Brève histoire du
xiaoshuo et de ses diverses formes, de la nouvelle au
roman
IV. Du chuanqi
des Tang au chuanqi des Ming
par
Brigitte Duzan, 10 janvier 2020
3B. Tang Xianzu et "Le Pavillon aux
pivoines" ou Mudanting 《牡丹亭》
I (1). La pièce et ses sources
« Le Pavillon aux pivoines » ou Mudanting (《牡丹亭》)
est l’une des pièces de théâtre les plus célèbres de
la littérature chinoise classique : c’est la plus
connue des quatre pièces sur le thème du rêve du
dramaturge de la fin des Ming
Tang Xianzu (汤显祖/湯顯祖),
pièces connues comme les « Quatre Rêves de
Linchuan » (临川四梦),
du nom de sa ville natale où il est revenu vivre et
écrire à la fin de sa vie. |
|
Le Mudanting, ancienne édition
illustrée
portant en exergue le début de la préface |
Achevée en 1598 (date de la préface) et originellement intitulée
« Le Retour du spectre au Pavillon aux pivoines » (《牡丹亭还魂记》),
la pièce comporte cinquante-cinq scènes et sa longueur même fait
qu’elle a rarement été représentée dans sa totalité. Elle est
d’ailleurs surtout connue dans ses adaptations en
opéra kunqu (昆曲),
qui ne comportent qu’une sélection de scènes, dont la scène dix,
« la promenade dans le jardin et le rêve interrompu » (ou rêve
surprise) (《游园惊梦》),
est la plus connue
.
Le rêve dans le jardin, gravure de
l’édition de 1618
Mais, si la pièce n’a pas été souvent représentée en
entier, elle était lue, et c’est d’abord sous cette
forme qu’elle a exercé la plus forte influence, dès
le début des Qing. Elle est en effet remarquable
autant dans la forme que dans le fond. |
|
Mudanting,
shanghai guji chuban she
上海古籍出版社 2016 |
A/ La pièce : résumé et structure
Résumé
La pièce se passe à la fin de la dynastie des Song
du Sud, dans les années 1270. Du Liniang (杜丽娘)
est la fille du haut fonctionnaire impérial Du Bao (杜宝),
choyée par ses parents car elle est leur unique
enfant. Elle a seize ans et s’ennuie car, comme
toute jeune fille bien née de son âge à l’époque,
elle ne peut que lire et faire de la broderie sans
pouvoir sortir de la maison.
Un beau jour de printemps, échappant à la
surveillance de sa mère et en dépit de ses mises en
garde, elle va se promener dans un jardin isolé, à
l’arrière de la demeure familiale. Grisée par le
spectacle de la nature en fleurs, elle s’endort sous
un arbre et voit en rêve un jeune lettré avec lequel
elle passe un moment très doux. Mais le songe est
interrompu par la chute de pétales de fleurs. A son
réveil, elle garde le souvenir de cet instant
fugitif qui fait naître en elle un amour passionné.
Elle dépérit peu à peu de tristesse et se laisse
emporter par son chagrin, attisé par le désir. Mais
avant de mourir, pour que |
|
Portrait de Du Liniang |
le jeune garçon vu en rêve puisse la retrouver, elle a peint
son portrait qu’elle est allée cacher dans la rocaille du
jardin.
Du Liniang peignant son portrait |
|
Trois ans plus tard, le jeune garçon vu en rêve, du
nom prédestiné de Liu Mengmei (柳梦梅),
« Saule, rêve de prunus », va à la capitale passer
les examens impériaux mais tombe malade en cours de
route. Il est hébergé par la nonne taoïste en charge
du tombeau de Du Liniang qui a été construit dans le
jardin, près de l’arbre où elle s’était endormie. Il
trouve par hasard le portrait dans la rocaille, voit
Du Liniang lui apparaître en rêve et lui expliquer
que le juge des enfers lui a permis de revenir sur
terre. Exalté après une nouvelle nuit d’amour, bien
qu’encore en rêve, Liu Mengmei obtient l’aide de la
nonne pour pouvoir exhumer le corps de la défunte ;
elle revient à la vie et ils se marient.
Mais les temps sont troublés, le père de Du Liniang
mène la résistance contre des rebelles qui se sont
alliés aux hordes de barbares qui descendent du nord
et vont bientôt engloutir l’empire. Assiégé, il
n’est pas facile d’arriver jusqu’à lui. Quand le
siège est finalement levé et qu’il est informé de la
situation, il ne peut y croire et fait |
emprisonner Liu Mengmei pour pillage de tombe et imposture.
La fin de la pièce est ensuite conforme à un schéma courant
dans le mélodrame classique chinois : Liu Mengmei est classé
premier aux examens impériaux, il est donc gracié par
l’empereur tandis que le père de Du Liniang revient à de
meilleurs sentiments envers lui. La pièce se termine par la
réunion des époux et des deux familles.
