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				Club de lecture du 
				Centre culturel de Chine 
				
				Compte rendu de la 
				troisième séance de l’année 2018-2019 
				
				et annonce de la 
				séance suivante 
				 par 
				Brigitte Duzan, 16 février 2019 
				
				  
						
							| 
							
							La troisième séance de l’année 2018-2019 du Club de 
							lecture du Centre culturel de Chine s’est tenue dans 
							la médiathèque le mardi 12 février 2019.  
							
							  
							
							Elle était consacrée au grand écrivain
							
							
							Jia Pingwa (贾平凹), 
							le programme de lecture comportant plus 
							particulièrement un roman et un recueil de 
							nouvelles, dans leur traduction en français :
							
							« L’art 
							perdu des fours anciens » (Gulu《古炉》) 
							et « Le porteur de jeunes mariées » (Wukui《五魁》)
							
							
							
							. 
							 
							
							  
							
							a)  Le 
							roman 
							est un exemple des très longues narrations de Jia 
							Pingwa qui sont une partie importante de son œuvre, 
							et la plus connue, à côté de ses nombreuses 
							nouvelles.  
							
							Texte chinois en ligne, en 88 chapitres et une 
							postface : 
							
							
							https://www.kanunu8.com/files/ 
							
							
							
							chinese/201104/2463.html |  | 
							
							 
							Gulu, édition chinoise, 
							calligraphie l’auteur |  
				
				
				  
				
				b)  Les 
				trois nouvelles 
				au programme datent de 1990 et forment une sorte de trilogie, 
				certains détails se répondant de l’une à l’autre ; les textes 
				chinois sont également disponibles en ligne : 
				
				- Avril 1990
				
				Meixuedi《美穴地》trad. 
				Le géomancien amoureux  
				Texte chinois (en 11 chapitres) 
				
				
				http://jiapingwa.zuopinj.com/2494/ 
				- Mai 1990 Bai Lang 
				《白朗》trad. 
				Le héros brigand (ou Le moine-brigand) 
				
				Texte chinois (en 4 chapitres)
				
				
				
				http://jiapingwa.zuopinj.com/2491/ 
				
				
				- Nov. 1990
				
				
				Wukui《五魁》trad.
				
				
				Le porteur de jeunes mariées
				 
				
				Texte chinois (en 10 chapitres) 
				
				
				http://www.hxqw.com/wxxsgl/xdwx/200901/44712.html 
				
				  
						
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							Wu Kui, le porteur de jeunes 
							mariées, éd. 2017 |  | 
							 
							Meixuedi, le géomancien 
							amoureux, éd. 2013 |    
				
				Il faut d’abord souligner qu’une bonne moitié de la quinzaine 
				des participants présents (plus une absente, malade, qui a 
				envoyé ses commentaires par mail) avaient lu le roman en 
				totalité, l’autre moitié en partie seulement, en raison de sa 
				longueur. La séance a débuté, comme d’habitude, par les 
				réactions et impressions de lecture, qui ont été très variées. 
				Dans un deuxième temps, elle s’est poursuivie par une reprise 
				des thèmes abordés dans les avis et commentaires exprimés par 
				les participants et un échange questions-réponses.  
				
				  
				
				
				1.      
				
				
				Avis et commentaires de lecture 
				
				  
				
				Les commentaires ont été beaucoup plus nourris sur le roman que 
				sur les nouvelles. 
				
