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Su Qing
苏青
1914-1982
Présentation
par
Brigitte Duzan, 14 janvier 2019
Su Qing est une écrivaine contemporaine de
Zhang Ailing (张爱玲),
qu’elle a surpassée en popularité à la fin des années
1940, mais, oubliée à sa mort en 1982, elle n’a été
redécouverte que dans les années 2000.
Zhang Ailing
et elle avaient des préoccupations communes et se sont
mutuellement soutenues et promues, Su Qing disant
qu’elle ne lisait, dans la littérature féminine, que des
œuvres de Zhang Ailing, et Zang Ailing proclamant que le
talent de Bing Xin et de Ding Ling était limité, et que
Su Qing était l’écrivaine moderne qu’elle préférait…
.
Mariage malheureux
De son vrai nom Feng Yunzhuang (冯允庄),
Su Qing est née en 1914 (ou 1917) à Ningbo, dans le
Zhejiang. En 1933, elle est admise à l’Université
nationale du Centre (国立中央大学),
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Su Qing |
aujourd’hui Université de Nankin. Mais ses parents n’étaient pas
en faveur d’une telle éducation pour leur fille : elle dut céder
à la pression familiale et cesser ses études, puis épouser
l’homme que ses parents lui avaient choisi. Elle alla vivre avec
lui à Shanghai.
Dans les années 1940, elle divorça après dix ans de mariage
malheureux et commença alors une nouvelle vie, comme écrivaine.
Mais elle avait commencé à écrire dès 1935.
Ecrivaine des années 1940
Sa première publication est un court essai intitulé
« Accouchement » (《产女》),
publié en 1935 dans la revue Lunyu (《论语》杂志),
de Lin Yutang (林语堂)
.
Par la suite, elle a aussi publié dans son autre revue,
Le vent de l’univers (《宇宙风》),
créée en 1935, ainsi que dans d’autres, à la mode, où
publiait aussi Zhang Ailing, mais également
une foule
d’autres écrivaines dont les noms sont aujourd’hui
oubliés.
En 1943, elle crée sa propre revue, Tiandi (《天地》),
qu’elle dirige jusqu’en 1945, ce qui est appréciable
dans le contexte de l’époque, où les revues
disparaissaient souvent au bout de quelques numéros.
Elle y poursuit sa défense des droits des femmes et de
leur émancipation. |
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La revue Tiandi |
Son roman autobiographique « Dix ans de mariage » (《结婚十年》),
initialement paru en 1943 dans la revue Vent et pluie (《风雨谈》),
a un tel succès qu’il en était fin 1948 à sa 18ème
édition. Elle y décrit sa vie de femme mariée, puis divorcée,
ses accouchements, ses relations extraconjugales et ses états
d’âme : il a fait sensation. Elle publie une suite en 1947 (《续结婚十年》),
et récidive même en écrivant « Une beauté égarée » (《歧路佳人》)
– on dit que ce livre « provoqua une pénurie de papier », mais
c’est juste une ancienne expression pour signifier qu’il a été
très populaire. Il a encore été réédité en 2006.
Dix ans de mariage, ancienne éd. |
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Une beauté égarée |
Brisée par la politique
En 1951, elle arrête d’écrire des romans pour se consacrer à
l’opéra : elle est nommée rédactrice de l’atelier d’écriture de
livrets de l’Opéra de Shaoxing. Mais elle a presque failli rater
le concours d’entrée à cause de sa mauvaise note en politique.
Fort heureusement, le dramaturge Xia Yan la recommanda et elle
fut prise à plein temps
.
Elle reprit alors son nom de Feng Yunzhuang pour écrire des
pièces ou adapter des récits à la scène.
Baoyu et Daiyu, publication 1955 |
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Parmi ses pièces les plus célèbres figurent « Qu Yuan »
(《屈原》),
« Baoyu et Daiyu » (《宝玉与黛玉》)
ou encore « La biographie de Li Wa » (《李娃传》),
une pièce adaptée d’une nouvelle de l’auteur des Tang
Bai Xingjian (白行简)
qui est considérée comme l’un des modèles d’histoire
d’amour entre un lettré et une jeune beauté (才子佳人).
La pièce « Qu Yuan » eut une très bonne critique et fut
couronnée de divers prix, mais Su Qing n’eut rien en
raison de son « passé problématique » (历史问题). |
En effet, après la guerre, elle a été accusée de
collaboration avec les Japonais pour avoir publié à
Shanghai pendant l’occupation, puis son implication dans
l’affaire Hu Feng (胡风),
en 1955, finit de ruiner sa carrière. Hu Feng était
membre de la Ligne des écrivains de gauche, mais avait
une conception du réalisme qui l’opposait aux thèses
développées par Mao à Yan’an. En 1954, il publie un
« Rapport sur la pratique et l'état de l'art et de la
littérature des dix dernières années » (关于几年来文艺实践情况的报告)
qui lui vaut d’être arrêté et emprisonné et déclenche
une campagne « Critiquer Hu Feng ». Su Qing a été
elle-même emprisonnée |
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Baoyu et Daiyu, lianhuanhua de
l’opéra yueju 1955 |
pendant deux ans en tant que membre de la « clique Hu Feng et
ses écrits ont été interdits.
