Feng Hua (冯华)
est une écrivaine chinoise, auteure de nombreux
romans policiers, que l’on a comparée en Chine à
Agatha Christie.
Née en 1972 dans le Jiangsu, elle a d’abord fait des
études à l’Institut d’ingéniérie du corps
d’artillerie n°2 de Xi’an (西安第二炮兵工程学院).
Elle était donc militaire. Mais elle a abandonné
cette vie bien rangée à l’aube du deuxième
millénaire.
Auteure de romans policiers
1. Elle publie son premier roman en avril 2000, à
l’âge de 28 ans : « Comme une ombre » (《如影随形》)
[1].
Une série de meurtres de femmes mariées –
intellectuelles – sèment la panique dans une petite
ville ; il n’y a aucun indice, aucun mobile évident.
Le policier Puck (普克),
chargé de l’affaire, rencontre la doctoresse Mido (Miduo
米朵),
chirurgienne à l’hôpital. Au centre de l’intrigue
est le directeur adjoint du département des
Ressources humaines d’une entreprise locale dont on
apprend qu’il a été choqué, dans son enfance, de
voir sa mère trahir son père… La scène est ainsi
dressée non tant pour résoudre les crimes que pour
peindre un tableau sensible de la société, et
surtout de la psychologie tourmentée des
personnages, qui motive leurs actions.
Ce n’est pas encore la vogue des romans policiers en
Chine, ce qu’on appelle romans « à suspense » (悬疑小说),
mais ce début des années 2000 est justement l’époque
où le genre commence à démarrer, avec les premiers
romans de
Cai Jun (蔡骏),
puis de
Zhou Haohui (周浩晖),
mais tous deux d’abord sur internet. Le succès de
son roman décide
Feng Hua en mars 2019 (photo sohu)
Comme une ombre (1ère édition)
Feng Hua à continuer à écrire, et à écrire des romans
policiers.
2. Elle poursuit aussitôt avec un deuxième roman, « Fleurs
égarées » (《迷离之花》),
publié en octobre 2000, présenté comme une suite du premier dont
il reprend les deux personnages principaux : le policier Puck (普克)
qui est chargé de l’enquête, ainsi que sa comparse Mido, qui a
entre-temps démissionné de son travail de médecin à l’hôpital,
ce dont elle s’explique au tout début du roman.
Le mari de l’adjointe au maire de la ville de A, Zhou Yi (周怡),
meurt mystérieusement. Puck découvre peu à peu des aspects peu
reluisants de la vie de la famille du défunt, y compris une
relation incestueuse entre lui et sa fille. L’éthique passe
derrière les émotions, le pouvoir de l’argent et de la
sensualité s’avère mortifère. Tout concourt à créer une
atmosphère délétère où transparaissent divers aspects sordides
de ce microcosme urbain.
Pour susciter tout de suite l’atmosphère de mystère où baigne
son histoire, Feng Hua a commencé par un célèbre poème, de Bai
Juyi (白居易)
[2] :
花非花,雾非雾,
Est-ce une fleur, est-ce la brume ?
夜半来,天明去。
Venue dans la nuit, au matin disparue.
来如春梦不多时,
Tel un rêve de printemps, incertain et fugace,
去如朝云无觅处。
Tel un nuage à l’aube, envolé sans laisser de trace.
3. Deux ans plus tard, Feng Hua publie un troisième roman : « Meurtre
virtuel » (《虚拟谋杀》),
sorti en janvier 2002. C’est une histoire d’amour sur internet
qui se termine tragiquement, mais de manière ambiguë, quand
l’amant (virtuel) se révèle être atteint du SIDA.
4. Le roman suivant, « Désir irrépressible » (《欲罢不能》),
est un tableau de la psychologie et de la sexualité
féminines dans la Chine moderne, à travers une
histoire de chantage dans laquelle sont impliquées
trois femmes d’âges différents : l’une, Fan Lihua (范丽华),
la quarantaine, est l’objet d’un chantage car elle a
une aventure extra-conjugale ; pour se sortir
d’affaire, elle fait appel à une jeune journaliste
d’une trentaine d’années, Ji Wanning (季宛宁).
