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				Ye Mi 叶弥 
				
				Présentation 介绍par Brigitte Duzan, actualisé 
				26 août 2018
 
				       
					 
						
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							Ye Mi est 
							l’une des meilleures représentantes de l’art de la 
							nouvelle, aujourd’hui en Chine, et si elle est 
							devenue célèbre, soudain, grâce au cinéma, c’était 
							justement à une période charnière de sa création ; 
							sa notoriété est seulement venue souligner le talent 
							et la maîtrise avec lesquels elle a su peu à peu se 
							forger un style et un ton personnels pour nous 
							conter des histoires où l’irrationnel apparaît 
							naturellement dans la réalité de tous les jours. 
							  
							
							Enfance dans le Subei 
							  
							Ye Mi est 
							née en 1964, à Suzhou, dans le Jiangsu. On ne sait 
							pas grand-chose de sa famille, mais elle a donné 
							quelques bribes d’histoire familiale dans l’une des 
							nombreuses pré- et postfaces qui accompagnent ses 
							publications
							 :
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							Ye Mi en 2014 |  
					  
				
				"我祖上是无锡前洲乡人。太爷爷闯荡上海滩学生意,从此子孙于上海定居。我父亲一九五六年二十一岁时参加上海援疆干部工作队。我母亲是苏州人。我父亲在火车上碰到我母亲,就跟了她来苏州定居。" 
				Mes ancêtres étaient 
				originaires de Wuxi (无锡). 
				Mon arrière-grand-père est allé s’établir sur le Bund à Shanghai 
				pour faire du commerce, et la famille, ensuite, y est restée. En 
				1956, mon père, qui avait alors 21 ans, a fait partie d’une 
				équipe d’aide au Xinjiang. C’est ma mère qui est de Suzhou. Mon 
				père l’a rencontrée dans un train, et il est allé s’installer 
				avec elle à Suzhou. …. 
				  
				C’est peu de choses, 
				mais suffisant pour faire comprendre le choc et le déracinement 
				qu’a été, pour elle comme pour ses parents, le déménagement dans 
				le nord du Jiangsu, quand elle avait six ans. 
				  
				Son père a en effet 
				fait partie des jeunes de Suzhou envoyés « à la campagne » près 
				de la ville de Yancheng (盐城 
				
				Yánchéng, 
				la « ville du sel »). 
				Elle y est restée pendant toute la Révolution culturelle, 
				jusqu’à l’âge de quatorze ans. Elle l’a ainsi décrit dans la 
				suite de la même postface : 
				  
				
				"我出生在严衙前二十六号,苏州第一人民医院边上。六岁跟着父母亲“下放”到苏北盐城市阜宁县三灶公社前灶大队前灶小队。…读的是前灶小学。一年级到五年级总共有五个班,每个班有三十人左右。 
				
				去苏北的轮船上,我母亲接受《苏州日报》记者采访。采访见报,说,为了响应毛主席的号召上山下乡,我们全家四口人开了一个家庭会,大家统一思想,准备到最苦最穷的地方接受贫下中农再教育。我母亲几次和我说起这件事,一说就笑,说,统一思想?你实足才五岁,你弟弟才两岁。哈哈。 
				
				《苏州日报》上登了我母亲写下的七言诗:《浪击江洲赋新章》。根据形势,突出“上山下乡”的豪情壮志,抒发革命理想。" 
				  
				A l’âge de six ans, 
				j’ai suivi mes parents quand ils sont partis dans le Subei, 
				travailler dans une équipe d’une brigade de production de la 
				commune populaire n° 3 du district de Funing de la ville de 
				Yancheng …. . J’ai fait les cinq années de primaire à l’école de 
				la commune populaire, dans des classes d’une trentaine d’élèves. 
				  
				Sur le bateau qui 
				nous a amenés au Subei, ma mère a été interviewée par un 
				journaliste du Quotidien de Suzhou (《苏州日报》) ; 
				elle a déclaré que c’était pour répondre à l’appel du président 
				Mao demandant aux jeunes citadins d’aller s’établir à la 
				campagne (上山下乡) 
				que les quatre membres de leur famille s’étaient réunis et en 
				étaient arrivés unanimement à la décision d’aller vivre dans le 
				coin le plus désolé et le plus misérable pour se faire rééduquer 
				par les paysans pauvres et moyen-pauvres. Ma mère m’en a parlé 
				plusieurs fois par la suite, en me disant en riant : décision 
				unanime ? tu n’avais encore que cinq ans, et ton frère n’en 
				avait que deux. Ahahah…  
				  
				Le journal a aussi 
				publié un poème de ma mère, un septain de circonstance qui 
				chantait les nobles aspirations du mouvement d’envoi des jeunes 
				à la campagne en louant les idéaux révolutionnaires. 
				 
