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« Ah Q » supprimé des
manuels scolaires chinois
par Brigitte Duzan, 16 septembre
2010
Avec la rentrée
scolaire, début septembre, les élèves chinois, comme
partout, ont découvert leurs nouveaux manuels.
Surprise : ceux de langue et littérature chinoises ont
subi de profondes modifications dont la presse chinoise
s’est fait l’écho, témoin le ‘Quotidien du Guangzhou’ (广州日报)
qui
titrait
en date
du 8 septembre :
各地语文课本内容大改,
鲁迅作品接近消失
Importante révision des manuels de langue et littérature chinoises, les
textes de
Lu Xun disparaissent en quasi-totalité.
En effet, si de
grandes œuvres classiques sont supprimées, comme
l’ancien poème narratif « Les paons s’envolent vers le
sud-est » (《孔雀东南飞》),
la pièce
« La tempête » (《雷雨》)
de Cao Yu (曹禺),
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« Les paons s’envolent
vers le sud-est »
(《孔雀东南飞》) |
l’essai
« La silhouette vue
de dos » (《背影》)
de Zhu Ziqing (朱自清), pourtant
l’un des pionniers du
modernisme en Chine,
dans les années 1920 (1),
Lu Xun est bien la principale victime
de la révision.
« Le remède » (《药》) |
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En
contrepartie apparaissent dans les nouvelles sélections
des réflexions de Ba Jin sur la Révolution culturelle (巴金反思文革)
tirées du recueil d’essais « Notes au fil de la plume »
(《随想录》)
ainsi que des nouvelles modernes, dont celle de
Yu Hua (余华)
« Parti
à dix-huit ans loin de chez moi » (《十八岁出门远行》).
Pour ce qui
concerne
Lu Xun, cela fait un certain temps que ses
œuvres font les frais des révisions des manuels
scolaires, sous le prétexte qu’elles sont « trop
difficiles à comprendre », très critiques, et d’un
esprit sombre et « négatif ». Il faut regarder l’avenir
avec optimisme.
Parmi les
textes qui viennent d’être supprimés figurent « Le
remède » (《药》),
critique ambiguë des superstitions populaires, mais
aussi de la vénalité de la soldatesque, « A la
mémoire de mademoiselle Liu Hezhen » (《记念刘和珍 |
君》)
(2), et surtout
« La véritable histoire d’Ah Q » (《阿Q正传》),
ou édifiante histoire si l’on suit la dernière traduction de
Sebastian Veg, parue dans le recueil « Cris ».
Cette nouvelle
offensive contre
Lu Xun a inspiré à l’humoriste Shang
Haichun (商海春)
un
dessin amusant publié sur son blog.
Il a dessiné un
livre sur la couverture duquel est inscrit :
"语文教材",
c’est-à-dire manuel de langue et littérature. On voit
sortir du livre un pied qui vient de bouter dehors le
malheureux Ah Q qui s’écrie :
"又挨打了 !"
(yòu
áidǎ le :
ah, je
me suis encore fait rosser !).
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Dessin de Shang Haichun (商海春)
sur son
blog QQ |
Un critique a pu dire
que c’était « la grande retraite de
Lu Xun » (“鲁迅大撤退”),
comme on parle de retraite de Russie. Le pouvoir chinois a
toujours eu une attitude ambivalente à son égard. En 1937, Mao
disait de lui : « C’est un sage de la première importance. »
Ensuite les choses ont fluctué.
Cependant, tout récemment, dans
sa Note sur l’édition de
« Cris », Sebastian Veg émettait
« l’hypothèse que nous sommes à un nouveau tournant dans la
réception de Lu Xun. » Il continuait :
« Si le grand combat de la génération précédente, mené entre
autres par Pierre Ryckmans dans le monde francophone, a été
d’arracher Lu Xun à l’hagiographie communiste, le défi
d’aujourd’hui est sans doute celui du nationalisme. Lu Xun,
malgré une réforme des programmes qui a retiré certains de ses
textes des manuels du secondaire en 2007, reste un auteur
officiel en Chine populaire, si bien que le pouvoir, suivant en
cela l’inflexion générale de son discours d’après l’« ouverture
» de 1979, est tenté d’en faire le héraut du renouveau national
chinois. »
Il semblerait bien qu’il s’agisse aujourd’hui d’un nouveau
tournant, mais plutôt pour remiser Lu Xun aux oubliettes de
l’histoire.
(1)
《背影》est
un texte célèbre des années 20 qui mérite de ne pas être oublié.
Texte bilingue
chinois/anglais, avec pinyin :
http://barney.gonzaga.edu/~chongls/CP/zhu2a.htm
Texte chinois à écouter
:
http://www.bluetec.com.cn/asp/mymandarin/reading/backshadow.htm
(2) Il faut lire ce
beau texte de Lu Xun, écrit en 1926
en mémoire d’une élève de l’Ecole normale de filles où
enseignait l’écrivain ; elle fut parmi les quarante sept
victimes tuées dans ce qu’on appelle « le massacre du 18 mars »
perpétré par le seigneur de guerre Duan Qirui en 1926 ; elle est
souvent considérée comme l’instigatrice du mouvement étudiant
que le « massacre » avait pour but de supprimer, d’où sans doute
la suppression du texte aujourd’hui.
Texte
chinois :
http://www.tianyabook.com/luxun/hgjx/015.htm
Texte
chinois à écouter (17’) :
http://www.56.com/u66/v_NDg0MTI1NTE.html
Traduction anglaise :
http://history.cultural-china.com/en/48History8769.html
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