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Feng Hua 冯华

Présentation

par Brigitte Duzan, 19 février 2021

 

Feng Hua (冯华) est une écrivaine chinoise, auteure de nombreux romans policiers, que l’on a comparée en Chine à Agatha Christie.

 

Née en 1972 dans le Jiangsu, elle a d’abord fait des études à l’Institut d’ingéniérie du corps d’artillerie n°2 de Xi’an (西安第二炮兵工程学院). Elle était donc militaire. Mais elle a abandonné cette vie bien rangée à l’aube du deuxième millénaire.

 

Auteure de romans policiers

 

1. Elle publie son premier roman en avril 2000, à l’âge de 28 ans : « Comme une ombre » (《如影随形》) [1].

 

Une série de meurtres de femmes mariées – intellectuelles – sèment la panique dans une petite ville ; il n’y a aucun indice, aucun mobile évident. Le policier Puck (普克), chargé de l’affaire, rencontre la doctoresse Mido (Miduo 米朵), chirurgienne à l’hôpital. Au centre de l’intrigue est le directeur adjoint du département des Ressources humaines d’une entreprise locale dont on apprend qu’il a été choqué, dans son enfance, de voir sa mère trahir son père… La scène est ainsi dressée non tant pour résoudre les crimes que pour peindre un tableau sensible de la société, et surtout de la psychologie tourmentée des personnages, qui motive leurs actions.

 

Ce n’est pas encore la vogue des romans policiers en Chine, ce qu’on appelle romans « à suspense » (悬疑小说), mais ce début des années 2000 est justement l’époque où le genre commence à démarrer, avec les premiers romans de Cai Jun (蔡骏), puis de Zhou Haohui (周浩晖), mais tous deux d’abord sur internet.  Le succès de son roman décide

 

Feng Hua en mars 2019 (photo sohu)

 

Comme une ombre (1ère édition)

Feng Hua à continuer à écrire, et à écrire des romans policiers.

 

2. Elle poursuit aussitôt avec un deuxième roman, « Fleurs égarées » (《迷离之花》), publié en octobre 2000, présenté comme une suite du premier dont il reprend les deux personnages principaux : le policier Puck (普克) qui est chargé de l’enquête, ainsi que sa comparse Mido, qui a entre-temps démissionné de son travail de médecin à l’hôpital, ce dont elle s’explique au tout début du roman.

 

Le mari de l’adjointe au maire de la ville de A, Zhou Yi (周怡), meurt mystérieusement. Puck découvre peu à peu des aspects peu reluisants de la vie de la famille du défunt, y compris une relation incestueuse entre lui et sa fille. L’éthique passe derrière les émotions, le pouvoir de l’argent et de la sensualité s’avère mortifère. Tout concourt à créer une atmosphère délétère où transparaissent divers aspects sordides de ce microcosme urbain.

 

Pour susciter tout de suite l’atmosphère de mystère où baigne son histoire, Feng Hua a commencé par un célèbre poème, de Bai Juyi (白居易) [2] :

花非花,雾非雾,       Est-ce une fleur, est-ce la brume ?

夜半来,天明去。       Venue dans la nuit, au matin disparue.

来如春梦不多时,       Tel un rêve de printemps, incertain et fugace,

去如朝云无觅处。       Tel un nuage à l’aube, envolé sans laisser de trace.

 

3. Deux ans plus tard, Feng Hua publie un troisième roman : « Meurtre virtuel » (《虚拟谋杀》), sorti en janvier 2002. C’est une histoire d’amour sur internet qui se termine tragiquement, mais de manière ambiguë, quand l’amant (virtuel) se révèle être atteint du SIDA.

 

4. Le roman suivant, « Désir irrépressible » (《欲罢不能》), est un tableau de la psychologie et de la sexualité féminines dans la Chine moderne, à travers une histoire de chantage dans laquelle sont impliquées trois femmes d’âges différents : l’une, Fan Lihua (范丽华), la quarantaine, est l’objet d’un chantage car elle a une aventure extra-conjugale ; pour se sortir d’affaire, elle fait appel à une jeune journaliste d’une trentaine d’années, Ji Wanning (季宛宁). La troisième, Yang Chun (杨春), est une adolescente.

 

L’histoire montre l’évolution de la mentalité et de la sexualité féminines sur trois générations de femmes. La construction fait un peu penser à celle de la nouvelle de Su Tong (苏童) « La vie des femmes » (《妇女生活》), adaptée au cinéma par Hou Yong (侯咏) [3]. Mais, là où Su Tong mettait en scène une lignée familiale sur trois générations de femmes, Feng Hua, elle, examine l’évolution de la vie des femmes sous un angle personnel, féminin, et toujours avec une intrigue ménageant un suspense.

