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Langue et littérature persanes en Chine :
une longue histoire
par
Brigitte Duzan, 30 septembre 2020
L’histoire des contacts culturels entre la Chine et la Perse
remonte au premier siècle avant Jésus-Christ, avec des premiers
témoignages dans des textes de la dynastie des Han ; mais ils se
sont surtout développés après la conquête de la Perse par les
musulmans puis avec le développement de la Route de la soie. Le
persan a été lingua franca dans une bonne partie de l’Asie sous
les Mongols, et langue officielle en Chine sous la dynastie
mongole des Yuan. On peut dire que la présence de Persans – et
du persan - en Chine est une marque du degré d’ouverture de
l’empire chinois au cours des siècles, et de sa politique
expansionniste vers l’ouest
.
·
Premiers contacts
On trouve la plus ancienne mention de la
« Perse » dans les
« Mémoires
historiques » (Shiji
《史记》)
de Sima Qian (司马迁),
chef-d’œuvre autant littéraire qu’historique
achevé en 91 avant Jésus-Christ. Sima Qian
évoque le voyage de Zhang Qian (张骞),
émissaire spécial de l’empereur Han Wudi (汉武帝)
qui l’a envoyé en mission en Asie centrale en
139 avant Jésus-Christ. C’est le premier
diplomate officiel à rapporter des informations
concrètes et authentiques sur l’Asie centrale à
la cour impériale |
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Zhang Qian
prenant congé de l’empereur Wudi
lors de son
départ pour l’Asie centrale en -139.
Peinture murale
sur la grotte 323 à Dunhuang |
chinoise. Il a visité les territoires iraniens à la fin
de sa première mission, en 126 avant Jésus-Christ ; dans
son rapport, il mentionne un pays nommé Anxi (安息),
qui pourrait être une translittération d’Arsak,
et renvoyer aux Arsacides (dynastie parthe qui a
gouverné l’Iran de 250 avant J.C. à 226 après).
On a d’ailleurs une mention de la Perse aussi dans le « Livre
des Han » (Hanshu 《汉书》)
achevé après la mort de l’historien Ban Gu (班固)
par sa sœur
Ban
Zhao (班彪),
en l’an 111.
C’est la diffusion du bouddhisme qui a ensuite contribué au
développement des contacts. Ce sont en effet deux moines
iraniens (parthes) qui ont été parmi les premiers à introduire
le bouddhisme en Chine
:
An Shigao (安世高)
et An Xuan (安玄)
– le premier caractère dérivant probablement de cet ancien nom
d’Anxi utilisé par Zhang Qian dans son rapport à l’empereur. An
Shigao a été l’un des premiers traducteurs de textes bouddhistes
en chinois. La tradition fait de lui un prince parthe qui se
serait fait moine ; il s’est installé à Luoyang, la capitale des
Han, en 148, et a traduit une trentaine de textes dont il reste
une vingtaine.
Quant au terme désignant la Perse en chinois,
bōsī
(波斯),
translittération probable de pārsī/ fārsī,
on le trouve pour la première fois dans le « Livre des Wei » (《魏书》),
la dixième des
24 annales dynastiques,
rédigée entre 551 et 554.
C’est cependant à partir de la conquête de la Perse par les
armées arabes en 651 que des communautés de marchands perses (et
autres musulmans) sont venues s’établir en Chine, en suivant la
Route de la soie, et que se multiplient les références à la
Perse et à sa culture dans les textes chinois les plus divers.
·
Vestiges épigraphiques
(6e/9e siècle)
La période Sui-Tang (581/618-907),
mais aussi la période de division – et de migrations - qui
précède,
sont des périodes d’ouverture et d’enrichissement au contact
d’autres cultures, et de leurs religions. On en a des
témoignages gravés dans la pierre : dans les inscriptions bi-
voire multilingues sur les pierres tombales.