Construction en trois parties
La pièce est construite en 55 scènes que l’on peut regrouper en
trois parties, le nœud de l’intrigue partant du rêve fatidique
de Du Liniang, à la scène dix, après neuf scènes introductives
qui posent le cadre de l’histoire et présentent les personnages.
Introduction :
作者题词
I. Scènes 1-20 : autour de Du Liniang, de son rêve dans le
jardin jusqu’à sa mort
第一出·标目
Scène 1 - Prologue
第二出·言怀
Scène 2 - Ambition déclarée
第三出·训女
Scène 3 – Exhorter sa fille
第四出·腐叹
Scène 4 – Complainte du pédant
第五出·延师
Scène 5 – Embaucher un précepteur
第六出·怅眺
Scène 6 – Triste perspective
第七出·闺塾
Scène 7 – L’école des femmes
第八出·劝农
Scène 8 – Promotion de l’agriculture
第九出·肃苑
Scène 9 – Nettoyer le jardin
第十出·惊梦
Scène 10 – Le rêve interrompu
第十一出·慈戒
Scène 11 – Mise en garde bienveillante
第十二出·寻梦
Scène 12 – A la poursuite du rêve
第十三出·决谒
Scène 13 – En quête d’un mécène
第十四出·写真
Scène 14 – Faire son autoportrait
第十五出·虏谍
Scène 15 – Espionner pour les barbares
第十六出·诘病
Scène 16 – Questions sur une maladie
第十七出·道觋
Scène 17 – La magicienne taoïste
第十八出·诊祟
Scène 18 – Diagnostic
第十九出·牝贼
Scène 19 – Une femme bandit
第二十出·闹殇
Scène 20 – Mort prématurée
II. Scènes 21-35 : autour de Liu Mengmei,
dans le même jardin, trois ans plus tard
第廿一出·谒遇
Scène 21 – Rencontre avec l’envoyé
第廿二出·旅寄
Scène 22 – Halte en chemin
第廿三出·冥判
Scène 23 – Le Juge des Enfers
第廿四出·拾画
Scène 24 – Découverte du portrait
第廿五出·忆女
Scène 25 – Souvenirs maternels
第廿六出·玩真
Scène 26 – Examen du portrait
第廿七出·魂游
Scène 27 – Fantôme en balade
第廿八出·幽媾
Scène 28 – Union dans l’ombre
第廿九出·旁凝
Scène 29 – Susciter des soupçons
第三十出·欢挠
Scène 30 – Plaisir contrarié
第卅一出·缮备
Scène 31 – Travaux défensifs
第卅二出·冥誓
Scène 32 – Serments en enfer
第卅三出·秘议
Scène 33 – Plans secrets
第卅四出·诇药
Scène 34 – Ordonnance médicale
第卅五出·回生
Scène 35 – Résurrection
III. Scènes 36-55 :
autour de plusieurs personnages, en plusieurs lieux,
publics et privés,
第卅六出·婚走
Scène 36 – Enlèvement
第卅七出·骇变
Scène 37 – Alerte
第卅八出·淮警
Scène 38 – La patrouille de la Huai
第卅九出·如杭
Scène 39 – A Hangzhou
第四十出·仆侦
Scène 40 – A la recherche du maître
第卌一出·耽试
Scène 41 – L’examen retardé
第卌二出·移镇
Scène 42 – Transfert de garnison
第卌三出·御淮
Scène 43 – Le siège de Huai’an
第卌四出·急难
Scène 44 – Souci pour les assiégés
第卌五出·寇间
Scène 45 – Un espion pour les rebelles
第卌六出·折寇
Scène 46 – Briser la rébellion
第卌七出·围释
Scène 47 – Lever le siège
第卌八出·遇母
Scène 48 – Retrouvailles avec la mère
第卌九出·淮泊
Scène 49 – Amarré au bord de la Huai
第五十出·闹宴
Scène 50 – Un hôte inopportun
第五十一出·榜下
Scène 51 – Proclamation des résultats
第五十二出·索元
Scène 52 – Recherche du lauréat
第五十三出·硬拷
Scène 53 – Interrogation sous torture
第五十四出·闻喜
Scène 54 – Heureuses nouvelles
第五十五出·圆驾
Scène 55 – Réunion finale
La pièce est d’une construction extrêmement sophistiquée, dont
les multiples détails et personnages secondaires, semés
semble-t-il au hasard du fil de l’intrigue, se retrouvent à la
fin pour amener la grande réunion de la dernière scène. Dans sa
préface, Tang Xianzu a donné des précisions sur ses sources,
qu’il est intéressant de confronter à sa pièce pour en faire
ressortir les traits particuliers, en soulignant la riche
imagination du dramaturge.