				  
				Ye Mi parle rarement de 
				sa mère, mais c’était une intellectuelle qui a exercé une grande 
				influence sur elle ; on le voit dans l’allusion ci-dessus, et à 
				travers ce que Ye Mi raconte de ses lectures d’enfant, dans le 
				primaire : 
				  
				我小学五年级,看了脂砚斋批注《石头记》、 
				《水浒》、《普希金文集》——只能说是“看”,不能说是“看了”。大多数时候, 只是乱翻,瞎看。 
				
				《石头记》是我母亲用《韩非子》换来的,原本属于一位县城中学老师。《普希金文集》是她从苏州带到苏北去的。批《水浒》时,她把这本书带回家里写批判材料,我趁机看了。从这三本书上,我认识了各色人等。 
				  
				Quand j’étais en 
				CM2, j’ai lu les commentaires de Zhi Yanzhai sur « L’histoire de 
				la pierre »
				, 
				« Au bord de l’eau », un recueil d’œuvres de Pouchkine – enfin, 
				lire est un bien grand mot, ce n’était la plupart du temps que 
				feuilleter rapidement, lire en diagonale. 
				  
				« L’histoire de la 
				pierre » » était un livre qui appartenait à un professeur du 
				collège du district et que ma mère avait échangé contre le « Han 
				Feizi », mais elle avait apporté les œuvres de Pouchkine de 
				Suzhou. « Au bord de l’eau », elle l’avait emprunté pour en 
				écrire un commentaire à la maison, et j’ai profité de l’occasion 
				pour le lire. Ces trois livres m’ont fait connaître toutes 
				sortes de gens différents et de toutes conditions… 
				  
				Dans la même postface, 
				elle a fait allusion aux conditions de vie très dures qui furent 
				les siennes pendant ces huit années.
				 
				  
				
				我从六岁到十四岁,都在苏北农村度过。我十多岁的时候,有一天小伙伴们互相传说,村里来了一个阜宁县城里的人,我就跟着他们去看“城里人”。我站在人家门外看得津津有味,不料一个女孩子对我说,听我妈说,你原先也是城里人。她这么一说,我倒想起六岁以前的城里生活了,最想的是某店的白面大馒头。 
				  
				J’ai vécu dans le 
				même petit village du Subei de l’âge de six ans jusqu’à quatorze 
				ans. J’avais un peu plus de dix ans quand, un jour, des 
				camarades ont raconté qu’un homme de la ville, du district de 
				Funing, était arrivé au village ; alors je les ai suivis pour 
				voir « l’homme de la ville ». J’étais plantée à la porte, 
				fascinée, quand une petite fille m’a dit : j’ai entendu ma mère 
				dire que toi aussi, avant, tu étais quelqu’un de la ville. Quand 
				elle m’a dit cela, cela m’a rappelé ma vie avant mes six ans, et 
				ce à quoi j’ai pu penser de plus proche, c’est un petit pain 
				blanc dans une boutique. 
				  
				Ce sont huit années qui 
				ont cependant modelé son existence ultérieure. C’est même dans 
				la commune populaire qu’elle a rencontré son futur mari, dont la 
				famille travaillait dans la même brigade de production ; ils ont 
				été en classe ensemble. Mais ce fut aussi une période 
				formatrice qui lui a permis de faire l’expérience directe de la 
				misère des petites gens au milieu desquels elle a alors vécu, 
				et, en même temps, de leur formidable résistance au malheur. 
				  
