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				C’est devenu un cliché 
				de comparer 
				Wang 
				Anyi à 
				
				Zhang Ailing et de faire d’elle le nouveau 
				symbole d’un 
				
				haipai à la mode, comme 
				l’est Shanghai.    
				Elle a toujours 
				contesté ce qu’elle considère comme une fausse image d’elle, et 
				les deux textes ci-dessous ont été écrits justement pour 
				exprimer sa propre opinion sur le sujet. Si le premier est, à 
				mon sens, le plus intéressant, le second est celui le plus 
				souvent cité.   
				王安忆:《我不像张爱玲》 
				Wang Anyi : « Je ne 
				suis pas comme Zhang Ailing » 
				par Brigitte Duzan, 6 septembre 
				2010 
				  
				   
				问我对自己小说形式变化的预测1,不,不,这不能预测。对我来讲变化只是需要,本能的需要,不是理性的2。别人看来,我的小说形式变化很大,我自己则感到太自然不过了,这是一个生长的过程。创作不同于其它工作,是靠想象力吃饭的,所以每次要努力创造不同的东西。不同不是问题,如果一个作家老是用同一形式编同一个故事,那么他的创作生命也就萎缩了3。我写小说的时候从来不考虑小说是什么,写的时候不能考虑这个问题,只能按着自己的需要写下去。 
				  
				1预测yùcè 
				
				prévoir, calculer  2 
				本能的/理性的běnnéngde/lǐxìngde 
				instinctif/naturel 
				3 
				萎缩wěisuō
				
				
				 s’atrophier  
				  
				   
				说我的小说跟张爱玲有点像,不,我觉得不像。现在有一种不可思议的现象1,写得好的就说是学张爱玲。对张爱玲评价2这么高是否恰当3,应该研究一下。张爱玲去了美国之后就不写小说了,但她对文字还是热爱的,于是研究了《红楼梦》,还将《海上花列传》译成了白话文。我则不同,我始终保持对虚构故事的热爱,从没中断小说写作。说我比张强不好,说弱也不好,总之我觉得不像她。我对她有一点是认同的4,即对市俗生活的热爱。 
				  
				1 
				不可思议bùkěsīyì
				
				
				 incroyable, sidérant   2 
				评价píngjià
				
				 estimer 
				3 恰当qiàdàng
				
				
				 approprié 
				4  
				认同rèntóng 
				s’identifier 
				à  
				  
				我成功吗对,我比较成功,比较满足。遗憾不1,我没有什么大遗憾、本质的2遗憾。 
				1 
				遗憾yíhàn 
				
				regretter  2 
				本质的běnzhìde
				 essentiel 
				  
				   
				上海过去是一个比较粗糙的城市,它没有贵族1,有的是资本家,平民,流氓2,其前身也就是农民。现在年轻人热衷于3去酒吧、咖啡馆、茶坊寻访旧上海的痕迹4,其实他们寻找的是旧上海的时尚,而旧上海的灵魂,在于千家万户那种仔细的生活中,任何时尚都是表面的,而且不断循环5,旧翻新是时尚的老戏。 
				  
				1 
				贵族guìzú
				
				 aristocrate  2  
				流氓  
				liúmáng 
				 voyou  3 
				热衷于rèzhōng yú 
				se passionner pour 
				4  
				痕迹hénjì
				 traces, 
				vestiges  5  
				循环xúnhuán 
				varier de manière cyclique 
				  
				   
				上海女人现实,比较独立,可以共患难同享福1,这与生存环境比较困难有关,上海已婚女人都走上社会舞台了。优雅2不在北京人看来上海女人只是先锋,洋化而已,并不优雅,优雅的女人在闺房里3才存在。穿着高跟鞋“笃笃笃”4跑到大街上抛头露面5已是很可怕,很粗俗了2,怎么谈得上优雅呢白领女性并不优雅,她们的微笑,礼节,装束,只是社交上的装备6罢了,白领被公式化了7。这是很残酷的8,女人要独立,就不能优雅。优雅现在已变成广告词了,而我对这个词是很认真的。 
				  
