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Jing Ge 荊歌
Présentation
par
Brigitte Duzan, 8 août 2016
Natif de Suzhou, Jing Ge est une sorte
d’avant-gardiste attardé, ou plutôt un lettré à
l’ancienne, écrivain à l’écriture raffinée et à
l’imagination prolixe, calligraphe et peintre à ses
heures, un esthète du sud du fleuve…
Lente maturation
Il est né en 1960 à Suzhou. Il termine ses études
secondaires à la fin de la Révolution culturelle, en
1976, et travaille ensuite dans un studio de photo
pendant deux ans. C’est une expérience qui sera une
riche source d’inspiration par la suite.
En 1978, à la réouverture des universités, il est
admis à l’Ecole normale de Suzhou. En février 1980,
diplôme en poche, ildevient professeur et enseigne
le chinois dans divers collèges de Wujiang (吴江).
Ce n’est qu’en avril 1988 qu’il obtient un poste au
Bureau de la culture de Wujiang. |
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Jing Ge |
C’est alors qu’il publie son premier recueil de poèmes, en 1989.
Mais il s’écoule encore dix ans avant qu’il publie son premier
roman, en 1998.
Romans et nouvelles
Trilogie romanesque et recueil de nouvelles
Ses premières œuvres publiées sont en effet des
romans. Il a trente-huit ans quand il publie le
premier : « A la dérive » (《漂移》).
Le récit fait une large place au souvenir, mais les
personnages sont incapables d’échapper au poids
incapacitant de l’histoire. Le style en est le
principal signe distinctif.
C’est le premier volet d’une trilogie dont la
thématique est liée à une réflexion sur l’histoire
et la mémoire, et les rapports entre les deux. Le
second roman, « Poussière » (《粉尘》)
sort l’année suivante, et le troisième « Fusillé » (《枪毙》)
en octobre 2001. Dans « Poussière », cependant, ce
qui intéresse avant tout Jing Ge est la nature
humaine ; il analyse les sentiments, le monde
intérieur, avec une place importante laissée à la
mémoire. L’histoire, elle, est en marge ; elle est
disséminée dans les recoins de la mémoire, en
quelque sorte.
Conté par un narrateur à la première personne,
« Fusillé » se passe pendant la Révolution
culturelle. Le personnage principal, et narrateur,
s’appelle Er Hun (二魂),
c’est-à-dire "deux âmes", c’est un traître. Le récit
commence quand apparaissent des slogans
contre-révolutionnaires faits avec des coupures de
journaux. Un jour, il manque un bout de journal chez
le narrateur. Il est l’objet d’une enquête. Il va
donc chez des amis pour tenter de trouver le journal
entier…
En même temps que ce troisième roman, en 2001,
paraît aussi un premier recueil de nouvelles :
« Voyage en août » (《八月之旅》). Et
ce rythme de publication, alternant romans et
nouvelles, courtes et moyennes, devient la norme par
la suite. |
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Fusillé
Voyage en août, recueil |
Le nid d’oiseau
Le nid d’oiseau |
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Le quatrième roman - « Nid d’oiseau » (《鸟巢》)
- paraît en janvier 2003. Il est construit sur la
base d’une intrigue qui rappelle à la fois « Meurtre
dans un jardin anglais » et « Blow Up »,
mais où ce sont plutôt les appareils photos que les
photos elles-mêmes qui constituent le deus ex
machina. Ainsi, en cherchant l’appareil-photo qu’il
a perdu, Da Hema (大河马)
découvre un cadavre et se retrouve soupçonné du
meurtre. Sa vie en est complètement bouleversée…
Sous la plume de Jing Ge, le monde prend une note de
poésie absurde, et la vie des aspects totalement
saugrenus et surréalistes. C’est la caractéristique
générale de ses écrits, ce qui inclut aussi ses
nombreuses nouvelles.
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Confession et autres nouvelles
Paru l’année suivante, en mai 2004, « Confession »
(《口供》)
est un recueil de quinze nouvelles courtes et
moyennes, qui regroupe les plus connues des cinq
années précédentes :
1
Paix
太平
/ 2
Chronique d’un remariage
再婚记
3
Weichuan et le professeur Lin
卫川和林老师
/ 4
Fleur de nuit pluvieuse
雨夜花
5
Une famille révolutionnaire
革命家庭 /
6
La peau peinte
画皮
/ 7
Confession
口供
8
Programme de divertissements
娱乐节目 /
9
La dignité des dents
牙齿的尊严
10
La chambre de madame Kuo
阔太太的房子
11
Un tourbillon au bout du doigt
手指上的漩涡
/ 12
Poésie et mariage
诗与婚姻
13
Poison
毒药
/ 14
Le tractoriste
拖拉机手
/ 15
Claque
巴掌 |
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Confession |
Impasse sentimentale |
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Dans ce recueil « La peau peinte » (《画皮》),
par exemple, est assez typique de la manière dont
Jing Ge traite son thème privilégié, la mémoire et
l’histoire, ou la mémoire de l’histoire, tout en se
rattachant à la littérature classique. Le titre
rappelle en effet le célèbre conte éponyme de
Pu Songling (蒲松龄)
,
ce qui évoque tout de suite la grande tradition
chinoise du fantastique. Mais le fantastique de Jing
Ge est dans la réalité quotidienne, sous la surface
des choses, ce qui, d’ailleurs, n’est pas loin des
conceptions de Pu Songling lui-même.