				
				我到苏北第一眼见到的,是房东寿足大爷腰里的那根稻草绳子。回首往事,最后悔的一件事,就是当时没钱给他治好他的白内障…。 
				La première chose 
				que j’ai vue, en arrivant au Subei, c’est la ceinture de paille 
				de riz que notre vieux propriétaire avait à la taille. Et en y 
				repensant, ce que je regrette le plus, c’est de ne pas avoir eu 
				l’argent pour le faire opérer de la cataracte… 
				  
				Elle a ainsi développé 
				une sensibilité particulière à leurs conditions d’existence ; 
				c’est ce qui constitue l’essentiel de son inspiration 
				littéraire. Elle a déclaré que ces huit années de sa vie 
				suffiraient à lui fournir de quoi écrire pendant le restant de 
				son existence. 
				  
				
				L’écriture comme nécessité impérieuse
				  
				Vocation précoce 
				  
				Sa vocation d’écrivain 
				lui est venue très tôt, envers et contre tout : 
				  
				
				中国的老师永远和父母一样,喜欢问孩子们长大了想做什么?孩子们大都要当解放军,我是想当作家。我的想法公布于众不久,上早操,我们的语文老师托某同学带给我一句话:你考试的作文多写了一个问号,当不了作家。过一会,语文老师自己也过来和我说,(句子后面)多了一个耳朵?还当作家呢?语文老师是个老大爷,多少年中,我一直记得他笑眯眯的调侃样子,让人感到温暖和羞愧。 
				  
				Les professeurs, en 
				Chine, comme les parents, aiment demander aux enfants ce qu’ils 
				veulent faire plus tard. La majorité de mes camarades disaient 
				vouloir entrer dans l’Armée de libération, mais moi, je voulais 
				devenir écrivain. Je n’avais pas fait connaître publiquement mon 
				ambition depuis longtemps lorsque notre professeur de langue et 
				littérature a chargé un camarade de venir me dire : ton devoir 
				d’examen a plein de points d’interrogation, tu ne peux pas 
				devenir écrivain. Peu de temps plus tard, le même professeur est 
				venu me voir en personne : avec tous les points d’interrogation 
				que tu as après chaque phrase, tu veux quand même devenir 
				écrivain ? C’était un vieux professeur, dont, après tant 
				d’années je me souviens encore du sourire moqueur, qui vous 
				faisait chaud au cœur, mais faisait honte aussi. 
				  
				Débuts tardifs, mais 
				nécessaires 
				  
				Elle a pourtant 
				toujours gardé le désir d’écrire. Elle a commencé vers dix-huit 
				ans, mais elle s’est ensuite mariée, a eu un enfant et la vie 
				familiale l’a absorbée. C’était la période de l’ouverture, puis 
				du décollage économique, le monde changeait, mais sa vie restait 
				la même : 
				  
				
				又过了若干年,周围的人,都翻天覆地,唯有我过着小日子,与时代脱节的样子。我没有目标,我对现实生活不满,却不知为何不满。这样到了三十岁,我对现实生活愈发不满,又增加了对无情岁月的惊恐。无奈之下开始写小说。 
				  
				En quelques années, 
				la vie de tout le monde autour de moi a été complètement 
				chamboulée, il n’y a que moi qui ai continué à vivre la même 
				petite existence, comme coupée de son époque. Je n’avais pas 
				d’ambition, n’étais pas satisfaite de ma vie, mais ne savais pas 
				pourquoi. J’ai ainsi atteint mes trente ans, de plus en plus 
				insatisfaite de ma vie, et de plus en plus alarmée par cette 
				époque impitoyable. C’est ainsi que, faute d’alternative, je me 
				suis mise à écrire. 
				  
				C’est donc poussée par 
				le besoin d’éviter la sclérose intellectuelle qui guette la 
				femme au foyer, et taraudée par la nécessité de coucher sur le 
				papier toute l’expérience accumulée, qu’elle a recommencé à 
				écrire, à près de trente ans. Elle est revenue aux sources, en 
				quelque sorte…  
				  
				Premières nouvelles 
				  
				La première nouvelle 
				qu’elle écrit alors est publiée en 1994 dans la Revue de 
				Suzhou  (《苏州杂志》). 
				C’est un court récit de trois mille caractères intitulé « Le 
				chef célèbre » (Míngchú 
				《名厨》), 
				inspiré de l’histoire de son oncle Wu Yongren (吴涌根),
				qui fut 
				le cuisinier de Lin Biao (林彪).
				 