B/ Sources d’inspiration
Dans sa préface au Mudanting, Tang Xianzu
cite comme sources trois contes en langue
classique du Taiping guangji ou Grand Recueil
de l’ère de la Grande Paix (《太平广记》),
compilé sous les Song du Nord, et imprimé en 981,
mais réédité du temps de la jeunesse de Tang Xianzu.
Les deux récits principaux sont attribués à Feng
Xiaojiang (冯孝将)
et Li Zhongwen (李仲文) ;
un troisième lui a inspiré une scène spécifique.
Les sources du Taiping guangji
Deux sources principales
Les deux contes qui sont la source principale sont
les suivants :
- un conte du Youminglu (《幽明录》),
recueil de zhiguai de Liu Yiqing (刘义庆,
403-444), conte attribué à Feng Xiaojiang (冯孝将) [TG
276] ;
- un conte du Fayuan zhulin (《法苑珠林》),
ou « Forêt de pierres précieuses dans le jardin du
dharma », encyclopédie bouddhiste en 100 juan
compilée en 668 ; elle comporte des textes
bouddhistes mais également d’autres textes anciens
dont il n’existe pas d’autre copie, et qui a donc
été utilisée sous les Ming comme source de textes
disparus par ailleurs. Le conte cité par Tang Xianzu
est attribué à Li Zhongwen (李仲文)
[TG 319].
Ce sont des récits qui s’intègrent dans la très
ancienne tradition du
zhiguai
(志怪),
contes de l’étrange reflétant la croyance au
surnaturel typique de l’époque, dont le recueil le
plus ancien est le Soushen ji (《搜神记》)
ou « A la recherche des esprits », édité par Gan Bao
(干宝)
au début du 4e siècle – Gan Bao qui était
l’historien officiel de la cour de l’empereur Yuan
de la dynastie des Jin (晋元帝).
C’est de cette dynastie que datent un grand nombre
d’histoires de fantômes et revenants, mais c’est une
|
|
Le Taiping Guangji
Le Soushen ji |
tradition en fait bien plus ancienne que l’on peut faire
remonter à la dynastie des Han
.
1/ Le récit de Feng Xiaojiang est très succinct :
Le préfet de Guangping avait un fils nommé Mazi (马子).
Celui-ci vit en rêve une fille de 18 ou 19 ans qui lui dit
qu’elle était la fille du préfet précédent, Xu Xuanfang (徐玄方),
qu’elle était morte prématurément quatre ans auparavant, tuée
par des démons ; mais, comme il était écrit dans les registres
célestes qu’elle devait vivre plus de 80 ans, il lui avait été
permis de revenir à la vie et de l’épouser : voulait-il d’elle ?
Quand Mazi alla déterrer son cercueil et l’ouvrit, elle était
déjà revenue à la vie et il l’épousa.
2/ Le récit de Li Zhongwen est un peu plus compliqué, mais suit
le même schéma, avec cependant une grande différence : la
résurrection de la jeune fille est contrariée par l’intervention
inopportune des parents des deux côtés.
L’histoire se passe pendant la dynastie des Jin. Le préfet de
Wudu (武都)
a perdu sa fille, qui avait 18 ans, et l’a enterrée
provisoirement au nord des murailles de la ville. Son
successeur, Zhang Shizhi (张世之)
a un fils nommé Zichang (子長/子长)
qui a vingt ans et vit avec son père. En rêve il a vu une jeune
fille d’une grande beauté lui apparaître et lui expliquer
qu’elle était la fille du préfet précédent, qu’elle était morte
prématurément, mais qu’elle allait renaître et venait le voir
car elle était follement amoureuse de lui. Sur quoi elle revint
plusieurs nuits de suite se donner à lui.
Peu de temps plus tard, l’ancien préfet envoie une servante
inspecter la tombe de sa fille. Elle se rend chez l’épouse du
successeur et, dans la chambre du garçon, les deux femmes voient
une sandale abandonnée qu’elles reconnaissent comme étant celle
de la défunte. Le garçon questionné avoue toute l’histoire.
Quand le cercueil est ouvert, le squelette semble vivant, avec
une seule chaussure aux pieds.
La jeune fille apparaît ensuite à Zichang pour lui dire qu’elle
était sur le point de revenir à la vie, mais que, maintenant que
son cercueil avait été ouvert, sa chair allait se décomposer et
qu’elle ne pourrait plus ressusciter.
Une source secondaire
Une source secondaire citée par Tang Xianzu, et provenant aussi
du Taiping guangji, est le récit qui lui a inspiré la
scène 53, à la fin de la pièce, c’est-à-dire l’interrogatoire de
Liu Mengmei par le préfet Du Bao :
- « Monsieur Tan » (《谈生》),
conte du Lieyi zhuan (《列异传》),
recueil de zhiguai datant de la fin du 2è/début du 3è
siècle, attribué à Cao Pi (曹丕)
[TG 316].