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Nos amours |
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« La peau
peinte » débute au milieu des années 1990, alors
qu’un jeune d’une trentaine d’années est venu à
Pékin travailler dans un restaurant. Or, il cache un
secret qui remonte à la Révolution culturelle.
Peintre obsédé par Mao, et par son portrait, son
père s’est mis à tatouer des portraits de Mao sur la
peau des gens. Son fils essaie de cacher ce lourd
héritage dont le souvenir l’opprime, mais des
nouveaux riches collectionneurs d’antiquités en ont
entendu parler et sont prêts à payer le prix fort
pour obtenir des spécimens de ces tatouages…
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En janvier 2005, ces nouvelles sont complétées par
un autre recueil : « Une histoire d’amour
et de rein »
(《爱与肾》).
Ce sont onze nouvelles, dont plusieurs encore
inédites outre celle qui a donné son titre au
recueil :
Un couple naturel《天生那个一对》/
Le chat attrape la souris《猫捉老鼠》/
Le studio photographique d’août
《八月照相馆》/
Des années plus tard
《多年以后》
/
Le ravisseur
《绑架者》...
Histoires d’amour
Les récits de Jing Ge fourmillent d’inventivité,
etse distinguent par un style raffiné exprimant un
imaginaire aux confins de l’absurde. Ils débutent en
général par une histoire du plus sobre réalisme,
pour dériver très vite en conte surréaliste. Ses
romans ont,par ailleurs, des structures originales.
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Amour et rein |
Dix conversations de nuit |
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Ils ont parfois la facture de récits en séries.
C’est le cas, par exemple, de « Dix conversations
de nuit » (《十夜谈》),
publié début 2004 et écrit, là encore, à la première
personne. Le narrateur est un écrivain qui vient
d’acquérir le statut d’écrivain professionnel et
qui, catastrophe, est en panne d’inspiration ;
alors, pour lui venir en aide, un ami lui amène le
soir trois ou quatre personnes pour lui raconter des
histoires. Et ce sont dix histoires d’amour
grotesques, voire monstrueuses, qui lui sont ainsi
contées, comme des contes modernes, et grinçants,des
mille et une nuits.
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Publié en août 2008, « Mort aux rats » (《鼠药》)
est un autre exemple de structure originale, et
fragmentée : le roman est écrit sous forme
épistolaire, présentant deséléments d’intrigue
dispersés. Il est toujours conté par un narrateur à
la première personne, et avec une sorte d’humour
froid.
Un vieillard qui collecte des vieux papiers apporte
un jour au narrateur un sac qu’il a récupéré. Il est
plein de lettres, écrites entre 1970 et 1980,
quireflètent, par bribes, dix ans d’histoires
d’amour, de trahison, de haine, de remords, de
crimes et de leurs châtiments. Un sac de lettres
contenant la mémoire du passé.
La mémoire du passé, toujours
Cette mémoire du passé, qui n’est qu’histoire
individuelle, mais conditionnée par la grande, est
encore en jeu dans |
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Mort aux rats |
« L’été, l’été » (《夏天,夏天》),
publié en mars 2009. C’est une histoire qui se passe dans un
joli village du sud, un été ; ce sont les vacances, la
petite école est déserte, il ne reste qu’un couple de
professeurs et leur fils, qui est très seul. Arrive un
bateau, qui transporte du foin pour faire des nattes. Sur le
tas de foin sont assis deux hommes nus jusqu’à la taille, un
grand et un petit. C’est un père et son fils. Leur arrivée
tire le fils des professeurs de sa solitude, mais ils
apportent aussi une histoire –l’histoire peu ordinaire de
cet été-là.
L’encens, comme dans le temps
C’est encore un titre qui évoque le passé et la tradition qui a
été choisi pour le recueil de nouvelles publié en décembre
2014 : « L’encens, comme dans le temps » (《香如故》).