				  
				
				·        
				
				
				Réactions au roman 
				
				  
						
							| 
							
							1. Seule l’une des participantes n’a pas terminé 
							« L’art perdu des fours anciens » parce qu’elle a 
							trouvé le roman insupportable à lire, rejet total dû 
							en grande partie à la longueur du récit et à la 
							difficulté d’identifier et mémoriser les différents 
							personnages. Plusieurs participants ont d’ailleurs 
							trouvé qu’une liste des personnages aurait été 
							utile ; on aurait pu en dresser une liste par 
							famille, puisque l’appartenance à l’un des deux 
							clans du village est fondamentale dans l’histoire 
							contée par Jia Pingwa. |  | 
							 |  
				
				  
				
				2. S’agissant d’un roman d’une telle longueur, l’avis des 
				lecteurs qui ont terminé sa lecture est à ce sujet intéressant : 
				ils ont souligné qu’il faut le lire en entier pour l’apprécier 
				pleinement tant il est vrai que le dessein de l’auteur 
				n’apparaît vraiment que lorsqu’on referme le livre après avoir 
				terminé la dernière page – ce qui a incité ceux et celles qui 
				n’en avaient lu que 600 ou 700 pages à poursuivre leur 
				lecture …   
				
				  
				
				3. Commentant la ligne générale de la narration, plusieurs 
				participants soulignent le côté original de la présentation de 
				la Révolution culturelle au village, sur fond de traditions 
				ancestrales, de légendes, de rites et de mode de vie rythmé par 
				les repas quotidiens – le cadre et l’atmosphère du village sont 
				posés dans une longue première partie, les premières allusions à 
				la Révolution culturelle n’arrivant qu’à la page 359, avec la 
				découverte des manifestations de rue des lycéens dans le bourg 
				proche du village).  
				
				  
				
				Pour quelques participants, cependant, cette partie introductive 
				à la vie au village a été jugée trop longue : ils trouvent le 
				récit trop lent à démarrer. Un autre répond en soulignant l’art 
				de la digression qui fait progresser le récit, mais qui rend 
				aussi certains développements interminables.  
				
				  
				
				4. La Révolution culturelle provoque en général, aujourd’hui, un 
				sentiment de saturation : beaucoup de lecteurs expriment leur 
				« ras-le-bol » des histoires de violence et de persécutions qui 
				lui sont litées. Mais ici, c’est différent : la Révolution 
				culturelle est présentée en fait comme une lutte entre clans, 
				souligne un participant, et, faisant resurgir des antagonismes 
				très anciens, dégénère en règlements de compte qui ressemblent à 
				une guerre civile, au niveau du village. Les batailles sont en 
				fait les exutoires de frustrations et de vieilles querelles. Ce 
				qui frappe alors nombre des lecteurs, c’est la violence 
				décrite, qui semble parfois presque gratuite, de même que les 
				développements scatologiques.  
				
				  
				
				5. Autre caractéristique qui rend pour beaucoup le récit 
				attachant et intéressant : le fond de croyances magiques, 
				de communion avec la nature en dialogue avec les animaux, voire 
				les arbres, caractéristique indissociable de certains 
				personnages, l’enfant et la grand-mère en particulier. Une 
				lectrice souligne le caractère visuel de certains passages, 
				telles les séquences d’un film.  
				
				  
				
				6. Les personnages principaux sont généralement appréciés comme 
				des personnages bien typés représentant chacun à sa 
				manière un aspect de l’essence de l’âme et de la pensée 
				chinoises : l’enfant qui a un septième sens (sens olfactif, mais 
				aussi surnaturel : il entend parler les animaux, et même les 
				arbres) ; la grand-mère et ses papiers découpés ; Cordial 
				incarnant une sorte de religion populaire des origines où se 
				mêlent croyances magiques et éléments de taoïsme populaire 
				ancrés dans la culture locale.  
				
				  
						
							| 
							
							7. Plusieurs lecteurs notent l’absence de 
							sentiment entre les personnages, à l’exception 
							de la grand-mère qui manifeste un amour maternel 
							très fort pour son petit-fils, et de l’attachement 
							de Xingkai pour Fier-à-bras. En revanche il y a des
							passions, passions d’un autre ordre, 
							sous-jacentes, qui sont de vieilles rivalités 
							familiales soudain exacerbées et transformées en 
							véritables haines par une « Révolution culturelle » 
							importée qui, dans le contexte du village, sert de
							 |  | 
							
							 
							Jia Pingwa présentant Gulu 
							lors de sa sortie en janvier 2011  |  
				
				catalyseur aux passions normalement canalisées par les 
				institutions du village. 
				