La tombe de Wirkak
Ainsi, en 2003, on a découvert dans le district
de Weiyang (未央区),
près de Xi’an, la tombe d’un Sogdien nommé
Wirkak et de sa femme, en chinois tombe de
maître Shi
(Shǐ
Jūn Mù
史君墓),
avec un riche sarcophage de pierre portant une
épitaphe bilingue en sogdien et en chinois – le
sogdien appartenant au groupe des langues
est-iraniennes. L’inscription explique que
Wirkak, mort à l’âge de 86 ans en 579
),
était comme son père un sabao (薩保),
translittération d’un terme sogdien signifiant
chef caravanier. Il s’était d’abord installé
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Le sarcophage de Wirkak avec la
place de la double épitaphe |
à Chang’an où il avait eu un poste au département
juridique du bureau des sabao, puis avait été
nommé à Liangzhou, dans le Gansu.
Le sarcophage porte par ailleurs des symboles zoroastriens,
religion des Sogdiens qui ont joué un rôle notoire
d’intermédiaires commerciaux le long de la Route de la soie.
Il s’agit là d’une preuve de
l’importance dès le 6e siècle des communautés
d’origine perse en Chine. Elles vont se multiplier sous les
Tang.
La tombe de Mashi
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Estampage de l’inscription en
sogdien |
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L’une
des plus anciennes inscriptions en persan en Chine est celle
gravée sur la pierre tombale de l’épouse d’un général également
découverte près de Xi’an : datant de 874, elle est inscrite en
pahlavi
et en chinois. Elle illustre les liens qui existaient entre les
souverains sassanides et les empereurs chinois, et les
tentatives de rapprochement des descendants de ces rois après la
mort du dernier.
Estampage de l’inscription en
chinois |
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En
651, Peroz, fils du dernier de ces rois
,
établi dans le Sistan, au sud-est de l’Iran,
avec l’aide des Turcs, envoie une ambassade en
Chine pour demander l’assistance militaire de
l’empereur Gaozong ; l’aide est refusée, mais le
royaume de Peroz officiellement reconnu. Peu de
temps |
après,
cependant, Sistan tombe aux mains des Arabes. En 673 et
675, Peroz revient deux fois à Chang’an. L’empereur le
nomme officier et membre de sa garde personnelle, mais
Peroz meurt vers 678 ; son fils Narseh continue la lutte
contre les Arabes pendant vingt ans, mais sans succès ;
finalement, en 708-709, il revient en Chine et y meurt.
D’autres descendants de la cour des Sassanides ont cependant
continué de jouir d’un grand prestige en Chine, et même à avoir
des rangs prestigieux dans l’armée. C’est ce dont témoigne
l’inscription funéraire découverte pendant l’hiver 1955 à
environ deux kilomètres de Xi’an. L’inscription en moyen persan
comporte six lignes horizontales au-dessus de l’inscription en
chinois qui est en sept lignes verticales. La pierre tombale,
très endommagée par le temps, est au musée historique du
Shaanxi. Elle a fait l’objet d’une première publication en
chinois en 1964. La traduction du texte persan a suivi, avec de
nouvelles interprétations en 1971 et 1988
.
