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				Une anthologie pour 
				commémorer cinquante ans de relations diplomatiques entre la 
				Chine et la France 
				
				par Brigitte Duzan, 31 mars 2014     
				 
					
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						L’idée de départ était de réunir dix textes de dix 
						auteurs, représentatifs de l’évolution de la littérature 
						et de la penséeau cours du demi-siècle écoulé depuis 
						1964, pour commémorer l’établissement, cette année-là, 
						des relations diplomatiques entre la Chine et la France.
						     
						
						  
						
						Comme le remarque judicieusement le professeur Zhang 
						Yinde au début de sa préface, c’est déjà une gageure de 
						vouloir établir une anthologie de la littérature 
						chinoise contemporaine ; c’en est une bien plus grande 
						de vouloir le faire sur une période arbitraire de 
						cinquante anssans rapports – ou très peu – avec de 
						grands moments de l’histoire de cette littérature. 
						
						       
						
						Ce n’est donc pas vraiment une anthologie, au sens 
						propre du terme, car il n’y a pas volonté de vision 
						synthétique et globale, mais plutôt une agréable 
						sélection de quelques « fleurs » qui rapproche donc ce 
						recueil d’un florilège. Il s’agit  |  | 
						 
						Les rubans du cerf-volant, anthologie |  
				
				d’un parcours chronologique qui permet de retracer, en quelques 
				sauts dans le passé comme autant de sondages géologiques, ce que 
				l’on a bien pu écrire à telle ou telle date pendant ces 
				cinquante ans.  
				
				       
				
				Le terrain est bien balisé, bien que les dates de publication ne 
				soient pas clairement indiquées, ce qui enlève beaucoup de 
				clarté au projet.  
				
				       
				
				Les trois passages du blog de 
				Han 
				Han (韩寒), 
				à la fin, répondent ironiquement aux extraits du journal de Lei 
				Feng (雷锋), 
				au début – Lei Feng, le petit soldat modèle de Mao mort en 1962, 
				qui sert en quelque sorte d’introduction à l’ouvrage. 
				 
				
				       
					
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						La nouvelle de Lu Wenfu, édition 
						originale |  | 
						
						La première nouvelle, ensuite, date de 1964, donc au 
						tout début de notre période ; c’est « Ma seconde 
						rencontre avec maître Zhou Tai » (《二遇周泰》), 
						de Lu Wenfu (陆文夫), dans 
						la même veine très humaine que son histoire de 
						gastronome par laquelle il est généralement connu chez 
						nous.  
						
						       
						
						Les dix années suivantes sont une sorte de trou noir, en 
						littérature comme ailleurs, en Chine, et c’était l’une 
						des difficultés. Le seul auteur de la période qui ait 
						été autorisé à publier est Hao Ran (浩然), 
						que la sélection a préféré oublier, pour mieux se 
						concentrer sur les années après la Révolution 
						culturelle.  
						
						       
						
						Pour marquer le renouveau littéraire du début des années 
						1980, on trouve trois textes très différents. D’abord 
						une très courte nouvelle (小小说) 
						datée de 1982, «  Mon chapeau » (《我"帽子"》) 
						de 
						
						Jiang Zilong (蒋子龙),
						
						
						assez peu  |  
				
				représentative des thèmes habituels de cet auteur, mais très 
				bien choisie pour ce début de décennie : il s’agit d’un ancien 
				droitier qui ne peut être réhabilité car il n’a pas été 
				formellement et officiellement condamné…  
				
				       
				
				La 
				nouvelle qui suit, que
				Wang 
				Meng (王蒙) 
				a écrite fin 1979 mais publiée en 1980,  « Les rubans du 
				cerf-volant » (《风筝飘带》), 
				vient à point rappeler combien les Chinois ont pu rêver pendant 
				ces années de retour à la vie et à l’espoir. Mais, dans la 
				nouvellesuivante datée de 1985,« Paysage 
				de fange avec têtes » (《泥沼中的头颅》),
				
				
				Zong Pu (宗璞)
				
				
				traduit la part de cauchemar et d’absurde qui n’a pas disparu 
				des esprits.  
				
				       
					
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						Les années 1990 – après le drame de Tian’anmen - 
						s’annoncent sous un jour sombre, où l’individu peine à 
						surmonter une aliénation qui tourne à la misanthropie et 
						la claustrophobie, sentiment très bien rendu dans la 
						nouvelle de 
						
						Tie Ning (铁凝)
						
						
						datant de 1993 : « Mimodrame, gestuelle de rue » 
						(《马路动作》).
						 
						
						       
						
						Mais cette décennie est celle de la résistance, 
						résistance à l’emprise du politique et à celle de la 
						boulimie de croissance. YuJian le traduit en termes 
						poétiques, 
						
						
						Liu Xinglong (刘醒龙) 
						en termes satiriques ; sa nouvelle choisie ici, « La 
						guérite » (《交通岗》), 
						est l’une des meilleures et des plus drôles que l’auteur 
						ait écrites.  
						
						       
						
						Quant aux années 2000, elles voient s’épanouir une 
						littérature chinoise plus plurielle, plus libre et 
						sophistiquée que jamais. C’est
						Sheng 
						Keyi (盛可以) 
						qui a été choisie pour  |  | 
						 
						Gestuelle de rue |  
				
				en être la représentante, avec une nouvelle publiée en 2013 qui 
				représente un tournant dans son œuvre, après ses débuts comme 
				porte-parole des travailleurs migrants au féminin. « A 
				l’article de la mort » (《弥留之际》)
				
				
				 est un texte complexe où affleure une multiplicité de symboles 
				et qui évolue au fil du récit d’une satire sociale ironique à 
				une réflexion sur le passé et les souvenirs nostalgiques qui lui 
				sont liés, pour se terminer sur une conclusion inattendue 
				empreinte d’une touche de surnaturel.   
				
				       
				
				Cette anthologie montre bien que la forme courte de la nouvelle 
				est ce qu’il y a de plus subtil pour dépeindre les multiples 
				facettes du monde actuel, et le meilleur moyen, aussi, de rendre 
				en si peu de pages l’évolution de la littérature et de la pensée 
				qu’elle traduit. 
				
				       
				
				       
				
				
				Les rubans du cerf-volant, anthologie 
				
				Dix textes traduits du chinois par Françoise Naour, Geneviève 
				Imbot-Bichet, SebastienVeg/Li Jinjia, Hervé Denès et Brigitte 
				Duzan/Zhang Xiaoqiu. Préface de Zhang Yinde. 
				
				Gallimard Bleu de Chine, 2014. 
				
				       
				
				            
				 
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