L’histoire se passe pendant la dynastie des Han. Un lettré, une
nuit, voit apparaître une jeune fille de quinze ou seize ans qui
lui demande de l’épouser, à la condition d’attendre trois ans
avant de pouvoir la regarder à la lueur d’une bougie…Elle lui
donne un fils, mais, au bout de deux ans, il enfreint sa
recommandation et se rend compte qu’il s’agit d’un fantôme. Dès
lors, elle ne peut plus revenir à la vie et doit le quitter.
Avant de partir, elle lui offre un manteau brodé de pierreries
pour qu’il puisse subvenir à ses besoins et à ceux de l’enfant.
Cadeau empoisonné qui, comme dans les récits précédents, vaut à
l’amant trop curieux d’être arrêté comme pilleur de tombes par
le père qui a reconnu le manteau de sa fille… Mais le père est
frappé de la ressemblance de l’enfant avec sa fille, et admet
les explications du lettré…. Il prend l’enfant et son père sous
sa protection.
A côté de ces récits en langue classique, il faut aussi citer un
récit en langue vernaculaire quasiment contemporain de la
pièce qui présente de grandes ressemblances avec elle ; ce sont
cependant les différences qui sont intéressantes.
Autre source : un récit vernaculaire
Cet autre conte, en langue vernaculaire celui-ci, représente une
version très proche du Mudanting : « Du Liniang attirée
par le plaisir revient à la vie » (Du Liniang muse huanhun
ji
《杜丽娘慕色还魂记》).
Bien que la publication soit postérieure à la date à laquelle
Tang Xianzu a achevé d’écrire le Mudanting, ce conte est
généralement considéré comme une sorte de transition vers le
texte de Tang Xianzu car il a introduit des différences
importantes par rapport aux récits antérieurs.
Point commun
Un point commun entre ce récit vernaculaire et le Mudanting,
qui diffère des contes classiques antérieurs, est que ceux-ci ne
donnent aucune explication sur la mort de la jeune fille ; les
détails sur sa mort constituent au contraire la moitié du récit
vernaculaire, et environ le premier tiers du Mudanting.
Différences
1/ Dans le récit vernaculaire, Du Liniang n’est pas fille
unique, elle a un frère cadet : c’est le besoin de fournir
une éducation aux deux enfants qui pousse les parents à engager
un précepteur, même si c’est l’appétit de lecture de Du Liniang
qui est mis en avant. Son jeune frère est mentionné deux fois
ensuite : quand elle lui demande son aide pour faire monter son
portrait, et quand les parents quittent Nanxiong (南雄)
,
ville où le père était préfet. Ce n’est pas un détail anodin :
le fait que, dans la pièce, Du Liniang soit fille unique a des
conséquences importantes sur ses rapports avec ses parents :
avec son père qui la gâte, et avec sa mère qui se désole de ne
pas avoir pu donner un fils à son mari, mais la traite avec
indulgence.
2/ Une différence essentielle tient au personnage
de Liu Mengmei (柳梦梅).
Dans les récits antérieurs, le jeune garçon sur
lequel la défunte a jeté son dévolu est fils de
préfet. Dans le récit en langue vernaculaire, Liu
Mengmei est dépeint très précisément comme le
fils du préfet Liu, successeur du préfet Du Bao
(杜宝)
à Nanxiong. Dans la pièce de Tang Xianzu, il est un
pauvre orphelin sans attaches, ce qui a des
conséquences sur la fin de l’histoire :
- dans le récit vernaculaire, les parents de Liu
Mengmei jouent un rôle important à |
|
Liu Mengmei découvrant le portrait
dans la rocaille, sous le saule |
la fin. En effet, c’est le père de Liu Mengmei qui se charge
de faire déterrer le cercueil, et c’est lui et sa femme,
ensuite, qui s’occupent de soigner la jeune ressuscitée pour
qu’elle recouvre la santé. Puis ils arrangent le mariage et
en informent les parents de Du Liniang. Après que Liu
Mengmei a passé les examens impériaux, il obtient un poste
dans la capitale où le rejoignent son épouse et ses parents,
puis ses beaux-parents. Les parents de Liu Mengmei jouent
donc un rôle significatif pour assurer une conclusion
moralement satisfaisante à l’histoire de leur fils avec un
fantôme.
- dans la pièce, le fait que Liu Mengmei soit un misérable
lettré sans le sou ni relations familiales contribue au mépris
affiché à son égard par le préfet Du Bao et à sa ferme
conviction qu’il n’est qu’un imposteur et un pilleur de tombe,
passible de la peine de mort. Il faudra l’intervention de
l’empereur pour le faire changer d’avis, à contre-cœur. C’est
l’amour qu’il a pour sa fille qui sera en fait déterminant,
comme dans « Monsieur Tan », mais sans nécessité de faire
intervenir un enfant.
