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				Brigitte Guilbaud 
				Présentation 
				par Brigitte Duzan, 12 avril 2010, 
				actualisé 19 octobre 2018    
				  
				Brigitte Guilbaud est, 
				entre autres,  la traductrice française de 
				Yan 
				Lianke, pour les éditions Philippe Picquier. 
				Elle est aussi écrivaine, et professeure de chinois. La 
				littérature est son domaine, son corps de métier, son univers. 
				      
				De la Vendée …      
					
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						La littérature, 
						elle est tombée dedans quand elle était toute petite, et 
						elle n’en est jamais ressortie. Je  
						
						l’ai longtemps 
						imaginée 
						enfant, 
						vivant un peu à l’écart du monde, au bout d’un chemin de 
						Vendée…  Dans son livre « La saison d’Aurélia »  
						
						
						
						
						 , 
						elle raconte en effet qu’elle revenait du collège en 
						traversant des bois, et s’arrêtait pour lire en chemin. 
						Les livres sont toujours précieux dans ces cas-là, ils 
						fournissent une ouverture sur le monde tout en le tenant 
						à distance, par la magie des mots. Même quand le froid 
						de l’hiver l’obligeait à poursuivre sa route sans 
						qu’elle pût s’arrêter et sortir un livre, la lecture, 
						dit-elle, « perdurait au-dedans », et elle devint 
						finalement, au cours du temps, une « jeune personne … 
						
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						accoutumée au cheminement 
				souterrain des mots, non de la parole directe. »      
				Du moins c’est ce que 
				je m’étais imaginé avant que je la rencontre, et qu’elle 
				m’explique que tout cela était… littérature, justement : elle 
				est née aux Etats-Unis. La Vendée, elle la porte au cœur, c’est 
				un autre univers, livresque, et d’autant plus cher. Mais tout le 
				reste, les livres au cœur de l’existence et la vie par les 
				livres, ça, c’était vrai.  
				      
				C’était un parcours 
				tout tracé pour aboutir en fac de lettres. Ce qui l’était moins, 
				c’était de se retrouver avec quelques autres aux cours du soir 
				de chinois de l’Inalco. Une envie, une impulsion, le hasard qui 
				se mêle de tout même quand on ne lui demande rien, surtout quand 
				on ne lui demande rien. Il n’y avait pas grand monde à « faire 
				du chinois », en ce temps-là ; dans les années 80, on « faisait 
				du russe », parce que le chinois ne servait à rien, le russe non 
				plus, d’ailleurs, mais la Chine faisait peur.  
				      
				Alors on se retrouvait 
				à quatre en cours de littérature chinoise, en tête à tête avec 
				les plus grands noms français de la sinologie, de la poésie et 
				de la littérature chinoises, Jacques Pimpaneau, François Cheng… 
				 C’était une époque héroïque. Ces époques-là, on en sort ébloui, 
				mais le plus dur reste ensuite à faire. 
				      
				Car il faut bien vivre, et les postes de chinois 
				ne couraient pas les rues, dans l’enseignement national. 
				Heureusement, il y avait les associations ; l’une d’elles 
				donnait des cours, de français aux Chinois et de chinois à leurs 
				enfants. Ce fut un marchepied. Ce fut aussi une pépinière de 
				jeunes sinisants qui se retrouvèrent ensuite professeurs, et 
				traducteurs.
 Brigitte y enseigna sept ans, avant de devenir professeure au 
				lycée Turgot. Et c’est par un ami qu’elle obtint son premier 
				travail de traduction…
 
				      
				… au Henan 
				      
				Philippe Picquier 
				cherchait quelqu’un pour traduire « Les jours, les mois, les 
				années » de Yan Lianke, et le traduire vite : en trois mois. Il 
				avait déjà fait traduire et publié « Servir le peuple », en 
				janvier 2006, et « Le rêve du village des Ding », en janvier 
				2007 : deux des ouvrages iconoclastes et censurés de 
				l’auteur, et deux 
				succès de librairie, largement médiatisés. 
				      
				 « Les jours, les mois, 
				les années », c’était différent, un texte élégiaque, raffiné et 
				poétique, qui dévoilait un autre visage de l’auteur. Le travail 
				revint à Brigitte après un bref entretien. Elle s’en acquitta 
				dans les délais requis, mais ce fut pour elle, en même temps, 
				une découverte : la découverte 
				d’un univers qui 
				semblait comme le prolongement du sien. Et c’est sans doute pour 
				cela qu’elle l’a si bien traduit. 
				      