				  
				C’est dès 1996 que Ye 
				Mi acquiert un début de notoriété avec une nouvelle plus longue, 
				intitulée « Grandir c’est muer » (chéngzhǎng rútuì《成长如蜕》), 
				qui contient déjà ses thèmes de prédilection ; c’est un portrait 
				de personnage issu du peuple, le premier d’une galerie de 
				petites gens qui forme l’ossature de son œuvre.  
				  
				C’est à cette occasion 
				qu’elle prit son nom de plume, car l’éditeur pensait que son nom 
				véritable, Zhou Jie (周洁), 
				était trop commun. Elle choisit d’abord le nom de famille de sa 
				mère, puis ouvrit au hasard le dictionnaire pour trouver le 
				second caractère. Un écrivain était né. Mais la mue ne faisait 
				que commencer. 
				  
				Les deux nouvelles qui 
				suivent sortent un peu du cadre qu’elle avait commencé à 
				esquisser, en particulier la deuxième, « Gouttes de rosée dans 
				la ville » (《城市里的露珠》), 
				qui traite de la bourgeoisie de Suzhou, de la frivolité des 
				femmes, de leur amour de la mode. Elle a alors pris des leçons 
				de conduite et s’est retrouvée dans un milieu de femmes qui lui 
				était jusque là étranger. Elle a donc raconté cette expérience 
				pour elle insolite, dressant au passage un portrait de femme 
				moderne - un voile sur le visage, et de longs cheveux teints, 
				couleur châtain – représentant les excès de l’attrait de la mode 
				occidentale, avec tout le côté superficiel et clinquant d’une 
				société purement matérielle.   
				  
						
							| 
							Ce ne fut 
							cependant qu’un bref épisode sans lendemain dans sa 
							mue d’écrivain. A partir de là, elle en est revenue 
							aux thèmes et personnages inspirés de l’expérience 
							du Subei : retour aux racines, aux fondamentaux 
							comme elle dit (归根到底...). 
							  
							
							Années 2000 : mues et célébrité 
							  
							Création 
							d’un univers en marge 
							  
							A partir de 
							2001, elle multiplie les publications de recueils de 
							nouvelles (voir Publications ci-dessous). Dans ces 
							récits, elle se recentre sur la vie des petites 
							gens, mais avec un léger infléchissement dans sa 
							thématique et son mode narratif au tournant du 
							millénaire. Au lieu d’être directement en conflit 
							avec la réalité, ses nouvelles reflètent plutôt une 
							volonté d’entente avec le monde (“与世界和解”), 
							mais comme idéal,  |  | 
							
							 
							Le carnet rose, 2003 |  
					d’où une tension 
					narrative qui sous-tend ses récits et en fait l’originalité.
					 
				  
						
							| 
							
							 
							Velours, recueil 2004 |  | 
							L’intérêt 
							de ses nouvelles tient désormais dans la création 
							d’un espace différent, en marge, ou à côté du monde 
							réel, où évoluent ses personnages. C’est le cas de 
							l’une des nouvelles parmi les plus représentatives 
							de la période,
							
							« Velours » 
							(《天鹅绒》), 
							initialement publiée en 2002 : Ye Mi crée comme une 
							bulle en marge de l’espace, mais aussi du temps (la 
							Révolution culturelle, à peine évoquée). La mère de 
							son jeune personnage est carrément folle, mais les 
							autres évoluent comme en apesanteur dans cet univers 
							décalé qui frise l’irrationnel et l’absurde – 
							univers bien sûr conditionné par l’histoire, mais 
							univers, aussi, propre à Ye Mi. En ce sens, la 
							tension est aussi entre passé et présent. 
							 
							  
							On a fait 
							un parallèle avec 
							
							Can Xue (残雪). 
							Les nouvelles de Ye Mi ont cependant une toute autre 
							atmosphère.  Ses personnages évoluent certes dans un 
							univers personnel, en marge, ils ont une attitude et 
							une logique de vie spécifiques, qui se dégagent des 
							conventions jusqu’à  |  
					intégrer 
					l’irrationnel, mais leur univers commence par la vie 
					quotidienne, et y est ancré. Et si finalement Ye Mi fait une 
					large part à l’absurde, c’est parce qu’il fait partie du 
					quotidien, et qu’elle le ressent comme faisant partie 
					intégrante du sien. 
				  
