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Chinese Arts and Letters :

deuxième numéro 2018 dédié à Jia Pingwa, mais pas seulement

par Brigitte Duzan, 16 janvier 2019 

 

Le deuxième numéro de l’année 2018 de la revue Chinese Arts and Letters (CAL) annonce une ouverture dans le choix des auteurs présentés : comme l’explique le rédacteur en chef Yang Haocheng (杨昊成) dans sa note éditoriale, ce ne seront plus désormais exclusivement des écrivains du Jiangsu, province où se trouve le siège de la revue [1].

 

L’auteur présenté : Jia Pingwa

 

Ce numéro ouvre la voie avec Jia Pingwa (贾平凹), grand écrivain du Shaanxi, et grand écrivain tout court, en lui consacrant près de soixante-dix pages sur les plus de deux cents qu’il compte au total, avec :

 

-   Une analyse critique de son parcours et de son œuvre, par Yang Lesheng (样乐生) [pp. 56-54] ;

-   Un entretien mené par Shu Jinyu (舒晋瑜)

 

Couverture de ce numéro

     [pp.65-69] qui montre un Jia Pingwa avare de paroles, plutôt gêné d’avoir à répondre à des questions : aussi peu disert devant son interlocutrice que superbe narrateur devant une feuille de papier – on ne saurait mieux montrer le caractère de l’auteur ;

-   Les traductions de trois textes, en introduction [pp. 7-55], venant justement illustrer son art narratif :

 

Autumn (《秋天》) est le troisième chapitre du recueil « Chien céleste » (Tiangou 《天狗》), initialement publié en 1986 [2]. Tiangou est un orphelin, apprenti d’un maître-creuseur de puits ; à trente-six ans il a largement dépassé l’âge de se marier, mais il est amoureux de la femme de son patron, une femme travailleuse et bonne, qu’il vénère comme un boddhisattva. Or, un jour, le maître est victime d’un accident alors qu’il est en train de creuser un puits ; il survit, mais paralysé jusqu’à la taille. Tiangou le remplace dans la vie quotidienne, mais sans faillir à son devoir envers son maître, jusqu’à ce que celui-ci lui offre d’épouser sa femme, les trois formant dès lors un trio peu ordinaire, auquel se joint bientôt un fils. 

 

La traduction est de Liu Jun (刘浚), ex-journaliste et rédactrice du Quotidien du peuple, et maintenant traductrice freelance chinois-anglais en Nouvelle Zélande [3]

 

Tiangou, Chien céleste (rééd. 2015)

 

The Brick Bed (《土炕》) – traduction Denis Mair - conte l’histoire d’une paysanne du nord du Shaanxi qui, ne pouvant avoir d’enfant, recueille une femme enceinte, soldate de l’armée de la 8ème Route qui a perdu son bataillon. Après avoir donné naissance à une petite fille, la femme repart en laissant le bébé, que la paysanne élève comme son propre enfant. Devenue adulte, celle-ci part pour la ville où elle devient fonctionnaire. Mais, au début de la Révolution culturelle, elle envoie sa fille aînée à sa mère adoptive pour la mettre en sécurité. La jeune fille repartira une fois la Révolution terminée, et la vieille paysanne, en fin de compte, mourra seule sur son kang, qui aura vu passer deux générations [4].

 

Trees can’t talk ! (《制造声音》) – traduction Nick Stember – est l’histoire très simple d’un vieil homme qui a passé quinze ans de sa vie à pétitionner pour revendiquer la

 

Le recueil Trees Can’t Talk, 1998

propriété d’un arbre qu’il a planté en 1948 et qui, dit-il, « sait parler ». Il finit par obtenir gain de cause, mais quand on vient lui annoncer la nouvelle, il est déjà mort.

 

Initialement publié en 1996 [5], le texte a une sorte de simplicité biblique, très poétique, qui le rend attachant dès les premières lignes, avec une philosophie tranquille de la vie renvoyant à Confucius :  

         朝闻道,夕死可矣 [Analectes, chapitre IV.8 (《论语·里仁第四》/四之八)

Qui le matin a perçu la vérité / peut le soir mourir sans regret

 

Culture et classiques

 

Or, après deux articles de la rubrique Culture & héritage consacrés au Grand Canal [pp. 70-84], la revue enchaîne avec la nouvelle rubrique lancée dans le numéro précédent, Echos des classiques (Echoes of Classics), qui est cette fois consacrée, justement, aux Analectes.