Pendant la campagne contre les droitiers, elle est encore
accusée de trahison et emprisonnée pendant plus d’un an. Pendant
la Révolution culturelle, elle est de nouveau attaquée et son
salaire mensuel est réduit de 300 yuan en 1951 à 15 en 1966
.
Elle est morte à Shanghai en 1982, dans la misère, l’anonymat et
en luttant contre la maladie.
En 1945, elle a publié une nouvelle intitulée « Vagues » (Tao《涛》)
dans laquelle elle semble décrire sa vie de manière
prémonitoire :
生命像海,平静的时候一片茫茫,没有目的也无所适从,但忽然间波涛汹涌起来了,澎湃怒号,不可遏止,后面的推着前面的,前面的推着更前面的,大势所趋,不由得你不随波逐流的翻滚过去。一会儿,风停了,汉平了,剩留下来的仍是一片茫茫,疲乏地,懒散地,带着个波涛的回忆。
La vie est comme la mer, une immensité sans fin quand
elle est calme, sans but ni dessein particulier, mais
soudain les vagues se soulèvent en tempête, prises de
fureur, impossibles à juguler, l’une poussant l’autre,
et l’autre la repoussant, de manière irrésistible ; on
n’a plus qu’à se laisser rouler par les lames. Et puis,
l’instant d’après, le vent s’arrête, les flots
s’apaisent, et il ne reste plus à nouveau que
l’immensité sans fin, mais fatiguée, indolente, gardant
en mémoire le souvenir des grandes vagues. |
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Su Qing âgée |
Textes à lire en ligne (chinois)
Textes divers
http://www.saohua.com/shuku/Suqing/sw/bindex.htm
Dix ans de mariage
http://www.saohua.com/shuku/Suqing/jhsn/bindex.htm
Critiques
http://www.saohua.com/shuku/Suqing/dp/bindex.htm
Traductions en français
« Le matin du 11 novembre », « Comment continuer à vivre » et
« Dix ans de mariage », trad. Nathalie Martin, dans Nicolas
Idier (dir.), Shanghai : histoire, promenades, anthologie et
dictionnaire, Éditions Robert Laffont, coll.
« Bouquins », 2010, p. 1088-1105.
Traduction en anglais
Waves (1945), tr. Cathy Silber, in : Writing Women in Modern
China : The Revolutionary Years, 1936-1976, Amy
Dooling/Kristina Dorgeson ed., Columbia University Press 2005,
pp. 178-206
Bibliographie
Women, War, Domesticity: Shanghai
Literature and Popular Culture of the 1940s, Nicole
Huang, Brill 2005. Chap. 5 Ethnographics of Wartime:
Autobiographical Fiction by Su Qing and Pan Ludai, pp. 123-158.
Certaines nouvelles de ces auteures ont été publiées en
2007 par la maison d’édition Littérature du peuple
dans un recueil intitulé Xiaojie ji ou « le
recueil des miss » (《小姐集》).
L’éditeur a joint une préface qui commence en regrettant
que « l’histoire ne soit pas toujours juste » :
"… De la fin des années 1930 à la fin des années
1940, un groupe de jeunes écrivaines ont été très
actives sur la scène littéraire de Shanghai, montrant
que, après le Mouvement du 4 mai et les années 1930, une
nouvelle génération d’écrivaines tentaient de créer une
nouvelle littérature. Malheureusement, leurs tentatives,
réussies ou non, n’ont pas réussi pendant très longtemps
à être reconnues par les historiens de la littérature
chinoise moderne. » Il donne ensuite un exemple de ces
« miss writers » (小姐作家) :
« En janvier 1946, la revue mensuelle Culture de
Shanghai (《上海文化》)
a demandé à ses lecteurs de répondre à la question :
quel auteur admirez-vous le plus ? L’enquête était menée
auprès d’étudiants, mais aussi de jeunes professionnels
et intellectuels. Il y eut 683 réponses, qui, aussi
étrange que cela puisse paraître, ont placé l’écrivaine
Shi Jimei (施济美)
au 4ème rang des préférences, après
Ba Jin, Zheng
Zhenduo et
Mao Dun ! » Shi
Jimei était populaire pour ses histoires de la vie sur
le campus.
Source :
http://www.danwei.org/books/women_writers_in_1940s_shangha.php
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