelle, on crée un
attachement sentimental des enfants au président
Mao : le Parti a tout donné aux enfants, comme à
leurs parents, mais c’est le
En chantant, partir pour Pékin,
représentation en spectacle de marionnettes
président qui l’incarne, et suscite l’exaltation. Tout en
éveillant la conscience de classe des enfants, la
littérature qui leur est dédiée fait d’eux de dociles
exécutants, de bons petits combattants du président Mao (毛主席的好战士).
Le modèle-type est Lei Feng – qui, d’ailleurs, n’est héros
que parce qu’il a acquis une maturité politique en lisant
les œuvres du président Mao ; les imitations se multiplient.
En chantant, partir
pour Pékin, le lianhuanhua
La ferveur croissante qui transparaît dans les
récits du début de l’année 1966 annonce les grandes
manifestations d’enthousiasme de l’été 1966. Ainsi,
en avril 1966 paraît un lianhuanhua, illustré
par le peintre Yu Li (俞理),
intitulé « En chantant, partir pour Pékin » (《唱着歌儿上北京》).
L’histoire, avec un brin d’exotisme, se passe dans
le Xinjiang, où un grand-père et sa petite-fille
Xiao Guli (小古丽)
ont le bonheur inespéré d’être invités à la capitale
pour voir le président Mao. Toute la ferveur des
foules de jeunes qui vont se précipiter à Pékin
quelques mois plus tard est déjà là.
Du coup, la famille disparaît. Les parents seuls
sont incapables d’assurer le bonheur de leur
progéniture : ils étaient parfois obligés de les
vendre, de les abandonner. L’enfant ne trouve son
plein épanouissement qu’à l’école, au sein de la
collectivité, mais en fait, les parents ont un rôle
aussi effacé parce qu’ils travaillent, les enfants
étant laissés à la charge des grands-parents. Il y a
donc beaucoup de grands-parents dans les récits pour
enfants.
En fait, à la veille de la Révolution culturelle, la
bonne entente règne dans les familles, entre parents
et enfants, parce qu’ils luttent ensemble pour la
même cause, avec la même foi
Xiao Guli n’arrive
pas à s’endormir
car elle rêve de voir
le président Mao
révolutionnaire. Le conflit de générations est ainsi
esquivé.
4.
Poésie, chant et image
Textes simples
S’il n’y a pas, dans la Chine de l’époque, de séparation très
nette du monde de l’enfance, en revanche, les textes sont en
général parfaitement adaptés à une diction enfantine, comme des
petites comptines dont les caractères sont en outre doublés
d’une transcription pinyin pour en faciliter la lecture. Une
journée d’enfant, à l’école, commence généralement par une
lecture à voix haute qui est la manière habituelle de lire les
poèmes en classe : en les scandant après le professeur.
Poèmes chantés
Comme dans la tradition, où le poème se chantait, ou au moins se
scandait, nombre de ces petits livres comportent des chansons
qui suivent la même évolution thématique que les livres
eux-mêmes. Ce sont des chansons de toutes sortes pour tous âges.
A commencer par la maternelle, comme dans « Ce sont des chants
montagnards » (《唱的是山歌》),
sur des thèmes animaliers et agrestes.
“小鸟,小鸟,你唱什么歌?”
Petit oiseau, petit oiseau, que chantes-tu ?
“我从森林里来,唱支树的歌。” Je
viens des forêts, en chantant le chant des futaies.
“小鸟,小鸟,你唱什么歌?”
Petit oiseau, petit oiseau, que chantes-tu ?