 

5. Dans « Fausses apparences » (《似是而非》), publié en avril 2007, on retrouve le policier Puck chargé d’une enquête sur la mort d’une femme, dont la sœur était tombée amoureuse de l’homme même qui l’a tuée.

 

6. Le roman suivant, « Par le trou de la serrure » (《偷窥之谜》), brode sur un thème semblable de femmes en proie à des sentiments, des émotions, des désirs qui causent leur perte, ou leur malheur. Mais ici, c’est une jeune lycéenne, témoin d’un meurtre malgré elle, qui est au centre de l’intrigue. 

 

7. Dans « D’une pierre deux coups » (《一石二鸟》), retour du policier Puck chargé d’élucider le meurtre d’un fonctionnaire dont la femme, Chen Hong (陈虹), est la première soupçonnée, car elle avait une liaison avec

 

Fausses apparences

 

D’une pierre deux coups

un autre fonctionnaire. Mais elle est tuée à son domicile. Puck élargit donc le cercle de ses recherches, et, comme chez Agatha Christie, jusqu’à la personne la moins évidente au départ.

 

8. « Mystère chez les autorités » (《当局者迷》) abandonne le policier Puck ; ici, l’enquête sur un crime annoncé par un coup de fil anonyme est confiée à un spécialiste de la police criminelle, Qin Yanping (秦阳平), et sa supérieure hiérarchique, Yue Lin (岳琳). L’intrigue est doublée d’une histoire personnelle, Yue Lin étant en pleine crise familiale.

 

9. « Une famille dangereuse » (《危险家庭》), initialement publiée en 1998, contient en fait trois récits : outre celui du titre, « Piège sur internet » (《网络陷阱》) et « La loterie de l’amour » (《爱情彩票》).

 

10. « Un crime de papillon » (《蝴蝶之罪》) reprend un thème diffus dans les romans de Feng Hua : les conséquences profondes des blessures de l’enfance. Ici, l’apparition d’un enfant de cinq ans sème le chaos dans l’existence du policier Qiu Yingjie (邱英杰) : son fils disparaît, sa mère meurt, sa femme se suicide… Les catastrophes semblent s’enchaîner, comme celles entraînée par le battement des ailes d’un papillon.

 

À quoi on peut ajouter un onzième titre : une histoire pour enfants, « La petite fille et l’oiseau envolé » (女孩和她的飞鸟).

 

Une famille dangereuse

 

Principales publications

(rééditions aux éditions Lettres et arts du Jiangsu 江苏文艺出版社)

 

2000 : Comme une ombre《如影随形》

2000 : Fleurs égarées 《迷离之花》

2002 : Meurtre virtuel《虚拟谋杀》

2007 : Désir irrépressible 《欲罢不能》

2007 : Fausses apparences《似是而非》

2007 : Par le trou de la serrure 《偷窥之谜》

2007 : D’une pierre deux coups《一石二鸟》

2007 : Mystère chez les autorités 《当局者迷》

2007 : Une famille dangereuse 《危险家庭》

2010 : Un crime de papillon 《蝴蝶之罪》

 

Textes chinois :

- des cinq premiers romans :

http://www.shuku.net:8082/novels/zhentan/fenghuazp/fhzp.html

- des huit premiers (mais avec des textes parfois incomplets) :

https://www.kanunu8.com/files/writer/3191.html

 

Parallèlement à l’écriture de ces romans, Feng Hua a également travaillé comme scénariste, au cinéma comme à la télévision.

 

Scénariste

 

- Pour le cinéma

 

Feng Hua a écrit deux scénarios pour le cinéma.

 

2003 : « The Law of Romance » (《警察有约》) [littéralement : Le flic a rendez-vous], de Xu Geng (徐耿).

 

Sorti en décembre 2003, le film est une excellente comédie dans un poste de police d’un hutong de Pékin, avec Xia Yu (夏雨) dans le rôle principal du jeune policier Zhao Liu’an (赵六安). Toujours célibataire, tout le monde, et d’abord ses cinq sœurs, tentent de le marier. Il passe le plus clair de son temps à rencontrer des jeunes femmes dans des cafés, mais aucune ne correspond à l’image de la femme en rouge de ses rêves. Or une nouvelle recrue du poste de police ressemble à cette femme…

 

Voir détails et analyse : http://www.chinesemovies.com.fr

/films_Xu_Geng_Law_of_Romance.htm

 

The Law of Romance

 

2013 : « The Empire Symbol » (《帝国秘符》), réalisé par Li Zuonan (李作楠), Yu Junhao (虞军豪) et Tang Weiwen (唐伟文).

