Le prix littéraire
Blancpain-Imaginist 2024 décerné à Wei Sixiao : retour à la
terre
par Brigitte
Duzan, 24 octobre 2024
Comme annoncé
le 21 octobre 2024, pour sa 7e édition, le prix
Blancpain-Imaginist (第七届宝珀理想国文学奖)
été décerné à l’écrivain
Wei Sixiao
(魏思孝)
pour son roman « Un minuscule village sur la vaste terre » (tǔ
guǎng
cùn mù《土广寸木》).
Le roman
Sorti en avril
2024 aux éditions du quotidien de Pékin (北京日报出版社),
le roman est un retour aux sources rurales du peuple chinois. Il
décrit la vie au cours des saisons dans le village
(emblématique) de Xinliu (辛留村),
déployant les heurs et malheurs d’une centaine de personnages
dans la grande tradition chinoise des sagas rurales. Mais ce qui
a retenu l’attention des critiques, et des membres du jury du
prix,
c’est le style innovant, tenant à la fois de l’essai
documentaire et de la fiction en effaçant les frontières entre
fiction et non-fiction, avec un effet panoramique, une touche
d’humour mais beaucoup de compassion, au sens propre.
Le roman est
en deux parties, avec une préface et une postface. La première
partie (júbù“局部”),
en sept chapitres, s’attache à décrire le lieu comme
« partie(s) » (sens littéral du sous-titre) d’un vaste ensemble,
en liant les généalogies des personnages aux affaires du village
sur fond de persistance des fantômes du passé. La deuxième
partie « Un an » (“一年”),
est divisée en douze chapitres selon les douze mois de l’année.
L’auteur a pris la vie d’un personnage comme ligne narrative
principale pour décrire les menus événements d’une année au
village, naissances, mariages et enterrements tout autant que la
politique locale qui en est finalement inséparable ; cette
partie est contée par un narrateur à la première personne, ce
qui ajoute à l’aspect documentaire (ou non-fiction).
Le roman
finit, au total, par dresser un tableau représentatif de la vie
à la campagne dans la Chine d’aujourd’hui, une campagne qui
revient en force dans les œuvres littéraires publiées ces
derniers temps en Chine aussi bien qu’au cinéma, mais le plus
souvent comme souvenir nostalgique de l’enfance évoqué par de
jeunes citadins comme une sorte de paradis perdu.
Le récit de Wei Sixiao est différent, dans le style, mais aussi
dans la tonalité générale, comme le suggère la synthèse donnée
en exergue de la présentation du roman :
“这块弹丸之地,四季交替,雨雪飘落,人如虫蚁疲于奔命,到头来两手空空。”
Sur ce bout de
terre grand comme un mouchoir de poche,
qui vit au gré
des saisons et des intempéries,
Les hommes
s’affairent tel un peuple d’insectes et de fourmis,
Mais pour
rester au bout du compte les mains parfaitement vides.
Le thème de
l’année, sur fond de déferlante de l’intelligence artificielle,
était la question : où est la part de création (humaine)
originale dans la création littéraire ? (原创文学的原创性在哪里?).
Le roman primé y donne un élément de réponse : ce pourrait être
dans le style.
Quant à
l’auteur,
Wei Sixiao (魏思孝),
né en 1986, il n’est pas totalement nouveau sur la scène
littéraire chinoise : toute son œuvre est ancrée dans la vie
rurale, ou la vie dans une petite ville ; il est surtout connu
pour une trilogie rurale publiée ces dernières années, dont le
troisième volet a été finaliste du
prix Blancpain-Imaginist en 2022.
Les
finalistes
Il ne faudrait
pas pour autant en oublier les quatre autres finalistes de cette
année 2024, de la même génération post’80 :
- l’écrivaine
Da Tou Ma (大头马),
née en 1989, pour son roman « Le jeu du roi » (《国王的游戏》)
- l’écrivaine
Gu Xiang (顾湘),
née en 1980, pour son recueil de nouvelles « Les braves et
honnêtes gens » (《老实好人》)
- l’écrivaine
Tong Mo (童末),
née en 1985, pour son roman « L’homme au centre de la Terre » (《大地中心的人》)
- et
Zheng Xiaolü (郑小驴),
né en 1986, pour son recueil de nouvelles « Le Bach du sud » (《南方巴赫》)
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