“我到幼儿园去,唱的是儿歌。”
Je vais au jardin d’enfants, chanter des chansons d’enfants
Mais il s’agit là d’une thématique des années 1950 (le livre
date de 1957). Les chansons, ensuite, prennent des allures plus
martiales qui correspondent à l’évolution du discours politique
et de la société. On voit le changement se profiler très
nettement dans le recueil de 1964 « Nouvelles chansons et
comptines pour enfants » (《新儿歌童谣选》)
dont Jean-Pierre Diény cite trois exemples : une chanson sur les
pousses de riz qui grandissent en faisant de l’exercice pour se
fortifier ; une chanson sur le tableau d’honneur où sont les
seules fleurs de la maison, celles gagnées par les parents
travailleurs modèles ; et une chanson qui parle de la route qui
mène à Pékin où est « une grande étoile rouge » (大红星).
Liens littérature et cinéma
Le pinceau magique, film 1954
Ces
livres, et en particulier les lianhuanhua,
donnent une priorité à l’image, qui est là pour
distraire et plaire, mais aussi pour éclairer le
texte, dans la vieille tradition du livre illustré
[15].
Très souvent, ces lianhuanhua sont en fait
adaptés de films, et en particulier de films
d’animation, en reprenant l’iconographie et
l’esthétique du film. Des exemples ont déjà été
cités, car il y a très souvent de multiples
allers-retours entre film, film d’animation et
lianhuanhua, jusqu’à épuisement du sujet, le
lianhuanhua permettant de capitaliser par une
vase diffusion sur le succès du film.
Le développement des films d’animation chinois dans
la seconde moitié des années 1950 a permis d’amorcer
ce mouvement. Le film d’animation « Le pinceau
magique » (《神笔马良》),
réalisé en 1954 et couronné du 1er prix
de la Biennale de Venise en 1956, était adapté d’un
célèbre conte d’un spécialiste de la littérature pour
enfants, Hong Xuntao (洪汛涛)
[16].
Le conte a été publié à Shanghai en 1955, après la sortie du
film, dans le journal Nouvel Observateur (《新观察》),
puis en livre illustré de superbes planches de Zhang Guangyu (张光宇).
Puis il a été adapté en lianhuanhua en 1985, et encore
récemment, en juin 2011, avec un texte légèrement révisé.
« Le pinceau magique » avait été précédé en 1953
d’un court métrage de poupées animées réalisé par
l’un des deux coréalisateurs du « Pinceau
magique » : « Le petit héros » (《小小英雄》),
d’après un conte racontant l’histoire d’un enfant
qui sauve des animaux du loup qui a donné lieu à la
même série de publications, livre et lianhuanhua.
Au début des années 1960, les techniques d’animation
ont progressé, et permettent de créer un nombre
accru de films. En même temps, comme on l’a vu, la
thématique change ; les sujets guerriers et martiaux
sont à l’ordre du jour, dans le contexte de la
politique de relance économique après le désastre du
Grand Bond en avant. Il s’agit de réinsuffler du
dynamisme à la population affaiblie par la famine.
Des directives très claires sont édictées par les
autorités du cinéma en particulier.
Le petit héros, court métrage
d’animation 1953
La lance à pompons rouges
Le livre « La lance à pompons rouges » (《
红缨枪》)
qui date de 1964 (et où l’on trouve une chanson de
pionniers [少先队歌]
gentiment martiale) en est un exemple. Il met en
exergue ce qui sera l’arme emblématique des Gardes
rouges au début de la Révolution culturelle. Mais le
livre est en fait adapté d’un film sorti en 1961
dont le rôle principal est interprété par la future
réalisatrice Zhao
Yurong (赵玉嵘).
Dans la même veine, l’un des films les plus célèbres
de la période, sorti la même année, est « Le
petit héros de la 8ème Armée de route»
(《英雄小八路》)
ou « Little Heroes », réalisé par Gao Heng (高衡),
et contant l’histoire vraie d’enfants qui se sont
joints à la 8ème Armée de route, à la
frontière du Fujian, pour aider à l’effort de guerre
contre le Guomingdang pendant la crise du Détroit de
Taiwan en 1958. Le film a pour thème original une
« chanson des pionniers » qui est ensuite devenue un
« tube » : « Nous sommes les héritiers du
communisme » (我们是共产主义接班人).