 

Une chasse au trésor est déclenchée par le kidnapping d’une petite-fille, fille unique adorée d’un fan de voitures de sport, et d’arts martiaux, dont le père détenait le secret d’un mystérieux badge du soleil lié à un mystère entourant le premier empereur Ming…

 

Le scénario, de Feng Hua et Yu Junhao, est proche des histoires de pilleurs de tombes et contes fantastiques alors en vogue. Le film est bien enlevé, les personnages – y compris les démoniaques Japonais - sont des caricatures de bandes dessinées, le tout est à prendre au second degré. L’histoire de l’enfant est un leitmotiv cher à Feng Hua, qui rappelle le petit garçon du film de Xu Geng et l’enfant du roman « Un crime de papillon ». En outre, les deux personnages principaux du film sont des orphelins. Feng Hua a dit qu’elle rêvait de fonder un orphelinat.

 

The Empire Symbol

 

The Empire Symbol, avec sous-titres anglais

 

- Pour la télévision

 

Outre les adaptations de ses deux premiers romans, en 2001 et 2002, Feng Hua a écrit une dizaine de scénarios pour des séries télévisées, dont :

« Projets à l’âge mûr » (《中年计划》) : série en 22 épisodes de 45 minutes diffusée fin 2006.

« Pruniers en fleurs » (桃花灿烂) : série de 21 épisodes diffusée en 2007.

L’actrice Liang Jing (梁静) qui joue l’un des rôles principaux dans les deux films de 2003 et 2013 interprète également le rôle principal dans cette série.

 

2019 : retour au roman

 

Début 2019, Feng Hua publie un nouveau roman inspiré d’une histoire vraie qui s’est passée à Nankin : « Attraper l’ombre » (《捉影》). Il se trouve que Feng Hua connaissait la personne impliquée dans l’affaire, et qu’elle en a été choquée. Elle n’a cessé d’y songer par la suite mais il aura fallu plusieurs années pour que le roman parvienne à maturation, avec un nouveau trio de détectives.

 

Elle avait cessé d’écrire des romans pour se donner le temps de la réflexion et sortir du schéma des romans à suspense qui étaient devenus sa marque de fabrique. Avec « Attraper l’ombre », elle revient avec une histoire de « super détective », en renouvelant son écriture, mais sur les mêmes bases : sans s’éloigner de la vie. Elle dit : l’écrivain est comme un coureur de fond, il lui faut sentir le sol fermement sous ses pieds à chaque pas, et continuer à courir.

 

Attraper les ombres

 

Le titre vient de l’expression « saisir le vent et attraper les ombres » (bǔfēng zhuōyǐng "捕风捉影"), qui signifie « agir sur la base de rumeurs, d’accusations sans fondement ». Le détective Jiang Xiaoliu (江小流) qui mène l’enquête est en fait une femme, un super cerveau. Dotée d’une mémoire exceptionnelle, elle se distingue du Puck des premiers romans que l’on retrouve ici, mais qui, âgé, a la mémoire défaillante. Un jeune policier complète le trio. Jiang Xiaoliu décèle les contradictions, et les zones d’ombre, dans les propos de son principal suspect, le boss d’un centre de gym. Au fur et à mesure de la progression de l’enquête, les ombres se multiplient, et l’affaire devient de plus en plus complexe [4].

 


 

Traduction en français 

 

Traduction du premier roman :

Seul demeure son parfum《如影随形》, trad. Li Hong/ Gilles Moraton, éditions Picquier, 2009, 352 p./ Picquier poche 2011, 442 p.  

 


 


[1] 如影随形 rú yǐng suí xíng : expression signifiant « qui suit pas à pas, comme une ombre ».

[2] Bai Juyi (772-846) est l’un des plus célèbres poètes des Tang. Ma traduction du poème.

[3] Le film, sorti en 2004, est intitulé « Fleurs de jasmin », ou « Jasmine Women » (《茉莉花开》).
Voir : http://www.chinesemovies.com.fr/films_Hou_Yong_Jasmine_women.htm

[4] Texte chinois en trois parties plus une partie introductive :

https://yuedu.163.com/source/7ea34c10310544cab00e943cbb26a59f_4

 

 

     

 

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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