				Elle a expliqué sa 
				démarche ainsi, avec la même logique tortueuse qui préside à son 
				écriture : 
				  
				
				"我是女人,女人喜欢做梦,做梦是不切实际的。所以小说就成了中和我这个特性的手段。我必须通过小说到达现实并理解这个世界,从而实现我个人的目的。所以我的小说呈现出的状态是清醒和理智的,有些甚至是残酷的。我经常游离在我的小说以外,也让读我小说的人有里在我的小说以外。说实话,我认为这是个优点。但让我痛苦的是:我发现写小说成了我的另一种梦,一种会走路的梦,你不知道它将带你到何方去。" 
				  
				« Etant une femme, 
				j’aime rêver, et rêver consiste à se mettre en marge de la 
				réalité. Ecrire des nouvelles est ainsi pour moi le moyen de 
				neutraliser cette tendance. J’ai besoin d’écrire pour revenir à 
				la réalité et expliciter le monde ; c’est mon objectif 
				personnel. Ce sont donc l’éveil et la raison qui conditionnent 
				la genèse de mes nouvelles, mais il y a là quelque chose d’un 
				peu cruel. Alors je m’évade parfois de mes récits, et permets à 
				mes lecteurs de s’en évader. A dire vrai, je pense que c’est un 
				détour favorable. Mais il y a quelque chose qui me tourmente : 
				je me suis aperçue que mes nouvelles sont devenues pour moi une 
				autre manière de rêver, une sorte de rêve pour cheminer dans les 
				rues, mais sans savoir où cela va nous conduire. » 
				  
				Les nouvelles sont 
				ainsi pour elle une manière de dialoguer avec le monde, entre 
				rêve et réalité, mais parfaitement éveillée, en parfaite 
				maîtrise de soi, c’est le lecteur, lui, qui se retrouve sous 
				hypnose. Avec l’expérience, son écriture est devenue de plus en 
				plus soignée, de plus en plus subtile, en plongeant directement 
				dans la psychologie de ses personnages…  
				  
				Mais, en même 
				temps, elle se posait de plus en plus de questions… 
				  
				Crise en 2005, 
				déménagement et nouveau départ 
				  
				
				写着文字,又过了一段浑浑噩噩的生活。也写了一些别人叫好的小说,也拍成了电影。但还是没觉得好过。写作没有给我带来快乐,反而消耗了我仅有的力量。 
				
				因为从写作的那天起,就没有想要写个天长地久。二零零五年起,想要慢慢地脱离文字了。一年也就写一到两个短篇。 
				  
				Tout en écrivant, je 
				continuais à mener une vie au jour le jour. J’écrivais des 
				histoires bien, ou dites telles, en regardant des films de temps 
				à autre. Mais cela ne me contentait pas. Ecrire ne m’apportait 
				aucune joie, au contraire, cela épuisait le peu que j’avais 
				d’énergie. 
				  
				Le jour où j’ai 
				commencé à écrire, je ne pensais pas continuer ad vitam 
				aeternam. Alors, au début de 2005, j’ai voulu arrêter, peu à 
				peu. Je n’ai plus écrit qu’une à deux nouvelles dans l’année.
				 
				  
						
							| 
							En janvier 
							2005, elle publie un recueil dont les nouvelles sont 
							pleines de chaleur humaine, mais aussi d’un grand 
							réalisme : « Citadins » (《市民们》). 
							Elle publie effectivement moins de nouvelles 
							ensuite, mais publie un court roman, en avril 
							2006.   Elle y raconte la croissance d’un enfant de 
							onze ans pendant la Révolution culturelle, mais très 
							loin de la littérature des cicatrices, plutôt à la 
							manière d’une sorte de conte de fées : le jeune 
							garçon se consacre à la poursuite de la beauté. 
							  
							C’est sans 
							doute ce qu’elle appelle des histoires « dites 
							bien ». Ye Mi continue sa réflexion et sa recherche. 
							Une nouvelle charnière est 
							
							« Un 
							aigle disparu dans le palais du Potala » (《消失在布达拉宫的一头鹰》) 
							qui est représentative à la fois de sa construction 
							narrative, mais aussi de sa manière propre de 
							soudain faire apparaître l’étrange et l’irrationnel 
							dans le quotidien, irrationnel qui est d’ailleurs 
							dans les têtes d’abord, sous l’influence à la fois 
							du bouddhisme et du taoïsme populaire, lié à la 
							croyance au surnaturel.  |  | 
							
							 
							Citadins, 2005 |  
					  
				Initialement publiée en 
				janvier 2007 dans la revue « Ecrivains de Chine » (《中国作家》), la nouvelle a été couronnée fin octobre 2008 d’un prix littéraire 
				bisannuel instauré cette année-là (“首届小说双年奖”). 
				  
