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Dorothy Tse (Siu
Hung) 謝曉虹
/谢晓虹
Présentation
par Brigitte Duzan et Coraline Jortay,
13 février 2018
Dorothy Tse est une écrivaine de Hong Kong dont le
style très personnel est toujours plus ou moins à la
limite du surréel, voire du fantastique, mais ses
récits n’en sont pas moins ancrés dans la réalité.
C’est ce mélange d’onirisme et de réalisme glaçant
qui est la marque principale de son écriture. Ses
textes, peuplés de personnages étranges, parfois
dérangeants, sont inspirés par les changements
culturels, sociaux et politiques radicaux qui
agitent la société hongkongaise contemporaine. |
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Dorothy Tse |
Débuts littéraires
Bien noir |
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Née en 1977 à Hong Kong, Dorothy Tse commence à
écrire en 1997. Petite, elle était particulièrement
friande de contes et légendes des quatre coins du
monde. Elle fera son éducation littéraire à la
lecture des modernistes hongkongais tels que
Liu Yichang/Lau Yee Cheung
劉以鬯
et des expérimentations stylistiques des auteurs
continentaux qui, dans les années 1980, découvrent
Kafka, Garcia Márquez
et Kawabata.
S’inscrivant dans la tradition d’une littérature
hongkongaise dont la langue particulièrement
expérimentale est conçue comme résistance au langage
quotidien, elle publie en 2001 une première
nouvelle, « Une famille en voyage » (《旅行之家》),
qui décroche le prix nouveau talent de la revue
Unitas (《联合文学》).
La même année, une autre de ses nouvelles, « Le
barbier » (《理发》),
obtient le prix des universités.
En 2005, elle obtient le 8ème Hong Kong Biennial
Award for Chinese Literature pour son premier
recueil de nouvelles, intitulé « Si noir » (《好黑》),
qui explore les déchirements identitaires de la
jeunesse hongkongaise et la cruauté sociale dans une
langue aussi poétique que chirurgicale. |
Hong Kong à quatre mains
En 2011, elle suit un cursus d’écriture créative à l’Université
d’Iowa – un an après l’écrivaine Hon Lai-chu (韩丽珠),
avec laquelle elle publie en 2012 un livre écrit à quatre mains
:
《双城辞典》Un
dictionnaire de deux villes,
qui est couronné du Hong Kong Book Prize 2013. Chaque nouvelle
de cet ouvrage en deux volumes a été composée à partir d’un mot
ou d’une expression – une par mois – que les deux auteures se
sont imposé. Les histoires, fondées sur leur observation de la
ville de Hong Kong, sont d’abord parues dans le magazine
littéraire Fleurs des Lettres avant d’être publiées sous
forme de recueil.
Ce « dictionnaire » présente au lecteur différentes villes,
leur(s) Histoire(s), leurs mythes, les souvenirs, les
aspirations et les craintes de leurs habitants. Des villes
magiques et étranges mais horriblement réelles.
La première nouvelle du
recueil s’ouvre sur l’histoire de la Ville 64 qui dévore et
régurgite ses enfants chaque quatre juin
[1].
La deuxième nouvelle du recueil
,
non moins glaçante dans sa description de la Ville 1997,
présente
Hong Kong à diverses étapes de son histoire récente. Différentes
villes-années
abordent en filigranes, la rétrocession de Hong Kong,
l’invisibilisation de la population de souche, la confiscation
de la langue cantonaise au profit du mandarin, la censure des
médias et l’indifférence de la communauté internationale. Plus
encore, l’histoire officielle, revue et corrigée, y confronte la
mémoire préservée à travers l’histoire orale par les habitants.
Les espaces-temps différents qui coexistent au cœur de la ville
évoquent d’autres cartographies imaginaires comme l’Atlas de Dung
Kai-cheung.
