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Wuhan en
quarantaine … et en VO
par
Brigitte Duzan, 4 mars 2020
Yìqíng
疫情 :
épidémie
Le 24 décembre 2019, un livreur de 65 ans du marché
« de fruits de mer » Huanan (huánán
hǎixiān shìchǎng
华南海鲜市场)
de Wuhan était admis à l’Hôpital central de Wuhan (武汉中心医院)
car il souffrait d’une forte fièvre. Deux autres
patients souffrant d’une pneumonie inexpliquée
étaient admis trois jours plus tard dans le même
hôpital. Les analyses ont détecté un « nouveau
coronavirus » (xīnguàn fèiyán
新冠肺炎),
semblable à celui du SRAS en 2003. |
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Le marché Huanan des fruits de mer de
Wuhan |
Cependant, selon un article publié le 26 février par le journal
Caixin sur son site internet (财新网)
,
le 1er janvier, les autorités de la santé du Hubei
ont interdit que l’information soit divulguée. Le 3 janvier, une
directive nationale a interdit de poursuivre les études
virologiques sans autorisation. Le séquençage du virus a été
obtenu le 8 janvier. Mais le 11 janvier, il y avait 41 nouveaux
cas de cette « pneumonie atypique », attribuée à ce nouveau
coronavirus. Les cas se sont multipliés. Les 18 et 19 janvier :
136 nouveau cas. Le 20 janvier : 60 cas. Pendant cette période,
le virus apporté par les patients à l’hôpital a contaminé les
médecins et le personnel soignant, et s’est répandu dans la
ville.
L’épidémie du « nouveau coronavirus » (xīnguàn fèiyán
yìqíng
新冠肺炎疫情)
avait commencé sa croissance exponentielle.
Fēngchéng 封城
: ville en quarantaine
La gare de Wuhan en quarantaine
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Le 23 janvier 2020, en raison de la progression de
la contagion, la ville de Wuhan, épicentre de
l’épidémie, ainsi que plusieurs villes proches ont
été mises en quarantaine ; les habitants se sont
retrouvés dans une situation qui ressemble à un
blocus. Mais c’est aussi que les deux termes sont
proches : la quarantaine est, étymologiquement et
historiquement, une forme de blocus permettant
d’isoler des groupes de population pour éviter la
transmission de maladies contagieuses. |
Le terme utilisé pour cette mesure « de quarantaine » est en
effet le même que celui utilisé pour un blocus,
fēngsuǒ
(封锁),
ou plus précisément
gélí fēngsuǒ
(隔离封锁).
Ville en quarantaine, Wuhan est désignée du terme de
fēngchéng (封城),
c’est-à-dire
fēngsuǒ chéngshì (封锁城市).
Le terme rappelle le titre de la nouvelle de 1943 de
Zhang Ailing (张爱玲) traduite
par
« Bouclage »
(Fēngsuǒ《封锁》) :
il s’agit dans cette nouvelle du bouclage d’un quartier à
Shanghai pendant l’occupation japonaise.
Fāngcāng 方舱
: hôpitaux d’urgence
Au début du mois de février, alors que l’épidémie avait pris des
proportions catastrophiques, Wuhan a entrepris d’aménager trois
« hôpitaux d’urgence », appelés
fāngcāng yīyuàn
(“方舱医院”)
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Hôpital fangcang dans un stade |
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Ces hôpitaux sont en fait des unités mobiles de l’Armée
populaire (littéralement « cellules carrées »
fāngcāng
方舱),
constituées de divers modules d’équipement médical, de salles
d’hébergement et de matériel de support technique. Ces unités
rapides à mettre en place ont été utilisées pour la première
fois pour les opérations de sauvetage et d’aide aux sinistrés
lors du tremblement de terre de Wenchuan (汶川大地震),
au Sichuan, en mai 2008, puis ont participé aux opérations
d’urgence lors de celui de Yushu au Qinghai (玉树地震)
en avril 2010.
Le 5 février 2020, vingt unités supplémentaires ont été ajoutées
en urgence à Wuhan. La plupart étaient aménagées dans des
centres sportifs ou autres, y compris des parkings.