Le texte chinois rend compte de la mort de Mashi
(dame Ma), épouse du commandant Suliang (苏凉妻马氏)
de l’aile gauche de l’armée « de la divine
stratégie » (fondée vers le milieu du 8e
siècle) : il était membre d’une des grandes
familles de la période arsacide de l’empire
parthe (précédant les Sassanides) qui étaient
chargées de l’administration des régions de
Sistan et Nisapur. Le décès, à l’âge de 26 ans,
de la jeune femme est intervenu « la 15e
année de l’ère Xiantong (唐咸通十五年)
du règne de l’empereur Yizong », soit en 874. |
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L’inscription bilingue sur la
tombe de Dame Ma,
épouse du commandant Suliang |
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Poétesse et concubine impériale au 10e siècle
Pendant la période des Cinq dynasties et des Dix royaumes
(907-960), certains empereurs chinois ont épousé des femmes
persanes. Selon l’historien Chen Yuan (陈垣),
« pendant les Cinq dynasties, les empereurs préféraient épouser
des femmes persanes, et pendant la dynastie des Song, les hauts
fonctionnaires aimaient épouser des femmes arabes. »
Le Haiyao bencao, édition
de 1997 |
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L’un des Dix royaumes était celui de Shu
antérieur (前蜀
907-925), sur le territoire de l’actuel Sichuan,
avec pour capitale Chengdu. Chassées par la
rébellion de Huang Chao (黄巢
875-884), à la fin des Tang, des familles
iraniennes établies dans la capitale Chang’an
vinrent s’installer au Sichuan en prenant le nom
de Li, dont celle de l’herboriste Li Xun (李珣),
auteur du Haiyao bencao (《海药本草》)
ou « Traité de pharmacopée étrangère », qui vint
se réfugier au Sichuan en 880.
Li Xun avait une sœur, Li Shunxian (李舜弦),
née vers 900 dans la préfecture de Zi (Zizhou
資州),
au Sichuan ; elle était poète, comme son frère,
mais aussi la concubine de l’empereur Wang Yan (王衍),
deuxième et dernier souverain de l’Etat de Shu
antérieur, célèbre pour ses mœurs dissolues.
C’est alors qu’elle était dans |
le harem impérial qu’elle a commencé à écrire ses
poèmes. Parmi les « Dix mille quatrains des Tang » (《万首唐人绝句》)
de l’anthologie compilée par Hong Mai (洪迈)
sous les Song du sud, de 1180 à 1190, trois sont de Li
Shunxian. Elle est la seule poétesse non chinoise de ce
qu’il est convenu d’appeler la Chine médiévale (6e-13e
siècle). Elle est morte en 926, massacrée avec
l’empereur Wang Yan et ses autres concubines, par Li
Zhuangzong (李庄宗),
fondateur de la dynastie des Tang postérieurs.
Pendant cette même période, mais un peu plus tard, une autre
jeune femme d’origine persane, nommée Mei Zhu (媚珠),
fut la favorite du jeune empereur Liu Chang (刘𬬮,
942-980) de la dynastie des Han du Sud (南汉),
avec pour capitale Canton. Liu Chang est resté célèbre pour ses
orgies ; les femmes de son harem étaient pour la plupart
réputées d’origine persane. Cela montre bien l’importance de la
communauté persane établie, cette fois, dans la région de
Canton. Il semble bien qu’il y avait des familles persanes
partout en Chine, non seulement dans les capitales du nord, mais
aussi dans les provinces de l’ouest et du sud, du Sichuan au
Guangdong.
·
Période mongole : le persan langue officielle
Pendant la dynastie mongole des Yuan (1260-1368), il y eut
pendant près de deux siècles une certaine unité
politico-culturelle dans une vaste zone allant du littoral
chinois aux confins occidentaux en passant par les steppes
d’Asie centrale. La dynastie des Yuan entretenait des rapports
étroits avec les souverains ilkhanides de Perse, l’Ilkhanat
étant un khanat perse fondé en 1256 par le grand khan Möngke
avec à sa tête son frère Houlagou, petit-fils de Gengis Khan
.
Dans cette vaste zone, la langue persane a été une sorte de
lingua franca et la période a connu d’importants flux
migratoires vers la Chine.
Langue officielle, enseignement et traductions
Sous la dynastie des Yuan, le persan était, avec
le chinois et le mongol, l’une des trois langues
officielles en Chine, utilisées par
l’administration et le secteur éducatif. En
1289, sur recommandation du Département des
Affaires d’Etat (Shangshu Sheng
尚書省)
,
Kubilai Khan créa à Dadu (aujourd’hui Pékin) un
institut rebaptisé en 1314 « Collège impérial
pour les huihui » (回回国子监)
afin d’enseigner une langue destinée aux
échanges avec les peuples d’Asie centrale.
