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Zhang Tianyi
张天翼
1906-1985
Présentation
par Brigitte Duzan, 24 juin 2017
Zhang Tianyi est surtout connu comme auteur de
récits pour enfants. Cependant, sa carrière a
commencé dans la mouvance de
Lu Xun (魯迅)
et de la Ligue des écrivains de gauche. La plupart
de ses premiers romans et nouvelles, dans les années
1930, relèvent de la littérature de satire sociale,
mais, à partir de 1943, il s’est consacré uniquement
à l’écriture d’histoires et contes pour enfants.
Auteur satirique
Premières nouvelles dans les années 1920
Zhang Tianyi est né en septembre 1906 dans une
grande famille de propriétaires terriens originaire
du Hunan dont la fortune était sur le déclin. Comme
son père était constamment à la recherche d’un
emploi rémunérateur pour nourrir sa progéniture et
les autres membres de la famille |
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Zhang Tianyi |
qui dépendaient de lui pour leur pain quotidien, ils
déménageaient donc souvent, et la famille se trouvait à
Nankin quand Zhang Tianyi est né.
Il s’appelait Zhang Yuanding (张元定).
Attiré par la littérature étrangère dès l’enfance, et par
l’écriture dès le lycée, il commence à écrire dans les années
1920. Sa première nouvelle est publiée dans le journal Samedi (《星期六》)
en 1922. Il a seize ans.
En 1925, il va étudier à Shanghai, et, au bout d’un an, repart
pour entreren classe préparatoire à l’université de Pékin. Il
adhère au Parti communiste, et c’est alors qu’il prend le
pseudonyme de Zhang Tianyi. En 1927, il abandonne l’université,
mais reste marqué par les courants littéraires qu’il y a
découverts, et par les idées politiques nouvelles, dont le
marxisme. Son père n’a plus d’emploi, la situation familiale est
précaire, Zhang Tianyi a besoin de travailler. Il part à
Hangzhou puis à Shanghai, passant par divers emplois, petit
comptable, instituteur, journaliste.
La revue Torrents, mars 1929 |
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A Shanghai, il fréquente les milieux du mouvement de
la Nouvelle Littérature, rencontre
Lu Xun (魯迅)
et
Yu Dafu (郁达夫)
qui l’encouragent. En 1929, sa nouvelle « Un rêve de
trois jours et demi » (《三天半的梦》)
est acceptée par Lu Xun pour publication dans
l’éphémère revue mensuelle Torrents (《奔流》)
.
La carrière de Zhang Tianyi est lancée, et elle est
aussitôt prolifique. L’un de ses anciens camarades
de classe, Zhou Songdi (周颂棣),
a expliqué que la situation financière très
difficile de la famille est l’une des raisons de
l’avalanche de publications de Zhang Tianyi dans une
bonne partie des années 1930 : cinq romans et une
douzaine de recueils de nouvelles entre 1930 et
1937. Il dépendait de ses revenus d’écrivain pour
vivre et aider ses parents. Beaucoup de témoignages
ont souligné combien Zhang Tianyi était proche de
son père qui avait une profonde affection pour son
fils
.
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Ecrivain de gauche dans les années 1930
En 1930 et 1931, il publie plusieurs nouvelles où
affleure un style satirique qui culmine dans un
récit écrit sous forme de journal intime, « Journal
du Pays des fantômes » (《鬼土日记》),
qui pourrait avoir inspiré « La Cité des chats » (《猫城记》)
de
Lao She (老舍),
publié un an plus tard
.
C’est le même genre de satire, même si elle est un
peu moins subtile. Un Chinois se retrouve dans une
sorte de Lilliput étrange, habité par deux
catégories de citoyens qui ne se mélangent pas, ceux
du Haut qui vivent à l’air libre, et ceux du Bas qui
vivent sous terre, ces derniers regroupant les
travailleurs et paysans, méprisés par les
intellectuels et politiciens du Haut.
Il prend part aux diatribes entre les partis
politiques du pays qui se distinguent par leur
conception des toilettes : les uns prônent des wc où
l’on s’assoit, les autres des wc où l’on s’accroupit
– ce qui dénote indirectement une attitude
progressive chez les uns, conservatrice chez les
autres. Mais |
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Nouvelles satiriques (Journal du pays
des fantômes et Bao père et fils) |
les intellectuels du pays souffrent tous de troubles
nerveux, l’un étant écrivain décadent et drogué refusant de
se laver, un autre poète symboliste écrivant des vers
incompréhensibles, etc.... Fatigué de ces discours creux et
inquiet de la tournure qu’ils prennent, le narrateur
retourne sur terre, mais, dans la préface à son journal de
bord, il précise que ce pays ressemble à la Chine. On ne
saurait être plus clair.
Zhang Tianyi poursuit en 1933 avec des essais sur l’écriture qui
ont un caractère ironique : « Sur le manque de vigueur dans la
composition, ses raisons et manières d’y remédier », par
exemple.
La série des cinq romans et la douzaine de recueils de nouvelles
publiées entre 1930 et 1937 ont un fort contenu de satire
sociale teintée d’humour qui rend ces récits attrayants pour des
publics d’âges divers.