				1 
				共患难,同享福 
				gònghuànnàn, 
				tóngxiǎngfú 
				partager les joies et les peines 
				2  
				优雅yōuyǎ
				
				raffiné – 
				opposé à  粗俗cūsú 
				 vulgaire 
				 3 闺房guīfáng 
				
				chambre des femmes, boudoir 
				4  
				笃笃笃dǔ dǔ dǔ 
				(bruit des 
				talons)  5 
				抛头露面pāotóulùmiàn
				 se faire 
				remarquer 
				6   
				装备 
				zhuāngbèi
				 équiper   7  
				公式化gōngshìhuà
				
				 standardiser  8 
				残酷的 
				cánkùde  
				implacable   
				 [...] 
				  
				Si l’on me demande si 
				mes changements de style sont calculés, je dirai que non, ils ne 
				peuvent pas l’être. En ce qui me concerne, tout changement ne 
				fait que répondre à une nécessité, une nécessité instinctive et 
				non pas raisonnée. Pour un regard extérieur, les changements de 
				forme narrative dans mon œuvre sont très importants, mais, pour 
				moi, c’est tout ce qu’il y a de plus naturel, c’est un processus 
				de maturation. La création n’est pas comme un autre travail, 
				elle s’appuie sur l’imagination, comme la cuisine, c’est 
				pourquoi on s’efforce chaque fois de créer quelque chose de 
				différent. Ce n’est pas un problème ; en revanche, si un 
				écrivain utilise constamment la même forme pour concevoir la 
				même histoire, sa vitalité créatrice finit par s’atrophier. 
				Lorsque j’écris un roman, je ne me pose pas de question sur sa 
				nature, ce n’est pas le moment de réfléchir à ce genre de 
				problème ; je me laisse guider par ce que je ressens comme 
				nécessaire.  
				  
				Je ne pense pas que 
				l’on puisse dire que mes romans sont comme ceux de Zhang Ailing, 
				non. Aujourd’hui, si l’on veut bien écrire, il faut étudier 
				Zhang Ailing, c’est un phénomène assez incroyable. Il faudrait 
				se demander  un peu si cette haute estime en laquelle on la 
				tient est appropriée. Après son départ aux Etats-Unis, elle n’a 
				plus écrit de fiction, elle s’est passionnée pour les études 
				littéraires, elle a fait des recherches sur « Le rêve dans le 
				pavillon rouge », et elle a traduit en mandarin « La biographie 
				des fleurs de Shanghai ». Ce n’est pas mon cas, je continue à 
				avoir la même passion pour les romans et nouvelles, je n’ai 
				jamais cessé d’en écrire. On peut dire que je n’ai pas sa force, 
				ou sa faiblesse, je maintiens que je ne lui ressemble pas. S’il 
				y a quelque chose qui nous rapproche, c’est notre passion pour 
				la vie urbaine. 
				  
				Si j’ai du succès ? 
				Oui, j’ai un certain succès, et j’en suis relativement 
				satisfaite. Je n’ai aucun regret, d’aucune sorte, aucun regret 
				essentiel. 
				  
				Shanghai a toujours été 
				une ville relativement grossière ; elle n’a pas eu 
				d’aristocrates, ce qu’elle a eu, ce sont des capitalistes, des 
				gens ordinaires, des crapules, dont les racines étaient 
				paysannes. Aujourd’hui, ce qui passionne les jeunes, c’est de 
				courir les bars, les cafés ou les maisons de thé à la recherche 
				des vestiges du ‘vieux Shanghai’, mais, en réalité, ce qu’ils 
				cherchent, c’est une mode, la mode du ‘vieux Shanghai ‘ ; or, 
				l’esprit du ‘vieux Shanghai’, on le trouve dans les mille 
				détails de la vie des gens, toute mode reste superficielle, et, 
				en outre, c’est un phénomène cyclique : on fait du neuf en 
				recyclant l’ancien, c’est ainsi que fonctionne la mode. 
				  