C’était un enseignement réservé à l’élite, les
« fils de hauts dignitaires et familles riches »
(gongqing
dàifu ji fumin zhi zi
公卿大夫既富民之子).
Après leurs études, les jeunes étaient envoyés
dans divers bureaux gouvernementaux comme
interprètes et traducteurs. La langue enseignée
est désignée dans les documents officiels par « yi
si ti fei wen » (亦思替非文)
c’est-à-dire « langue choisie », renvoyant à
l’Islam ; mais certains experts pensent que le
terme désignait probablement le persan, ou le
sogdien
. |
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Conversion de Ghazan Khan, 7ème
souverain de l’Ilkhanat de
l’empire
mongol (1295-1304), bouddhiste
converti à l’islam lors de son
accession sur le trône |
Le Huihui yaofang en
quatre volumes |
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Il fallait des traducteurs car nombre de livres
persans ont été traduit pendant la période
mongole, et en particulier des livres
d’herboristerie pour la médecine traditionnelle.
Ainsi le Hui-hui
yaofang (《回回药方》)
ou “prescriptions huihui”, compilé et
traduit par des chinois musulmans, en quatre
volumes, contient les noms de nombreuses plantes
écrits en persan, certains dans le script
original, d’autres |
en translittération, et certains traduits. Les quatre
volumes sont à la bibliothèque de l’université de Pékin.
Persans dans l’administration
Par ailleurs, une trentaine de musulmans ont été à la tête
d’importants postes administratifs sous Kubilai Khan, et
beaucoup étaient persans. Huit des douze districts
administratifs avaient des gouverneurs musulmans nommés par
l’empereur. L’un des plus connus est Sayyid
Ajall Shams al-Din Omar, d’origine iranienne : il était
originaire de Boukhara. Il a participé à la conquête du Sichuan
aux côtés de Möngke, et a été nommé gouverneur provincial du
Yunnan après la conquête du royaume de Dali en 1274. Son fils
Nasr al-Din lui succéda à sa mort en 1279. Il est considéré
comme l’ancêtre de nombreuses lignées hui du Yunnan,
ainsi que du Ningxia et du Fujian.
Kubilai Khan a également fait venir des savants musulmans :
l’astronome Jamal ad-Din qui a permis de corriger le calendrier
chinois était également originaire de Boukhara. Des cartographes
musulmans d’origine iranienne ont contribué à l’établissement de
cartes des nations le long de la Route de la soie. Des médecins
ont organisé des hôpitaux ; ils avaient leur propre institut de
médecine à Pékin et Shangdu, la capitale d’été des Yuan. Pour la
conquête des Song du sud, Kubilai s’est aussi entouré
d’ingénieurs d’origine persane spécialistes des sièges, dont Al
al-Din qui, avec son collègue Ismail originaire d’Irak, a aidé
Kubilai à conquérir Hangzhou et d’autres villes des Song du sud
en perfectionnant l’art du trébuchet.
·
Apogée sous les Ming
Traductions
Sous les Ming (1368-1644), la politique de traduction est
poursuivie par les empereurs. Le « Bureau des quatre Barbares »
ou Si Yí Guan (四夷官)
est établi pour fournir des traductions officielles et former
des traducteurs.
Le persan, apparemment, n’était requis que de manière
occasionnelle pour traduire des livres et des documents
diplomatiques. Mais le premier empereur de la dynastie, Taizu (太祖
r. 1368-1397), a chargé un groupe de traducteurs de la
traduction en chinois de plusieurs livres persans, dont un
traité d’astronomie. Lors des combats menés pour établir la
dynastie, il avait été aidé par un général né dans l’Anhui, mais
d’origine persane, nommé Hu Dahai (胡大海
mort en 1362).