				  
				
				8. Dans un ordre d’idée similaire, un élément récurrent qui a 
				souvent été noté lors de séances précédentes et que beaucoup ont 
				retrouvé ici sous la plume de Jia Pingwa, est l’acceptation de 
				son sort, la résignation face au destin qui caractérise 
				la plupart des personnages. Il n’y a pas de résistance, pas de 
				contestation, pas d’esprit de révolte chez les villageois, en 
				particulier contre l’absurdité des destructions qu’on leur 
				demande d’effectuer (les fameuses destructions des « quatre 
				vieilleries » qui vont jusqu’à détruire les toits des vieilles 
				demeures). 
				
				  
				
				9. Malgré ce déferlement de violence et de destruction, le récit 
				est aussi teinté de poésie et d’humour : poésie 
				dans la description des paysages et de la nature, au gré des 
				saisons, en lien avec les activités humaines ; et humour qui 
				fait feu de tout bois dans la description de l’arrivée de la 
				« Révolution culturelle » au village. Il y a toujours beaucoup 
				d’humour dans les récits de Jia Pingwa ; son roman Gaoxing 
				(《高兴》), 
				c’est-à-dire « Heureux ! » est un sommet de son art à cet égard
				
				
				
				. 
				
				  
				
				10. Une lectrice note une similitude frappante avec Le 
				Tambour, de Gunther Grass, dans le personnage de l’enfant 
				« qui ne veut pas grandir » - similitude également notée dans le 
				commentaire reçu par mail ; elle note aussi un parallèle avec 
				La Montagne magique de Thomas Mann, dans l’atmosphère du 
				village loin du monde et la façon de traiter – de loin – tous 
				les thèmes de l’époque, les deux romans débouchant in fine sur 
				la guerre, chacun à sa manière. 
				
				  
						
							| 
							
							11. Par ailleurs, la traduction est appréciée, jugée 
							fluide et agréable à lire ; mais le choix de la 
							traduction des noms propres est contesté quasiment à 
							l’unanimité : pourquoi, en particulier, traduire 
							certains noms, et pas d’autres ? Les noms traduits 
							donnent une impression artificielle, ce sont des 
							éléments non intégrés dans le texte, qui gênent la 
							lecture (voire la compréhension du personnage) plus 
							qu’elle ne l’aide. Le cas de  |  | 
							
							 
							Le champignon gouniaotai d’où 
							vient le nom de Pissechien |  
				
				Pissechien (狗尿苔)
				
				
				
				 
				est cité plusieurs fois comme exemple. 
				
				  
				
				12. Résumant l’impression de beaucoup, l’une des dernières 
				lectrices à prendre la parole salue le roman comme une histoire 
				de paysans, de village qui meurt, sur fond d’événements 
				inéluctables, un récit mené de main de maître dès le début, qui 
				incite à poursuivre. La lectrice absente exprime même sa 
				déception, une fois la lecture terminée, d’avoir eu à laisser là 
				les personnages sans savoir ce qui leur arrivait ensuite. 
				 
				
				  
				
				Nota bene : deux des participants avaient lu un autre roman - 
				l’un, « La Capitale déchue » (《废都》) 
				et l’autre « Le Village englouti » (《土门》), 
				ce dernier, datant de 1996, faisant comme un contrepoint à 
				Gulu, en montrant la disparition inéluctable d’un village 
				« englouti » par le développement tentaculaire de la ville 
				proche. Un village se détruit de l’intérieur, l’autre est 
				détruit de l’extérieur. Mais, dans le premier cas, la 
				renaissance est attendue, comme un élément cyclique lié à 
				l’ordre du monde et tenant à la vitalité du peuple ; dans 
				l’autre, la disparition est sans appel. 
				