Tang Xianzu a en outre ajouté des scènes inspirées d’autres
sources plus anciennes
Source complémentaire
L’un des ajouts importants de Tang Xianzu est l’intrigue
secondaire qui fait rebondir l’histoire à partir des soupçons de
pillage de la tombe de Du Liniang : ils entraînent l’arrestation
de Liu Mengmei, menant à son interrogatoire par le préfet Du
Bao, et, par un habile concours de circonstances bien amené,
débouchant sur la réconciliation finale.
L’une des sources les plus anciennes de ce fil narratif
supplémentaire est l’histoire du roi Fuchai (夫差),
dernier roi de Wu (吴国)
,
et de sa fille Ziyu (紫玉).
Tang Xianzu a laissé une allusion à cette histoire dans sa
pièce.
Au même âge que Du Liniang, Ziyu tomba amoureuse d’un jeune
garçon nommé Han Zhong (韩重).
Mais le roi opposa une fin de non-recevoir à la demande en
mariage formulée par les parents, et la jeune Ziyu en mourut de
désespoir, ou de colère selon les sources.
Trois ans plus tard, Han Zhong vint se recueillir sur sa tombe ;
elle en sortit alors, lui chanta son amour et, à la fin, lui
demanda de l’accompagner dans sa tombe. Il passa trois nuits
avec elle, puis, sans oser la suivre plus loin, partit avec en
cadeau un collier de perles. Il fut alors soupçonné d’avoir
pillé la tombe et dut pour être innocenté demander l’aide de
Ziyu qui revint plaider sa cause auprès de son père.
C’est à la lumière de ces sources que l’on mesure les subtilités
du Mudanting et la créativité de son auteur. Quant à la
véritable ferveur que la pièce a suscitée, elle tient pour
beaucoup à la forme poétique et raffinée de la langue classique
dans laquelle elle est écrite, qui contribue à l’envoûtement
exercé sur des générations de lecteurs, et surtout de lectrices.
C/ Le Pavillon aux pivoines ou Mudanting
Une écriture raffinée, une lecture complexe
Un style élégant et concis
La pièce commence par une préface de l’auteur, datée de 1598,
date à laquelle on suppose qu’il venait d’achever de l’écrire.
C’est une véritable profession de foi en la force de l’amour, ou
plutôt de ce qing (情)
qui est autant émotion que passion, et qu’il était à la mode, en
cette fin des Ming, d’opposer à la rigueur des codes moraux et
des normes sociales confucéennes
.
C’est en même temps un texte d’une concision extrême, comme une
épure, qui donne tout de suite une idée de la beauté du style.
天下女子有情,宁有如杜丽娘者乎!
梦其人即病,病即弥连,至手画形容,传于世而后死。死三年矣,复能溟莫中求得其所梦者而生。如丽娘者,乃可谓之有情人耳。
情不知所起,一往而深。生者可以死,死可以生。生而不可与死,死而不可复生者,皆非情之至也。梦中之情,何必非真?天于岂少梦中之人耶!
Y a-t-il jamais eu dans le monde une femme dont l’amour puisse
rivaliser avec celui de Du Liniang ?
Ayant rêvé d’un homme aimé, elle en tomba malade, son mal
s’aggrava et finalement, ayant laissé son portrait en souvenir,
elle rendit l’âme. Trois ans plus tard, elle fut capable de
revenir à la vie lorsque, dans les ténèbres de l’au-delà, elle
eut retrouvé l’objet de son amour entrevu dans son rêve. C’est
vraiment bien là avoir connu l’amour !
L’amour, on n’en connaît pas la source, mais il prend chaque
jour de la force. Les vivants peuvent en mourir, mais il peut
aussi faire renaître ceux qui en sont morts. L’amour n’est pas
vraiment l’amour si l’on n’est pas prêt à mourir pour lui, ou
s’il ne peut ramener un défunt à la vie. Et l’amour né en songe
est-il forcément irréel ? Il ne manque pas d’amants rêvés
ici-bas ! ….
Un texte complexe
Le texte est par ailleurs truffé de citations et de références
littéraires, représentatives du style lettré de l’époque. On en
a des exemples dès le prologue qui présente en quelques lignes
les trois principaux personnages et un bref résumé de l’histoire
qui suit. Pour introduire Liu Mengmei après la mort de Du
Liniang, par exemple, Tang Xianzu se contente de dix
caractères :
[三年上],有梦梅柳子,于此赴高唐。
[Trois
ans plus tard, ] le dénommé Liu Mengmei [trouva l’amour] comme à
Gaotang.