En 1407, l’empereur Chengzu (成祖
r. 1403-1425) émet une
ordonnance en chinois, mongol et persan visant à la protection
des minorités musulmanes en Chine. Le Si Yí Guan a
ensuite produit un manuel pour enseignants et traducteurs avec
un lexique d’un millier de termes
.
Inscriptions
On peut voir une inscription en persan datant du 15e
siècle dans la mosquée de Niujie ou rue du Buffle (牛街礼拜寺),
dans le district de Xicheng (西城区)
à Pékin. C’est la plus ancienne et la plus grande mosquée de la
capitale, construite en 996 par Nazruddin, un savant arabe
fonctionnaire des Liao, ou Khitans ; détruite par les armées de
Gengis Khan en 1215, elle a été restaurée en 1496 et agrandie en
1696 sous l’empereur Kangxi des Qing. Elle a conservé le style
des monastères bouddhistes et taoïstes par souci de ne pas se
distinguer.
Au sud-est de la tour qui sert de minaret se trouvent la tombe
du fondateur, mais aussi celles de deux voyageurs venus de Perse
aux 13e et 14e siècles. Malheureusement
les inscriptions ont été à moitié effacées par le temps, mais
c’est encore pire pour celle qui était sur un mur de la mosquée
de Sanli He (三里河清真寺),
dans le quartier de Qianmen.
Déclin à la fin des Ming
Vers le milieu de la période Ming, cependant, après la mort de
l’empereur Yongle, en 1424, le pays se referme en partie en
raison de la menace mongole au nord. Les contacts avec les pays
du monde islamique commencent à se raréfier. Dans le Si Yi Guan,
il reste peu e spécialistes parlant le persan. Au milieu du 16e
siècle, des madrasas sont créées ; quelques musulmans enseignent
encore en persan, mais surtout chez eux ; l’enseignement
religieux se fait de plus en plus en arabe et peu de mosquées le
dispensent dans les deux langues. Le chinois devient de toute
façon la langue généralement parlée.
Le cas de Liu Zhi (刘智
1660-1730) est caractéristique : c’est un grand penseur sunnite
de Nankin qui, à la fin des Ming, a vécu la prise de la ville
par les Mandchous, en juin 1645, si bien que sa vie littéraire
s’est déroulée en majeure partie sous le règne de l’empereur
Kangxi ; il a contribué à rapprocher l’islam des religions
chinoises en essayant de l’expliquer en empruntant au
bouddhisme, au taoïsme et au confucianisme ; il est très étudié
aujourd’hui. Mais il avait appris l’arabe.
·
Ouvrages en persan sous les Qing
Au début de la dynastie des Qing (1644-1911), presque plus
personne ne parlait bien le persan à la cour, et le processus
s’est accéléré après l’abandon du calendrier musulman en 1669.
A la fin du 17e siècle, des manuels de langue persane
sont écrits et publiés. C’est le cas de l’ouvrage fait par Chang
Zhimei (常志美
1610-1670), un musulman du Shandong qui avait créé une école
islamique où il enseignait le persan pour pouvoir lire la
littérature islamique dans le texte ; il a compilé une grammaire
persane (《波斯语文法》)
considérée comme l’une des plus anciennes écrites en persan,
sinon la plus ancienne, dont on a retrouvé un exemplaire dans la
bibliothèque de la mosquée Dongsi (东四清真寺)
à Pékin
;
elle est intitulée Menhāg aṭ-ṭalab
(« La voie de la recherche »).
D’autres traduisent ; certains manuscrits sont copiés, et
préservés dans des mosquées. Le Musée national du Palais de
Pékin, pour sa part, possède quatre tablettes de bois inscrites
en persan. Certains y voient des cadeaux présentés comme tributs
par des Persans
- pratique du tribut illustrée par un poème d’un recueil de Li
Shengzhen’s (李声振)
écrit sous le règne de l’empereur Qianlong, « Cent branches de
bambou illustrant des jeux » (Baixi
zhuzhi ci 《百戏竹枝词》)
;
l’un des poèmes décrit un acteur en costume persan accompagné
d’autres déguisés en éléphants qui dansent sur « l’air de la
présentation du tribut » (Gongbao
qu 《贡报曲》).