Petit Lin et Grand Lin,
édition originale bilingue 1983 |
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L’un des romans satiriques du début des années 1930,
« L’étrange chevalier-errant de Shanghai » (《洋奇侠》),
en est un exemple, Zhang Tianyi faisant ici appel à
l’univers mythique du
wuxia
qui a fait fureur au cinéma à la fin des années 1920
et jusqu’au début des années 1930, avant d’être
interdit par le Guomingdang. Publié sous forme de
feuilleton dans la presse fin 1933/début 1934, puis
édité en 1936, le roman se passe dans la Shanghai du
début de la décennie, dans un contexte où l’invasion
japonaise incitait à des manifestations de
patriotisme chez les intellectuels et où le wuxia
insufflait un esprit de résistance martiale
hors des contraintes de la réalité.
Le héros du roman
est un jeune Chinois candide qui vit dans ce monde
imaginaire du wuxia et des arts martiaux. Il
a utilisé de l’argent dont il a hérité pour se payer
des amulettes et des pilules d’immortalité taoïstes,
si bien que, quand ses parents déménagent dans la
concession française |
pour s’y mettre à l’abri des bombardements japonais, il
refuse de les suivre en se pensant protégé contre les bombes
par son arsenal de magie taoïste ; c’est donc à sa grande
surprise qu’il se retrouve, blessé, à l’hôpital. La satire
écorche autant les naïfs comme lui que les profiteurs qui
s’enrichissent de leur candeur et de leurs élans
patriotiques.
Publiée en 1934, la nouvelle « Bao père et fils » (《包氏父子》)
est l’une des plus connues de la décennie. Elle décrit les
espoirs de réussite sociale qu’un serviteur dans une grande
famille, Bao père, place dans son fils. Il l’inscrit dans une
école de style occidental dans l’espoir qu’il deviendra un haut
fonctionnaire et sera l’honneur de sa famille, mais surtout
pourra apporter à ses proches des prébendes sonnantes et
trébuchantes. Le fils, lui, est surtout attiré par le mode de
vie occidental, et l’aisance de ses camarades de classe envers
lesquels il a un complexe d’infériorité. La nouvelle a été
adaptée au cinéma en 1983 par Xie Tieli (谢铁骊)
.
La nouvelle « Le Festival de la mi-automne » (《清明时节》),
publiée en 1936, est un autre tableau désopilant de la société
chinoise, à travers le portrait de deux propriétaires terriens,
opposant un Troisième Oncle plutôt sympathique, mais couard, à
un Kui Daye cruel et méprisant envers ses « inférieurs »
paysans. Zhang Tianyi allège sa satire par un humour froid qui
ridiculise les travers de ses personnages.
C’est à nouveau le thème de la vénalité et de
l’hypocrisie sociale qui est développé dans la
nouvelle « Monsieur Hua Wei » (《华威先生》)
publiée en 1938, dans un contexte plus dramatique,
celui de l’occupation de Shanghai par les Japonais.
Le récit est conté à la première personne par un
cousin de M. Hua qui vante ses actions de
résistance, mais dont les louanges soulignent en
fait l’écart entre les déclarations et la réalité
moins glorieuse du personnage. La participation de
M. Hua à diverses organisations de salut national
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M. Hua Wei (caricature) |
semble se borner à participer à divers banquets pour
satisfaire son amour de la bonne chère.
Le trait est acéré, et la satire semble orientée vers la
bureaucratie chinoise de façon générale, mais, à la fin du
récit, il apparaît nettement qu’il s’agit d’un type de
fonctionnaire du gouvernement nationaliste, et d’une satire
particulière de l’action de celui-ci, orientée vers
l’annihilation des communistes, bien plus que contre
l’envahisseur.
Selon certains, la
nouvelle aurait été traduite en japonais, et utilisée par le
gouvernement japonais comme justification de son intervention en
Chine
.
Style réaliste
Zhang Tianyi apparaît à travers ces écrits comme un
écrivain original, dégagé de la gangue des courants
de l’époque, y compris la tendance au
sentimentalisme autobiographique, au romantisme ou à
l’idéalisme. Il se distingue plutôt par un « nouveau
réalisme » qui passe par la satire sociale, teintée
au besoin d’un humour où l’on peut lire une certaine
amertume. En même temps, il écrit dans un style
vernaculaire bien plus accessible que la prose de
réalistes plus âgés comme
Mao Dun.
Ce qu’il semble regretter, en s’en moquant, c’est le
manque d’engagement des intellectuels de son temps.
Ce ne sont pas des intellectuels frustrés, ils
reconnaissent que l’engagement politique serait la
solution à leurs contradictions intimes, mais ils
n’ont pas le courage d’aller au bout de leur
raisonnement. C’est le cas, par exemple, du
personnage principal de l’une des premières
nouvelles des années 1930 « La grande tristesse de
Zhu Changzi » (《猪肠子的悲哀》).
Auteur d’histoires pour enfants
Le tournant de 1943
En pleine guerre, en 1943, Zhang Tianyi devient
rédacteur en chef du journal Littérature du peuple (Renmin
wenxue《人民文学》).