 

Le spécialiste et traducteur convoqué n’est autre que Burton Watson, grand sinologue américain dont la traduction des Entretiens de Confucius est devenue aussi classique que l’original lui-même [6] ; il est décédé en avril 2017 : ces pages sont un hommage mérité. Des extraits de sa traduction – dans une merveilleuse présentation bilingue où le texte chinois, en composition verticale, semble accompagner la traduction comme un poème ornant un tableau chinois – sont précédés d’une introduction par Burton Watson lui-même.

 

Auteurs à découvrir

 

Ce numéro de CAL propose ensuite trois nouvelles et un essai d’écrivains à découvrir.

 

Nouvelles

 

Auntie Xu 《胥阿姨》 de Jiang Limin (姜琍敏), rédacteur en chef de la revue Yuhua (《雨花》) éditée par l’Association des écrivains du Jiangsu.

 

Jiang Limin nous conte ici, sans s’apitoyer outre mesure, le destin amer d’une vieille dame dont on dit, comme souvent, que tous les ennuis sont venus de son mariage…

 

On the Plateau 《在高原》 de Hu Xuewen (胡学文), un auteur dont on connaît moins les récits que les films dont ils sont adaptés. La nouvelle « Sur le Plateau », qui date de 2016, commence comme une intrigue policière, dont le nœud serait la personnalité même du détective menant l’enquête.

 

I see the Light 《我望灯》 de la romancière Ge Shuiping (葛水平), sortie de :l’ombre parce que l’une de ses nouvelles a été adaptée au cinéma, et le film – « Mountain Cry » (《喊·山》) de Larry Yang (杨子) - a été  projeté en clôture du festival de Busan en octobre 2015.

 

« I see the Light », qui date de 2008, est une histoire aux confins du merveilleux et du surnaturel, mais tout en restant réaliste : l’histoire d’un jeune garçon qui dit avoir vu en rêve l’Empereur de Jade lui confier un précieux manuscrit…

 

Essai sanwen

 

Clamour 《声嚣》 de Siren (塞壬), un nom peu courant derrière lequel se cache une essayiste aujourd’hui réputée, remarquée il y a une dizaine d’année par le critique littéraire Li Jingzi (李敬泽).

 

Siren

 

Le texte choisi ici donne envie d’en lire d’autres de la même plume ; il est tiré d’un recueil publié en 2008 sous le titre de l’un des cinq essais qu’il contient, « Volte-face » (《转身》). C’est une peinture de l’environnement de l’auteure/narratrice, et des personnages au milieu desquels elle vit, à travers les bruits qui l’agressent de jour comme de nuit, ces bruits définissant en quelque sorte les gens dont ils émanent. On est frappé, en terminant la lecture, du silence dans lequel on est soudain plongé…

  

Cao Yiqiang, State of Mind, p. 203.

 

CAL offre pour terminer neuf poèmes de Xu Ze (徐泽) et des réflexions sur les peintures de Cao Yiqiang (曹意强) – dont l’une des peintures semble refléter l’état d’esprit du lecteur plongé dans le silence…

 

 

 


[1] Editée par l’Ecole des langues et cultures étrangères de l’Université normale de Nankin.

[3] Voir sa présentation sur Paper Republic : https://paper-republic.org/translators/jun-liu/

[4] Texte chinois en ligne : https://www.douban.com/group/topic/9977516/

La nouvelle a été adaptée en opéra puju (蒲剧), l’opéra du Shaanxi, et l’opéra tourné en téléfilm, « Deux femmes sur un kang » (《土炕上的女人》), diffusé en quatre épîsodes en 2002.

[5] Puis dans un recueil de nouvelles éponyme de 1998.
Texte en ligne :
http://www.readers365.com/baihuajiang/mydoc053.htm

[6] Il fut un traducteur infatigable, de grands classiques japonais aussi bien que chinois.

 

 

 

     

   

 

 

 

 

     

 

 

 

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