				  
				
				·        
				
				
				Réactions aux nouvelles 
				
				  
				
				Les nouvelles ont été dans l’ensemble moins lues, le roman ayant 
				concentré les attentions. Les récits n’ont pas accroché la 
				majorité des lecteurs qui les ont lus, surtout le second, cette 
				histoire de brigand qui a semblé d’un autre âge, voire un 
				pastiche d’un roman classique. 
				
				  
				
				Cependant, un lecteur note que le schéma narratif est le même 
				dans le roman et dans ces nouvelles : c’est chaque fois « un 
				grain de sable » qui déclenche le drame. 
				
				  
				
				
				2.      
				
				
				Réflexions sur les commentaires 
				
				  
				
				
				Art narratif : la digression 
				
				  
				
				Les commentaires, dans leur diversité, montrent bien la richesse 
				de ce roman, tant du point de vue de la forme que des thèmes 
				évoqués. On a bien une description originale de la Révolution 
				culturelle, ou plutôt d’une « non-Révolution culturelle » : 
				c’est une peinture ironique, d’un mouvement chaotique qui n’a 
				pas grand sens pour le villageois moyen ; elle sert surtout de 
				catalyseur, comme il a été noté, et presque de prétexte à 
				l’auteur pour dresser un tableau en profondeur des rouages 
				sociaux, personnels et psychologiques présidant à la vie du 
				village, dans une dimension emblématique ; les événements se 
				greffent, ou plutôt se superposent sur un fond de croyances 
				populaires immémoriales, tellement enracinées que dix ans de 
				Révolution culturelle ne parviendront pas à les éradiquer, et 
				qu’elles renaîtront aussi vivaces que par le passé dès les 
				lendemains de la mort de Mao. C’est l’urbanisation liée à la 
				modernisation du pays qui les menacera bien plus, en 
				« engloutissant » les villages, et la culture qui leur était 
				liée.   
						
							| 
							 |  | 
							
							Le roman a 
							une structure narrative bien particulière qu’a notée 
							une lectrice : elle progresse par digressions 
							successives. Il n’y a donc pas de rupture dans la 
							ligne narrative, comme il n’y a pas de ruptures dans 
							le cycle naturel des saisons ; c’est l’éditeur 
							français qui a ajouté la division en « saisons » : 
							le chapitre 1 de la deuxième partie de l’édition en 
							français - titrée « Printemps » – est en fait le 
							chapitre 17 du texte original chinois 
							
							
							, 
							de même pour les autres parties.  |  
				
				  
				
				Le texte est conçu dans une continuité narrative calquée sur une 
				observation des mouvements dans le village, procédant ainsi par 
				digressions naturelles, ou apparemment telles, c’est là toute la 
				subtilité de l’art narratif déployé ici par l’auteur. Il n’y a 
				pas de rupture, tout au plus des transitions. Un très bon 
				exemple en est le passage de l’intérêt des villageois pour les 
				vols de clés à celui de l’aide alimentaire (p. 165-166). 
				 
				
				  
				
				C’est ce choix narratif qui entraîne et détermine la longueur du 
				récit, une digression pouvant intervenir à tout moment et faire 
				dévier le récit dans une autre direction, vers un autre 
				personnage, un autre lieu. C’est précisément ce qui est en train 
				d’évoluer dans l’écriture de Jia Pingwa : Gulu est une 
				apogée, en termes de longueur, avec 670 000 caractères ; la 
				longueur a ensuite graduellement diminué, pour n’être plus que 
				de 150 000 caractères pour son 16ème et dernier roman 
				à ce jour, Jihua (《极花》), 
				sorti début 2016. Or Jia Pingwa n’a pas seulement raccourci 
				l’histoire contée, il a joué sur la forme, en s’interdisant les 
				digressions dont il était coutumier, en les suggérant tout au 
				plus. C’est donc là un nouveau Jia Piingwa, à découvrir. 
				