En même temps, il décide d’abandonner l’écriture de
romans pour se consacrer exclusivement à des
histoires pour enfants.
Dans les années 1950, son style évolue vers une
vision positive de la société, contrairement aux
nouvelles satiriques sombres des années 1930. C’est
le cas, par exemple, de la nouvelle primée en 1954,
« L’histoire
de Luo Wenying »
(《罗文应的故事》),
où il est question d’un vilain et méchant garçon
transformé en bon Petit Pionnier grâce à l’aide de
ses camarades et d’un soldat. La Chine est devenue
un monde propre où tous les enfants, bons et
méchants, sont bien nourris.
Zhang Tianyi est alors célébré comme second père
fondateur de la littérature chinoise pour enfants,
après Ye
Shengtao (叶圣陶).
Publié à l’aube du Grand Bond en avant et devenu un
classique du genre, « La Calebasse magique » (《宝葫芦的秘密》)
est considéré comme l’un des grands textes pour
enfants de la Chine nouvelle, avant la Révolution
culturelle.
La Révolution culturelle
Au début de la Révolution culturelle, Zhang Tianyi
est attaqué et déclaré « Partisan de la voie
capitaliste » (“走资派”)
et « Elément actif de la ligne noire des lettres et
des arts » (“执行文艺黑线的干将”).
Il est envoyé dans un camps de rééducation par le
travail dans la préfecture de Xianning, dans le
Hubei (湖北咸宁“劳动”).
L’ouverture
Au lendemain de la Révolution culturelle, les œuvres
de Zhang Tianyi – nouvelles, contes pour enfants et
scénarios - font l’objet de rééditions en recueils
dès 1979. Une édition en sept volumes est publiée à
Shanghai entre 1985 et 1989. Cependant, une seule
œuvre nouvelle est publiée pendant cette période, en
1980 : « Le Royaume des canards en or » (《金鸭帝国》).
Mais l’auteur, malade, ne peut l’achever.
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Zhang Tianyi au début des années 1980 |
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Très marqué par les persécutions subies pendant la
Révolution culturelle, il est partiellement paralysé
et aphasique. Il meurt en 1985.
L’œuvre est objet d’études. Sont édités des ouvrages
de recherche et de critique, dont, en 1982,
« Documents de recherche sur Zhang Tianyi » (《张天翼研究资料》),
coédité par Shen Chengkuan (son épouse) / Huang
Youxing / Wu Fuhui (沈承宽、黄侯兴、吴福辉),
qui reste un ouvrage de référence, complété et
réédité en 1987. |
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Recueil de contes
Nouvelles choisies, avril 1981
Anthologie, juillet 1989
Recueil de cinq contes illustrés,
février 1983
Documents de recherche sur
Zhang Tianyi, août 1982 |
Principales publications
Principaux recueils de nouvelles
1929 Un rêve de trois jours et demi
《三天半的梦》
1931 Du vide au plein
《从空虚到充实》
1931 Petit Pierre
《小彼得》
1931 La grande tristesse de Zhu Changzi
1933 Grand Lin et Petit Lin
《大林和小林》
1933-34 L’étrange chevalier-errant de Shanghai
《洋奇侠》
1934 Bao père et fils
《包氏父子》
1936 La Fête de la mi-automne
《清明时节》
1936 Le Roi chauve
《秃秃大王》
1938 Mr. Hua Wei
《华威先生》
1939 Pays
《同乡们》
1943 Trois esquisses
《速写三篇》
1952 L’histoire de Luo Wenying
《罗文应的故事》
1954 Le Grand loup gris
《大灰狼》
scénario
(剧本)
1958 La Calebasse magique
《宝葫芦的秘密》
Romans
1931 Journal du Pays des fantômes 《鬼土日记》
1932 Engrenages
《齿轮》
1933 Une année
《一年》
1937 En ville
《在城市里》
1980 Le Royaume des canards en or
《金鸭帝国》
(inachevé)
Traductions en français
- Haine, dans De la révolution littéraire à la littérature
révolutionnaire. Récits chinois. 1918-1942, trad. et
présenté par Martine Valette-Hémery, L'Herne, 1970
- Petit Lin et Grand Lin, Bibliothèque internationale Nathan
1981, bilingue 1983, rééd. 1991
- Le Grand Loup gris, Éditions en langues étrangères, 1981
- La Calebasse magique, Éditions en langues étrangères, 1982.
Traductions en anglais
Midautumn Festival, tr. Ronald Miao, in :
The Columbia Anthology of Modern Chinese Literature, ed. by
Joseph S.M. Lau & Howard Goldblatt,
Columbia University Press 2007, pp. 125-131.
Adaptations cinématographiques
1983 Bao père et fils
《包氏父子》
réalisé par Xie Tieli (谢铁骊) Studio
de Pékin
1963 La Calebasse magique
《宝葫芦的秘密》
réalisé par Yang Xiaozhong (杨小仲)
au studio Tianma de
Shanghai
2007 The Secret of the Magic Gourd : adaptation du conte par
Disney
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