Il y a là toute une imagerie « exotique » qui remonte à la
grande période d’expansion vers l’Asie centrale de l’empire
chinois, sous les Tang.
·
Début du 20e siècle
Au début de la période républicaine, à partir des années 1920,
des madrasas sont créées où le persan était enseigné.
Mais c’est aussi une grande période de traductions de poèmes,
avec deux grands traducteurs : Ha Decheng (哈德成)
(1887-1943) et Wang Jingzhai (王静斋
1879-1948).
Traductions de poésie classique
Qiangwei
yuan |
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Traduction de l'anglais : The Rose Garden |
Outre diverses traductions de l’arabe, dont le Coran (《古兰经译解》),
Wang Jingzhai a traduit le
Golestān de
Saadī
: son Zhēnjìng
huāyuán (《真境花园》)
a été publié en 1947 aux Presses musulmanes de Pékin. Mais une
autre traduction du Golestān
a été réalisée à la même époque, par Shui Jianfu
(水建馥
1925-2008) : « Le jardin des roses » (Qiangwei
yuan 《蔷薇园》
) ; bien
que réalisée à partir de la traduction en anglais (“The Rose
Garden”), cette traduction a été publiée par les éditions
Littérature du peuple, dans la collection des chefs-d’œuvre de
la littérature mondiale. Ces deux traductions ont donné lieu à
des lectures à la radio et à la télévision, contribuant à la
vulgarisation de l’œuvre de Saadi en Chine.
Langue de la sinologie moderne
En même temps, en Occident, le persan était
devenu langue indispensable pour les sinologues.
Son importance pour les premiers grands
sinologues français modernes est indéniable. Une
anecdote montre les liens persistants entre
persan et chinois. Lorsqu’une chaire de « langues
et littératures chinoises et
tartares-mandchoues » est créée en novembre 1814
au Collège royal, aujourd’hui Collège de France,
c’est un jeune sinologue de 26 ans, brillant,
mais autodidacte, qui est nommé titulaire du
poste :
Jean-Pierre Abel-Rémusat.
Il n’avait encore publié que deux essais, mais
ils avaient été remarqués par l’orientaliste
Silvestre de Sacy, qui était professeur de
persan au Collège royal depuis 1806. C’est en
grande partie grâce à son appui qu’Abel-Rémusat
fut choisi…
Abel-Rémusat est le père de la sinologie moderne
française. Parmi les
sinologues-archéologues-explorateurs du début du
20e siècle en France, l’un des plus
célèbres est
Paul Pelliot,
le découvreur en mars 1908 des fameux |
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Paul Pelliot examinant des
manuscrits
dans la grotte de Mogao en 1908
(photo musée Guimet) |
manuscrits de Dunhuang, qui comportaient des textes en
chinois, tibétain, sanscrit, koutchéen, khotanais,
sogdien et ouïgour. Hyperpolyglotte, capable de lire
treize langues, dont les langues iraniennes anciennes,
Pelliot étudia lui-même les manuscrits.
Parmi les Collections de manuscrits orientaux de la BnF figurent
des collections de manuscrits en persan dont la constitution
remonte à la politique d’acquisition de Colbert, à partir de
1667. Parmi les collections patrimoniales, le fonds Pelliot
persan compte 2 600 manuscrits.
Chen Yuan (1880-1971) : l’un des « quatre grands
historiens de la Chine moderne » (“现代四大史学家”),
spécialiste d’histoire religieuse.
Courts poèmes lyriques dans le style zhuzhi ci
(竹枝词)
ou « chants des branches de bambou », interprétés
accompagnés d’un instrument à cordes comme le
yangqin.
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