Sì lèi rén
四类人 :
les quatre types de personnes
Le 9 février, par ailleurs, la ville a lancé une opération de
recherche de « quatre types de personnes » (Sì
lèi rén
四类人)
considérées comme personnes à risque : les individus contaminés
par le virus et ceux suspectés de l’être, les proches en contact
avec eux et les gens manifestant des symptômes de fièvre. Une
fois identifiés, toutes ces personnes devaient être soignées ou
mises en quarantaine. Les autorités ont alors procédé au
contrôle de 10,6 millions d’individus dans 4,2 millions de
familles, soit environ 99 % de la population de la métropole.
Le 10 février, les contrôles de porte à porte ainsi réalisés ont
permis d’identifier près de 1 500 patients dans un état très
grave qui ont été envoyés à l’hôpital. Mais les autres ont été
envoyés en quarantaine dans les unités d’urgence qui
n’étaient pas destinées à traiter des patients, mais juste à
isoler les malades potentiels. Ceux qui étaient porteurs du
virus ont contaminé les autres.
Yīnào
医闹 : les désordres médicaux
Le système médical exacerbe déjà en temps normal les
inégalités de revenus et celles nées des différences
entre ville et campagne. La colère publique peut
parfois se retourner contre les médecins, c’est le
sens du terme créé pour désigner ces altercations
parfois violentes : « désordres médicaux » (Yīnào
医闹).
C’est ce à quoi fait allusion
Fang Fang (方方)
dans son « Journal
de Wuhan » (《武汉日记》),
dans le paragraphe de |
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Yinao |
son billet du 29 février traitant des policiers ; étonnée du
grand nombre de policiers contaminés par le virus, elle a
interrogé un policier qui lui a répondu :
好多民警开车帮忙运送病人,仅靠医护人员是忙不过来的。还有,进出城的通道24小时都得要人守控,既要保障防疫支援车辆通行,又要外防输出。此外在医院、隔离点、这些地方,要维护治安和交通秩序,防止医患纠纷之类等等。
De nombreux policiers ont pris leur voiture pour aider à
transporter des malades, car on ne pouvait pas compter seulement
sur l’aide du personnel hospitalier. Par ailleurs, il faut
contrôler les entrées et sorties de la ville 24 heures sur 24,
afin d’assurer le passage des véhicules de prévention de
l’épidémie, mais aussi pour empêcher de sortir de la ville. Qui
plus est, dans les hôpitaux, les unités d’isolement et autres
lieux, il faut assurer l’ordre public et la circulation,
empêcher les disputes entre médecins et patients, etc. etc.
[je souligne]
Dōngyà bìngfū
东亚病夫 :
L’homme malade de l’Asie
Le 19 février, trois reporters du Wall Street Journal ont été expulsés de
Chine alors qu’ils couvraient, à leurs risques et périls,
l’épidémie à Wuhan. La raison vient du titre d’un éditorial du 3
février : « La Chine est le véritable homme malade de l’Asie »
(“China is the real sick man of Asia.”).
Le dépeçage de « l’homme malade de
l’Asie »
par les puissances occidentales |
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Le terme était pour le moins mal choisi dans ces
circonstances. L’expression « L’homme malade de
l’Asie » (dōngyà
bìngfū
东亚病夫)
daterait de 1895 et aurait été créée sur le modèle
de l’expression « L’homme malade de l’Europe », en
référence à la description en 1853.de l’empire
ottoman par le Tzar Nicolas 1er, puis à
l’affaiblissement de la dynastie des Habsburg.
« L’homme malade de l’Asie » évoque aussitôt la
période désastreuse de la fin de la dynastie des
Qing, quand l’empereur fut forcé de |
signer une série de traité inégaux. La période est restée
dans l’inconscient populaire comme une humiliation dont la
course à la croissance actuelle est une sorte de revanche.
Résultat d’une enquête très précise sur les débuts de
l’épidémie, l’article de Caixin était intitulé :
« Enquête sur le séquençage du gène du nouveau
coronavirus : quand l’alerte a-t-elle été lancée ? » (《新冠病毒基因测序溯源:警报是何时拉响的?》).
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