C’est un florilège de dix ans de nouvelles courtes et moyennes,
dont, outre la nouvelle-titre, parmi les inédites :
La chatte《猫娘》/
Avortement《流产》/
La jeune Nanxun《南浔姑娘》
A qui est ce vieux truc ?《他日物归谁》/
Enfouaré《鸟事》/
Ex-épouse《前妻》
Pies《喜鹊》/
Le chef-lieu de canton《县城》/
Costume de scène《戏衣》/
Les morts ne témoignent pas《死者不做证》
Parmi les nouvelles moyennes, « Un tourbillon au bout du
doigt » (《手指上的漩涡》)
est typique de l’imagination de Jing Ge ; c’est encore une
histoire de père, celui « d’un ami du narrateur » qui avait pour
obsessssion, dès qu’il était seul quelque part, d’ouvrir les
tiroirs, non pour voler quelque chose, mais par simple
curiosité, juste pour voir ce qu’il y avait dedans…
Quant à la nouvelle courte « Pies » (《喜鹊》),
c’est l’histoire, contée de manière très subtile, du
souvenir traumatisant d’une jeune fille, lié à son
obsession pour les pies… On a là un condensé de
style à la fois allusif et allégorique. C’est l’une
des rares nouvelles de Jing Ge qui ait été traduite.
Calligraphe et peintre
Par ailleurs, le roman « L’été, l’été » a été
illustré par l’auteur. Il est en effet difficile de
parler de Jing Ge sans évoquer son talent de
calligraphe, et de peintre. Chez lui, tout est lié,
comme chez les lettrés traditionnels. |
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Peinture et calligraphie de Jing Ge |
Il expose régulièrement ses œuvres.
Exposition “Jiangnan Lanting” à Hangzhou, en mai 2014 :
http://en.hangzhou.com.cn/News/content/2014-05/06/content_5271606.htm
Exposition de peintures et calligraphies à Suzhou, en avril
2016 :
http://www.ldxz.com/dv_rss.asp?s=xhtml&boardid=28&id=20366&page=2
Peinture sur éventail |
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Mais il lui arrive aussi de vendre certains de ses
manuscrits, qui sont considérés par les
collectionneurs comme des œuvres d’art. La
calligraphie et la peinture chinoises sont des
valeurs sures en Chine. Particulièrement
recherchés sont les manuscrits d’écrivains modernes
comme Zhou Zuoren (周作人),
Hu Shi (胡适)
ou
Yu Dafu (郁达夫),qui
peuvent atteindre le million de yuans. Les
manuscrits d’auteurs |
contemporains, comme
Mo
Yan (莫言),
Chen Zhongshi (陈忠实)
ou
Jia Pingwa (贾平凹),
qui continuent à écrire à la main, sont aussi devenus objets
de collection recherchés. Dans ce contexte, en mars 2013, un
manuscrit de dix mille caractères du roman « Le moment » (《一刻》)
de Jing Ge a trouvé acquéreur à 56 000 yuans, mais,
originalité, les enchères se sont faites sur sa page weibo.
http://www.weibo.com/jingge226?refer_flag=1005055014_&is_hot=1#_rnd1470474204918
Jing Ge est écrivain professionnel
et membre de l’Association des écrivains du Jiangsu depuis 2002.
Il a cependant démissionné en mars 2015 de sa fonction de
vice-président de l’Association.
Publications
(hors poésie)
Romans
1998 A la dérive《漂移》
1999 Poussière《粉尘》
2001 Fusillé《枪毙》
2002 Un amour pour l’éternité《千古之爱》
2003 Le nid d’oiseau《鸟巢》
2004 Dix conversations de nuit《十夜谈》
2004 Comment dire combien je t’aime《爱你有多深》
2004 Impasse sentimentale《情途末路》
2005 Nos amours《我们的爱情》
2006 Un concentré de discussions sur le sexe《谈性正浓》
2008 Mort aux rats
《鼠药》
2009 Eté, été
《夏天,夏天》
Recueils de nouvelles et essais
2001 Voyage en août《八月之旅》recueil
de nouvelles
2003 La dignité des dents《牙齿的尊严》recueil
de nouvelles
2004 Confession《口供》山东文艺出版社
recueil de quinze nouvelles
2005 Amour et rein《爱与肾》recueil
de onze nouvelles
2012 Le sens de la vie
《生活道理》recueil
d’essais (散文集)
2013 L’odeur de l’encens《闻香识人》recueil
de textes courts (随笔集)
2014 L’encens comme dans le temps《香如故》recueil
de nouvelles
Traduction en anglais
- Magpies《喜鹊》tr.
Michael Day, Chinese Arts &
Letters, Vol. 3 n° 1
(2016.1), pp. 131-154.
Adaptations cinématographiques
- March
《三月花》écrit
etréalisé par Zhan Junke
占俊科
[dit A Zan (阿赞)],
sorti en mai 2006.
Adapté de la nouvelle « Le chat attrape la souris »
《猫捉老鼠》
-The
Back
《背面》réalisé
par Liu Bingjian (刘冰鉴)
avec Hu Bing (胡兵),coproduit
par Luc Besson, en compétition au festival de Rome
en octobre 2010.
Adapté de la nouvelle « La peau peinte »
《画皮》. |
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The Back |
La nouvelle a été adaptée au cinéma, mais sans grand
succès (voir Adaptations cinématographiques).
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