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				Club de lecture du 
				Centre culturel de Chine 
				
				
				Compte rendu de la 
				troisième séance 
				
				
				et annonce de la 
				séance suivante 
				
				 par 
				Brigitte Duzan, 11 avril 2018 
				
				
				  
					
						
							| 
							 
							
							La troisième séance du Club de lecture du Centre 
							culturel de Chine s’est tenue le 10 avril 2018, dans 
							la médiathèque du Centre.  
							
							
							  
							
							
							Elle était consacrée au roman de
							
							
							Bi Feiyu (毕飞宇)
							Tuina (《推拿》), 
							paru en Chine en 2004, couronné du prix Mao Dun en 
							2011 et publié en traduction française en 2011 
							également, sous le titre « Les Aveugles », aux 
							éditions Philippe Picquier. Animée par Brigitte 
							Duzan, la séance s’est déroulée en présence du 
							Directeur des études du Centre culturel, Zhu Ming, 
							et avec le concours de la traductrice du roman,
							
							
							Emmanuelle Péchenart.
							 
							
							
							  
							
							
							Selon le protocole désormais bien établi, les 
							membres présents ont d’abord exposé leurs 
							impressions de lecture, en ajoutant commentaires et 
							questions suggérés par le roman.  | 
							  | 
							
							 
							
							  
							
							Tuina, le roman en chinois  | 
						 
					 
				
				
				  
				
				
				
				Deux types de réactions 
				
				
				
				  
				
				
				Les réactions, dans leur ensemble, se sont partagées entre 
				l’expression d’un grand plaisir de lecture, et, mais dans une 
				moindre mesure, celle d’une angoisse croissante au fur et à 
				mesure de celle-ci. 
				
				
				
				  
				
				-         
				
				
				Profonde angoisse 
				
				
				  
				
				
				Trois lectrices ont exprimé ce sentiment d’anxiété né de la 
				description très évocatrice du monde des aveugles, une sorte de 
				peur instinctive, et profonde, allant jusqu’à les empêcher de 
				poursuivre la lecture jusqu’au bout. L’une décrit son 
				appréhension du noir déclenchant, à la lecture, une impression 
				d’étouffement à la limite de la claustrophobie, la poussant à 
				arrêter de lire ; une autre parle de la montée graduelle de son 
				angoisse tout en reconnaissant avoir beaucoup aimé la peinture 
				des rituels de la vie quotidienne des aveugles, et celle de 
				leurs rêves, de leurs espoirs, de leurs trésors d’imagination. 
				 
				
				
				  
				
				
				Celle-ci a laissé « Les Aveugles » pour se plonger dans le « Don 
				Quichotte sur le Yangtsé » et a trouvé dans ce livre un grand 
				plaisir : des chapitres courts, un texte fluide, léger malgré 
				les souffrances décrites, et lu d’un bout à l’autre sans hiatus.
				 
				
				
				  
				
				-         
				
				
				Intérêt et plaisir  
				
				
				
				  
					
						
							| 
							 
							
							  
							
							Les Aveugles, traduction en français  | 
							  | 
							
				 
				
				Le plaisir, voire l’enthousiasme, était la réaction dominante 
				dans l’ensemble, avec des nuances dans l’appréciation. Même la 
				lectrice déclarant ne pas avoir aimé le livre reconnaît que 
				c’est plutôt parce qu’elle n’aime pas beaucoup lire en général, 
				et dit avoir trouvé l’approche intéressante, et en particulier 
				la peinture très fouillée de chacun des personnages ; simplement 
				elle n’a pas « accroché » - un livre, commente un autre 
				participant, est une rencontre qui dépend de la personnalité de 
				chacun. 
				
				
				  
				
				
				Ce participant enchaîne sur son propre plaisir de lecture, 
				suivant et complétant celui ressenti à la lecture de « L’opéra 
				de la lune » (《青衣》)
				
				
				
				, 
				l’évocation du monde des aveugles suivant celle du monde de 
				l’opéra, et tout aussi réussie à ses yeux 
				
				
				.
				 
				
				
				  
				
				
				Il a particulièrement aimé le traitement du récit, par petites 
				touches introduisant des allusions à l’économie, la société, la 
				 
							 | 
						 
					 
				
				
				vie quotidienne, ainsi que des tableaux très personnels, la 
				description des mariages, par exemple (mariage-bicyclette et 
				mariage-cacahuètes), allant jusqu’à acheter des cacahuètes non 
				décortiquées pour vérifier l’image. La seule critique qu’il 
				exprime vient d’un trait caractéristique des aveugles qu’il a pu 
				constater : ils ont beaucoup d’humour, et il n’en a pas trouvé 
				dans le livre.
				  