- Les trois caractères du nom de Liu Mengmei, qui signifie
Saule, Rêve de prunus, reviennent comme symboles récurrents dans
la pièce : Du Liniang l’a vu lui apparaître dans son rêve une
branche de saule cassée à la main, et elle est réveillée de son
rêve par une pluie de pétales de prunus…
- Quant à Gaotang, c’est une référence à un poème, explicite en
elle-même pour les lettrés qui connaissaient par cœur des
centaines de poèmes. Celui dont il est question ici est le
Gaotang fu (高唐賦),
ou « Fu de la terrasse Gaotang », l’un des poèmes les plus
célèbres de Song Yu (宋玉),
poète de la cour du roi de Chu au 3e siècle avant
J.C. Le poème évoque l’histoire arrivée, au temple Gaotang sur
le mont Wushan, au prince Hui de Chu qui vécut là en rêve une
nuit d’amour avec la déesse de la montagne qui lui dit : à
l’aube je suis les nuages du matin, au couchant la pluie du
soir. D’où l’expression « Pluie et nuages à Wushan » (“巫山云雨”),
où nuages et pluie sont le symbole de l’amour, que l’on retrouve
dans la pièce.
Les références littéraires de ce genre sont courantes,
permettant d’évoquer tout un poème avec un ou deux caractères,
avec toute une histoire emblématique derrière. Certains passages
sont des pastiches de poèmes classiques, ou des jeux de mots
subtils. Ainsi, à la scène 23, celle du jugement de Du Liniang
aux enfers, quand l’Esprit des Fleurs est convoqué pour être
entendu car c’est la chute des pétales de fleurs qui ont éveillé
Du Liniang de son rêve, il lui est demandé de nommer les fleurs
qu’elle a dans son sac « à malice » ; elle les cite une à une,
et le juge, chantant en écho, reprend les noms cités en faisant
des jeux de mots à connotation érotique.
Chaque scène, enfin, se termine par un quatrain dont chaque vers
est tiré d’un poème Tang. Par exemple, pour la scène 2 :
门前梅柳烂春晖,
(张窈窕
Zhang Yaotiao)
Devant la porte prunus et saule déploient des splendeurs
printanières
[梦]见君王觉后疑。
(王昌龄
Wang Changling)
En rêve vu mon prince, mais en ai douté au réveil,
心似百花开未得,
(曹松
Cao Song)
J’ai cent fleurs en mon cœur, mais pas encore écloses
托身须上万年枝。 (韩偓
Han Wo)
Nécessaire est l’appui d’une solide branche.
Quelques conventions
La pièce reprend certaines conventions théâtrales qui peuvent
apparaître comme des répétitions, mais qui sont en fait des
récapitulatifs de la situation ou une auto-introduction d’un
personnage, rappelant que la pièce était très longue, et qu’une
représentation pouvait durer deux ou trois jours, pour un public
qui n’était peut-être pas là tout le temps. D’où la nécessité de
lui rappeler régulièrement où en est l’histoire. Du Liniang, en
particulier, a constamment l’occasion de répéter ce qui lui est
arrivé et d’évoquer ses souvenirs, que ce soit à Liu Mengmei, à
la nonne, à sa mère ou à sa servante. Mais chaque fois elle
entonne un air nouveau et propose de nouvelles images qui
viennent enrichir son personnage et son imaginaire.
Un sommet du théâtre chinois : poésie, drame et comédie
Au-delà de l’éblouissante virtuosité du style et de
sa poésie, ce qui fascine aussi dans la pièce, c’est
le mélange de drame et de comédie, l’alternance des
deux contribuant à faire du Mudanting une
satire très enlevée autant qu’un superbe mélodrame,
avec la fin aussi joyeuse qu’inattendue des
mélodrames chinois classiques.
La pièce est par ailleurs conçue selon une
alternance de poèmes en prose et de poèmes destinés
à être chantés, avec des personnages présentés comme
les rôles de l’opéra traditionnel.
Poésie :
jardin interdit, jardin abandonné
« Le Pavillon aux pivoines » est avant tout un le
portrait d’une jeune adolescente qui découvre
soudain, au détour d’une promenade au printemps, les
beautés de la nature en fleurs et les promesses d’un
rêve inabouti (scène 10). Le jardin en fleur est en
fait un jardin interdit, dont elle n’a jamais
entendu parler. Il faut imaginer une jeune fille
avançant lentement sur ses pieds bandés en compagnie
de sa jeune servante et s’arrêtant presque à chaque
pas pour admirer les fleurs : |
|
Le rêve dans le jardin, illustration
pour un livret d’opéra, période Ming |
你看:“画廊金粉半零星,池馆苍苔一片青。踏草怕泥新绣袜,惜花疼煞小金铃。”
不到园林,怎知春色如许!
Regarde (s’exclame la petite servante) : le long de la galerie
laquée brillent des traces de poussière dorée, et là-bas, près
du pavillon au bord de l’étang, la mousse forme une couche
verte. Avançant timidement pour ne pas tacher nos socquettes
brodées toutes neuves, nous avons pitié des fleurs qui ont à
supporter leurs minuscules clochettes dorées.
