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Zheng Xiaolü 郑小驴

Présentation

par Brigitte Duzan, 26 novembre 2024

 

 

Zheng Xiaolü

 

 

Né en 1986, Zheng Xiaolü était l’un des jeunes auteurs arrivés en finale de la 7e édition du prix Blancpain-Imaginist (第七届宝珀理想国文学奖), en octobre 2024, avec son recueil de neuf nouvelles intitulé « Le Bach du sud » (《南方巴赫》).

 

 

Le Bach du sud

 

 

Un écrivain du sud

 

Zheng Xiaolü est originaire du district de Longhui, dans le Hunan (湖南隆回县) – un district montagneux qui a longtemps figuré dans la liste des régions les plus pauvres de Chine. Zheng Xiaolü se rappelle qu’il n’y a eu l’électricité chez eux que quand il est entré en classe élémentaire. Il a été élevé à la campagne ; son père travaillait en ville, et sa mère allait parfois le rejoindre, puis, quand il est entré en sixième, il est resté seul avec son grand-père : il est devenu un enfant de migrants « laissé en arrière » (留守儿童).

 

Enfant, il aimait lire mais était obligé de le faire en cachette car sa mère considérait les livres comme une perte de temps. Il empruntait des livres à la bibliothèque de l’école ou à son frère, et se souvient de quelques lectures qui l’ont marqué, dont « Jane Eyre » et « Le Rouge et le noir », et « La forteresse assiégée » (《围城》). Dans les années 1990, la science-fiction devenant à la mode, il a été abonné pendant deux ou trois ans à la revue « Le monde de la science-fiction » (《科幻世界》), ce qui a ouvert de nouveaux horizons à son imagination[1].

 

Il est devenu écrivain, encouragé par ses professeurs, mais aussi un peu par hasard. C’est en 2006 qu’il a écrit sa première nouvelle. Pendant l’été, il était allé à Changsha aider ses parents qui travaillaient sur un site de construction. Un soir qu’il était sorti se promener, il est allé jusqu’à l’Institut du Chemin de fer (铁道学院) et s’était glissé dans une salle, dans l’obscurité : c’est ce qui lui a soudain inspiré la nouvelle « Une lampe à huile de 1966 » (1966年的一盏马灯》)[2], écrite d’une traite, dans laquelle il rend hommage à sa grand-mère qu’il n’a jamais connue. Il a posté sa nouvelle sur le site internet « Sous le banyan » (Róngshù xià榕树下)[3] ; elle a été remarquée là par un éditeur qui l’a publiée dans la revue littéraire « Lettres et arts de Foshan » (《佛山文艺》)[4].

 

Il avait 20 ans. Pendant l’été 2007, ensuite, il a décroché un stage dans une revue littéraire à Kunming, dans le Yunnan. Il a loué là une petite maison sans aucun confort, dans un village urbain non loin du journal, où vivait une communauté de migrants, de hooligans et de drogués – environnement extrêmement bruyant, surtout la nuit. C’est là qu’il a écrit les premières nouvelles qui l’ont fait connaître, dont la première, « La Fête des fantômes » (《鬼节》), où il évoque des souvenirs d’enfance, enfance sur laquelle il revient encore dans son dernier recueil publié, « Le Bach du sud ».

 

En 2014, il était parti vivre à Hainan lorsqu’il a reçu un appel téléphonique de Yan Lianke (阎连科) qui l’invitait à s’inscrire à la première classe en Chine de « postgraduate creative writing » qu’il ouvrait à l’Université du Peuple (Renmin daxue 人民大学), à Pékin. Il a commencé le cours l’année suivante et il y est resté trois ans – période qu’il considère a posteriori comme une sorte d’hibernation contrastant avec la chaleur et l’exubérance du sud.