				
				二零零七年年底,我不死心,又想认真地看待小说。力量可以再生。且把力量生出后,看看我到底是要什么。 
				  
				A la fin de 2007, je 
				n’avais toujours pas abandonné, et considérais même l’écriture 
				avec plus de sérieux que jamais. On arrive toujours à retrouver 
				de l’énergie. Et une fois que j’ai eu rassemblé toute mon 
				énergie, je me suis demandé ce que je voulais faire vraiment. 
				  
				C’est alors qu’elle 
				déménage, et qu’elle trouve le calme idéal pour son 
				épanouissement : 
				  
				
				于是把家搬到靠太湖边的小镇后面。前面是镇,后面是村。丈夫在外在工作,坐火车来回一次十几个小时。半月回家一次。我一个人在新家,人生地不熟,小区里外都没灯。小区里远远地住着另一家不往来的人。一到晚饭时间,路上鬼都没有一个。也算静心,也算修行。竟渐入佳境,身心也健康起来。怒风如吼的台风之夜,照常鼾睡如泥,那管外面一地狼藉。坐公交车进城来回要三个多小时,夜里进城,不习惯城里满地的灯光。在城里,看不到月光。在这里,有月光,有花草之香,有无数鸟,有野生的小动物,有鬼,有神,有狐……有孤独。 
				
				有时晚上临睡前,掐指一算,咦,今天一天没有与人讲话,昨天一天也没和人说话。于是明天早起,去菜场和菜贩鱼贩拉家常。孤独虽好,不能忘了与人交流。 
				  
				Alors, j’ai déménagé 
				dans un petit bourg au bord du lac Taihu. Le bourg est devant, 
				et derrière, il y a un petit village. Mon mari travaillait loin, 
				à cinq heures de train. Il rentrait à la maison deux fois par 
				mois. J’étais toute seule dans la nouvelle maison, je ne 
				connaissais ni l’endroit ni personne alentour, et la nuit la 
				route n’était pas éclairée. La maison la plus proche était loin, 
				et je ne voyais pas passer âme qui vive de toute la journée. 
				C’était à la fois calme et idéal pour méditer. Je me suis faite 
				peu à peu à cet environnement, et me suis requinquée, corps et 
				âme. Même par les nuits de tempête, les hurlements du vent 
				n’arrivaient pas à me réveiller. La ville était à trois heures 
				de train aller-retour ; comme elle est éclairée de nuit comme de 
				jour, on n’y voit jamais la lune, alors que, dans le village, au 
				contraire, on la voit, on sent l’arôme des fleurs et de l’herbe, 
				on entend d’innombrables oiseaux, il y a des bêtes sauvages, des 
				fantômes, des esprits, des renards… et il y a la solitude.
				 
				  
				Parfois, le soir, 
				avant de m’endormir, je comptais sur mes doigts, eh, 
				aujourd’hui, de toute la journée, je n’ai adressé la parole à 
				personne, hier, de toute la journée, non plus. Alors demain, de 
				bonne heure, je vais aller au marché, parler de choses et 
				d’autres avec le marchand de légumes, ou le marchand de 
				poissons. La solitude, c’est bien, mais il ne faut pas oublier 
				les rapports humains.  
				  
				Le résultat est là. 
				Elle publie coup sur coup plusieurs de ses meilleures nouvelles, 
				dont plusieurs sont primées, dont « La montagne des 
				brûle-parfums » (《香炉山》), 
				initialement publiée dans Shouhuo en février 2010, et 
				couronnée du prix Lu Xun en 2014.  
				  
				Elle est inspirée d’une 
				prise de conscience qui lui est venue un jour qu’elle s’était 
				perdue au bord du lac Taihu, justement. Elle a eu très peur.
				 