A la splendeur du jardin découvert en cachette s’oppose, à la
scène 24, la tristesse du jardin à l’abandon tel que le découvre
Liu Mengmei lorsqu’il y est introduit, après la mort de Du
Liniang, par la nonne en charge de l’entretien de la tombe.
D’abord elle le met en garde : les pavillons et les kiosques du
jardin sont à moitié en ruines, les fleurs seules sont
luxuriantes. A l’entrée, Liu Mengmei, effectivement, trouve le
portillon déglingué, le jardin investi par les mauvaises herbes,
et le mur d’enceinte à moitié effondré ; il glisse sur la
mousse, heurte un banc cassé, les fleurs sauvages ont tout
envahi. Dans une longue réflexion poétique (jinchandao
锦缠道),
il déplore qu’un si bel endroit soit dans un tel état et se
demande pourquoi :
断烟中见水阁摧残,
画船抛躲,冷秋千尚挂下裙拖。
又不是曾经兵火,似这般狼籍呵,
敢断肠人远、伤心事多?…
Cerné de pans de brume, le pavillon près du lac paraît en
ruines,
un bateau peint gît sur le flanc,
une ceinture de femme pend d’une balançoire immobile.
Ce ne sont pas des maraudeurs, pourtant, qui ont causé ces
ravages,
n’est-ce pas plutôt la douleur d’un maître absent qui
transparaît ici ? ….
Par contraste, la découverte du portrait dans une cavité d’une
rocaille du lac Taihu est traité brièvement, en quelques mots.
Cette longue description du jardin abandonné est une invention
de Tang Xianzu : elle n’existe pas dans le récit vernaculaire
« Du Liniang
attirée par le plaisir revient à la vie »
(Du Liniang muse huanhun ji). Là, le jardin est juste
mentionné en passant, quand Liu Mengmei découvre le portrait par
hasard, en nettoyant.
Ce jardin dégage une atmosphère de mélancolie extrême. En même
temps, c’est un jardin défendu, celui où Du Liniang s’est
endormie après avoir échappé aux règles qui la maintenaient dans
les limites protectrices de la maison. C’est le lieu du rêve,
traduisant le désir éveillé par le souffle du printemps.
Père et fille
Le préfet Du est un personnage très important dans la pièce,
surtout dans la dernière partie. Il est représenté au début
comme le préfet modèle, compétent et dévoué à la cause de
l’empire, volant au secours de la ville de Huai’an en faisant
passer sa vie familiale au second plan. La mort de sa fille
semble l’affecter peu, dans un contexte où ses fonctions
officielles l’accaparent entièrement, face à l’avance des
troupes des barbares Jin conjuguée à la rébellion de Li Quan (李全).
Mais c’est aussi un père aimant, qui aime sa fille au point de
ne pas accepter de prendre une concubine pour avoir un fils : sa
fille lui suffit. Dans la dernière partie, c’est son personnage
qui fournit la tension dramatique permettant de raviver le récit
alors que les deux jeunes gens se sont retrouvés. En ce sens, en
supprimant le frère du conte vernaculaire, Tang Xianzu a épuré
sa narration en lui donnant une plus grande intensité
dramatique.
En même temps, c’est l’amour filial qui sauve Du Liniang lors du
jugement rendu par le juge des enfers, qui lui permet de revenir
sur terre. Et c’est l’amour filial qui amène le dénouement
final, sous le regard bienveillant de l’empereur, dans un
superbe retour à l’harmonie confucéenne, qui commence par le
pouvoir impérial pour descendre jusqu’à la famille. L’amour
autre que filial reste une source de chaos et de scandale. Mais
fait du beau théâtre.
Les scènes comiques et satiriques
Ce théâtre cependant, bien que destiné à une élite lettrée de
par son écriture même, n’en reste pas moins ancré dans la
tradition du théâtre populaire qu’était
le chuanqi.
Il comporte donc des scènes de
comédies qui viennent alléger l’atmosphère en offrant une satire
savoureuse de la société et du pouvoir. On oublie souvent cette
caractéristique car ces scènes sont expurgées de la
plupart des représentations, surtout dans les versions en opéra
kunqu qui n’ont gardé que les scènes romantiques et
tragiques.
Les personnages, en fait, correspondent à des rôles bien plus
diversifiés que dans l’opéra chinois actuel. Il en y a huit,
bien notées dans la pièce. Ainsi, le rôle de la petite servante
de Du Liniang, « Senteur prntanière » (Chunxiang
春香),
est un rôle ancien, celui de tie (贴),
ou tiedan (贴旦),
qui était, du temps de Tang Xianzu, et surtout dans le théâtre
du sud, l’une des sept sous-catégories des rôles féminins de
dan (旦),
un rôle de petites soubrettes délurées, vives et drôles dont
Chunxiang est restée l’exemple-type.