				
				
				  
					
						
							| 
							 
							
							Critique 
							aussitôt contrée par un autre participant qui lui 
							oppose certains dialogues du livre : il y a de 
							l’humour, mais il est subtil. Il a beaucoup aimé 
							« Les Aveugles », contrairement à « La Coquette de 
							Shanghai » 
							
							
							 
							dont il avait détesté la sécheresse du ton et du 
							style. Il a trouvé « Les Aveugles » bien écrit, et 
							traduit. Les seules critiques qu’il aurait à 
							exprimer tiennent à sa frustration de ne pas 
							connaître le sort de certains personnages, celui-ci 
							étant laissé, finalement, à l’imagination du 
							lecteur. Il a aussi regretté le manque de liens 
							entre les différents chapitres. En revanche, la fin 
							lui a semblé remarquable, avec cette inversion des 
							deux mondes des aveugles et des voyants, les voyants 
							étant ceux, finalement, qui ne « voient » rien, et 
							l’infirmière, à la toute fin, découvrant dans le 
							force du regard de la seule voyante du groupe le 
							gouffre inconnu de la non voyance qui soudain se 
							révèle à son esprit.  
							
							  
							
				
							L’une des participantes dit avoir lu le livre très 
							vite, en une   | 
							  | 
							
							 
							
							  
							
							Couverture avec le titre en braille  | 
						 
					 
				
				
				semaine, et avoir découvert un monde qu’elle ne soupçonnait pas. 
				Une autre, enfin, dit n’avoir pas terminé parce qu’elle ne cesse 
				de lire et relire des passages qu’elle trouve formidables, 
				passages sur le silence, toutes sortes de silences, passage sur 
				la beauté, comme scandé (qu’est-ce que… qu’est-ce que…), passage 
				sur le temps, où le rythme s’impose. Elle s’anime en parlant et 
				montre les pages évoquées, cornées et recornées, un livre 
				martyrisé, mais qui vibre de sa lecture, un livre qui affiche à 
				lui seul le plaisir de cette lecture. 
				
				  
					
						
							| 
							 
							
							  
							
							Bi Feiyu lisant son roman en mémoire 
							de son père, aveugle à la fin de sa vie   | 
							  | 
							
				 
				
				Dans l’ensemble, le roman suscite des réflexions approfondies 
				sur les aveugles, et en particulier sur leur caractère gai, 
				contrairement aux sourds-muets, beaucoup plus coupés de leur 
				environnement, les uns faisant souvent des études 
				universitaires, et les autres plutôt  
							 | 
						 
					 
				
				
				l’apprentissage d’activités manuelles, explique l’un des 
				lecteurs présents. Et cette gaieté se retrouve, justement, dans 
				le livre.  
				
				  
				
				
				Certains – dont la lectrice qui a déclaré ne pas avoir aimé le 
				livre - ont même poussé l’intérêt jusqu’à vouloir faire 
				l’expérience concrète de la cécité, en allant dans un restaurant 
				parisien dont les repas sont servis dans le noir le plus absolu. 
				Comme disait l’un des participants au début, un livre est une 
				rencontre, que chacun vit à sa manière.  
				
				
				   
				
				
				
				Commentaires de l’animatrice et de la traductrice 
				
				
				   
				
							
							Brigitte Duzan reprend brièvement certains des 
							points restés en suspens, dont celui concernant le 
							flou dans lequel Bi Feiyu, à la fin de son récit, 
							laisse le sort ultérieur de certains de ses 
							personnages, et en particulier celui de Sha Fuming. 
							C’est un reproche qui lui a souvent été adressé, 
							dans le cas de ses nouvelles surtout, laissées pour 
							la plupart avec des fins ouvertes. Il a toujours 
							répondu à ces critiques en invoquant son souci de 
							réalisme : c’est normal, dit-il, car il en est ainsi 
							dans la vie.  
							
							
							  
							
							
							
							Exploration d’un monde intérieur 
							
							
							  
					
						
							| 
							 
							
							La parole est ensuite revenue à la traductrice, 
							Emmanuelle Péchenart. Elle avait déjà répondu à l’un 
							des participants qui louait sa traduction, pour son 
							sens du rythme, en disant que, justement, rendre 
							le rythme du texte dans la traduction était une 
							chose à laquelle elle était particulièrement 
							attachée. 
				  