 

 

La fille disparue

 

 

Il est revenu vivre à Changsha en 2020, et il enseigne à l’École de littérature de l’université normale du Henan (湖南师范大学文学院), au pied du mont Yuelu (岳麓山). Il y a invité des écrivains qu’il considère comme des « maîtres » (文学名家), comme Xu Zechen (徐则臣), Dong Xi (东西) ou Yi Zhou (弋舟). Certains des étudiants ont commencé à écrire…

 

 

Pas pour les enfants

 

 

Nouvelles et romans

 

Il a surtout écrit des nouvelles dont il a publié sept recueils, mais il est aussi l’auteur de deux romans et d’un recueil d’essais au fil de la plume (随笔集). Un extrait du roman « En allant à Dongting » (《去洞庭》) a été proposé à l’épreuve de traduction du concours d’agrégation interne de chinois en 2024. Il est lauréat d’une demi-douzaine de prix littéraires chinois dont, en 2022, le prix Mao Dun des nouveaux auteurs (茅盾新人奖).

 

 

En allant à Dongting

 

 

Son premier roman, publié en 2013, « Xizhou Qu » (《西洲曲》), se passe au début des années 1990 et conte l’histoire d’une famille de cinq personnes, le narrateur, ses parents, sa sœur et son frère ; une nuit, une jeune femme enceinte vient se réfugier chez eux pour éviter les sbires du contrôle des naissances, élément narratif que l’on trouve déjà dans la nouvelle « La Fête des fantômes ». On sent le souvenir obsédant. Mais les nouvelles récentes, dans le dernier recueil de 2024, semblent traduire une sorte d’incommunicabilité, de distance croissante entre les êtres : « Chacun d’entre nous, dit-il, est une Tour de Babel, plein d’incompréhension, d’ambiguïté et de désespoir. » (每个人都是一座巴别塔,相互充满了误解、暧昧、绝望。).

 

Il insiste sur le fait qu’il écrit de la fiction, mais que c’est en fait la réalité (很多人以为我在写魔幻,其实我写的是现实。). Et comme dans la réalité, la fin de ses récits est souvent abrupte et ouverte, et pas du tout dans le genre « happy ending » comme dans la tradition chinoise. Mais, plus que tout, c’est désormais du style qu’il se préoccupe désormais. Autant de points où l’on peut sentir la trace de l’enseignement de Yan Lianke…

 

Recueils de nouvelles

 

- Comptines de 1921 1921年的童谣》 ( China Social Science Press, 2009 )

- Démangeaisons 《痒》(Henan wenyi chubanshe, 2013)

- Pas pour les enfants 《少儿不宜》Anhui wenyi chubanshe, 2014)

- La reine des fourmis 《蚁王》( Éditions des écrivains, 2016)

- La fille disparue 《消失的女儿》Beijing shiyue wenyi chubanshe, 2019)

- Extravagances 《天花乱坠》Baihua weny chubanshe i, 2021)

- Le Bach du sud 《南方巴赫》( Littérature du peuple, mars 2024)

 

Romans

 

- Xizhou qu 《西洲曲》 ( Littérature du peuple, 2013)

- En allant à Dongting《去洞庭》Beijing shiyue wenyi chubanshe, 2019)

 

Recueil d’essais

 

- Tu en savais trop 《你知道的太多了》2015

 

Traductions en anglais

 

- The Festival of Ghosts (《鬼节》), tr. Karen Gernant & Chen Zeping, World Without Borders, Dec. 30. 2011.

- The Philips Electric Razor, tr. Thomas Moran, in : The Sound of Salt Forming: Short Stories by the post-80s generation,  University of Hawai’i Press, 2016 (pp. 193-226).

  


 

[1] Voir : 专访郑小驴:当一名留守儿童成为作家 (Entretien avec Zheng Xiaolü, enfant laissé en arrière devenu écrivain)

[2] La lampe en question, mǎdēng 马灯, évoque les lampes à kérosène d’autrefois. Une manière comme une autre d’évoquer l’époque de la grand-mère. Ces lampes pouvaient être accrochées à la selle d’un cheval quand on devait chevaucher de nuit, d’où leur nom. Elles se sont répandues en Chine à partir de la fin des Qing et étaient encore utilisées à la campagne dans les années 1970.

[3] Premier site de littérature sur internet, créé en 1997.

[4] Selon l’entretien déjà cité (n. 1).

 

     

 

 

 

 

     

 

 

 

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