Histoires cycliques
Dorothy Tse développe une vision cyclique de l’Histoire dans son
recueil 《月事》Affaires
mensuelles
publié en 2011 chez Chapbook. Suggérant le cycle menstruel, les
treize nouvelles qui le composent peuvent se lire comme des
allégories, des poèmes en prose ou textes surréalistes. Elles se
déroulent dans un monde onirique caractéristique de l’œuvre de
Dorothy Tse. « Les rêves », explique-t-elle dans un entretien
pour TimeOut Shanghai
,
« vous emportent vers le subconscient et sont souvent l’essence
d’une réalité invisible dans la vie quotidienne ». Les rêves,
poursuit-elle, sont centraux dans sa propre pratique de
l’écriture, eux qui l’inspirent et la tirent du lit de bon matin
pour l’amener devant son écritoire.
Une écriture surréelle bien ancrée dans la réalité
Si elles débordent les conventions réalistes, les nouvelles de
Dorothy Tse comportent une dimension de satire sociale. La
nouvelle « Février : poulets », par exemple, a été inspirée par
les abattages massifs de volaille qui ont accompagné l’épidémie
de SRAS en 2003. Une autre nouvelle, publiée en 2013 dans
The Guardian sous le titre de « Woman Fish » conte l’histoire
d’une femme dont la moitié supérieure du corps se change en
poisson. Dorothy Tse l’a écrite inspirée par l’œuvre
photographique de Lu Guang, un photographe qui a documenté les
malformations physiques causées par la pollution en Chine
.
Dans un entretien avec Columbia University Press, Dorothy Tse
explique que ses nouvelles ne divergent pas réellement de la
réalité : « Les êtres humains s’adaptent et se transforment
radicalement. Si l’on peut manger de la viande cultivée en
laboratoire, il est possible pour une femme de se changer en
poisson ».
Une revue engagée
Avec d’autres jeunes écrivains, dont Hon Lai-chu,
Dorothy Tse fonde la revue littéraire
Fleurs des Lettres
(《字花》)
en 2006 à Hong Kong dans le but de redynamiser la
littérature et de la rendre plus accessible aux
jeunes. Résolument non conventionnel, le bimensuel a
été salué pour son approche multidisciplinaire,
mêlant écrivains, dessinateurs et designers,
critiques culturels et autres artistes. Il est aussi
publié à Taiwan depuis novembre 2007. Dorothy Tse a
elle-même signé quelques traductions de l’anglais
pour Fleurs des Lettres, notamment des
nouvelles de l’auteur singapourien Jeremy Tiang.
La revue Fleurs des Lettres a également joué
un rôle dans la Révolution des Parapluies : elle a
publié différents comptes rendus du mouvement
rédigés par des écrivains hongkongais sous le titre
« Paroles de témoins ». Après le mouvement, la revue
a également publié un numéro spécial intitulé
« Encyclopédie de l’occupation » qui documente le
mouvement, notamment par le biais d’une |
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Fleurs des lettres, n°1, avril-mai
2006 |
série
photographies et de poèmes de Liao Wei Tang intitulée
« Paraplutopie : nuit et jour au cœur de la Révolution des
Parapluies ».
Les langues et la littérature comme péril et miracle
Titulaire d’une thèse de doctorat en littérature chinoise
moderne de la Chinese University of Hong Kong depuis 2013,
Dorothy Tse est aujourd’hui
professeure adjointe en écriture créative à l’Université
baptiste de Hong Kong. Convaincue du
rôle que la littérature peut jouer dans les mouvements sociaux,
Dorothy Tse s’est rendue plusieurs fois à Admiralty pendant le
mouvement pour donner des cours de littérature aux manifestants.
Les deux mois d’occupation ont en effet été marqués par une
forte dimension littéraire et artistique : composition et
récitation de poésie, installations artistiques
,
croquis et peintures,...
L’expérience de vie plurilingue qu’est Hong Kong est au cœur de
son écriture. Enfant, Dorothy Tse parlait en famille le dialecte
de Chaozhou, qu’elle a progressivement oublié en grandissant.