				  
				
				
				Réalisme magique à la sauce du Shaanxi 
				
				  
				
				Le roman est sous-tendu par une riche évocation des croyances et 
				« superstitions » villageoises. C’est presque le cœur du sujet : 
				la Révolution culturelle arrivant au village avec son lot 
				d’absurdités, ou de faits incongrus, est intégrée dans le reste 
				de l’univers irrationnel du village ; là encore il n’y a pas de 
				rupture. Les événements ne dégénèrent qu’à partir du moment où 
				ils réveillent des animosités anciennes, qui tournent en 
				passions destructrices, non du fait de cet événement extérieur 
				qu’est la Révolution culturelle, mais par le fait des mécanismes 
				internes de division dans le village qui s’en trouvent 
				exacerbés. En ce sens on peut bien parler de catalyseur. 
				
				  
				
				L’atmosphère de croyances magiques rappelle bien sûr le réalisme 
				magique latino-américain qui a fortement influencé la 
				littérature chinoise quand les romans de García Márquez et 
				autres ont été découverts en Chine après avoir été traduits en 
				chinois dans les années 1980-1990.  Mais c’est en fait une 
				manière de vivre en harmonie avec les forces cachées et plus ou 
				moins mystérieuses de la nature. L’enfant qui entend parler les 
				animaux et sa grand-mère qui en fait des papiers découpés, à 
				l’origine effigies de nature religieuse, font partie d’une 
				culture rurale qui n’a pas attendu le réalisme magique 
				latino-américain pour exister, mais qui y a trouvé un ancrage 
				supplémentaire quand les écrivains chinois s’en sont emparés.
				 
				
				  
				
				Le surnaturel fait partie de l’une des formes les plus anciennes 
				de littérature de fiction en Chine : remontant à la période dite 
				des Six Dynasties, à partir du 3e siècle de notre 
				ère, les récits de zhiguai (志怪小说), 
				ou contes surnaturels, sont répertoriés dans le livre des Sui (《隋书》), 
				sous les Tang, et vont se développer en un courant littéraire à 
				part entière, le chuanqi (传奇), 
				récits merveilleux 
				
				
				nourris des mythes et légendes et des croyances populaires
				
				
				
				. 
				Les récits de Jia Pingwa sont à replacer dans ce contexte 
				littéraire, aux confins de la culture populaire locale, avec des 
				traits qui lui sont liés : poésie et humour. 
				
				  
				
				
				Condensé de mentalité villageoise plutôt que récit de la 
				Révolution culturelle 
				
				  
				
				Contrairement à d’autres romans chinois qui traitent avant tout 
				du chaos et des brutalités caractéristiques de la Révolution 
				culturelle, Gulu l’aborde comme il le ferait de toute 
				autre période de l’histoire chinoise, en mettant l’accent sur 
				l’éternelle priorité des paysans : les problèmes de la vie 
				quotidienne. En fait, personne au village ne sait ce qui se 
				passe en dehors de chez eux ; même le secrétaire du 
				Parti n’apprend que des événements majeurs sont en train de se 
				passer en ville que lorsqu’un petit groupe de jeunes portant 
				brassard et banderole arrivent au village.  
				
				  
				
				Mais la routine de la vie quotidienne n’en est pas affectée pour 
				autant tout de suite. Il faudra l’intrusion du discours 
				politique rapporté de la ville par Fier-à-bras, avec sa propre 
				interprétation quelque peu fantaisiste, et surtout à ses propres 
				fins, pour que les choses commencent à changer, en entraînant un 
				processus de destruction dramatique. Car la vie était fondée sur 
				des traditions ancestrales de négociations quotidiennes entre 
				les exigences d’ordre impulsées par les autorités locales, et 
				celles de la survie de chacun dans des conditions de pauvreté 
				extrême. Ce ne sont pas tant, directement, les exactions 
				commises qui entraînent l’anéantissement du village, mais la 
				rupture de l’ordre ancestral qui permettait aux habitants de 
				survivre.  
				