La troisième, Yang Chun (杨春),
est une adolescente.
L’histoire montre l’évolution de la mentalité et de
la sexualité féminines sur trois générations de
femmes. La construction fait un peu penser à celle
de la nouvelle de
Su Tong (苏童)
« La vie des femmes » (《妇女生活》),
adaptée au cinéma par Hou Yong (侯咏)
[3].
Mais, là où Su Tong mettait en scène une lignée
familiale sur trois générations de femmes, Feng Hua,
elle, examine l’évolution de la vie des femmes sous
un angle personnel, féminin, et toujours avec une
intrigue ménageant un suspense.
5. Dans « Fausses apparences » (《似是而非》),
publié en avril 2007, on retrouve le policier Puck
chargé d’une enquête sur la mort d’une femme, dont
la sœur était tombée amoureuse de l’homme même qui
l’a tuée.
6. Le roman suivant, « Par le trou de la serrure » (《偷窥之谜》),
brode sur un thème semblable de femmes en proie à
des sentiments, des émotions, des désirs qui causent
leur perte, ou leur malheur. Mais ici, c’est une
jeune lycéenne, témoin d’un meurtre malgré elle, qui
est au centre de l’intrigue.
7. Dans « D’une pierre deux coups » (《一石二鸟》),
retour du policier Puck chargé d’élucider le meurtre
d’un fonctionnaire dont la femme, Chen Hong (陈虹),
est la première soupçonnée, car elle avait une
liaison avec
Fausses apparences
D’une pierre deux coups
un autre fonctionnaire. Mais elle est tuée à son domicile.
Puck
élargit donc le cercle de ses recherches, et, comme chez
Agatha Christie, jusqu’à la personne la moins évidente au
départ.
8. « Mystère chez les autorités » (《当局者迷》)
abandonne le policier Puck ; ici, l’enquête sur un crime annoncé
par un coup de fil anonyme est confiée à un spécialiste de la
police criminelle, Qin Yanping (秦阳平),
et sa supérieure hiérarchique, Yue Lin (岳琳).
L’intrigue est doublée d’une histoire personnelle, Yue Lin étant
en pleine crise familiale.
9. « Une famille dangereuse » (《危险家庭》),
initialement publiée en 1998, contient en fait trois
récits : outre celui du titre, « Piège sur
internet » (《网络陷阱》)
et « La loterie de l’amour » (《爱情彩票》).
10. « Un crime de papillon » (《蝴蝶之罪》)
reprend un thème diffus dans les romans de Feng
Hua : les conséquences profondes des blessures de
l’enfance. Ici, l’apparition d’un enfant de cinq ans
sème le chaos dans l’existence du policier Qiu
Yingjie (邱英杰) :
son fils disparaît, sa mère meurt, sa femme se
suicide… Les catastrophes semblent s’enchaîner,
comme celles entraînée par le battement des ailes
d’un papillon.
À quoi on peut ajouter un onzième titre : une
histoire pour enfants, « La petite fille et l’oiseau
envolé » (《女孩和她的飞鸟》).
Une famille dangereuse
Principales publications
(rééditions aux éditions Lettres et arts du Jiangsu 江苏文艺出版社)
Parallèlement à l’écriture de ces romans, Feng Hua a également
travaillé comme scénariste, au cinéma comme à la télévision.
Scénariste
- Pour le cinéma
Feng Hua a écrit deux scénarios pour le cinéma.
2003 : « The Law of Romance » (《警察有约》)
[littéralement : Le flic a rendez-vous], de Xu Geng
(徐耿).
Sorti en décembre 2003, le film est une excellente
comédie dans un poste de police d’un hutong de
Pékin, avec Xia Yu (夏雨)
dans le rôle principal du jeune policier Zhao Liu’an
(赵六安).
Toujours célibataire, tout le monde, et d’abord ses
cinq sœurs, tentent de le marier. Il passe le plus
clair de son temps à rencontrer des jeunes femmes
dans des cafés, mais aucune ne correspond à l’image
de la femme en rouge de ses rêves. Or une nouvelle
recrue du poste de police ressemble à cette femme…
2013 :
« The Empire Symbol » (《帝国秘符》),
réalisé par Li Zuonan (李作楠),
Yu Junhao (虞军豪)
et Tang Weiwen (唐伟文).
