Diao Dou est un écrivain chinois considéré comme
l’un des meilleurs satiristes chinois aujourd’hui,
un satiriste plein d’humour pour qui l’écriture est
le plus important dans la vie.
De la poésie aux nouvelles
De son vrai nom Diao Tiejun (刁铁军)
[1],
il est né en 1960 à Shenyang, dans le Liaoning, la
même année que
Yu Hua (余华),
mais il est aussi de la même génération que ces
écrivains dits « arrivés sur le tard » (晚生代),
comme
Han Dong (韩东)
ou
Zhu Wen (朱文),
avec lesquels il partage un même sens de l’humour et
de l’absurde… et aujourd’hui le même crâne rasé.
Diao Dou
(photo Leeds Centre for New Chinese
Writing)
Fils d’un professeur de philosophie, Diao Dou a fait
des études de journalisme à l’Université de
radiodiffusion de Pékin (北京广播学院)
[2]
et une fois diplômé, en 1983, a travaillé d’abord
comme journaliste. Il est entré à l’Association des
écrivains en 1995.
Pendant longtemps, il a été connu pour une chanson
qu’il a écrite alors qu’il était étudiant et qui est
devenue un hit sur les campus chinois dans les
années 1980 : « Traces de pas » (《脚印》).
C’était une période où tout le monde écrivait de la
poésie. Diao Dou le premier. Il avait alors les
cheveux longs.
Il s’est en effet d’abord fait connaître grâce à un
recueil de poèmes, « Chroniques de l’amour » (《爱情纪事》),
puis, en 1996, a publié un premier recueil de
nouvelles et, deux ans plus tard, un premier roman.
Il a continué à un rythme soutenu avec un pic de
publications en 2002 : deux romans et deux recueils
de nouvelles. Fin 2003, il a été l’un des dix
lauréats du prix littéraire Zhuang Zhongwen
(庄重文文学奖).
Depuis 2014, il se consacre surtout à l’écriture de
nouvelles, dont il a publié un nombre impressionnant
de recueils.
Humour et absurde
Il s’est dit influencé par
Robbe-Grillet et Italo Calvino, mais on pense aussi
à Kafka en lisant sa propre « Métamorphose » (《变形记》).
Il cultive dans ses écrits une vision de l’absurde
empreinte d’humour particulièrement sensible dans
ses nouvelles. Ses histoires sont étranges et
drôles ; le quotidien est un peu inquiétant (plein
de blattes et autres cafards), et les nuits, surtout
dans la chaleur de l’été, sont propices aux vols et
aux incidents. Dans l’une de ses nouvelles, pour
lutter contre cette délinquance urbaine, les mesures
prises obligent les citoyens, après cinq heures du
soir, à ne plus se mettre debout, mais à rester
accroupis – ce qui évoque aussitôt l’image d’un
univers à l’arrêt, un univers figé comme celui de la
Belle au bois dormant, figé par ordre des autorités,
comme mesure préventive.
C’est drôle, mais l’humour grince un peu, et
d’autant plus que c’est la réalité que Diao Dou se
dit dépeindre. En général, ses histoires commencent
comme une sorte de farce, mais dégénèrent en récits
où affleure l’étrange et suinte l’angoisse car,
dit-il, aussi terne que soit une existence, elle ne
manque jamais de faits étranges, et si on ne les
voit pas toujours, on ne peut que blâmer l’érosion
de notre pouvoir d’observation. Le fantastique,
dit-il encore, est comme une rencontre romantique,
on la trouve si on veut bien la chercher.
Pu Songling
n’est jamais loin en Chine aujourd’hui.
L’exemple-type de l’imagination créatrice de Diao
Dou fondée sur la réalité est la ville de Zhangji
qui apparaît dans sa nouvelle « En allant à
Zhangji » (《去张集》).
Un univers où la maîtresse du narrateur est une
sorcière, comme on est couturière, institutrice ou
journaliste, et comme un double fictionnel de la
Tante Julia (et le Scribouillard) de Vargas LLosa.
C’est un univers plein de chemins de traverse qui se
coupent et se recoupent en ramenant au centre de
l’histoire : le Dictionnaire de la fiction mondiale,
emblème ironique de la création littéraire.
Activité éditoriale
Les règles du jeu
En fait, c’est un appel au secours
La vie et l’imagination d’un
romancier
Diao Dou est également rédacteur de la revue « Critique des
écrivains contemporains » (《当代作家评论》)
ainsi que de la revue de l’Association des écrivains du
Liaoning « Le fleuve Yalu » (《鸭绿江》杂志).
Principales publications
Romans
1998 Dossier personnel
《私人档案》
1999 Témoignage
《证词》
2002 Les règles du jeu
《游戏法》
2003 Désir
《欲罢》
2008 Mon frère Diao Bei, une vie
《我哥刁北年表》
2011 Proche
《亲和》
Recueils de nouvelles
1996 Ascension solitaire《独自上升》
1996 Un coup de dés
《骰子一掷》
1997 Une soirée de larmes
《痛哭一晚》
2001 A faire frissonner
《为之颤抖》
2002 L’amour, ça sort d’où ?
《爱情是怎样制造出来的》
2006 En fait, c’est un appel au secours
《实际上是呼救》
2010 Test de sadomasochisme《虐恋考》
(en deux tomes)
2014 Lettres d’amour
《情书考》
2015 Origine
《出处》
Essais
Les livres et moi
《我与书》
2012 La vie et l’imagination d’un romancier
《一个小说家的生活与想象》
Traductions en anglais
(short stories)
- Squatting
《蹲着》,
tr. Brendan O’Kane, in Shi Cheng: Urban Stories from Urban
China, Comma Press, April 2012, pp. 139-167.
- Points of Origin, recueil de dix nouvelles dont la
précédente, tr. Brendan O’Kane, Comma Press, Nov. 2015 :
Cockroaches
《蟑螂》/
Vivisection
《活体解剖》/
Metamorphosis
《变形记》/
Old-Fashioned Romance
《古典爱情》/
Imagining the Possibilities
《想像的可能》/
The Last Shot
《最后一枪》/
Going to Zhangji
《去张集》/
Points of Origins
《出处》.
Traductions en français
Quatre recueils chez Bleu de Chine
- Solutions
《解决》,
2003, 126 p.
- Nid de coucou, 2004, 128 p.
Trois nouvelles typiques : un père dépossédé de son enfant,
contraint au meurtre, une femme enceinte réputée stérile et un
homme face à un autre lui-même qui prend tranquillement à sa
place.
- La Faute, trad. Véronique Jacquet-Woillez,
2004, 131 p.
- Rêves, trad. Prune Cornet, 2006, 131 p.
Dans la revue Jentayu
- Les Blattes
《蟑螂》,
nouvelle trad. par Catherine Charmant et Deng Xinnan,
Jentayu, numéro spécial covid19,
juillet 2020, pp. 33-45.
[1]Tiejun :
l’armée de fer – un nom caractéristique de la période du
Grand Bond en avant.
Mais son nom de plume ne quitte pas le
vocabulaire militaire car autrefois, un diaodou
était une sorte de poêle en fonte, munie de trois pieds,
utilisé par les soldats le jour pour faire cuire le riz,
mais que l’on frappait la nuit, comme des percussions,
pour sonner les patrouilles.
[2]
Devenu aujourd’hui Université des
communications de Chine (中国传媒大学)