Pour elle, « naviguer entre les langues revient à naviguer entre
différents rôles et identités » et elle jongle avec l’anglais
hérité de la colonisation britannique, le cantonais, le chinois
mandarin qui s’impose de plus en plus... Elle décrit la
situation linguistique à Hong Kong comme une langue de
« l’entre-deux », à l’image de la ville flottante de Xi Xi
inspirée de René Magritte. Une langue qui flotte dans le ciel
entre les nuages et la mer : la Chine et le Royaume-Uni. Et de
conclure : « Il
est périlleux de flotter dans le ciel. Et pourtant, c’est ce
danger même qui rend possible le miracle de cette ville et de sa
littérature. »
Principales œuvres publiées
Nouvelles
《好黑》« Si
noir »
Recueil de douze nouvelles courtes : Le cadeau
《礼物》/
Concernant mon suicide
《关于我自杀那件事》/
Une rue dans le vent
《风中街道》/
Une famille en voyage
《旅行之家》/
Le bus 1130
《1130号巴士》/
Coupe de cheveux
《理发》/
Amour entre feuille et lame
《叶子和刀的爱情》/
Corps heureux《幸福身体》/
Jia Jia
《甲甲》/
La ville du chat noir《黑貓城市》/
Head
《头》/
Immeuble
《大夏》
Première édition : Hong Kong: Youth Literary Bookstore, 2003
Réimpression : Taipei : Aquarius, 2005.
《双城辞典》« Un
dictionnaire de deux villes »
Recueil de nouvelles courtes en deux volumes, écrit à quatre
mains avec Hon Lai-chu : Taipei : Linking Books, 2012
《月事》« Affaires
mensuelles »
Recueil de nouvelles courtes : Chapbook, 2011.
Traductions en anglais
1)
Nouvelles
Nouvelles extraites de
《月事》
January : Bridges,
traduit par Nicky Harman.
Première nouvelle d’une série de treize tirées du recueil «
Affaires mensuelles ».
Chicken,
Structo Magazine, septembre 2015
Deux versions différentes de la deuxième nouvelle du recueil,
traduite par Natascha Bruce et Michael Day. Ces deux versions,
lauréates du concours Bai Meigui de traduction littéraire, ont
été publiées dans le numéro de l’automne 2015 de Structo
Magazine.
Les troisième, quatrième et cinquième nouvelles du recueil ont
été publiées dans Snow and Shadow, traduit par Nicky
Harman, Hong Kong: Muse Books, 2014.
Monthly Matters
-- Wasafiri, automne 2017
Les sept dernières nouvelles extraites
tirées du recueil « Affaires mensuelles »
ont été publiées chez Wasafiri à l’automne 2017. La version
bilingue est disponible en libre accès sur le
site
de l’éditeur.
Nouvelles extraites de
《好黑》
Snow and Shadow,
traduit par Nicky Harman, Hong Kong: Muse Books, 2014.
Treize nouvelles, six extraites de
《好黑》et
plusieurs inédites :
Woman Fish / The Love between Leaf and Knife / The Traveling
Family / Head / Blessed Bodies / A Street in the Wind / Black
Cat City / The Apartment Block / Monthly Matters / Bed / The
Mute Door / Bitter Melon / Snow and Shadow.
Head
《头》,
traduit par Yau Wai-ping, Université de l’Iowa, International
Writing Program Archive of Residents' Work, 2011.
Autres nouvelles :
Woman Fish,
traduit par Nicky Harman, The Guardian, mars 2013.
Regurgitated,
traduit par Karen Curtis, Read Paper Republic, juillet 2015.
Q,
traduit par Natascha Bruce, Books Actually's Gold Standard
Anthology, Math Paper Press, 2016.
The Ghost in the Umbrella,
traduit par Natascha Bruce, Bellingham Review, mai 2016.
The Man Who Ate Everything,
traduit par Natascha Bruce, Stand, mai 2017.
Fish tank
creatures,
traduit par Natascha Bruce et Nicky Harman, Anomaly 25,
Speculative Fiction in Translation by Women, août 2017.
2)
Poésie
Noise reduction machine,
traduit par Nicolette Wong, novembre 2014
Traduction en français
Les dévoreurs de mots, tr. Coraline Jortay,
revue Jentayu n°7,
hiver 2017-2018, pp. 89-96.
Les dévoreurs de mots, tr. Coraline
Jortay, revue Jentayu n°7, hiver 2017-2018, pp. 89-96.
Portfolio disponible ici :
http://ngm.nationalgeographic.com/photo-grant/lu-guang-photography
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