				De la Vendée au Henan, 
				la distance semble incommensurable. Je pense à ce qu’a écrit 
				Michel Serres : « Je croyais que tous les paysans du monde 
				étaient les mêmes paysans… Prendre le geste de mon père était 
				suffisant, une quelconque attitude familière ancestrale. Je 
				savais en moi tous les paysans de la terre. Je me trompais, je 
				n’avais jamais vu la Chine. » 
				
				 
				 
				      
				Et l’écart est d’autant 
				plus grand que la langue fait barrage, mais c’est la langue, 
				justement, qui permet de le surmonter, difficilement, 
				partiellement, imparfaitement, mais de le surmonter quand même : 
				les mots sont là pour rapprocher deux univers qui s’ignorent. 
				Encore faut-il un passeur : quelqu’un qui se charge de traduire, 
				non pas d’un mot à l’autre, mais d’un univers à l’autre, d’une 
				voix à l’autre.  
				      
				Or, Yan Lianke est 
				particulièrement difficile à traduire, parce qu’il a une langue 
				unique, très personnelle, parfaitement maîtrisée, qui mêle le 
				dialecte du Henan à des passages, souvent les plus poétiques, du 
				mandarin le plus pur. Un auteur à la Giono, comme dit Brigitte, 
				fort à propos : profondément enraciné dans la terre où il puise 
				son essence et la force de son écriture.  
				      
				Et ce dont il s’agit, 
				dit-elle, c’est de rendre la beauté non seulement de l’histoire, 
				mais aussi de cette écriture-là, pour le public qui n’a pas 
				accès au texte original. Cet idéal, elle l’a exprimé, sans le 
				vouloir, dans un passage de « La saison d’Aurélia » : « Il 
				m’arrivait de lire à haute voix en imaginant qu’à un point donné 
				de la lecture, la voix même de l’auteur se ferait entendre, la 
				mienne devenue interprète de la sienne. » 
				      
				Songeant à son père…      
				La traduction de ce 
				livre, « Les jours, les mois, les années », a été pour elle bien 
				plus qu’un travail de recherche et d’écriture : un processus 
				d’identification avec l’auteur, qu’elle n’avait, alors, pas 
				encore rencontré.       
				Le livre raconte en 
				effet l’histoire d’un vieil homme de soixante-douze ans qui 
				lutte pour la vie dans un univers anéanti par la sécheresse ; or 
				son père avait le même âge au moment où elle était plongée   
				 
					
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						Brigitte Guilbaud avec Yan Lianke 
						 
						au Salon du Livre, mars 2010(photo courtoisie BG)
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				dans  
				la traduction, et il 
				était malade, luttant lui aussi pour survivre ; il lui disait : 
				tu vois, je suis comme lui…  
				Il participa à la 
						relecture des premières épreuves avant de mourir ; nul 
						doute que la traduction a, d’une manière ou d’une autre, 
						transmis cette aura de communion intime qui présida à sa 
						réalisation.  
						     
						Brigitte a 
						ensuite proposé de traduire les textes
						
						publiés 
						sous le titre « En songeant à mon père ». Ils prennent 
						dès lors une signification plus profonde, comme un 
						ouvrage écrit à deux voix, 
						l’une répondant 
						à l’autre, dans un commun regard rétrospectif. 
						      
						Elle a depuis 
						lors rencontré 
						Yan Lianke, 
						plusieurs fois, à Pékin et à Paris.
						Elle 
						comprend encore mieux ce qu’il écrit. |  
				      
				… et expliquant Yan Lianke  
				      
				Il n’a jamais été 
				facile d’être écrivain en Chine, et la période actuelle n’est 
				pas une exception. Il est vrai que la censure semble s’être 
				quelque peu relâchée, mais c’est pour brider les éditeurs, 
				obligeant les écrivains à s’autocensurer.  
				      
				Pourtant, dit-elle, 
				Yan 
				Lianke affiche une certaine distanciation vis-à-vis de tout 
				cela, il se sent au-delà de l’autocensure, libre d’écrire ce qui 
				lui fait envie, quitte à le publier à Taiwan. 
				       
				
				
				La mort du soleil 
				
				  
				
				Brigitte Guilbaud a fait bien d’autres traductions, dont de la 
				littérature pour la jeunesse, mais Yan Lianke reste son auteur 
				principal. Elle partageait les traductions de ses œuvres, 
				pour Philippe Picquier,
				avec 
				
				Sylvie Gentil. 
				Elle reste désormais seule pour le 
				faire. Début 2018, elle a accepté de traduire son dernier 
				roman : « La mort du soleil » (《日熄》), 
				qui a été publié à Taiwan en 2015. 
				
				  
				
				Mais elle ne peut plus traduire aussi vite qu’elle le 
				souhaiterait. Depuis 
				la rentrée scolaire 2018, elle n’est plus professeure : elle a 
				accepté le poste d’inspecteur d'académie 
				
				
				 
				pour le chinois dans le secondaire dans l'académie de Paris. Ce 
				sont de nouvelles fonctions très prenantes qui ne lui laissent 
				pas beaucoup de temps libre, surtout qu’elle a un projet qui lui 
				tient à cœur : introduire l’étude de textes littéraires dans les 
				classes de chinois dans le secondaire.  
				
				  
   
				
				
				Publications et traductions 
				
				  
				
				
				(à venir) 
				  
				      
				              
					     
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