Le héros Xiao Balu, lianhuanhua
Le succès du film entraînera son adaptation en
lianhuanhua,
sous le même titre. L’histoire sera ensuite adaptée en 1973 en
film d’animation en poupées animées (Le petit soldat de la 8ème
armée de route, Xiao Balu《小八路》),
film d’animation qui, à son tour, donnera naissance à une
adaptation en lianhuanhua, en couleur, reprenant les
figurines du film. Le même sujet sera adapté à nouveau au
cinéma, sous le titre « Les deux petits soldats de la 8ème
armée » (《二个小八路》),
au studio de Changchun en 1977.
On voit ainsi comment la littérature pour enfants évolue tout au
long des années 1950 vers des thèmes proches de l’idéologie du
Grand Bond en avant, puis, au début des années 1960, après la
Grande Famine, reprend des tonalités martiales destinées à
insuffler du tonus aux enfants, pendant qu’on mène la même
politique auprès de leurs parents. Il est frappant de voir les
livres pour les jeunes développer dès 1961 des thèmes qui
annoncent ceux des premières années de la Révolution culturelle.
C/ L’intermède de la Révolution culturelle
(en préparation)
A lire en supplément
Les livres pour enfants, nourriture spirituelle de la période en
noir et blanc (année 1970-1980) du lianhuanhua (en
chinois) :
[1]
La petite sœur doit passer l’examen d’entrée en
primaire, son frère l’emmène… Elle est reçue. Mais à
l’avenir elle devra aller toute seule à l’école. Un
texte de de Zhang Youde (张有德)
que l’on peut lire en ligne :
http://www.chinawriter.com.cn/2007/2007-03-19/37925.html
[2]
Et traduit en français en 1982
(Editions des Lettres étrangères)
[3]
Film en noir et blanc réalisé par
Yang Xiaozhong (杨小仲)
au studio Tianyi de Shanghai, voir
chinesemovies (à venir)…
[6]
Jean-Pierre Diény a été l’un des grands sinologues
français du 20ème siècle, disciple de Paul
Demiéville qui a souligné « la rarissime convergence »
chez lui « d’une
formation classique rigoureuse et d’une double formation
chinoise et japonaise. » Sur sa carrière et ses
ouvrages, voir :
http://ashp.revues.org/1790
[7]
« Discussion
sur la littérature pour enfants et pour jeunes »《60年少年儿童文学漫谈》,
ouvrage publié aux éditions Lettres de Shanghai en 1961.
Son premier ouvrage sur le sujet, « Littérature pour les
enfants » (《儿童文学》)
date de 1935 (voir : I.La
littérature chinoise pour la jeunesse avant 1949).
[8]
On pourra lire aussi l’article ci-dessous de 1956 qui
montre que les livres pour jeunes du milieu des années
1950 amorçaient déjà cette thématique et ce style :
Lectures pour jeunes en Chine nouvelle, Mariel J.
Brunhes-Delamarre, Enfances 1956 Vol. 9 n°3, pp.
187-190
[10]
Un petit fascicule sur le sujet (《破除迷信》)
est même édité dès mars 1949, mais pour les adultes, ce
qui montre encore une fois que la littérature pour
enfants traite des mêmes thèmes :
http://book.kongfz.com/6078/235559059/
[11]
Histoires d’élimination de superstitions (《破除迷信的故事》),
novembre 1981 :
[12]
L’histoire date de 1963-64, donc dans le contexte de la
nouvelle politique donnant priorité à l’agriculture
lancée en 1961, après le désastre du Grand Bond en avant
et la Grande Famine ; sans supprimer l’organisation
communale, les nouvelles mesures prévoyaient, entre
autres, la restauration des lopins privés.
[13]
Modèle d’abord célébré en opéra et en affiches, en 1954.
[14]
Récit des origines dont il n’est pas question de
questionner l’authenticité, voir l’interdiction, en juin
2017, du roman de Fang Fang (方方)
« Funérailles
molles » (《软埋》).