				  
				
				En ce sens, Gulu n’est pas un roman sur la Révolution 
				culturelle, mais plutôt sur la vie d’un village confronté à des 
				événements extérieurs qui viennent détruire ses rouages 
				internes. Recourant à un art narratif subtil, cette approche 
				fait des « Fours anciens » un roman d’une grande richesse qui 
				révèle les ressorts cachés des mentalités villageoises. Il peut 
				éclairer aussi bien des traits de la politique chinoise 
				actuelle, en particulier l’acceptation d’un pouvoir fort par la 
				population : aux yeux de beaucoup, la paix sociale est à 
				privilégier avant toute autre liberté. 
				
				  
				
				
				Jia Pingwa et l’art de la nouvelle 
				
				   
						
							| 
							
							L’une des deux nouvelles lectrices arrivées dans le 
							Club a souligné dès l’abord ses préférences pour la 
							nouvelle, plutôt que le roman, surtout très long 
							comme celui au programme de cette séance. Beaucoup 
							d’autres participants partagent ce goût.   
							
							Les nouvelles au programme de cette séance, 
							cependant, n’ont pas recueilli d’avis très 
							favorables. La deuxième, en particulier, a été jugée 
							un peu artificielle, comme relevant d’une sorte de 
							pastiche. Il s’agit de Bai Lang (《白朗》), 
							traduit « Le héros brigand », qui est en fait un 
							ancien moine. Il ne s’agit pas vraiment d’un 
							pastiche, mais d’une sorte de variation pleine de 
							sel sur le thème des héros du grand classique « Au 
							bord de l’eau » (ou Shuihuzhuan 
							
							《水浒传》). 
							Bai Lang est décrit comme « le plus fort des douze 
							chefs de bande armée de la Colline du Tigre » qui 
							a « pris le marais salant contrôlé par le 
							gouvernement ». La référence aux marais du « Bord de 
							l’eau » est claire. Mais le récit ensuite dévie 
							d’une épopée picaresque à une histoire d’amour fou. |  | 
							
							 
							Bai Lang, le héros brigand, 
							recueil de nouvelles zhongpian, éd. 2013 |    
				
				Les trois nouvelles, en fait, sont sur ce même thème qui en fait 
				une trilogie implicite, avec un personnage féminin central aussi 
				séduisant que fatidique. C’est un art narratif différent, plus 
				proche de celui du conteur. 
				
				  
				
				Les nouvelles de Jia Pingwa sont à découvrir, en particulier les 
				plus récentes, contemporaines de ses grands romans des années 
				2000-2010, les recueils étant en outre souvent illustrés de ses 
				propres peintures.  
				
				  
 
				
				  
				
				
				Prochaine séance 
				
				  
				
				Elle aura lieu le mardi 9 avril 2019 et 
				sera consacrée à l’écrivaine 
				
				Chi Zijian (迟子建).
				  
				
				Au programme : son roman le plus connu et/ou des nouvelles dites
				
				
				zhongpian 
				(中篇小说), 
				souvent publiées en français comme récits ou courts 
				romans, et même roman dans le cas de « Bonsoir la 
				rose ». 
				
				  
				
				
				Le roman : 
				
				-   Le 
				dernier quartier de lune 
				
				《额尔古纳河右岸》,
				traduit par Yvonne André et Stéphane Lévêque, Philippe 
				Picquier 2016, 366 p. Disponible en poche en mars. 
				
				
				  
				
				
				Les nouvelles : 
				
				-   Toutes 
				les nuits du monde 
				
				《世界上所有的夜晚》, 
				deux récits traduits par Stéphane Lévêque avec le 
				concours d’Yvonne André, Philippe Picquier 2013, Picquier poche 
				mars 2016, 208 p.  
				
				Et/ou :  
				
				-   Bonsoir 
				la rose 
				
				《晚安玫瑰》, 
				trad. Yvonne André, Picquier poche mars 2018, 224 p. 
				
				    
				
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