				Les Shanghaiennes, en 
				réalité, sont relativement indépendantes, elles peuvent partager 
				les mêmes joies et peines, mais leur vie n’est pas facile, car 
				les femmes mariées, à Shanghai, jouent maintenant un rôle sur la 
				scène sociale. Aux yeux d’un Pékinois, les Shanghaiennes ne sont 
				pas raffinées, elles sont seulement une avant-garde, 
				occidentalisée, mais pas raffinée : les femmes raffinées restent 
				dans leur boudoir. Arpentant les rues en se faisant remarquer 
				par le bruit que font leurs talons hauts, elles sont tellement 
				vulgaires qu’elles font peur ; raffinées ? n’y songez pas, un 
				col blanc ne peut pas être raffiné ; leurs sourires, leurs 
				gestes de courtoisie et leur habillement ne sont que des outils 
				pour gérer les relations sociales, rien de plus, il y a une 
				standardisation des cols blancs. C’est un système implacable : 
				les femmes veulent leur indépendance, elles ne peuvent donc être 
				raffinées. Il faut le reconnaître, le raffinement est 
				aujourd’hui devenu une notion publicitaire. […] 
				  
				摘自[文学视界] 
				Extrait d’un article du 
				site ‘Vision de la littérature’   
 
				  
				王安忆 :
				与张爱玲划清界线 
				
				Wang Anyi : tracer une ligne nette entre Zhang Ailing et moi
				 
				par Brigitte Duzan, 6 septembre 
				2010   
				首先我不认为张爱玲是这个阶段最杰出的作家,我对她的评价没高到这样的程度。把我和她往一起比,可能因为我们都是写上海生活的。 
				  
				   
				我和她有许多不一样,事实上我和她世界观不一样,张爱玲是非常虚无的人,所以她必须抓住生活当中的细节,老房子、亲人、日常生活的触动,她知道只有抓住这些才不会使自己坠入虚无,才不会孤独。在生活和虚无中她找到了一个相对平衡的方式。我不一样,我还是往前走,即使前面是虚无,我也要走过去看一看。 
				  
				我出生的时代,上海已经是无产阶级的天下,张爱玲的上海是小资产阶级情感为主的上海。上海是个舞台,作家写小说需要周围的人物生活在一个舞台上。我认为我的情感范围要比张爱玲大一些,我不能在她的作品中得到满足。我与她的经历、感受没有共通之处。 
				  
				D’abord, je n’irai pas 
				jusqu’à penser que Zhang Ailing est l’auteur le plus remarquable 
				qui soit à l’heure actuelle. La raison pour laquelle on nous 
				compare, c’est sans doute parce que nous écrivons toutes les 
				deux sur la vie à Shanghai. 
				  
				Nous avons cependant 
				peu de choses comparables, nos visions du monde sont même 
				totalement différentes ; Zhang Ailing a une vision très 
				nihiliste, c’est la raison pour laquelle elle a besoin de se 
				raccrocher aux détails de la vie quotidienne, les parents, les 
				vieilles maisons, elle sait que ce n’est qu’ainsi qu’elle peut 
				éviter le néant, et aussi la solitude. Elle a de la sorte trouvé 
				le moyen de parvenir à un certain équilibre entre vie et néant. 
				Ce n’est pas mon cas, moi je vais de l’avant, et, même si je me 
				retrouve face au néant, je reviens jeter un coup d’œil sur le 
				passé. 
				  
				Lorsque je suis née, 
				Shanghai était déjà devenue une ville de prolétaires ; la 
				Shanghai de Zhang Ailing, en revanche, était une ville où l’on 
				ressentait la dominance du capitalisme. Pour écrire, les 
				romanciers ont besoin d’une scène pour y faire vivre leurs 
				personnages, et  Shanghai est une telle scène. Mais je pense que 
				je suis beaucoup moins limitée que Zhang Ailing dans les 
				sentiments que j’exprime, ses récits n’arrivent pas à  me 
				combler. J’ai vraiment l’impression que nos expériences 
				respectives n’ont rien en commun.  
				  摘自《文论报》 
				Tiré du journal ‘Essais 
				sur la littérature’ 
				  
				  
				
 
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