				
				
				Elle commence par souligner la maîtrise avec laquelle, dès le 
				début, Bi Feiyu parvient à dépeindre son groupe d’aveugles sans 
				recours à des éléments  
							 | 
							  | 
							
							 
							
							  
							
							La traductrice Emmanuelle Péchenart 
							(à dr.), avec Brigitte Duzan  | 
						 
					 
				
				
				visuels, comme on le ferait instinctivement. 
				Elle donne pour exemple la métaphore que donne l’auteur dans sa 
				description de la beauté féminine : belle comme un plat de 
				porc au caramel. 
				
				  
				
				  
				
				
				Tous les autres sens viennent se substituer à la vue, le sens 
				olfactif comme l’ouïe ou le toucher. Ce que nous livre Bi Feiyu, 
				c’est avant tout une exploration d’un monde intérieur, magnifié 
				par la cécité.  
				
				
				  
				
				
				
				Problème de titre 
				
				
				  
				
				
				En ce sens, le titre français choisi par l’éditeur oriente le 
				lecteur vers une perception du roman qui est contraire et au 
				titre chinois et au début du texte original. En effet, ce que 
				décrit Bi Feiyu pour commencer, c’est le centre de tuina 
				qui va être le cadre de son récit, et les professionnels qui 
				pratiquent ce genre de massage ; seules des indications 
				indirectes suggèrent qu’ils sont non-voyants (ils distinguent 
				l’importance de leurs clients à leur voix). 
				
				
				  
				
				Le titre français est le choix de 
				l’éditeur. 
				
				A sa décharge, le terme de tuina était 
				inconnu au moment de la parution du livre en France, mais les 
				Britanniques ont préféré titrer Massage. C’est également 
				le titre anglais choisi, en Chine, pour la pièce de théâtre 
				adaptée du roman et donnée à Nankin en 2014 
				
				
				. 
				
				
				  
				
				
				
				Choix de traduction 
				
				
				  
					
						
							| 
							 
							
							  
							
							Une nouvelle participante, plongée 
							dans la lecture des Aveugles  | 
							  | 
							
							 
							
							Emmanuelle Péchenart évoque ensuite le problème du 
							choix des temps, qui est récurrent et fondamental 
							dans les traductions du chinois, langue qui ne 
							connaît pas la flexion des verbes. Elle a opté pour 
							une double solution : récit au passé, et passage au 
							présent narratif pour indiquer 
				une situation plus actuelle. Exemple au chapitre 2 : il commence 
				par un présent qui dénote l’action en cours quand débute ce 
				chapitre ; il se poursuit au passé pour décrire la santé de Sha 
				Fuming, et son évolution au fil du temps.  | 
						 
					 
				
				
				  
				
				
				Une question est posée concernant la traduction des noms 
				propres, également problématique dans le cas de traductions du 
				chinois. Ici, aucun nom n’est traduit, alors que la 
				signification n’est pas anodine parfois. C’est le cas du prénom
				Fuming (复明), 
				par exemple, dont il est mentionné indirectement (p. 67) qu’il 
				signifie « retrouver la lumière ». Une note sur les noms aurait 
				pu être utile 
				
				
				. 
				 
				
				
				  
				
				
				Dans le même ordre d’idée, si le roman est remarquablement 
				construit, les liens entre les chapitres, comme il a été 
				mentionné, sont un peu flous, et les titres n’aident pas le 
				lecteur à se retrouver dans l’intrication des multiples 
				personnages entre eux. De l’avis général, il manque une table 
				des matières pour mieux visualiser l’ensemble. Elle est donnée 
				dans la publication en chinois.  
				
				
				  
				
				
				
				Table des matières  
				
				
				  
				
				
				Chaque titre reprend un nom de personnages, voire plusieurs. 
				Leur imbrication montre celle des personnages entre eux. Le 
				récit est encadré par un préambule et un épilogue. 
				