Une chasse au trésor est déclenchée par le
kidnapping d’une petite-fille, fille unique adorée
d’un fan de voitures de sport, et d’arts martiaux,
dont le père détenait le secret d’un mystérieux
badge du soleil lié à un mystère entourant le
premier empereur Ming…
Le scénario, de Feng Hua et Yu Junhao, est proche
des histoires de pilleurs de
tombeset contes fantastiques
alors en vogue. Le film est bien enlevé, les
personnages – y compris les démoniaques Japonais -
sont des caricatures de bandes dessinées, le tout
est à prendre au second degré. L’histoire de
l’enfant est un leitmotiv cher à Feng Hua, qui
rappelle le petit garçon du film de Xu Geng et
l’enfant du roman « Un crime de papillon ». En
outre, les deux personnages principaux du film sont
des orphelins. Feng Hua a dit qu’elle rêvait de
fonder un orphelinat.
The Empire Symbol
The Empire Symbol, avec sous-titres anglais
- Pour la télévision
Outre les adaptations de ses deux premiers romans, en 2001 et
2002, Feng Hua a écrit une dizaine de scénarios pour des séries
télévisées, dont :
« Projets à l’âge mûr » (《中年计划》) :
série en 22 épisodes de 45 minutes diffusée fin 2006.
« Pruniers en fleurs » (《桃花灿烂》) :
série de 21 épisodes diffusée en 2007.
L’actrice Liang Jing (梁静)
qui joue l’un des rôles principaux dans les deux films de 2003
et 2013 interprète également le rôle principal dans cette série.
2019 : retour au roman
Début 2019, Feng Hua publie un nouveau roman inspiré
d’une histoire vraie qui s’est passée à Nankin :
« Attraper l’ombre » (《捉影》).
Il se trouve que Feng Hua connaissait la personne
impliquée dans l’affaire, et qu’elle en a été
choquée. Elle n’a cessé d’y songer par la suite mais
il aura fallu plusieurs années pour que le roman
parvienne à maturation, avec un nouveau trio de
détectives.
Elle avait cessé d’écrire des romans pour se donner
le temps de la réflexion et sortir du schéma des
romans à suspense qui étaient devenus sa marque de
fabrique. Avec « Attraper l’ombre », elle revient
avec une histoire de « super détective », en
renouvelant son écriture, mais sur les mêmes bases :
sans s’éloigner de la vie. Elle dit : l’écrivain est
comme un coureur de fond, il lui faut sentir le sol
fermement sous ses pieds à chaque pas, et continuer
à courir.
Attraper les ombres
Le titre vient de l’expression « saisir le vent et attraper les
ombres » (bǔfēng
zhuōyǐng
"捕风捉影"),
qui signifie « agir sur la base de rumeurs, d’accusations sans
fondement ». Le détective Jiang Xiaoliu (江小流)
qui mène l’enquête est en fait une femme, un super cerveau.
Dotée d’une mémoire exceptionnelle, elle se distingue du Puck
des premiers romans que l’on retrouve ici, mais qui, âgé, a la
mémoire défaillante. Un jeune policier complète le trio. Jiang
Xiaoliu décèle les contradictions, et les zones d’ombre, dans
les propos de son principal suspect, le boss d’un centre de gym.
Au fur et à mesure de la progression de l’enquête, les ombres se
multiplient, et l’affaire devient de plus en plus complexe
[4].
Traduction en français
Traduction du premier roman :
Seul demeure son parfum《如影随形》,
trad. Li Hong/ Gilles Moraton, éditions Picquier, 2009, 352 p./
Picquier poche 2011, 442 p.
[1]
如影随形
rú yǐng suí xíng :expression
signifiant « qui suit pas à pas, comme une ombre ».
[2]
Bai Juyi (772-846) est l’un des plus
célèbres poètes des Tang. Ma traduction du poème.
[3]Le film, sorti en 2004, est intitulé « Fleurs de jasmin », ou « Jasmine Women » (《茉莉花开》).