Les rôles comiques étaient aussi bien plus diversifiés, et il en
est de deux types dans le Mudanting. Ainsi le précepteur
Chen Zuiliang (陈最良)
est un mo (末),
un ancien rôle comique qui a ensuite été intégré dans les rôles
de chou (丑).
L’Esprit des fleurs (花神)
en est un aussi. A côté des rôles de chou, qui sont de loin les
plus nombreux (24), il faut encore ajouter les rôles de jing
(净),
des visages peints
.
Si la scène du diagnostic de la maladie de Du Liniang est digne
du Malade imaginaire, les scènes avec les rebelles et les
barbares du nord tiennent du burlesque. Li Quan et son épouse
sont dans le registre du wuxia comique, dans des rôles
proches des anciens rôles de wuchou (武丑),
avec même une danse du sabre prévue pour l’épouse ; c’est à la
scène 47, véritable scène de grand comique autour des rebelles
et du barbare goinfre et lubrique, qui retourne en même temps la
situation en faisant basculer les rebelles dans le camp du
Préfet Du Bao.
Le rôle du surnaturel
Toute la pièce tourne autour du retour à la vie de Du Liniang,
permis à la fois par la force de son désir, mais aussi, en
retour, par la force de l’amour de Liu Mengmei. Ce n’est donc
pas tellement une question de surnaturel, mais, à la façon dont
le traitera ultérieurement
Pu Songling, le
surnaturel est intégré à la vie, et du domaine de la passion et
de la foi, une foi quasi religieuse.
Ce qui est intéressant, c’est la vision satirique des forces de
l’au-delà ou des puissances des ténèbres que nous offre Tang
Xianzu. Pour déterminer son destin, Du Liniang est présentée à
une cour de justice qui a tous les attributs d’une cour de
justice terrestre et la même structure hiérarchique. Le juge est
même totalement incrédule quand elle raconte son histoire :
depuis quand, sur terre, meurt-on d’amour, et en plus d’un amour
né d’un rêve ? C’est le témoignage de l’Esprit des fleurs,
reconnaissant sa responsabilité en l’affaire, qui finit par le
convaincre de la véracité des dires de Du Liniang. Nous sommes
en pleine comédie. Tang Xianzu est ici, comme on le fait
souvent, à rapprocher de Shakespeare : son Esprit des fleurs
ressemble beaucoup au Puck du « Songe d’une nuit d’été » et à
l’Ariel de « La Tempête ».
Mais Tang Xianzu est profondément chinois : ce qui entraîne le
jugement final en faveur de Du Liniang, c’est sa piété filiale.
Le juge est ému par son désir de retrouver ses parents. C’est là
un trait extrêmement subtil, car c’est ce qui va entraîner la
« grande réunion » de la scène finale, apothéose dans l’harmonie
retrouvée, qui est d’abord harmonie familiale dans la grande
tradition confucéenne.
Finalement tout ce qui a trait au surnaturel est traité de
manière satirique. C’est cependant le moteur de l’intrigue, et
reflète, mais avec humour, le genre très ancien auquel se
rattache d’une certaine manière la pièce de Tang Xianzu : le
zhiguai
(志怪)
où il est allé puiser ses sources.
Traduction en anglais
- The Peony Pavilion, Mudanting, Tang Xianzu, Second
Edition, translated with a new preface by Cyril
Birch and introduction to the 2nd edition
by Catherine Swatek, Indiana University Press, 2002,
400 p.
Traduction en français
- Le Pavillon aux pivoines, trad.
André Levy, Festival d’automne/Musica Falsa, 1998,
420 p. (indisponible)
À lire en complément
Mudanting I (2) : Les
représentations de l'autorité
Mudanting I (3) : Les
poèmes
Mudanting II : Contexte et
influence
Mudanting III : Adaptations et
représentations |
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The Peony Pavilion, trad. Cyril
Birch,
rééd. 2002 |
Ce conte vernaculaire antérieur et son adaptation par
Tang Xianzu sont analysés par Wilt L. Idema dans son
article :
“‘What Eyes May Light Upon My Sleeping Form?’: Tang
Xianzu’s Transformation of His Sources, with a
translation of “Du Liniang Craves Sex and Returns to
Life.”
Asia Major, Third Series, Vol. 16 No. 1 (2003)
Fuchai est
resté célèbre dans l’histoire pour sa défaite par son
rival Goujian (勾踐),
roi de Yue, en 473 avant JC, parce qu’il avait été
séduit par la belle Xishi (西施)
envoyée par Goujian. L’histoire de Ziyu a sa source dans
un récit du Soushen ji. Elle a également des
éléments de la légende de Liang Shanbo et Zhu Yingtai (《梁山伯与祝英台》)
- voir :
http://www.chinesemovies.com.fr/films_Sang_Hu_Liang_Shanbo.htm
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