				
				"我意识到,现代人对于陌生的人、陌生的环境,已经失落了探究的心情,总是处在保护自己的焦虑中。当人们完全放松不再戒备时,世界也会给人们全新的面貌。" 
				« J’ai ressenti combien l’homme moderne, face à un inconnu, confronté 
				à un environnement inconnu, a perdu le sens de la recherche, de 
				l’exploration ; il est essentiellement inquiet de préserver sa 
				sécurité.  Mais, s’il se détend et baisse ses gardes, le monde 
				peut prendre une tournure totalement différente. » 
				 
				  
				C’est le sujet de la 
				nouvelle, qui part d’un événement fortuit, d’un jour par 
				ailleurs ordinaire. 
				  
				Soudaine célébrité 
				grâce au cinéma   
						
							| 
							
							 
							Vas-y, la couleur est passée au 
							pourpre |  |  |  
					quelques interviews de 
					l’auteur. Ye Mi était catapultée volens nolens sous les feux 
					des projecteurs. 
					  
				  
						
							| 
							Si Ye Mi 
							est devenue célèbre grâce au cinéma, c’est qu’elle 
							n’a pratiquement écrit que des nouvelles, et qu’il 
							est très difficile à un auteur de devenir célèbre 
							dans ces conditions.  
							  
							De manière 
							caractéristique, en mai 2004, elle a publié un 
							recueil de nouvelles – « Vas-y, la couleur est 
							passée au pourpre » (《去吧,变成紫色》) 
							– qui a été publié aux éditions de la Fédération des 
							lettres et arts de Chine  (中国文联出版社), 
							dans la collection « Les rois de la nouvelle courte 
							» (“短篇王”文丛). 
							Il s’agit d’une collection destinée, justement, à 
							sensibiliser le public à ce genre littéraire trop 
							négligé. Les initiatives se sont multipliées depuis 
							lors, le roman étant en crise. 
							  
							Mais Ye Mi 
							a sacrifié à la popularité. En mars 2014, elle a 
							publié dans Shouhuo un roman original qu’elle 
							a passé six ans à écrire et qui a fait couler 
							beaucoup d’encre : « Une peinture venue du passé » (fengliu 
							tujuan《风流图卷》) : |  | 
							
							 
							Les regrets du néflier, 2012 |  
					  
						
							| 
							
							一个人,在乡里住了六年。六年中写了《风流图卷》。没有结束,按照五年前的构思,还有一部延续下去,下一部叫什么?肯定有“风流”二字。这篇小说,…谢谢我弟,某一天他在看宋人的画册,对我说,“风流”后面加“画卷”二字,多好?遂成“风流图卷”四字。 
							J’ai 
							vécu six ans, seule dans ma campagne. Et pendant ces 
							six ans j’ai écrit le roman « Une peinture venue du 
							passé » Alors que j’avais presque terminé, et que, 
							d’après le schéma préalable des cinq années 
							précédentes, il me restait encore une partie à 
							écrire, je me suis demandé quel titre lui donner. 
							Assurément, il devait comporter les deux caractères 
							fēngliú“风流” 
							[talentueux et distingué mais non conventionnel, et 
							hérité du passé]. … je remercie mon frère qui, un 
							jour qu’il était plongé dans un album de peinture 
							des Song, m’a suggéré d’ajouter « Rouleau de 
							peinture » 
							“画卷” 
							après fēngliú“风流”ce 
							qui a donné les quatre caractères du titre final.
							 
							  
							Mais c’est 
							un cas isolé. Elle n’a pas cessé ses publications de 
							nouvelles, recueil sur recueil. Et la plus belle 
							qu’elle ait peut-être jamais écrite est celle qui 
							figure en première position dans le recueil des plus 
							belles nouvelles de l’année 2015 paru aux éditions 
							du Liaoning (辽宁人民出版社) : 
							« An die Musik » (《致音乐》)
							. 
							C’est l’histoire croisée de deux hommes à la fin de 
							la Révolution culturelle : un musicien qui revient 
							de loin, pour rentrer à Pékin, et un petit voleur 
							qu’il croise sur son chemin ; après une échauffourée 
							stupide, le petit voleur laisse le musicien pour 
							mort et part à Pékin à sa place. Chacun trouve son 
							bonheur de façon tout à fait inattendue.  |  | 
							
							 
							Roman Fengliu tujuan, Shouhuo mars 
							2014 |  
					  
				C’est un conte réaliste 
				au départ, tellement bien écrit, avec tellement de chaleur et 
				d’émotion, que l’on jette volontiers aux orties toute velléité 
				de logique ou de crédibilité. De toute façon, c’était l’époque, 
				celle, elle le répète plusieurs fois, des lendemains de la chute 
				de la Bande des quatre. Alors tout n’était-il pas possible ? 
				  