				
				  
				
					
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						引言 定义 
						第一章 王大夫 
						第二章 沙复明 
						第三章 小马 
						第四章 都红 
						第五章 小孔 
						第六章 金嫣和泰来 
						第七章 沙复明 
						第八章 小马 
						第九章 金嫣 
						第十章 王大夫 
						第十一章 金嫣 
						第十二章 高唯 
						第十三章 张宗琪 
						第十四章 张一光 
						第十五章 金嫣、小孔和泰来、王大夫 
						第十六章 王大夫 
						第十七章 沙复明和张宗琪 
						第十八章 小马 
						第十九章 都红 
						第二十章 沙复明、王大夫和小孔 
						第二十一章 王大夫 
						尾声 夜宴  | 
						
						    | 
						
						 
						Préambule : Définitions 
						Chap. 1 : Dr Wang 
						Chap. 2 : Sha Fuming 
						Chap. 3 : Xiao Ma 
						Chap. 4 : Du Hong 
						Chap. 5 : Xiao Kong 
						Chap. 6 : Jin Yan et Tailai 
						Chap. 7 : Sha Fuming 
						Chap. 8 : Xiao Ma 
						Chap. 9 : Jin Yan 
						Chap. 10 : Dr Wang  
						Chap. 11 : Jin Yan 
						Chap. 12 : Gao Wei 
						Chap. 13 : Zhang Zongqi 
						Chap. 14 : Zhang Yiguang 
						Chap. 15 : Jin Yan, Xiao Kong et Tailai, Dr Wang  
						Chap. 16 : Dr Wang 
						Chap. 17 : Sha Fuming et Zhang Zongqi 
						Chap. 18 : Xiao Ma 
						Chap. 19 : Du Hong 
						Chap. 20 : Sha Fuming, Dr Wang et Xiao Kong 
						Chap. 21 : Dr Wang 
						Epilogue : Le banquet  | 
					 
				 
				
				
				  
				
				
				Texte chinois en ligne : 
				
				
				https://www.kanunu8.com/book3/7339/index.html 
				
				
				  
				
				
				
				Note sur « Don Quichotte sur le Yangtsé » 
				
				
				  
				
				
				Emmanuelle Péchenart est revenue sur le « Don Quichotte » 
				suggéré en lecture complémentaire : un texte à teneur 
				cathartique, écrit par Bi Feiyu pour son fils. Comme souligné 
				par l’un des lecteurs qui l’avait lu et beaucoup aimé, c’est un 
				texte qui se lit aisément. Le ton est empreint de nostalgie, et, 
				contrairement à l’opinion du participant qui avait regretté un 
				ton trop lisse, n’est pas totalement dépourvu de critique, même 
				dans le fameux passage où il relate sa dénonciation d’un 
				camarade, « comme tout le monde à l’époque ».  
				
				
				  
				
				
				Emmanuelle Péchenart, cependant, s’est demandé si le témoignage 
				n’était pas un tantinet enjolivé, mais reste quand même sous le 
				charme de certains épisodes, celui de la grand-mère et des fèves 
				en particulier, l’un des points d’orgue du récit. 
				
				
				  
				
				
				Le roman est comme un superbe documentaire sur les mentalités et 
				les coutumes de l’époque, mais aussi sur le caractère de 
				l’écrivain lui-même, doublement privé d’identité : identité liée 
				à la terre ancestrale ruinée par les nombreux déménagements, 
				identité familiale anéantie par la découverte du nom d’emprunt 
				de son père, ouvrant un vide autour de lui. Un roman, au final, 
				qui recèle les mêmes qualités d’écriture que « Les aveugles » 
				dans la description fouillée des personnages et des détails de 
				la vie quotidienne. 
				
				
				  
				
				
				  
				
				
				Cette troisième séance confirme l’intérêt de ce Club pour 
				affiner la lecture de textes chinois et mieux les faire 
				comprendre des lecteurs, tout en soulignant leur perception des 
				qualités, mais aussi des défauts d’une œuvre, dans sa traduction 
				et son édition en français, défauts qui, en retour, peuvent 
				nuire à la lecture. 
				
				
				  
				
				
				  
				
				
				
				Prochaine séance 
				
				
				
				  
				
				
				La quatrième et dernière séance de l’année (scolaire) en cours 
				est fixée au mardi 12 juin, et sera consacrée à
				
				Ge Fei 
				(格非) 
				et à son court roman 
				
				
				 
				paru en Chine en 2001 : « Poèmes à l’idiot » (《傻瓜的诗篇》). 
				
				
				
				  
				
				
				Poèmes à l’idiot, trad. Xiaomin Giafferri-Huang, l’Aube, 2007, 
				124 p.   
				
				
				  
				
				
				
				Lecture complémentaire proposée  
				
				
				Impressions à la saison des pluies, trad. Xiaomin 
				Giafferri-Huang, l’Aube, 2003 
				
				
				  
				
				
				  
				
				
				  
				    
					
				  
				  
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