				Ye Mi est là à son 
				mieux, dans son style très personnel, aux confins du rêve et de 
				la réalité. 
				  
				
				Un style très 
				personnel 
				  
						
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							Six nouvelles de Ye Mi, 2014 |  |  |  
						
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							Une époque de chaos, 2014 |  
						
							| 
							
							 
							Famille, recueil 2016 |  |  |  
					
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						Ye Mi avec Fang Fang lors d'une réunion 
						de l'Association  
						des écrivains du Jiangsu, 
						en juin 2017 |  
 
				Avril 2001 
				  Les deux faces 
				d’une pièce de monnaie《钱币的正反两面》 
				
				Recueil de neuf nouvelles (et deux préfaces), 
				dont : 
				Juillet 2003 
				  Le carnet rose
				
				《粉红手册》 
				 
				
				Recueil de onze nouvelles courtes et une postface, dont : 
				Une perle de rosée dans 
				la ville  城市里的露珠 /Une nuit 
				rose 粉红夜 / 
				La corde de Sima 
				司马的绳子
 Une 
				histoire porno 黄色的故事
 
				  
				Mai 2004 
				  Velours 
				《天鹅绒》
				 
				Recueil de seize 
				nouvelles (et deux préfaces), dont : 
				Une 
				femme sans importance 
				小女人 
				/ Le père 
				et l’escroc 
				父亲和骗子 / 
				Mai 2004   
				Vas-y, la couleur est passée au pourpre《去吧,变成紫色》 
				  
				
				Editions de la Fédération des arts et des lettres,  
				
				Collection « Les rois de la nouvelle courte » 
				“短篇王”文丛 
				Janvier 2005 
				  Citadins《市民们》 
				Avril 2012 
				  Regrets du 
				néflier《恨枇杷》 
				
				Ascension solitaire 
				独自升起/
				
				Clandestin 
				逃票 /  
				La montagne des 
				brûle-parfums 
				香炉山 
				Un survivant 
				幸存记 /Multicolore
				五彩缤纷 / 
				Famille  亲人 
				/  
				Tempête de neige une 
				nuit sur le quai aux fleurs  
				花码头一夜风雪 /  
				Janvier 2016  
				 Famille《亲人》 
				
				
				Sélection de treize nouvelles courtes 
 
				Traductions en 
				anglais 
				  
				- Family 
				《亲人》, 
				tr. Florence Woo, Chinese Arts & Letters vol. 1 n° 2, pp. 
				165-178 
				- Beyond Your World
				《你的世界之外》, 
				tr. David Haysom
				 
				A lire en ligne :
				
				http://www.spittingdog.net/translations/ye-mi-beyond-your-world/ 
				- Love’s Labor
				《郎情妾意》, 
				tr. Hu Ying (copyright 2008), Words Without Borders, avril 2008 
				A lire en ligne :
				
				http://www.wordswithoutborders.org/article/loves-labor 
				- The Hot Springs 
				on Moon Mountain 《月亮里的温泉》, 
				tr. Canaan Morse, Pathlight Oct. 2015. 
				- 
				Trois nouvelles dans 
				Chinese Arts 
				& Letters, 2018 n° 1, 
				les deux premières 
				traduites par Ella Schwalb, la troisième par Natascha Bruce (pp. 
				7-62) : 
				-         
				
				Le Monastère de la 
				Clarté lunaire (Bright Moon Temple 
				
				《明月寺》), 
				2003  
				-         
				
				Méditation sur les 
				flocons de neige (Snowflake Meditation 
				
				《雪花神》), 
				2015  
				-         
				
				Le mont Xianglu (Mount 
				Xianglu 
				
				《香炉山》), 
				2009. 
 
					
 
						 
						 
						 
						
						
						 
						Lin Biao fut
						
						le chef de l’Armée populaire de libération pendant un 
						temps désigné comme successeur de Mao, mais disparu dans 
						des circonstances mystérieuses dans un accident d’avion 
						en 1971.    
						
						 
						 
						 
				  
				  
				         
				  
				 
				  
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